(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 380-382
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 380-382

GASSENDI, [Pierre] Chanoine de Digne en Provence, Professeur de Mathématiques au Collége Royal, né à Chantiersier, Bourg du Diocese de Digne, en 1592, mort à Paris en 1656 ; un des hommes les plus éclairés de son temps, & celui qui, après Descartes, occupe le premier rang parmi les Philosophes François.

Une pénétration singuliere, & l’ardeur la plus opiniâtre pour l’étude, l’entraînerent de bonne heure à tous les genres du savoir. l’Astronomie, la Physique, les Mathématiques, la Métaphysique, la Morale, l’Histoire, fixerent tour à tour son application, & lui devinrent si familieres, que ses connoissances dans une seule de ses parties, suffiroient pour lui faire un nom. Le seul écueil, dont il ne put se garantir, fut un amour excessif pour les systêmes des Anciens. Chimeres pour chimeres, j’aime mieux, disoit-il, celles qui ont deux mille ans. Ce goût, qui pouvoit être raisonnable à un certain point, devoit néanmoins être suivi avec modération. Gassendi n’en connut aucune à cet égard. Le zele pour l’antique Philosophie, le porta à se déclarer contre celle de Descartes, & il l’attaqua avec assez de succès, pour voir les Raisonneurs de son temps se partager en Cartesiens & en Gassendistes.

Toujours intrépide lorsqu’il s’agissoit de défendre les anciennes opinions, il s’acharna à réhabiliter les atomes d’Epicure, sans cependant nier, comme lui, l’existence d’une premier Cause, indépendante de toutes les autres. Son penchant pour les rêveries de ce Philosophe, donna lieu à ses ennemis de faire naître des doutes sur sa foi. Rien de si ordinaire, dans les disputes littéraires, que d’être attaqué sur toute autre chose que sur ce dont il est question. Mais sa conduite, toujours chrétienne, détruisit bientôt les calomnies répandues contre lui. Il ne faut que lire sa Vie, écrite par le P. Bougerel de l’Oratoire, pour être convaincu de son respect pour la Religion, dont il pratiqua toujours les devoirs avec autant d’exactitude que de piété. D’ailleurs, aucun de ses Ecrits ne tendoit à le mettre aux prises avec les vérités de la Foi. Il a composé, il est vrai, la Vie d’Epicure, mais en Historien qui sait condamner, lorsqu’il le faut, les égaremens de celui dont il raconte les actions. Celle de Copernic, de Peyresc, de Tichobrahé, &c. sont également exemptes de tout reproche. Son exposition de la Philosophie d’Epicure, sa Philosophie particuliere, & tous ses Traités, n’offrent rien qui fasse soupçonner un Philosophe entêté de ses idées au préjudice de ce qu’il doit croire & respecter. Tout ce qu’on peut lui reprocher, se réduit à des assertions philosophiques réprouvées par la raison, & à un style incorrect & diffus, condamné par le bon goût. Il n’avoit pas autant d’imagination & de génie que Descartes ; mais Descartes avoit moins d’érudition, & peut-être moins de raisonnement. Il répondit à un homme qui s’obstinoit à défendre la Métempsycose : Je savois bien que l’ame des Hommes, selon ce systême, devoit passer dans le corps des animaux ; mais vous m’apprenez que l’ame des animaux repasse dans le corps des Hommes : Réponse vraiment convenable à nos lumineux Matérialistes, qui renchérissent encore sur les Pythagoriciens.