DUPLEIX, [Scipion] Historiographe de France, né à Condon en 1569, mort dans la même ville en 1661 ; le premier Auteur qui ait publié en François un Ouvrage de Philosophie scholastique, & le premier Historien qui ait cité en marge les sources où il a puise les faits qu’il rapporte.
Ce n’est pas par ces deux nouveautés qu’il a mérité l’estime du Public, mais par des Mémoires sur les Gaules, remplis d’excellentes recherches, qui ont été d’un grand secours aux Historiens postérieurs.
Son Histoire générale de France depuis Pharamond jusqu’à Louis XIII, est fort inférieure à ses Mémoires. Elle est divisée par chapitres ; les chapitres le sont particles. Cette méthode, quoi qu’en dise M. de Voltaire, n’est point celle qui convient à la marche historique, qui exige une narration non interrompue. Aussi la compilation de Dupleix n’est pas plus regardée, par les Connoisseurs, comme une Histoire, que le Siecle de Louis XIV, celui de Louis XV, l’Essai sur l’Histoire générale, distribués de la même façon.
Le Cardinal de Richelieu voulut lire, avant l’impression, les deux derniers Regnes de l’Histoire générale de France. Ce Ministre y fit les corrections qu’il jugea à propos, c’est-à-dire que la vérité n’y parut qu’autant qu’il voulut, & comme il voulut ; aussi l’Apologiste du Maréchal d’Ornano appeloit-il l’Histoire de ces deux Regnes, l’Histoire des fourberies du Cardinal de Richelieu.
Au reste, le style de Dupleix est assez net, & méthodique ; mais il est toujours pesant, lâche, incorrect, & rebutant par sa sécheresse & sa dureté.
Cet Historien vint à Paris avec la Reine Marguerite, qui le fit depuis Maître des Requêtes de son Hôtel. Par reconnoissance, ou plutôt par flatterie, il la loua dans ses Ecrits tout le temps qu’elle vécut. Après sa mort, il en parla sans déguisement & sans respect. C’étoit user un peu tard de la liberté de l’Histoire ; mais tel est le caractere de la plus grande partie des Gens de Lettres : ils ne montrent la vérité, que quand ils n’ont pas d’intérêt à la cacher.
DUPONT, [Pierre-Samuel] des Sociétés d’Agriculture de Soissons & d’Orléans, né à Paris en 1739 ; Auteur de plusieurs Ouvrages sur l’économie politique, & un des Coopérateurs du Journal des Ephémérides. C’est assez en dire pour annoncer un spéculateur visionnaire, un triste zélateur du bien public, & de plus un Auteur foudroyé par la plume étincelante de M. Linguet. Sans prendre parti contre les systêmes de son Ecole, dont l’expérience a si souvent démontré la chimere, ni partager les querelles que ces systêmes lui ont suscitées, nous nous contenterons de remarquer que M. Dupont avoit traité, dans son Journal, avec indécence, un Ecrivain en droit de dire, comme Horace :
At illeQui me commorit (meliùs non tangere, clamo)Flebit ; & insignis totâ cantabitur urbe.
Ce n’est pas ainsi qu’un Journaliste doit en user à l’égard d’aucun Littérateur. La modération & l’équité sont toujours indispensables dans la critique, quand d’ailleurs▶ le même homme n’en met point dans la louange qu’il plaît de départir. A quoi peuvent aboutir des plaisanteries, quand elles ne tendent pas à éclairer ou à corriger ? Les plaisanteries de Cotin sont toujours froides, & leurs sarcasmes toujours insolens ; mais de semblables champions peuvent bien allumer la verve de Boileau :
Et malheur aux Cotins, quand Boileau se réveille.
DUPRÉ DE SAINT MAUR, [Nicolas-François] Maître des Comptes, de l’Académie Françoise, né à Paris, mort en 1774.
L’estime générale a déjà consacré le mérite de son Essai sur les Monnoies. Il est difficile de pousser plus loin la science numismatique, si propre ◀d’ailleurs à servir de guide & d’appui à l’Histoire. On doit la même estime à un autre Ouvrage intitulé : Recherches sur la valeur des Monnoies. Le travail, l’érudition, le jugement, ont également présidé à cette Production, la meilleure & la plus complette que nous ayons en ce genre.
Le talent d’écrire n’étoit rien moins qu’étranger à cet Erudit. Il est le premier qui nous ait donné une Traduction du Paradis perdu, généralement préférée à celle qu’en a donnée depuis l’Auteur du Poëme de la Religion. Celle de ce dernier est plus fidelle, plus exacte, plus entiere : celle de M. Dupré de S. Maur est mieux écrite, plus élégante, plus châtiée ; le style en est plus nombreux, plus poétique. Le Traducteur n’a pas toujours suivi littéralement son Original, parce que son Original n’est pas toujours propre à se soutenir dans notre Langue ; il a cru devoir adoucir certains traits qui nous eussent paru singuliers, & supprimer des traits ennuyeux ou extravagans, qui refroidissent l’intérêt & choquent les gens de goût. Cette sage précaution, jointe à la noblesse de l’expression toujours soutenue, a procuré à cet Ouvrage plusieurs éditions que le Public ne se lasse pas d’accueillir.
1. DURIVAL, [Nicolas] Lieutenant Général Honoraire de Police de Nancy, de l’Académie de la même ville, né à Commercy en 1713.
Après avoir donné plusieurs Ouvrages utiles sur des matieres de Jurisprudence & d’Administration, il a publié des Mémoires historiques, qui lui assurent le droit de figurer parmi les Littérateurs estimables de ce siecle. L’Introduction, entre autres, à la Description de la Lorraine & du Barrois, qui forme un volume in-8° de plus de cinq cents pages, peut être regardée comme un des meilleurs Ouvrages qui aient paru en ce genre : c’est une véritable Histoire, mais abrégée, de la Lorraine & du Barrois, depuis la plus haute antiquité jusqu’à la mort du dernier Duc, le feu Roi de Pologne, Stanislas I. L’Auteur, à chaque Regne, indique, avec autant de méthode que de précision, les révolutions, les mœurs, les événemens les plus remarquables ; fait connoître les Savans, les Hommes de Lettres, les Artistes qui se sont le plus distingués, & caractérise, en peu de mots, le moral de chaque Souverain, tantôt par des réflexions, & tantôt par des anecdotes aussi piquantes, que bien présentées.