1. Turpin, [F. H.ABCD] ancien Professeur de l’Université de Caen, né en 17..
Aucun de nos Biographes n’a porté plus loin le talent de traiter ce genre d’Histoire & de répandre de l’intérêt sur les plus petits détails. La vie du grand Condé, & celle du Maréchal de Choiseul, publiées pour faire suite aux Vies des Hommes illustres de France, sont écrites de maniere à faire regretter qu’il n’ait pas continué de suivre cette carriere, dans laquelle il est véritablement supérieur. Nous connoissons peu d’Ecrivains parmi nous, plus en état de manier un sujet historique, sur-tout pour la partie Biographique. Les deux Ouvrages dont nous venons de parler, ont une marche libre, noble, qui prouve que l’Auteur a su se rendre maître des événemens, & les disposer de la façon la plus propre à faire effet. Tout y est écrit d’un ton qui répond à la noblesse de l’ordonnance ; le style en est grave, vigoureux, plein de chaleur, de correction & de clarté. Les réflexions n’y sont point parasites ; elles naissent du sujet, & n’occupent le Lecteur qu’autant qu’il faut pour l’éclairer & répandre de la variété dans la narration. En un mot, les actions des plus Grands Hommes acquierent, sous sa plume, un nouveau degré d’intérêt & d’admiration.
L’Histoire du Gouvernement des anciennes Républiques, & la Vie de Mahomet, annoncent les mêmes talens ; mais il s’en faut bien que ces Ouvrages soient comparables aux deux précédens. Ils paroissent avoir été écrits trop à la hâte ; les faits n’y sont pas assez bien présentés, les observations y sont confuses & mal digérées. On y remarque cependant, en plusieurs endroits, la touche du Peintre du grand Condé.
Le défaut de M. Turpin est de soigner trop peu ses
Ecrits. On diroit qu’il travaille moins pour la gloire, que pour
satisfaire l’avidité des Libraires, ou de ceux qui ont recours à sa
plume. Il en convient lui-même dans une de ses Préfaces, où il s’exprime
ainsi. « Forcé par la fortune à être avare de mon temps, je suis
souvent réduit à le consacrer à ces hommes qui, nés avec plus de
fortune que de talent, aspirent à la gloire littéraire, quoique la
Nature leur ait refusé les moyens d’en acquérir. Le soin d’établir
leur réputation m’a mis
dans
l’iimpuissance d’étendre la mienne ; & quand j’ai voulu
jouir de mon propre fonds, je me suis apperçu que mes profusions
m’avoient réduit à l’indigence. Alors, honteux de ma nudité, je me
suis condamné moi-même à l’obscurité, & je trouve ma consolation
dans ce vers de Philoctete.
J’ai fait des Souverains & n’ai pas daigné l’être.
Quand on a d’aussi grands talens que cet Ecrivain, il est permis & même nécessaire d’ambitionner des succès durables. Le moyen d’y parvenir, est de tendre à la perfection, de ne s’attacher qu’au genre pour lequel on a des dispositions plus marquées ; & nous ne craignons pas d’assurer, que M. Turpin est d’autant plus coupable envers les Lettres, qu’il est plus en état de leur faire honneur par les ressources qu’annonce son esprit.