Challe
Mais dites-moi, Monsieur Challe, pourquoi êtes-vous peintre ? Il y a tant d’autres états dans la société où la médiocrité même est utile. Il faut que ce soit un sort qu’on ait jeté sur vous quand vous étiez au berceau. Il y a trente ans et plus que vous faites le métier, et vous ne vous doutez pas de ce que c’est, et vous mourrez sans vous en douter.
Voici un singulier original. Il a fait le voyage de Rome. Il y a vu une quantité de vieux et beaux tableaux qu’on estimait, et il s’est dit, Voilà donc comme il faut faire, pour être estimé aussi, et il a fait des tableaux qui ne sont pas beaux à la vérité, mais qui sont vieux.
Son Hercule sur le bûcher et son Milon de Crotone sont peints d’hier, mais jaunes, noirs, enfumés ; on les prendrait pour des morceaux du siècle passé.
Sa Venus endormie est une masse de chair affaissée, et qui commence à se gâter.
Son Esther aux pieds d’Assuérus est un tableau plus froid, plus mal peint et plus insipide que celui de Restout qui l’est pourtant assez. La pauvre Esther se meurt, et le monarque la touche aussi de son sceptre. C’est l’histoire. Le moyen de s’en écarter ?
Ce Challe a rapporté d’Italie dans son portefeuille quelques centaines de vues dessinées d’après nature, où il y a de la grandeur et de la vérité. Monsieur Challe, continuez de nous donner vos vues, mais ne peignez plus.