(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Corbière, Tristan (1845-1875) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Corbière, Tristan (1845-1875) »

Corbière, Tristan (1845-1875)

[Bibliographie]

Les Amours jaunes (1873), rééd. en 1891.

OPINIONS.

Paul Verlaine

Son vers vit, rit, pleure très peu, se moque bien, et blague encore mieux. Amer d’ailleurs et salé comme son cher océan, nullement berceur ainsi qu’il arrive parfois à ce turbulent ami, mais roulant comme lui des rayons de soleil, de lune et d’étoiles dans la phosphorescence d’une houle et de vagues enragées.

[Les Poètes maudits ().]

Lucien Muhlfeld

Il y a des vers amusants et même de vigoureuses pièces dans le recueil, et ce n’est pas Corbière qu’il faut amoindrir, c’est l’enthousiasme irréfléchi dont on a trop longtemps accablé ce louable, mais un peu lourd et mal gracieux, désarticuleur, plus que libérateur, du vers. Le sentiment, chez Corbière, est outré, la forme est disloquée, sans nécessité, pour le plaisir et pour la difficulté. Il y paraît. C’est un poète pénible.

[Revue blanche (janvier ).]

Victor-Émile Michelet

Corsaire breton qui crocha dans les cordes de la lyre, avec la sauvagerie héritée de la mer et du sol granitique, Tristan Corbière passe sur les vagues des littératures comme à bord de son Redan, isolé et dédaigneux. Inimitable d’individualité, d’on s’élance la clameur sainte de beauté des pèlerins de Sainte-Anne-de-la-Palud, et d’où l’on entend l’ironique grelot tintant si souvent aux poitrines qui ont intimement souffert.

[Portraits du prochain siècle ().]

Remy de Gourmont

Parmi les vers jamais ordinaires des Amours jaunes, il y en a beaucoup de très déplaisants et beaucoup d’admirables, mais admirables avec un air si équivoque, si spécieux, qu’on ne les goûte pas toujours à une première rencontre : ensuite on juge que Tristan Corbière est, comme Laforgue, un peu son disciple, l’un de ces talents inclassables et indéniables qui sont, dans l’histoire des littératures, d’étranges et précieuses exceptions, — singulières même en une galerie de singularités.

[Le Livre des masques, 1re série ().]

A. Van Bever

À Paris, il se lia avec de nombreux artistes, et, en 1873, collabora, sous le pseudonyme de Tristan, à La Vie parisienne. C’est là que parurent ses premiers vers, entre autres La Pastorale de Conlie, Veder Napoli (24 mai), Cris d’aveugle (20 septembre), Le Fils de Lamartine et de Graziella, Vésuves et Cie (27 septembre). Il réunit la même année tous ses poèmes et les fit paraître en une édition de luxe, qu’il orna d’un étrange frontispice à l’eau-forte.

Il avait alors pour logis une chambre uniquement meublée d’un coffre à bois, sur lequel, dit-on, il couchait tout habillé. Sur la cheminée traînaient des louis ; en prenait qui voulait. Terrassé par une affection de poitrine toujours menaçante, il fut transporté à la Maison Dubois. Il ne se fit aucune illusion sur son sort, et alla consciemment mourir à Morlaix, le 1er mars 1870. C’est tout ce qu’on a pu recueillir sur sa vie privée. Quant à sa vie littéraire, si l’on tient compte de l’oubli fait autour de son lit d’agonisant, elle ne se réalisa que plusieurs années après sa mort. Encore faut-il ajouter que son œuvre, très courte, faite de hâtives notations, n’appartint jamais au grand public.

[Poètes d’aujourd’hui ().]