GUERET, [Gabriel] Avocat au Parlement de Paris, sa patrie, né en 1641, mort dans la même ville en 1688.
Le Parnasse réformé, & la Guerre des Auteurs, qui en est la suite, eurent beaucoup de succès dans leur nouveauté, & seroient encore aujourd’hui des Ouvrages piquans, si la plaisanterie & l’ironie qui y dominent étoient d’un meilleur goût. Ce qu’on y remarque de plus estimable, est la droiture & le zele de leur Auteur. Il étoit indigné des intrigues & des cabales littéraires de son temps, qui n’étoient cependant rien en comparaison de celles qui déshonorent le nôtre. Pour avoir un succès durable, il eût fallu que Gueret eût su mieux modérer ses saillies, & qu’il eût attaqué ce travers de son Siecle avec des armes plus propres à en faire sentir le ridicule & les dangereux effets. Tant que les Auteurs médiocres auront la ressource de suppléer au défaut de mérite par le manége des petites séductions de Société, la Littérature sera médiocre, parce que le vrai talent, qui dédaigne les manœuvres, sera toujours opprimé & méconnu. Les Rossignols déserteront les bosquets du Parnasse, pour y laisser glapir les Roitelets, à moins que le Dieu du Goût ne vienne en personne écorcher les Marsias, & distribuer des oreilles d’âne aux Midas qui les protégent ou les approuvent.
GUÉRIN DU ROCHER, [Pierre] ci-devant Jésuite, né près de Falaise, en 1731.
Malgré le goût du Siecle pour les choses frivoles, on a accueilli, avec autant d’admiration que de reconnoissance, le savant Ouvrage qu’il a publié sous le titre d’Histoire véritable des temps fabuleux, dans lequel il nous apprend que tout ce qu’Hérodote, Manéthon, Eratosthène & Diodore de Sicile racontent de l’Egypte & des Egyptiens, n’est qu’une imitation défigurée & pleine d’erreurs des endroits de l’Ecriture-Sainte, qui concernent cette nation & la contrée qu’elle habitoit. Cette découverte, qui suppose une étude réfléchie & combinée des Langues anciennes & une connoissance approfondie de l’Histoire, n’est pas appuyée sur des rapports vagues & isolés, mais sur toute la suite de l’Histoire des Egyptiens, rapprochée de celle des Hébreux, mais sur une ressemblance si sensible, si soutenue, qu’on ne peut la regarder comme fortuite, sans renoncer à tout ce que l’érudition présente de plus convaincant. D’après cette analogie si caractérisée, le savant Auteur prétend que les Prêtres Egyptiens ayant eu connoissance des Livres Hébreux, & que, s’étant apperçus qu’ils contenoient des détails sur leur patrie, ils s’en servirent pour se fabriquer des Annales & une longue suite de Rois, dont les noms, altérés à la vérité, se trouvent dans l’Historien sacré. Telle a été la manie de presque tous les Peuples : ils ont fait remonter leur origine le plus haut qu’ils ont pu, croyant la rendre plus illustre ; & pour cet effet, il a fallu inventer des Fables & se forger une longue suite de Rois, dont la tige se perd parmi les Dieux ou les demi-Dieux. De là vient que toutes les origines des anciens Peuples sont absurdes.
Au reste, M. l’Abbé Guérin se propose de donner une suite à son Ouvrage. Les trois gros Volumes qu’il a publiés n’en forment que la premiere partie. Il travaille à la seconde, qui renfermera l’Histoire des Assyriens, des Babyloniens, des Lydiens, & les commencemens de celle des Medes & des Perses. Cette seconde partie sera encore suivie d’une troisieme, où l’Auteur se propose de débrouiller le chaosimmense des Mythologies, telles que celles des Egyptiens, des Phéniciens, des Grecs, & de quelques autres Peuples. Il soumettra de même à l’examen de sa critique vraiment profonde & lumineuse, les premiers temps historiques de l’Empire Romain, qu’il regarde avec raison comme altérés par quantité de Fables que les Historiens ont copiées les uns après les autres. On sent combien cette tâche demande de recherches, de travail, & de sagacité. Nous ne doutons pas que M. l’Abbé Guérin ne s’en acquitte, de maniere à s’acquérir de nouveaux droits sur l’admiration & l’estime du Public.