(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 406-407
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 406-407

2. Valois, [Henri De] Historiographe de France, né à Paris en 1603, mort dans la même ville en 1676 ; Savant habile, & un des meilleurs Critiques du Siecle dernier.

Il a traduit, du Grec en Latin, l'Histoire ecclésiastique d'Eusebe, & a joint d'excellentes Remarques à cette Traduction. On a de lui une édition d'Ammien Marcellin, dont le texte avoit été défiguré & corrompu, qu'il a rétabli dans son entier, & enrichi de Notes pleines d'érudition, de discernement & de goût. Cet Ouvrage fut d'autant plus accueilli du Public, que les antiquités, les loix, les usages & les mœurs privées des Romains, n'avoient encore été expliqués que d'une maniere confuse & peu instructive. M. de Valois répandit un jour lumineux sur tous ces objets, en quoi il s'est rendu plus utile qu'une foule d'autres Compilateurs qui ont augmenté le nombre des Livres, sans augmenté celui des connoissances.

Ce qui pourroit diminuer le mérite de cet Auteur, c'est qu'il l'apprécioit trop lui-même. La science, l'érudition, & l'amour du travail, sont des titres à l'estime publique ; mais ces qualités ne sont pas capables de justifier l'orgueil qui le dominoit & qui transpire souvent dans ses Ouvrages. Son frere même ne pouvoit lui pardonner ce travers, comme on peut en juger par ce qu'il dit de lui dans l'Histoire de sa vie.

« Quand il avoit communiqué à quelqu'un la moindre chose concernant les Belles-Lettres ou quelque autre Science, il vouloit non seulement qu'on lui en fût gré, mais même qu'on lui en témoignât une reconnoissance publique dans les Livres qu'on publioit, & qu'on le fît toujours avec de grands éloges…. Quand il voyoit dans les Ecrits des autres quelques-unes de ses pensées qu'il s'imaginoit sottement venir de lui, il se mettoit en colere de ce qu'on ne lui en rendoit point l'hommage, ou de ce qu'on ne chantoit point ses louanges comme il le demandoit….. Il étoit d'ailleurs fort avare d'éloges. Il louoit peu & blâmoit beaucoup ; il aimoit fort à censurer les Ecrits d'autrui, & ne pouvoit souffrir qu'on trouvât la moindre chose à redire aux siens. »

Le portrait est naïf, & ne doit pas paroître suspect, après un témoignage aussi recevable. Il faut donc conclure que la vaine gloire, écueil ordinaire des talens, n'a jamais produit que l'odieux ou le ridicule, & qu'il seroit à souhaiter que les exemples n'en fussent pas trop multipliés, pour l'honneur des Lettres & le véritable intérêt des Auteurs.