(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 445-448
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 445-448

GRESSET, [Jean-Baptiste-Louis] de l’Académie Françoise & de celle de Berlin, né à Amiens, mort en 1777.

Vert-vert sera toujours un Poëme charmant & inimitable. Sans souiller sa plume par l’impiété & la licence, qui déshonorent celle de l’Auteur de la Pucelle, le Poëte a su y répandre un agrément, une fraîcheur & une vivacité de coloris qui le rendent aussi piquant dans les détails, qu’il est riche & ingénieux dans la fiction. Cet agréable badinage sera toujours distingué parmi les Productions originales, qui font aimer aux Etrangers la gaieté Françoise, sans leur donner une mauvaise idée de nos mœurs.

Les autres Poésies légeres de M.Gresset le mettent également au dessus des Poëtes de nos jours, qui se sont exercés dans le même genre. Si on leur pardonne quelques négligences qui donnent quelquefois de l’agrément au style, & certaines longueurs qui refroidissent, par intervalles, le Lecteur, on conviendra que c’est ce que nous avons de mieux pour le naturel, les graces, & la simplicité.

Le Méchant sera toujours, de l’aveu de nos Connoisseurs, une de nos excellentes Comédies, & un vrai modèle de versification. Le ton de cette Piece est du meilleur goût, le Dialogue plein d’aisance & de vivacité, le style précis, élégant & varié ; les caracteres en sont saisis, dessinés avec finesse & rendus avec vérité.

de Voltairea donc eu tort de plaisanter M. Gresset sur ses scrupules au sujet des offrandes qu’il a faites à Thalie. Il étoit très permis à un Poëte, toujours attentif à respecter les mœurs & la Religion, de se repentir publiquement d’avoir exercé ses talens dans un genre que l’austere vertu est très-éloignée d’approuver. D’ailleurs personne ne devroit être plus réservé sur la plaisanterie, lorsqu’il s’agit de Comédie, que l’Auteur de la Prude, de l’Indiscret, de la Femme qui a raison, du Droit du Seigneur, de Charlot ou la Comtesse de Givry, du Dépositaire, en un mot, de toutes les Comédies réprouvées qui ont paru sous son nom.

Un trait trop honorable aux Lettres pour être passé sous silence, c’est que notre jeune Monarque, touché du sage emploi que M. Gresset a toujours fait de ses talens, lui avoit accordé, peu d’années avant sa mort, des Lettres de Noblesse, dont voici le préambule.« Louis, &c. Les avantages que les Sciences, les Belles-Lettres & les Arts procurent à notre Royaume, nous invitent à ne négliger aucun des moyens qui peuvent contribuer à leur maintien & à leurs progrès. Les titres d’honneur répandus avec discernement sur ceux qui les cultivent, nous paroissent l’encouragement le plus flatteur que nous puissions leur donner. Parmi ceux de nos sujets qui se sont livrés à l’étude des Belles-Lettres, notre cher & bien amé Jean-Baptiste-Louis Gresset s’y est distingué par des Ouvrages qui lui ont acquis une célébrité d’autant mieux méritée, que la Religion & la décence, toujours respectés dans ses Ecrits, n’y ont jamais reçu la moindre atteinte. Sa réputation a depuis longtemps engagé l’Académie Françoise à le recevoir au nombre de ses Membres, & nous l’avons vu, avec satisfaction, nous offrir, en qualité de Directeur, les hommages de cette Académie, la premiere fois que nous avons bien voulu l’admettre à nous les présenter, à l’occasion de notre avénement à la Couronne. Nous savons d’ailleurs qu’il est issu d’une famille honnête de notre ville d’Amiens ; que son aïeul & son pere y ont rempli différentes charge municipales, & qu’ils y ont toujours, ainsi que le sieur Gresset lui-même, vécu de cette maniere honorable, qui, en rapprochant de la Noblesse, est en quelque sorte un degré pour y monter, & c. »