I.
Autrefois, disait Duclos dans son livre des Considérations, les gens de lettres livrés à l’étude et séparés du monde, en travaillant pour leurs contemporains, ne songeaient qu’à la postérité : leurs mœurs, pleines de candeur et de rudesse, n’avaient guère de rapport avec celles de la société ; et les gens du monde, moins instruits qu’aujourd’hui, admiraient les ouvrages, ou plutôt le nom des auteurs, et ne se croyaient pas trop capables de vivre avec eux.
Et dans le même ouvrage, à un autre endroit, parlant des gens à
la mode et montrant l’inconvénient de cette prétention pour les diverses
conditions du magistrat, du militaire, il ajoutait : « L’homme de
lettres, qui, par des ouvrages travaillés, aurait pu instruire son
siècle et faire passer son nom à la postérité, néglige ses talents et
les perd, faute de les cultiver : il aurait été compté parmi les hommes
illustres, il reste un homme d’esprit de société. »
Ces deux
passages rapprochés renferment toute la destinée de Duclos comme homme
d’esprit et comme écrivain. L’un des premiers, il fut de ces hommes de
lettres, intrépides et hardis causeurs, qui passaient leur vie dans la
société, y marquaient d’abord leur place, l’y maintenaient de pied ferme
tant qu’ils étaient présents, mais s’y dissipaient et ne devaient
point laisser d’ouvrage égal à leur renommée ni
peut-être à leur valeur. Duclos s’est dépensé en causant. Il ne s’est jamais
recueilli ; il est de ceux qui n’ont jamais travaillé passé midi et demi :
on s’habillait, on mettait manchettes et jabot, on sortait pour dîner en
ville, et on ne rentrait plus que très tard le soir ou dans la nuit. Ses
écrits ont du sens, de la fermeté, de la finesse, mais il gardait toute sa
chaleur et son intérêt pour la conversation ; il y était lui tout entier, il
y avait son style, et bien des mots nous en sont restés. Arrêtons-nous un
instant et repassons, après tant d’autres critiques, sur cette figure
originale de causeur mordant, peu lu aujourd’hui à titre d’auteur, et qui a
été justement considérable dans le xviiie
siècle.
Duclos nous a laissé des commencements de Mémoires de sa vie, qui sont pleins d’intérêt. Né à Dinan en Bretagne, le 12 février 1704, d’une honnête famille de commerçants, le dernier venu des enfants, il fut l’objet des soins de sa mère veuve, personne de mérite, de raison, qui ne mourut qu’à plus de cent ans, et quelques années seulement avant son fils. Il tint de cette mère estimable et de vieille roche plusieurs des qualités qu’il mit en œuvre :
Elle réunissait, dit-il, des qualités qui vont rarement ensemble ; avec un caractère singulièrement vif, une imagination brillante et gaie, elle avait un jugement prompt, juste et ferme : voilà déjà une femme assez rare, mais ce qui est peut-être sans exemple, elle a eu, à cent ans passés, la tête qu’elle avait à quarante.
En voyant ce que deviennent chez les hommes célèbres les qualités qui existaient déjà chez leurs parents, et qui y sont demeurées obscurément utiles, il me semble qu’ils en sont souvent les dissipateurs et les prodigues encore plus que les économes publics et les dispensateurs généreux. La mère de Duclos, voyant ses dispositions précoces, prit sur elle de l’envoyer tout enfant à Paris pour y faire ses études, ce que bien des gens de qualité ne faisaient pas pour leurs fils et ce que nul bourgeois du pays n’osait alors se permettre. L’enfant arriva donc, à neuf ans, rue de la Harpe par le coche. Il fut mis d’abord rue de Charonne, dans une institution fondée par MM. de Dangeau, où l’on élevait, aux frais des fondateurs, une vingtaine de jeunes gentilshommes chevaliers de Saint-Lazare, et où l’on admettait, pour l’émulation, d’autres enfants payants. Duclos commença là en petit ce qu’il fera plus tard dans la société : il fut respecté et peut-être un peu craint de ces jeunes seigneurs ; il se tint à sa place, mais se la fit. Après cinq années d’école, il fut mis au collège d’Harcourt, où il entra en seconde ; il s’y distingua, y eut tous les prix, et contracta des amitiés de choix. Vers la fin de ses classes, il se gâta fort pour la conduite et devint libertin. Ce qui peut frapper dans le récit, d’ailleurs intéressant, que Duclos nous fait de ses jeunes années, c’est le ton brusque et sans charme ; l’espèce de gaieté qui s’y montre est une gaieté sèche et sans fleur ; il ne s’étend un peu et ne marque un sentiment de complaisance que lorsqu’il y parle des hommes qu’il a connus, et qu’il se met à développer les caractères.
Ces pages de Mémoires n’ont été écrites par Duclos que dans les dernières années de sa vie ; il ne s’y refuse pas les réflexions sur le temps soit passé, soit présent. Enfant, il était au collège d’Harcourt quand le système de Law vint bouleverser les têtes et bientôt les fortunes ; et, à ce propos, Duclos fait la théorie des crises ou révolutions fréquentes auxquelles est assujetti notre pays. Il montre, dans ces grandes perturbations financières, la souffrance frappant surtout et d’abord les artisans des villes, et il en suit les conséquences dans les diverses classes de la société telle qu’elle était constituée alors :
La souffrance gagne toutes les classes de citoyens par une espèce d’ondulation, jusqu’à ce que l’État ait repris un peu de consistance. Les choses reprennent ensuite le même train, et préparent une nouvelle révolution qui arrive en France, où tout s’oublie, tous les quarante ans. Nous touchons actuellement à une de ces crises d’État.
Duclos écrivait cela de 1767 à 1772, et entrevoyait très nettement une révolution ou crise imminente.
Après avoir jeté en passant quelques idées sensées et pratiques sur la réforme à faire dans les études, il arrive à ses années de jeunesse proprement dite : elles furent plus ardentes que romanesques et délicates. Plongé en plein dans le monde licencieux de Paris, il se livrait à toutes les liaisons et à toutes les rencontres ; considérant, après coup, les dangers qu’il y avait courus, il remercie la Providence de l’avoir conduit encore si bien, et de l’avoir soutenu à travers les précipices et quelquefois les bourbiers. En parlant ainsi, Duclos songeait surtout à la probité et à l’honneur qu’il aurait pu perdre dans les mauvaises compagnies qu’il fréquenta ; il oubliait ou ne comptait pour rien la pudeur, qu’il n’eut jamais.
Parmi les mauvaises connaissances que l’amour du plaisir lui fit contracter et dont ce sentiment d’honneur le retira à temps, il nous présente très gaiement un M. de Saint-Maurice, chevalier d’industrie, qui vivait de sa fourbe et faisait croire à de riches adeptes qu’il était en rapport avec les Génies. Un jour, après avoir bien amorcé Duclos par l’amour du plaisir, Saint-Maurice juge qu’il est temps de s’ouvrir à lui et lui offre de devenir son compère. Duclos répond par un éclat de rire, et se refuse d’abord à croire à la duperie de tant de gens plus ou moins considérables qu’on a nommés :
Il me répondit, continue▶ Duclos, que j’étais jeune et ne connaissais encore ni les hommes ni Paris ; que dans cette ville où la lumière de la philosophie paraît se répandre de toutes parts, il n’y a point de genre de folie qui ne conserve son foyer, qui éclate plus ou moins loin, suivant la mode et les circonstances. L’astrologie judiciaire, la pierre philosophale, la médecine universelle, la cabale, etc., ont toujours leurs partisans secrets, sans parler des folies épidémiques, telles que l’agiot dont je venais d’être témoin, temps où chacun s’imaginait pouvoir devenir riche, sans que personne devînt pauvre.
Duclos, dans ses récits, dans ses livres de morale, a de ces observations de bon sens bien touchées, bien frappées, et qui prouvent que le moraliste en lui connaissait son sujet, et le médecin son malade.
La mère de Duclos, sans le savoir avec précision, sent bien qu’il se dissipe à Paris et qu’il n’y suit pas son cours de droit en jeune homme studieux ; elle le rappelle à Dinan et le presse sur le choix d’un état. Duclos, qui ne songe qu’au plaisir, qui a fréquenté les salles d’armes, et qui est plein de vigueur corporelle, ne demanderait pas mieux que d’entrer au service et de devenir militaire ; il pourrait avoir une lieutenance dans le régiment de Piémont. Sa mère s’y oppose ; elle veut que chacun reste sinon dans son état, du moins dans son ordre. Aux gentilshommes les armes ; aux autres la plume, la robe et l’étude. Duclos retourne donc à Paris, toujours en qualité d’étudiant en droit, et se met en pension chez un avocat au Conseil ; mais surtout il hante les cafés et voit les gens de lettres.
Deux cafés se partageaient alors l’honneur de réunir l’élite du monde littéraire : le café Procope, en face de la Comédie, et le café Gradot, au quai de l’École. À ce dernier, allaient Saurin, La Motte, Maupertuis ; mais Duclos fréquentait plutôt le café Procope, dont les habitués étaient Boindin, l’abbé Terrasson, Fréret, Piron. Boindin surtout, original qui faisait l’athée, y tenait le dé : Duclos crut s’illustrer en lui rompant en visière et en brisant des lances avec lui. Un jour que Boindin, très raisonnable dans le tête-à-tête, mais paradoxal en public, en était venu, dans je ne sais quelle discussion, à soutenir comme vraisemblable la pluralité des dieux, Duclos tout d’un coup se mit à rire, et comme Boindin, lancé en pleine éloquence, lui en demandait la raison, Duclos pour toute réponse lui dit que c’était qu’en soutenant cette pluralité des dieux, il lui avait rappelé l’avare qui est plus prodigue qu’un autre quand une fois il se met en frais : « Il n’est chère que de vilain ». Et chacun de rire. Voilà l’image de la saillie et du trait chez Duclos : un mot familier, commun s’il se peut, appliqué avec nerf et imprévu, un ressort brusque qui vous part au visage.
Il eut de tout temps de ces mots et des plus heureux, comme lorsque plus tard
un candidat à l’Académie lui donnant à entendre qu’il était malade, infirme,
et qu’il n’occuperait le fauteuil que peu de temps, Duclos repartit :
« L’Académie n’est pas faite pour donner
l’extrême-onction. »
Mais d’autres fois il manquait son effet et
n’arrivait qu’à la crudité, lorsqu’il disait, par exemple, des drames
larmoyants, alors à la mode : « Je n’aime pas ces pièces qui font
tant pleurer : ça tord la peau. »
On n’a ici
que la rudesse de la secousse et le choc sans l’aiguillon.
Parlant de ces cafés de sa jeunesse, Duclos, au moment où il écrit, nous dit
qu’il y a plus de trente-cinq ans qu’il n’y est entré. Il faut l’en croire ;
pourtant il en garda toujours le ton ; il y avait contracté son pli,
l’habitude de crier, de ferrailler comme dans une autre salle d’escrime ;
d’imposer son opinion d’une « voix de gourdin »
, comme dit
Grimm. Au café Procope, Duclos l’emporta bientôt sur Boindin : « Je
partageais avec lui, dit-il, l’attention de l’auditoire, qui
m’affectionnait de préférence, parce que Boindin avait la contradiction
dure, et que je l’avais gaie. »
Mais dans le monde, et à
la longue, la contradiction de Duclos parut dure
à son tour et sèche, bien qu’elle réussît. Parlant, je crois, de quelque
souper chez le président Hénault, qui faisait les honneurs de chez lui en
mangeant beaucoup, le prince de Ligne nous dit : « Marmontel l’a
secondé à merveille ; Duclos pas mal, avec sa sécheresse et son sel
ordinaire ; sel de mer à la vérité, sel amer, mais qui vaut mieux que le
sel attique dont on parle toujours et où je ne trouve jamais le mot pour
rire. »
Les portraits des gens de lettres qui terminent le fragment trop court des Mémoires de Duclos, et où l’on voit passer Fréret, Terrasson, Du Marsais, La Motte, forment un des meilleurs et des plus agréables chapitres de notre histoire littéraire. Chaque trait y est net, exact, mesuré, pris sur nature : ce sont des dessins excellents de justesse et de ressemblance. On regrette que Duclos n’ait pas ◀continué▶ et poussé plus loin ce récit. Dans les mémoires indirects qu’il a donnés sous forme de romans, il n’est que sec et ne féconde rien : il n’a pas d’imagination, il n’avait que des souvenirs.
Mais déjà Duclos était lancé dans le monde proprement dit et dans le grand monde :
Il se procura un accès, nous dit Sénac de Meilhan, auprès du maréchal de Brancas, commandant en Bretagne. Le comte de Forcalquier était son fils ; il était homme d’esprit, et sa maison était le rendez-vous de tout ce qu’il y avait de distingué dans la littérature et des personnes les plus aimables. Duclos ne tarda pas à faire sensation dans cette société…
Le comte de Forcalquier nous est connu par un portrait qu’a fait de lui Mme Du Deffand ; elle l’y montre comme trop dominé par le désir de briller :
Sa conversation n’est que traits, épigrammes et bons mots. Loin de chercher à la rendre facile et à la portée de tout le monde, il en fait une sorte d’escrime où il prend trop d’avantage ; on le quitte mécontent de soi et de lui, et ceux dont il a blessé la vanité s’en vengent en lui donnant la réputation de méchanceté, et en lui refusant les qualités solides du cœur et de l’esprit…
M. de Forcalquier n’était fat qu’à moitié, il lui manquait un
grain de présomption : « Il ne consulte son goût et ses lumières sur
rien ; il adopte les lumières et les sentiments de ceux qu’il croit le
plus à la mode et les plus confirmés dans le bel air. »
Duclos
fut sans doute un de ceux qui le dominèrent pour un temps et qui lui
imposèrent dans les choses de l’esprit ; on en sait bien peu sur ce salon de
l’hôtel de Brancas. Au resteh,
à cette date, Duclos ne songeait qu’à vivre, à se livrer à l’ardeur et à la
fougue de ses sens, à cette vivacité courante de son esprit qui se dépensait
chaque jour, qui faisait feu à bout portant ; et l’idée de composer des
livres ne lui vint qu’ensuite et par degrés : encore ne s’y appliqua-t-il
jamais dans le silence du cabinet, avec cette passion concentrée et
dominante qui est le signe et la condition de toute œuvre littéraire
mémorable.
M. de Forcalquier a tracé de Duclos en 1742, c’est-à-dire quand celui-ci
était déjà un homme de lettres en pied et un académicien des Inscriptions,
un portrait qui conserve encore et laisse voir quelques airs de jeunesse :
« L’esprit étendu, l’imagination bouillante, le caractère doux et simple (ceci est pour le moins douteux), les
mœurs d’un philosophe, les manières d’un étourdi. Ses principes, ses
idées, ses mouvements, ses expressions sont brusques et
fermes. »
Il y a plus d’un endroit bien vu et bien rendu, et
qu’une étude générale de Duclos ne fait que confirmer ; par exemple :
« Il n’a que de l’amour-propre et point d’orgueil. Il cherche
l’estime et non les récompenses. »
Duclos, en effet, n’a point
ce désir de gloire qui, en admettant dans le cœur un peu de vent peut-être
et une légère fumée, le remue, l’exalte et élève quelquefois tout l’homme
au-dessus de lui-même.
M. de Forcalquier remarque
très bien chez Duclos ce qui le distinguera de plus d’un bel esprit et d’un
philosophe du temps, c’est qu’en tenant à être compté pour ce qu’il vaut, et
en mordant par habitude à droite et à gauche sans trop épargner personne,
« il pardonne au roi de ne pas le faire ministre, aux seigneurs
d’être plus grands que lui, aux gens de son état d’être plus riches. Il
regarde la liberté dont il jouit comme le premier des biens »
.
Chamfort, pour le caustique de l’esprit, aura beaucoup de Duclos en
causant ; mais Duclos, pour l’envie, n’a rien de Chamfort dans le cœur. Le
défaut de Duclos, dans ce monde élégant qui en souffrait quelquefois, est
très finement noté par M. de Forcalquier :
Ce qui lui manque de politesse, dit-il, fait voir combien elle est nécessaire avec les plus grandes qualités : car son expression est si rapide et quelquefois si dépourvue de grâce qu’il perd, avec les gens médiocres qui l’écoutent, ce qu’il gagne avec les gens d’esprit qui l’entendent.
À ce portrait où perce discrètement la critique et qu’il jugeait trop flatteur, Duclos en a opposé un de lui par lui-même qui est d’un sentiment bien véridique, au moins en tout ce qui touche à l’esprit, et où il y a des aveux :
Je me crois de l’esprit, et j’en ai la réputation ; il me semble que mes ouvrages le prouvent. Ceux qui méconnaissent personnellement prétendent que je suis supérieur à mes ouvrages. L’opinion qu’on a de moi à cet égard vient de ce que, dans la conversation, j’ai un tour et un style à moi, qui n’ayant rien de peiné, d’affecté ni de recherché, est à la fois singulier et naturel. Il faut que cela soit, car je ne le sais que sur ce qu’on m’en a dit ; je ne m’en suis jamais aperçu moi-même.
Sur son manque de travail et d’effort intérieur, Duclos en dit plus qu’on n’eût pu en exiger de lui, et peu s’en faut qu’il ne se brusque lui aussi à sa manière ; il se dit des vérités comme il en disait aux autres. Les esprits qui ont une fois cette habitude de crudité franche trouvent moins d’inconvénient à se rudoyer ainsi, que de plaisir à s’exercer et à donner sur n’importe quel sujet et dans quel sens :
Je ne suis pas grossier, disait-il, mais trop peu poli pour le monde que je vois. Je n’ai jamais travaillé sur moi-même, et je ne crois pas que j’y eusse réussi. J’ai été très libertin par force de tempérament, et je n’ai commencé à m’occuper sérieusement des lettres que rassasié de libertinage, à peu près comme ces femmes qui donnent à Dieu ce que le diable ne veut plus. Il est pourtant vrai qu’ayant fort bien étudié dans ma première jeunesse, j’avais un assez bon fonds de littérature que j’entretenais toujours par goût, sans imaginer que je dusse un jour en faire ma profession.
Deux grands hommes du siècle, Montesquieu et Buffon, ce dernier
surtout, furent aussi très libertins dans leur jeunesse et depuis ; mais
l’un et l’autre avaient ce que Duclos ne soupçonnait pas, un idéal : il y
avait une partie élevée d’eux-mêmes qui dominait les orages des sens et qui
ne s’y laissa jamais submerger. C’est dans la sérénité de cet Olympe
intellectuel que Montesquieu, que Buffon, se recueillant durant de longues
heures, contemplaient le but suprême, y dirigeaient leurs plans majestueux,
et édifiaient avec lenteur leur monument. Ils avaient chacun leur muse
sévère. Duclos, qui n’avait que de bons traits, de bonnes anecdotes, de
fermes et fines remarques de grammaire, de littérature ou de société, s’y
tenait sans viser plus haut. Il s’abandonnait chaque jour au même mouvement,
pour lui facile, au même entrain sans cesse répété ; il ne se renouvelait
pas, il ne grandissait pas : « Il n’est pas rare, disait-il, qu’on
prenne dès la première entrevue l’opinion qu’on a de mon
esprit. »
Et en effet, c’est que, dans sa verve
improvisatrice mondaine, il donnait d’abord sa mesure ;
il jetait à tous venants ce qu’il avait de mieux, ce qu’il avait de plus
original et de plus vif. Il mettait tout en viager. À la longue les défauts
prirent le dessus ; cet homme qui dîna en ville jusqu’à la fin, et qui
pérorait du matin au soir, avait enroué sa voix et donné comme un effort à
son esprit ; il lui fallait à tout prix du montant naturel ou factice :
Duclos aimait le vin, dit Sénac de Meilhan, et rarement sortait de table sans être échauffé : alors sa conversation n’en était que plus brillante, mais aussi il se permettait les propos les plus imprudents contre les ministres et les gens en place. Je l’entendis un jour dire après dîner, en parlant du lieutenant de police : « Je tirerai ce drôle-là de la fange pour le pendre dans l’histoire. » — C’étaient là des vanteries d’après dîner, comme lorsqu’il disait encore de je ne sais quel plat personnage : « On lui crache au visage, on le lui essuie avec le pied, et il remercie. » Et tant d’autres mots piquants, excessifs et applaudis, par où s’en allait sa verve57.
Venons à son mérite et à ses ouvrages, et remarquons d’abord que Duclos, grâce à ses relations du grand monde, fut reçu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1739, avant d’avoir rien produit de sérieux et seulement sur ses promesses. Duclos, érudit et historien, nous occupera la prochaine fois ; tenons-nous aujourd’hui au romancier et au moraliste. Ses débuts en qualité de romancier se firent dans une coterie dont étaient M. de Maurepas, le comte de Caylus, Pont-de-Veyle, Voisenon. On l’accusa même de n’avoir été que le prête-nom des ouvrages qui se seraient faits en collaboration dans ce petit cercle de gens de qualité et de plaisir. Voisenon, dans sa note sur Duclos (Anecdotes littéraires), a suffisamment démenti par son silence cette assertion qui, d’ailleurs, soutient peu l’examen. Que Duclos ait profité des mœurs qu’il observait de près, des histoires qui se racontaient autour de lui, qu’il ait été en ce sens le secrétaire du monde et du cercle particulier où il vivait, cela est possible et même certain ; mais on n’en peut rien conclure contre sa paternité réelle : il eût été à souhaiter seulement que, secrétaire aussi léger et aussi délicat que l’avait été Hamilton en son temps, il eût rencontré comme lui, pour lui fournir matière, des chevaliers de Grammont.
L’Histoire de la baronne de Luz, qui parut en 1740, et Les Confessions du comte de…, publiées l’année suivante,
eurent beaucoup de succès ; ces ouvrages ont perdu tout agrément
aujourd’hui. L’Histoire de Mme de Luz,
petit roman du temps de Henri IV, sous prétexte de peindre une femme noble
et touchante, victime de machinations ou de malheurs, n’offre que des
situations odieuses et dont l’image offense sans que rien de pathétique
attendrisse ou console. Les romans de Duclos sont pleins de ces
indélicatesses de sensibilité. Quant aux Confessions du comte
de…, ce sont les mémoires d’un roué, d’un jeune colonel du
commencement du xviiie
siècle, et qui
présente une première ébauche de ces autres héros fictifs ou réels, les
Valmont et les Lauzun : on y parcourt une liste de bonnes fortunes, à
travers lesquelles l’auteur a la prétention de peindre une collection de
caractères de femmes, la femme de qualité, l’Anglaise, l’Espagnole, la
coquette, la dévote,
la caillette, la marchande,
la financière ; mais les esquisses sont si rapides et si peu gracieuses, les
teintes si monotones, qu’on fait bientôt comme le héros qui les confond et
qui les oublie. Duclos a prononcé sur lui-même un mot qui explique le manque
absolu de charme par où pèchent ses romans : « Je les aimais toutes,
dit-il en parlant des femmes, et je n’en méprisais aucune. »
Lorsqu’on pense ainsi des femmes, eût-on le génie poétique d’un Byron dans
Don Juan, il est difficile qu’on nous intéresse
particulièrement à aucune : qu’est-ce donc lorsqu’on est, comme Duclos, la
prose même ? Dans le portrait de la dernière conquête qu’il prête à son
héros, il a essayé d’atteindre à une sorte d’idéal en peignant Mme de Selve, qui est selon lui l’honnête femme ; mais là
encore il a su joindre à quelques intentions meilleures bien de
l’indélicatesse. En voulant parler de passion ou de sentiment, il est
évident qu’il parle une langue qui n’est pas la sienne. Après avoir lu Les Confessions du comte de…, et les autres romans de
Duclos qui sont bien les contemporains de ceux de Crébillon fils et du Temple de Gnide de Montesquieu, on comprend mieux le
mérite de Jean-Jacques Rousseau et l’originalité relative de La Nouvelle Héloïse. Celle-ci a bien des défauts sans doute ; elle
a aussi ses grossièretés, ses restes de détails matériels, ses affectations
de sentiment ; on y voit l’échafaudage ; mais l’élévation y est, mais on
entre décidément dans un ordre supérieur et habituel de pensées attachantes
et de nobles désirsi :
laissez-en la première partie, ne prenez que la seconde : un souffle
d’immortalité y a passé.
Rien de tel chez Duclos. On ne s’explique aujourd’hui le succès, même fugitif, de ses romans qu’en se souvenant qu’il y avait fait entrer beaucoup de portraits réels et qu’on les y cherchait, au risque peut-être de mettre au bas de chacun plus d’un nom à la fois. Aujourd’hui encore, il nous semble saisir au passage, dans le portrait de Mme de Tonins et de sa société de beaux esprits, un tableau composé du monde de Mme de Tencin et de Mme de Lambert, ou plutôt de leurs imitatrices. Duclos, dans ses écrits, a beaucoup de ces petits tableaux plus exacts encore que satiriques, qui peignent un travers de la société de son temps et quelques-unes de ces sottises qui furent contagieuses un jour. C’est ainsi que, dans un chapitre de ses Considérations, il a très bien décrit ce travers du persiflage et de la méchanceté qui fut quelque temps une mode, une fureur, une espèce de grippe qui régnait sur tout Paris, et qui, du cercle brillant des Forcalquier, des Stainville et des duchesse de Chaulnes, gagnait les sociétés même subalternes : il n’était cercle bourgeois se piquant de bon ton, qui n’eût son petit héros de scélératesse, son Cléon : c’est, en effet, le moment où Gresset eut l’idée de faire sa comédie du Méchant (1747). À défaut des grands mouvements de l’âme humaine, Duclos excelle à relever et à constater ces manies passagères de l’esprit de société, comme un bon médecin praticien qui note une variété épidémique, une maladie de saison.
Le petit conte d’Acajou et Zirphile, imprimé à Minutie (1744), n’était qu’une gageure spirituellement soutenue. Boucher avait fait une dizaine de dessins assez fantastiques pour le comte de Tessin, ministre de Suède en France. Ce fut dans le cabinet de ce dernier que le comte de Caylus, Voisenon et Duclos virent ces estampes ; et chacun d’eux s’évertua à broder dessus une histoire qui s’y rapportât, comme on fait une pièce de vers sur des bouts-rimés. Duclos eut les honneurs de la gageure : M. de Caylus qui avait fait un Acajou, Voisenon qui en avait fait deux, les lui remirent : il en tira trois ou quatre plaisanteries et publia sa bagatelle. Ce qu’il y a de mieux et de plus piquant est l’Épître au public qui sert de préface, épître impertinente où le public parisien est traité à peu près comme le vieillard Démos dans la comédie athénienne :
Un auteur instruit de ses devoirs doit vous rendre compte de son travail ; je vais donc y satisfaire. Excité par l’exemple, encouragé par les succès dont je suis depuis longtemps témoin et jaloux, mon dessein a été de faire une sottise. Je n’étais embarrassé que sur le choix… (Et après l’exposé de son idée d’imaginer une histoire sur les estampes :) Je ne sais, mon cher public, si vous approuvez mon dessein ; cependant il m’a paru assez ridicule pour mériter votre suffrage ; car, à vous parler en ami, vous ne réunissez tous les âges que pour en avoir tous les travers : vous êtes enfant pour courir après la bagatelle ; jeune, les passions vous gouvernent ; dans un âge plus mûr, vous vous croyez plus sage parce que votre folie devient triste ; et vous n’êtes vieux que pour radoter…
Duclos n’avait pas tout à fait l’ironie de Platon : la sienne est rude et presque brutale. Desfontaines et Fréron répondirent assez sensément au nom du public. Quant au conte même, je ne sais si l’on en pouvait faire un bon sur un pareil thème : quoi qu’il en soit, il y manque ce je ne sais quoi qui fait le charme du genre, soit la bonhomie d’un Perrault, soit la légèreté d’un Hamilton, soit, à plus forte raison, la poésie d’un Arioste. C’est bizarre, métaphysique, contourné ; nulle part on n’y sent le souffle des fées, le regard et le jeu de la déesse.
Il faut, pour être juste envers Duclos, en venir à son livre des Considérations sur les mœurs de ce siècle (1751). C’est un bon
livre, qui ressemble à sa conversation refroidie ; les noms propres et les
exemples qui pourraient égayer ou illustrer la matière font défaut : on a du
moins un recueil d’observations fines, de maximes vraies et de définitions
exactes. Il n’y faut voir que cela, sans s’inquiéter du plan ni de l’ordre
qui demeure arbitraire et assez obscur. Le premier mot, qui est emphatique,
promet plus qu’il ne tient : « J’ai vécu, je
voudrais être
utile à ceux qui ont à
vivre. »
L’auteur, après quelques généralités assez vagues,
s’attache, dans son examen des mœurs, à celles de notre nation, et
particulièrement à celles de la société de Paris : « C’est dans Paris
qu’il faut considérer le Français parce qu’il y est plus Français
qu’ailleurs. »
Il va parler de ce qu’il sait le mieux et de ce
qui lui donnera le moins de peine. Il connaît bien sa nation : « Le
grand défaut du Français est d’être toujours jeune, et presque jamais
homme ; par là il est souvent aimable et rarement sûr : il n’a presque
point d’âge mûr… Il y a peu d’hommes parmi nous qui puissent s’appuyer
de l’expérience. »
Avec ces défauts qu’il signale, il est loin
de déprécier la nation ; il lui voudrait insinuer le patriotisme ; il se
demande, avec le sentiment qu’ils ont de leur propre valeur, ce qui manque
aux Français de son temps pour être patriotes. Le Français, selon lui, a un
mérite distinctif : « Il est le seul peuple dont les mœurs peuvent se
dépraver sans que le cœur se corrompe et que le courage
s’altère. »
Il voudrait voir l’éducation publique se réformer et
s’appliquer mieux désormais aux usages et aux emplois multipliés de la
société moderne ; il prévoit à temps ce qui serait à faire, et, connaissant
le train du monde, il craint toutefois qu’on ne le fasse pas à temps :
« Je ne sais, dit-il, si j’ai trop bonne opinion de mon siècle,
mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison
universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se
dissiper, et dont on pourrait assurer et hâter les progrès par une
éducation bien entendue. »
Duclos veut une réforme en effet, et
non point une révolution. Ici, il se sépare de Jean-Jacques et de ceux qui
viendront après : il se sépare aussi de ses confrères les encyclopédistes,
et s’il a l’air de leur donner la main quand il cause, il leur tourne
presque le dos quand il écrit. Cet homme vif et décidé, qui se retient si
peu
dans un salon et qui a l’air de vouloir tout
abattre en dînant, se replie plutôt du côté de Fontenelle quand il s’agit
d’attaquer de front un préjugé :
On déclame beaucoup depuis un temps contre les préjugés, dit-il ; peut-être en a-t-on trop détruit : le préjugé est la loi du commun des hommes. La discussion en cette matière exige des principes sûrs et des lumières rares. La plupart étant incapables d’un tel examen doivent consulter le sentiment intérieur : les plus éclairés pourraient encore en morale le préférer souvent à leurs lumières, et prendre leur goût ou leur répugnance pour la règle la plus sûre de leur conduite. On se trompe rarement par cette méthode.
Tout ceci était à l’adresse de ceux dont il devait plutôt, dans
l’habitude de la vie, paraître le complice et l’allié ; et, grâce à ces
passages significatifs, il a pu dédier la seconde édition de son livre à
Louis XV. — « Le roi sait que c’est un honnête homme »
,
disait de Duclos Mme de Pompadour. — « Oh ! pour
Duclos, il a son parler franc »
, disait à son tour Louis XV.
Faut-il voir dans ces réserves de Duclos une précaution et une tactique ? Faut-il y reconnaître une pleine et entière sincérité ? Duclos était, comme on l’a dit, droit et adroit ; l’adresse que recouvrait sa brusquerie est incontestable. Si nous avions le temps de le suivre dans l’entresol du docteur Quesnay chez Mme de Pompadour, et de l’y entendre parlant des Bourbons et de leur race, et les louant de verve et comme par mégarde, nous trouverions en lui le type, en quelque sorte, du bourru flatteur. Mais il me semble que tout se concilie chez Duclos, et que les inconséquences elles-mêmes s’expliquent moyennant l’humeur et la race. Il était Breton ; il devait à cette origine bien caractérisée des points fixes de résistance dont il ne se départait pas. Il avait, comme certains hommes de notre connaissance, de ces aspérités qui simulent quelquefois, mais qui maintiennent aussi le caractère. La société, quoiqu’il y eût passé sa vie, ne l’avait pas usé. L’ami de La Chalotais allait chaque année reprendre pied sur sa terre celtique, et il ne s’en tenait que plus ferme ensuite dans les salons. En causant et dans l’échauffement du discours, il se laissait emporter à ses saillies insolentes et à des outrages non seulement aux personnes, mais à tous les principes ; de sang-froid, et en écrivant, son bon sens lui revenait et lui dictait des restrictions qu’il avait le courage de maintenir plume en main et de professer. Si j’osais faire cette comparaison, je dirais qu’il y avait dans Duclos, tant pour les inconséquences honorables que pour la verdeur et le coup de dent, quelque chose de Gui Patin : un Gui Patin moins honnête, éclairé et corrompu par la vie de la société, tenant bon toutefois sur certains points et ne se laissant pas entamer.
Plusieurs chapitres des Considérations, tels que celui
« Sur le ridicule, la singularité et l’affectation », ne sont que des
articles développés de définition et de synonymie morale, dignes d’être
loués par Beauzée. Les chapitres sur « les gens de fortune » et sur « Les
gens de lettres » sont de vraies descriptions de mœurs et excellents de tout
point. En parlant des gens de lettres, il est à la fois orgueilleux et
modeste ; il a le sentiment de la puissance croissante de son ordre :
« Cependant de tous les empires, celui des gens d’esprit, dit-il,
sans être visible, est le plus étendu. Le puissant commande, les gens
d’esprit gouvernent, parce qu’à la longue ils forment l’opinion
publique, qui tôt ou tard subjugue ou renverse toute espèce de
despotisme. »
Cette vérité est devenue, depuis, un lieu commun
et commençait à l’être déjà. Mais en même temps il sait les inconvénients du
bel esprit, et de cette disposition contagieuse qui se croit propre à tout
et qui ne l’est qu’à une seule chose. Il n’hésite pas à en définir
les limites :
On ne voit guère d’hommes passionnés pour le bel esprit, dit-il, s’acquitter bien d’une profession différente… Il n’y a point de profession qui n’exige un homme tout entier… Un homme d’imagination regarderait comme une injustice d’être récusé sur quelque matière que ce pût être. Les hommes de ce caractère se croient capables de tout… Les plus grandes affaires, celles du gouvernement, ne demandent que de bons esprits : le bel esprit y nuirait, et les grands esprits y sont rarement nécessaires. Ils ont des inconvénients pour la conduite, et ne sont propres qu’aux révolutions ; ils sont nés pour édifier ou pour détruire.
Toutes ces remarques faites au milieu du siècle, dans la pleine vogue des gens de lettres et avant toute expérience, témoignent de bien du sens. Les bons chapitres de Duclos n’ont que l’inconvénient d’être d’une observation morale trop suivie, trop ◀continue, sans rien qui y jette du jour et de la lumière ; ils sont semés de jolis mots qui gagneraient à être détachés, et qui sont faits pour circuler comme des proverbes de gens d’esprit :
L’orgueil est le premier des tyrans ou des consolateurs.
L’esprit est le premier des moyens : il sert à tout et ne supplée presque à rien.
Il avait déjà dit ailleurs :
Tout est compatible avec l’esprit, et rien ne le donne.
L’esprit n’est jamais faux que parce qu’il n’est pas assez étendu, au moins sur le sujet dont il s’agit.
Malgré ces éloges mérités, le livre de Duclos manque
d’agrément, et eut peu de succès à son heure ; l’effet général en est terne,
et il y règne un air d’ennui. Il y a, à côté du neuf, des remarques
communes, et le tout est trop entassé : aucune invention n’y jette la
variété comme cela s’était vu dans les Lettres persanes.
Si on le compare à Montesquieu et à La Bruyère, Duclos n’est
qu’un second estimable, comme Nicole et Charron pouvaient
l’être en leur temps. Vivant, il était de ces seconds qui paient de mine,
d’autorité, et aussi d’argent comptant, et qui marchent en considération
presque avec les premiers. Ses pensées morales ne sont guère que de la bonne
monnaie courante bien frappée ; mais, quand il parlait, il la faisait si
bien sonner qu’elle doublait de valeur. J’ai cherché, parmi les portraits
dessinés qu’on a de lui, celui qui nous rend le mieux l’idée de sa
personne : c’est un portrait dessiné par Cochin et gravé par Delvaux. Duclos
a cinquante-neuf ans : le profil est net, tranché, spirituel, le front beau,
l’œil vif, ouvert et assez riant ; la ligne du nez et du menton est
prononcée et bien formée sans rien d’excessif ; la lèvre entrouverte et
parlante vient de lancer le trait, elle n’a rien de trop mince ; et
l’ensemble de la physionomie non plus n’a rien de dur. Le cou fort et solide
soutient une tête un peu roide, et l’attitude s’annonce comme résolue. En
tout, c’est Duclos vu dans un beau jour, dans la netteté de son bon sens et
avant dîner ; c’est bien l’homme qui avait le droit de dire de lui-même, en
faisant assez bon marché de ses ouvrages : « Mon talent à moi, c’est
l’esprit. »