Vauvenargues, [N.ABCD Marquis de] Capitaine au Régiment du Roi, mort à Paris en 1747, agé de 28 ans.
Son Introduction à la connoissance de l'Esprit humain est bien éloignée d'annoncer, comme l'a dit M. de Voltaire, dans l'Eloge funebre des Officiers morts dans la guerre de 1741, un prodige de vraie philosophie & de vraie éloquence, la profondeur & la force du génie, &c. On peut y reconnoître tout au plus un esprit disposé à la réflexion, capable de se former par l'étude, mais qui avoit besoin de plus de maturité pour rectifier ses idées & fortifier son style. En effet, il faudroit être bien aveugle, pour ne pas s'apercevoir que la répétition des jugemens portés cent fois sur nos plus grands Poëtes, les critiques▶ minutieuses qu'il se permet sur les Ouvrages de Corneille & de Rousseau, l'appareil qu'il s'efforce de donner à des vérités connues de tout le monde, l'air d'importance qu'il attache aux plus petits objets, les détails mesquins auxquels il s'abandonne dans sa Préface, sont des preuves très-certaines que son mérite n'étoit rien moins que formé & supérieur, & que son Panégy riste [comme nous l'avons remarqué ailleurs* à ce même sujet] est aussi partial & aussi peu modéré dans ses éloges, qu'il est injuste & outré dans ses ◀critiques.
Pourquoi M. de Vaugelas a-t-il retranché dans la seconde édition de son Livre, cette pensée qui est une des meilleures & des plus vraies de son Recueil ?
« Newton, Pascal, Bossuet, Racine, Fénélon, c'est-à-dire les hommes de la terre les plus éclairés, dans le plus philosophe de tous les Siecles, & dans la force de leur âge, ont cru Jésus-Christ. Et le grand Condé, en mourant, répétoit ces nobles paroles : Oui, nous verrons Dieu comme il est. Sicuti est, facie ad faciem. »
Si elles eussent été toutes de cette espece, on se fût bien gardé de dire que cet Auteur étoit un prodige de vraie philosophie & de vraie éloquence.