(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 388-389
/ 1798
(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 388-389

Brueys, [David-Augustin] né à Narbonne, où son pere, natif de Montpellier, étoit Directeur de la Monnoie, mort à Montpellier en 1723, âgé de 84 ans, plus connu par ses Pieces de Théatre que par son Histoire du Fanatisme, & par ses Ouvrages de controverse, qui ne sont pourtant pas mal écrits.

Il sut rajeunir & embellir l’ancienne Comédie de l’Avocat Patelin, qu’on jouoit dès le temps de Charles VIII, & dont François Corbueil est le premier Auteur. Il a fait encore le Grondeur & le Muet, Pieces qui n’appartiennent qu’à lui seul, quoi qu’en dise l’Auteur du Siecle de Louis XIV. Palaprat fut son ami & son disciple, & non son coopérateur.

Le caractere du Grondeur est d’une vérité, d’un comique, les nuances en sont développées avec une finesse & un génie qui placent cette Comédie immédiatement après les meilleures que Moliere ait faites ; elle pourroit même prétendre à l’égalité, si le dénouement répondoit au reste.

Cette Piece avoit d’abord été composée en cinq actes : les Comédiens presserent vivement l’Auteur de la réduire à trois ; ce qu’il fit avec beaucoup de peine. Il auroit dû résister à leurs sollicitations & à celles de Palaprat, qui se joignit à eux ; car nous osons assurer que la Piece que nous avons lue en manuscrit, a beaucoup perdu par ces retranchemens, quoique le Public l’ait toujours goûtée, sans s’appercevoir de ce qui y manque. Les Ouvrages des hommes de génie, & l’on peut appeler de ce nom l’Auteur du Grondeur, devroient être sacrés pour ceux qui n’en sont que les organes, & qui n’ont de mérite qu’à proportion qu’ils savent en rendre les beautés dans toute leur valeur. Ce seroit ici le cas de dire, pour arrêter une pareille licence, Ne sutor ultrà crepidam.

Le sujet de la Comédie du Muet est tiré de Térence ; l’intrigue en est bien conduite, le comique saillant & plein de finesse, le dialogue naturel, le style agréable & léger.

Brueys répandoit dans ses Pieces le même caractere qu’il avoit dans la société. Il avoit l’imagination vive, les mœurs simples, & une certaine naïveté qui intéressoit. Après avoir professé & défendu par ses Ecrits le Calvinisme, il embrassa la Religion Catholique, d’après plusieurs conférences qu’il eut avec le grand Bossuet, entra ensuite dans l’état ecclésiastique, écrivit platement contre les Protestans, & fut pensionné jusqu’à sa mort par Louis XIV & par le Clergé.