Croisset, Francis de (1877-1937)
[Bibliographie]
Les Nuits de quinze ans, avec une préface d’Octave Mirbeau (1898). — L’Homme à l’oreille coupée, pièce (1900).
OPINIONS.
Octave Mirbeau
Si vos Nuits ne sont pas encore un chef-d’œuvre, elles en donnent l’espérance, et c’est déjà beaucoup et c’est aussi très rare. Elles ont ceci de précieux pour moi, qu’elles sont bien réellement le cri, et, malgré l’artifice ici et là, le jaillissement spontané de votre jeunesse, l’expression naïve quelquefois à force d’être insolemment jeune, de vos rêves — et de nos rêves — d’adolescent. elles ont le trouble fiévreux, la violence de possession, le charme impur, et c’est ce qu’il faut, des pubertés qui s’éveillent et qui dans une seule et multiple étreinte voudraient conquérir tout l’amour… en elles, et c’est par là que je les aime, je me revois parmi les images de ma jeunesse, paysages, figures, rêves, de très vieilles choses, déjà un peu effacées aujourd’hui…, impuretés, désespoirs, négations et blasphèmes, tout cela si candide !…
Fernand Séverin
Je regrette cependant, pour ma part, que ce livre (Les Nuits de quinze ans) où la volupté charnelle parle seule, soit dépourvu de tristesse, de mélancolie, ou, du moins, de gravité (car les pièces de la fin, où l’auteur a mis quelque chose qui ressemble à des remords, n’ont guère l’accent de la sincérité). Le ton est d’ordinaire dégagé, léger et même un peu fat, ce qui choque, en de telles matières. Qu’on se rappelle, par contre, l’allure tragique que Baudelaire a su donner à ses femmes damnées ; à elle seule, elle fait presque oublier le côté scabreux du sujet. Rien de pareil, ici, et cette sensualité effrénée et égoïste, que ne refrène aucun sérieux retour sur soi-même, a quelque chose d’exceptionnel et d’inquiétant. Les meilleurs poèmes de M. de Croisset sont de beaux monstres ; il y a de l’horreur dans le frisson d’art qu’ils nous arrachent.
André Rivoire
Voilà un poète, un très jeune poète, parfois négligé, — mais, chez lui, c’est un charme, car son cœur est ardent, spontané, curieux de toutes choses et plus particulièrement de l’amour et du plaisir. Toute volupté le trouble et l’attire, brutale ou subtile, furtive ou continue, et il a su exprimer avec une grâce pénétrante des réalités ou des rêves, — qu’importe ! Dans l’âme du poète, tout est vrai, ce qu’il sent et ce qu’il imagine.