(1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440
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(1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

II. (Suite et fin.)

Lorsqu’on lit les lettres de Mme des Ursins, en les entremêlant de celles de Mme de Maintenon qui y correspondent, le caractère de ces deux femmes s’y dessine avec un contraste qu’elles sont elles-mêmes les premières à sentir et à nous indiquer. Mme de Maintenon affecte de paraître moins qu’elle n’est, et aime à laisser deviner plus qu’elle ne montre ; elle s’esquive, se dérobe en partie, se fait petite et modeste, allant jusqu’à dire qu’elle ignore comment il faut traiter avec les grands. Mme des Ursins se met en avant volontiers et s’engage de toute sa personne. On sent à tout moment qu’elle excède son cadre de surintendante de l’intérieur royal, et elle ne craint pas de paraître en sortir, de laisser voir quelque chose de l’autorité politique dont elle tient les ressorts. Elle veut être et paraître à la fois. Leur idéal d’avenir à toutes deux est différent et marque bien leur opposition de nature, bien que l’ambition peut-être ne soit pas moindre chez l’une que chez l’autre :

La plus humble des deux n’est pas celle qu’on pense.

Mme de Maintenon, rassasiée et fatiguée, n’aspire qu’à s’aller enfermer à Saint-Cyr, comme dans un asile impénétrable, ne se communiquant plus qu’à de jeunes filles timides et soumises ; restant une grande partie du jour enveloppée de voiles et ensevelie sous ses rideaux. Le plus grand acte de reine qu’elle tient à faire, c’est de paraître avoir abdiqué. Mme des Ursins, toujours en train et en goût de représentation actuelle et de puissance, rêvera, pour sa retraite dernière, une position de souveraine dans un petit État indépendant où elle puisse, à ses heures de loisir, gouverner une bonne fois en son propre nom et se déployer en plein soleil : car ce fut là son pot-au-lait final et son vrai château en Espagne. De ces deux ambitions, l’une fait la modeste et est en réalité plus sage ; l’autre paraît plus sincère : après tout, ce ne sont que deux manières différentes de jouer à la reine quand on ne l’est pas.

Le caractère et la vocation politique de Mme des Ursins se montre bien en ce qu’elle est curieuse et avide de connaître les personnages distingués du monde, les gens capables, et de les apprécier en eux-mêmes pour en tirer ensuite quelque usage par rapport aux, choses de l’État. Mme de Maintenon au contraire, une fois son cercle fait, n’en sort pas ; elle s’y enferme et s’y resserre le plus qu’elle peut, et ne craint rien tant que de faire de nouvelles connaissances : chez elle, c’est à la fois tactique, méthode industrieuse pour échapper aux ennuyeux, aux importuns, et pour ne voir que ceux qu’elle préfère ; et c’est preuve aussi d’une nature exclusive, qui ne prend plus aux choses et qui a sa fatigue intérieure. Mme de Maintenon, dans sa manière de vivre, pratique dès ici-bas le dogme du petit nombre des élus. Mme des Ursins le lui reproche ; elle a des peines infinies à obtenir d’elle de donner accès une fois ou deux aux personnages éminents qui passent à la cour de France et qu’elle lui recommande. Le duc et la duchesse d’Albe, l’électeur de Bavière, le prince de Vaudémont, il faut pour que Mme de Maintenon consente à les voir, à les recevoir (et encore elle n’y consent pas toujours), il faut des efforts, des prières, presque des menaces de la part de Mme des Ursins. Ainsi, à propos du prince de Vaudémont, ancien gouverneur de Milan et homme de mérite, qui a fort réussi à Versailles :

Serait-ce un grand malheur, écrit Mme des Ursins, quand vous voudriez par vous-même le connaître à fond, en l’entretenant sur toutes sortes de matières différentes, et lui demandant comment il pense sur les sujets ? Il n’y a rien que j’aime tant que de faire raisonner les personnes qui font une figure distinguée dans le monde, et qui ont eu occasion, par de longues expériences, de remarquer les fautes de la plupart des hommes, aussi bien que leurs bonnes qualités ; on peut tirer une grande utilité de ces connaissances. Je ne sais que trop votre inclination à la retraite, et plût à Dieu que vous voulussiez vous séquestrer un peu moins du commerce des hommes !

Puis, quand Mme de Maintenon écrit qu’elle n’a vu le prince de Vaudémont qu’une fois et qu’elle en a été charmée comme les autres, Mme des Ursins réplique en insistant :

Pourquoi ne le voyez-vous pas souvent ? Est-ce que vous voulez vous priver d’avoir commerce avec une personne d’esprit et de mérite, et qui peut vous entretenir sur toutes sortes de matières ? C’est pousser le scrupule ou l’indifférence des choses de la terre un peu trop loin.

Ce qui arrive là au sujet du prince de Vaudémont se renouvelle sans cesse. Mme de Maintenon est inaccessible ; elle garde dans sa grandeur des habitudes de vie étroite et particulière : c’est comme un reste de prude dans une personne de si parfait agrément. Mme des Ursins, entière et franche dans son rôle, accueille tout ce qui se présente sur ce théâtre du grand monde et de la Cour, et y fait son discernement : pour pénétrer jusqu’à Mme de Maintenon, il faut être déjà du sanctuaire.

Rien dans Mme des Ursins ne sent la coterie ni la secte, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’ait pas ses préventions et ses inimitiés ; mais, en général, elle se détermine comme les politiques par des raisons d’utilité et en vue des affaires. Sur ce que Mme de Maintenon lui avait mandé que les Jésuites et les jansénistes s’étaient tour à tour entremis pour contrarier le choix qu’on voulait faire de deux ambassadeurs à Rome :

De quoi se mêlent, s’écrie-t-elle, ceux qu’on appelle jansénistes, et le parti contraire, d’empêcher qu’on envoie à Rome des personnes qui soient ou ne soient pas dans leurs opinions ? Parle-t-on encore de tout cela où vous êtes, madame ? Ils devraient, ce me semble, laisser leurs disputes jusqu’à ce que la paix générale fût faite, et ensuite recommencer leurs guerres civiles, s’arracher leurs bonnets de la tête, s’ils en avaient envie ; mais présentement nous avons des choses plus sérieuses ; et, pour moi, j’ai si fort regardé ces deux partis avec indifférence, que je n’ai pas voulu presque en entendre parler, et je cherche toujours mes confesseurs exempts de haine ou d’amitié pour eux. J’en ai trouvé un ici qui est un saint religieux…

Je crois que Mme des Ursins s’inquiétait un peu moins de ses confesseurs que Mme de Maintenon ne faisait des siens. Mais, dans ces querelles où celle-ci était si attentive et si initiée, comme on sent chez l’autre une personne qui prend naturellement le dessus, et qui mène le tout, haut la main ! C’est ainsi encore qu’elle dira, à propos des cabales de cour et de direction de conscience qui trouvaient moyen de s’immiscer autour du duc de Bourgogne jusque dans les camps et au milieu des plus grands périls :

Qu’est-il question, madame, quand il s’agit d’un roi qu’on veut détrôner, d’un autre dont on veut abattre la puissance, enfin des plus grandes choses du monde, d’y mêler M. de Cambrai, les Jésuites, les libertins et les jansénistes ? Il vaudrait mieux ne songer qu’à la guerre, à vaincre les ennemis, et penser qu’en le faisant, on suit la volonté de Dieu.

En tout, l’esprit de Mme des Ursins est un esprit naturellement élevé au-dessus des petites choses, et qui ne prend jamais les affaires par leurs petits côtés ni par les minuties.

La portion la plus agréable de cette correspondance est celle qui précède et qui suit la victoire d’Almanza. Cette victoire, gagnée presque malgré lui par le maréchal de Berwick le 25 avril 1707, restaura pour longtemps les affaires de Philippe V, qui reconquit sa capitale et une bonne partie de son royaume68. Les lettres de Mme des Ursins, même dans la fuite et les disgrâces, ne respiraient que courage et espérance ; mais, à partir de ce moment, elles prennent une teinte marquée d’enjouement et de raillerie brillante, qui nous la montre dans tout son beau.

Le récit de la joie causée à Marly par la nouvelle de la victoire d’Almanza est à lui seul un vivant tableau. On commençait en France à être trop désaccoutumé des victoires. On avait eu l’année précédente, en Flandre, la déplorable et désastreuse journée de Ramillies ; on semblait ne plus compter que sur des revers. Tout à coup, du côté où l’on s’y attendait le moins, la nouvelle d’une victoire arrive. Mme de Maintenon raconte à Mme des Ursins le premier effet qu’elle produit (8 mai 1707) :

Vous connaissez Marly et mon logement ; le roi était seul dans ma petite chambre, et je me mettais à table dans mon cabinet par lequel on passe ; un officier des gardes cria à la porte où était le roi : « Voilà M. de Chamillart ! » Le roi répondit : « Quoi ! lui-même ! » parce que naturellement il ne devait pas venir. Je jetai ma serviette, tout émue, et M. de Chamillart me dit : « Cela est bon ! » et entra de suite, suivi de M. de Silly, que je ne connaissais point ; et vous croyez bien, madame, que j’entrai aussi. J’entendis donc la défaite de l’armée ennemie, et retournai souper de fort bonne humeur.

M. de Silly, dont il est ici question, était l’officier envoyé par le maréchal de Berwick pour annoncer la victoire ; c’est le même (pour le dire en passant) que Mlle de Launay, l’auteur des agréables Mémoires, a tant aimé.

Cette petite scène, fort bien racontée par Mme de Maintenon, et que j’abrège un peu, va frapper à son tour l’imagination émue de Mme des Ursins et s’y réfléchir avec une réverbération qui la rendra plus vive : vu dans ce miroir, l’objet prendra plus de mouvement et de relief que dans la réalité même. Il est curieux de comparer cette différence qui tient à celle des humeurs et comme au tempérament des deux esprits :

Tout ce que vous me représentez, madame (écrit la princesse des Ursins), depuis que l’officier des gardes vint annoncer la venue de M. de Chamillart qui conduisait M. de Silly dans votre petite chambre de Marly, pendant que vous soupiez dans votre cabinet, jusqu’à ce que Sa Majesté vînt dire elle-même à la porte cette grande nouvelle, me paraît si naturel, que je crois vous avoir vue jeter votre serviette par terre, courant pour entendre ce que l’on disait ; Mme de Dangeau voler pour aller écrire à monsieur son mari ; Mme d’Heudicourt marcher comme si elle avait eu de bonnes jambes, sans savoir presque ce qu’elle faisait ; M. de Marsan sauter sur un siège pour se faire voir, malgré sa goutte, avec la même facilité que l’eût pu faire un danseur de corde. Pour Monseigneur le duc de Bourgogne, qui est, je crois, un peu sujet aux distractions, je m’étonne que, dans les premiers moments de sa joie, il ne prît pas quelque dame pour une bille, et qu’il ne lui donnât pas un coup du billard qu’il avait à la main.

On sent la différence de mouvement et d’animation ; Mme de Sévigné, si elle était là, conterait encore la même chose d’une troisième manière, qui pourrait bien faire pâlir les deux autres. Pourtant, tenons-nous ici à ce que nous avons de spirituel et de rare. Mme de Maintenon, en lisant cette version de son propre récit, avait raison de dire à Mme des Ursins :

Je voudrais que la relation que je vous ai faite de notre joie sur la bataille d’Almanza fût aussi vive que l’idée que vous vous êtes faites de ce qui se passa dans mon cabinet ; vous l’avez mieux compris de Madrid que je ne l’ai vu, et vous en faites une peinture que je ne pourrai m’empêcher de lire aux personnes qui y ont pris part.

Dans toutes ses lettres de ce temps-là, Mme des Ursins s’égaye et plaisante sur mille objets. La reine d’Espagne est enceinte : il faut faire venir une layette de Paris, il faut faire venir des nourrices de Biscaye. La layette et le lit du futur prince des Asturies avaient été recommandés d’abord à un habile homme de la Cour, Langlée, l’arbitre des modes ; mais l’économie oblige de rabattre des premières commandes. M. de Langlée en souffre et s’en trouve presque humilié quand on le consulte : « Je ne veux pas sacrifier, dit-il, ma réputation en Espagne. » Ce sont là des textes à plaisanterie entre les deux correspondantes. Les nourrices en sont un autre : leur arrivée au Retiro au nombre de onze, dont sept déjà accouchées et avec leurs nourrissons qui font une musique merveilleuse, les honneurs qu’on leur rend, les embrassades dont Mme des Ursins fait les frais, tout cela est très gai, et Mme de Maintenon elle-même s’y déride tout à fait. Elle conseille à Mme des Ursins de se former pour remuer les enfants à l’avenir, d’apprendre de l’accoucheur, qu’on envoie de Paris, à connaître la consistance du lait , et de devenir matrone experte en ce genre. On peut juger si celle-ci entre dans le badinage : « La posture où il faudrait me mettre pour remuer conviendrait peut-être mieux à ma figure qu’à mon rhumatisme. » Toute cette partie de la correspondance nous montre les deux femmes célèbres à leur avantage, dans toute la vivacité de leur goût mutuel, en veine heureuse et en plein accord ; et Mme de Maintenon, avec son habituelle justesse, résume cette impression quand elle dit (29 mai 1707) :

Je viens de relire encore vos lettres pour voir si j’ai répondu à tout : Mon Dieu ! madame, que vous êtes contente, et que vous raillez agréablement ! Il n’y a jamais de noirceurs dans tout ce que vous dites, mais il y a présentement une joie qui me donne toute celle dont je suis capable ; il faut, pour la rendre complète, que nous ayons la paix, et à des conditions dont je sois contente ; vous verrez, après cela, madame, de quelle humeur je serai.

On aura remarqué, en passant, ce joli mot : Il n’y a jamais de noirceurs dans tout ce que vous dites ; — noirceurs pour tristesses. Ce sont de ces mots qui peignent, qui sont pris à la source même, et qui sont agréables par un certain faux air de double sens, mais qui ne nuit pas à la clarté.

Cette paix, dont la timide et raisonnable Mme de Maintenon parle sans cesse, va devenir dans les années suivantes la pierre d’achoppement avec Mme des Ursins, qui en est beaucoup moins pressée, et qui ne la veut qu’à des conditions plus hautes. C’est ici encore que les différences de nature entre elles se dessinent nettement. Mme des Ursins espère, même à toute extrémité ; elle n’est pas de celles qui abdiquent aisément. Le roi et la reine d’Espagne, auxquels elle s’est donnée, ont des sentiments élevés, « aussi élevés que le rang où Dieu les a mis ; ils sont incapables de faire des bassesses. Ils sont résolus de perdre plutôt la vie que de rien faire d’indigne de ce qu’ils sont », c’est-à-dire qu’ils sont résolus à défendre leur couronne les armes à la main jusqu’à la mort, et elle est incapable de leur donner un autre conseil. Or, un moment vient où la France désespère, où le ministère surtout incline pour une paix à tout prix, et où Mme de Maintenon accablée la prêche ou l’insinue. La conséquence de ce découragement est l’abandon de la couronne d’Espagne et presque le détrônement de Philippe V par son grand-père, ou moyennant, du moins, que Louis XIV y consente. À cette seule idée, Mme des Ursins se révolte ; son courage se soulève, tout son sang bouillonne. La correspondance avec Mme de Maintenon se rembrunit à partir de là, et laisse jour à des ironies assez amères et à de sensibles aigreurs.

Les grandes guerres et les événements inouïs qui ont rempli la fin du dernier siècle et les quinze premières années du nôtre, nous ont trop fait oublier ce qu’avaient de terrible et d’inouï aussi à leur moment les douze premières années du xviiie  siècle. La guerre de la Succession d’Espagne, que commença l’ambition du côté de la France et que l’ambition continua du côté opposé, était ce qui avait paru jusqu’alors, et depuis bien des siècles, de plus extraordinaire et de plus vaste au point de vue soit militaire, soit historique. Un grand esprit contemporain et acteur dans ces scènes mémorables, Bolingbroke, l’a dit : « Les batailles, les sièges, les révolutions surprenantes qui arrivèrent dans le cours de cette guerre sont d’un genre à ne point trouver leurs semblables dans aucune période de la même étendue. » C’est ainsi que les générations se croient privilégiées par la grandeur des événements et des catastrophes dont elles sont témoins et victimes, jusqu’à ce que d’autres générations surviennent qui leur ravissent l’orgueil de cette illusion. Quoi qu’il en soit, il était bien permis, en ces temps de malheur, d’être d’avis différent sur le remède et sur les moyens de sortir des maux accablants. Mme de Maintenon aspirait à en sortir comme une femme et comme beaucoup trop d’hommes alors, comme une femme de sens qui voit de près le mal, qui en souffre en elle et pour ceux auxquels elle est attachée, qui n’a rien d’une héroïne, qui est toute résignée et chrétienne, qui voit la main de Dieu non seulement dans les revers redoublés et les défaites, mais encore plus directement dans les fléaux naturels, dans les hivers tels que celui de 1709 (dont on n’avait point eu d’exemples depuis plus d’un siècle), et dans la famine qui s’ensuivit. Mme de Maintenon, à la vue de tant de maux, s’incline, s’agenouille, et, pourvu qu’il y ait repos et relâche après cet excès de souffrances, elle ne recule devant aucune extrémité :

Nous ne pouvons faire la guerre, dit-elle (24 juin 1709) : il faut bien baisser la tête sous la main de Dieu, quand elle veut renverser les rois et les royaumes ; voilà, madame, ce que j’ai toujours craint… Nous avons éprouvé une suite de malheurs dont la France ne peut se relever que par une longue paix ; et la famine, qui est le dernier et le plus grand de tous, nous met aux abois. J’avoue que toutes mes craintes n’avaient pas été jusqu’à prévoir que nous serions réduits à désirer de voir le roi et la reine d’Espagne détrônés : il n’y a point de paroles, madame, qui puissent exprimer une telle douleur ; le roi en est pénétré.

Le mot de détrônement est lâché ; elle aura beau le vouloir rétracter ensuite, Mme des Ursins le lui rappellera sans cesse, et ne le lui pardonnera jamais.

Mme des Ursins, qui est d’une tout autre race, nourrit et exprime des sentiments tout opposés. Elle a toujours cru que les ressources étaient plus grandes qu’on ne disait, si les hommes ne se décourageaient pas ; elle ne conçoit rien à ces généraux (comme Tessé) qui se méfient d’eux-mêmes et qui ont toujours l’air de compter d’avance sur une défaite. Elle est d’avis « qu’on ne fait rien si on n’entreprend rien ». Elle s’attache de bonne heure à Villars et semble deviner que ce général qu’on appelle fou sera en définitive le sauveur : « Car il y a trop de sages, dit-elle, ou au moins trop de gens qui croient l’être quand ils ne hasardent rien ; et je suis persuadée qu’il faut quelquefois laisser les choses au hasard, pourvu qu’on ne les pousse pas jusqu’à une témérité qui n’appartient qu’aux héros de romans. » Ce dernier défaut, elle le sent bien, serait volontiers celui de Villars ; elle le lui pardonne pourtant au milieu de l’abaissement trop universel : « Ce maréchal de Villars parle et agit, dit-elle, comme ces héros de romans qui croient porter la victoire partout où ils vont : j’aime assez ces airs-là présentement, si opposés à ceux qui nous ont jetés si près du précipice. » L’héroïque défense du maréchal de Boufflers dans Lille la transporte et tire d’elle de nobles accents :

L’exemple que ce maréchal a donné en défendant Lille comme il l’a fait devrait bien causer de l’émulation et de la honte en même temps, si l’on compte encore pour quelque chose l’honneur. Je veux espérer, madame, qu’il se réveillera dans les cœurs, et que notre nation, qui s’est acquis tant d’estime autrefois, reprendra à l’avenir sa première fierté, et qu’elle se ressouviendra qu’elle doit être vertueuse pour plaire au roi qui la commande.

Ne la chicanons pas sur ce dernier mot : il y avait confusion alors de l’idée de roi à l’idée de France. —  Les plaintes hardies, les conseils, elle ne les ménage pas ; elle espère toujours qu’il en arrivera quelque chose par Mme de Maintenon aux oreilles de ceux qui gouvernent à Versailles :

Est-il bien possible, madame, que tous les hommes que vous connaissez vous paraissent à bout, et qu’il n’y en ait point qui imaginent de nouvelles ressources ? C’est une marque de leur abattement qui ne leur fait pas d’honneur ; car, dans quelque mauvais état que soient les affaires, les grands esprits et les grands courages se raidissent davantage contre la mauvaise fortune.

Elle envoie et fait tenir au ministère français des plans de finances que des personnes habiles en Espagne ont imaginés ; mais on les rejette à première vue à titre de nouveauté, si bien qu’on aura du moins la « consolation de mourir dans les formes ». Toute la correspondance de Mme des Ursins, durant cette année 1709, fait le plus grand honneur à sa générosité et à son élévation d’âme comme aussi à sa perspicacité de vue ; car, en définitive, l’événement lui a donné raison, et le trône des Bourbons d’Espagne est resté debout sans que celui de Louis XIV en fût trop rabaissé. Quand le voyage de M. de Torcy en Hollande, qui a pour but la paix, manque son effet, elle s’en réjouit. Mme de Maintenon elle-même reconnaît qu’en cette occasion, un « reste de sang français a irrité le peuple » sur cette paix malheureuse et déshonorante. Mme des Ursins ne laisse pas tomber ce mot : « On dit pourtant, remarque-t-elle, que c’est plutôt le peuple qui en a été irrité, que la plupart des seigneurs. » On conçoit par une telle disposition de cœur combien, dans de si périlleuses conjonctures, Mme des Ursins dut être utile alors à Madrid pour y soutenir et y fortifier les résolutions royales ; car ce fut là l’honneur de cette maison de Bourbon à son avènement en Espagne, ce fut son vrai sacre, pour ainsi dire, de ne jamais désespérer au plus fort de la crise, de sentir la main de Louis XIV prête à se retirer et presque à se retourner contre elle, sans se laisser abattre : « Le roi est tout occupé du soin de se défendre seul, au cas que le roi, son grand-père, lui retire les secours dont il l’a assisté », écrivait Mme des Ursins.

Dans ce rapprochement qui se fait tout naturellement ici de Mme des Ursins et de Mme de Maintenon, il ne s’agit pourtant de sacrifier personne. Ces deux femmes célèbres sont belles, à certains moments, chacune dans son rôle, et il est telle lettre de Mme de Maintenon (celle du 23 décembre 1708, par exemple), dans laquelle elle expose son sentiment religieux et résigné avec une justesse, une fermeté et une noblesse de ton si imposante qu’elle arrache un cri d’admiration à celle même qui la contredit.

Mais, en avançant, le désaccord qui naît du fond des situations et des caractères est plus fort que le goût qui vient purement de l’esprit. L’ironie se montre plus fréquente chez Mme des Ursins à travers tous les compliments et les politesses, et l’aigreur piquante se glisse sous la plume de Mme de Maintenon : « Le roi et la reine d’Espagne ont bien des raisons de vous aimer, madame ; la passion que vous avez pour eux vous fait cesser d’être Française. » Et encore : « Consolez-vous, madame, il n’y a nulle apparence de paix. » En ces moments, Mme de Maintenon (on la voit d’ici) se tire et se fronce ; elle prend un air mortifié et de victime : « Je suis accoutumée, dit-elle, à vivre de poison. » Elle en laisse distiller des gouttes ; chaque trait pique. Elle fait l’Agnès : « Je suis un peu comme Agnès ; je crois ce qu’on me dit et ne creuse point davantage. » Elle fait aussi la régente : « Je n’oserais montrer votre lettre ; on n’aime pas ici que les dames parlent d’affaires. » À toutes ces ironies fines et serrées, son adversaire répond par des ironies plus hautes, et aussi avec des éclats de colère qui déclarent une nature plus franche du collier :

Tant mieux, répond-elle, si on n’aime pas en France que les femmes parlent d’affaires ! nous aurons bien des choses à reprocher aux hommes, puisque nous n’y aurons point eu de part. Le mal est que certaines femmes ont plus d’honneur qu’eux, et que leurs fautes nous rendent martyres de ce monde. Je trouve cependant que l’esprit de la Cour a bien changé depuis que je suis sortie de France, car le roi ne me paraissait point de ce sentiment lorsque j’avais l’honneur de l’entretenir ; ne serait-ce pas cela la cause de tous nos malheurs ? Passez-moi, s’il vous plaît, cette mauvaise plaisanterie.

On retrouve là un ressouvenir bien placé de ces tête-à-tête de Marly, dans lesquels Louis XIV ne dédaignait pas d’associer Mme des Ursins à sa politique ; elle avait raison d’en être fière et de le rappeler à celle qui l’oubliait.

Une lacune se rencontre dans la correspondance au moment où elle s’aigrit et se refroidit. Mme des Ursins désira un jour que ses lettres fussent brûlées, et Mme de Maintenon, pour lui obéir, paraît en avoir détruit une partie. Ces lettres perdues, qui seraient curieuses pour l’histoire, doivent être moins regrettables en ce qui est de l’agrément et de l’intérêt. Mme des Ursins nous associe sans difficulté à ses sentiments et nous entraîne, tant que sa résistance à la paix semble chez elle l’inspiration directe, le cri du patriotisme et de l’honneur : on ne lui pardonne pas seulement cette opiniâtreté, on l’en admire ; mais, dès qu’on y soupçonne une ambition et une cupidité personnelle, l’impression devient toute contraire, et son rôle se gâte à nos yeux, Or, il est certain que, vers la fin de cette période sanglante et dans les négociations si lentes qui la terminèrent, elle fit tout pour obtenir des puissances contractantes une souveraineté en son nom dans les Pays-Bas ; le roi d’Espagne s’obstinait sur cette condition si peu convenable et si disproportionnée aux grands intérêts en litige, et il refusait de signer la paix avec la Hollande, si les Hollandais, non contents de mettre Mme des Ursins en possession de cette souveraineté, ne s’en faisaient, de plus, les garants vis-à-vis de l’empereur. La conclusion de la paix en fut retardée de plusieurs mois. C’est le reproche politique le plus grave qu’on puisse faire à la mémoire de Mme des Ursins : une faute de conduite par vanité. Elle mérita que Bolingbroke, qui connaissait son faible et ce qu’on pouvait tirer d’elle en lui donnant de l’Altesse, pût dire pendant les négociations de ce temps : « Il y a pour nous un avantage réel à flatter l’orgueil de cette vieille femme, puisque nous n’avons pas les moyens de flatter son avarice. » Cette affaire de souveraineté acheva de rompre l’accord entre elle et Mme de Maintenon. Le bon et judicieux esprit de cette dernière reprend ici tous ses avantages ; ce n’est jamais elle dont la modestie eût conçu une telle ambition si hors de mesure, et dont la justesse eût commis une telle faute si hors de propos.

La catastrophe qui précipita Mme des Ursins est restée un des événements les plus singuliers, les plus dramatiques et les plus inexpliqués de l’histoire. On sait que, la charmante reine à laquelle elle appartenait étant morte à l’âge de vingt-six ans (14 février 1714), Philippe V dut songer incontinent à se remarier. Mme des Ursins, parmi les princesses d’Europe, en choisit exprès une des moindres, qu’elle pût créer comme de ses mains et former à sa dévotion. La princesse Élisabeth de Parme, objet de ce choix, et qu’elle n’avait préférée que parce qu’elle l’avait mal connue, entra donc en Espagne. Le roi s’avança à sa rencontre sur le chemin de Burgos, et Mme des Ursins prit elle-même les devants jusqu’à une petite ville appelée Xadraque. Le 23 décembre 1714, comme la reine y arrivait, Mme des Ursins la reçut avec les révérences d’usage. Puis, l’ayant suivie dans un cabinet, elle la vit à l’instant changer de ton. Les uns disent que, Mme des Ursins ayant voulu reprendre quelque chose à la coiffure et à la toilette de la reine, celle-ci la traita d’impertinente et s’emporta aussitôt. D’autres racontent (et ces divers récits se complètent sans se contredire) que Mme des Ursins ayant protesté de son dévouement à la nouvelle reine, et assuré Sa Majesté « qu’Elle pouvait compter de la trouver toujours entre le roi et Elle, pour maintenir les choses dans l’état où elles devaient être à son égard, et lui procurer tous les agréments dont Elle avait lieu de se flatter, la reine, qui avait écouté assez tranquillement jusque-là, prit feu à ces dernières paroles, et répondit qu’elle n’avait besoin de personne auprès du roi ; qu’il était impertinent de lui faire de pareilles offres, et que c’en était trop que d’oser lui parler de la sorte ». Ce qui est certain, c’est que la reine, chassant outrageusement Mme des Ursins de son cabinet, fit appeler M. d’Amezaga, lieutenant des gardes du corps, qui commandait son escorte d’honneur, lui ordonnant d’arrêter Mme des Ursins, de la faire monter sur-le-champ dans un carrosse et de la faire conduire aux frontières de France par le chemin le plus court et sans s’arrêter nulle part. Comme M. d’Amezaga hésitait, la reine lui demanda s’il n’avait pas un ordre particulier du roi d’Espagne de lui obéir en tout et sans réserve ; ce qui était vrai. Mme des Ursins fut donc arrêtée et enlevée à l’instant dans sa toilette d’apparat et emmenée à six chevaux à travers l’Espagne ; on était en plein hiver, et elle avait plus de soixante-douze ans. Une femme de chambre et deux officiers des gardes étaient montés avec elle dans le carrosse :

Je ne sais comment j’ai pu résister à toutes les fatigues du voyage (écrivait-elle à Mme de Maintenon en errant sur la frontière de France, dix-huit jours après la scène de Xadraque). On m’a fait coucher sur la paille, et jeûner d’une manière bien opposée aux repas que j’ai coutume de faire. Je n’ai pas oublié, dans le détail que j’ai pris la liberté d’écrire au roi (à Louis XIV), que je ne mangeais que deux vieux œufs par jour ; j’ai cru que cette circonstance l’exciterait à avoir pitié d’une fidèle sujette qui ne mérite, ce me semble, par aucun endroit un pareil mépris. Je vais à Saint-Jean-de-Luz pour me reposer un peu et savoir ce qu’il plaira au roi que je devienne.

Et de cette dernière ville, quelques jours après, elle écrit (toujours à Mme de Maintenon) :

J’attendrai les ordres du roi à Saint-Jean-de-Luz, où je suis dans une petite maison sur le bord de la mer. Je la vois souvent agitée et quelquefois calme : voilà les cours ; voilà ce que j’ai vu, voilà ce qui m’est arrivé, voilà ce qui excite votre généreuse compassion. Je conviendrai facilement avec vous qu’il ne faut chercher la stabilité qu’en Dieu. Certainement on ne peut la trouver dans le cœur humain ; car qui était plus sûr que moi du cœur du roi d’Espagne ?

Tout porte à croire, en effet, que ce fut le roi d’Espagne qui, oubliant les longs services de Mme des Ursins, et à bout de sa domination dont il n’osait s’affranchir, donna l’ordre à sa nouvelle épouse de prendre tout sur elle ; et cette dernière qui, ainsi qu’Alberoni, son conseiller, était de la race des joueurs intrépides en politique, n’hésita pas un seul instant à faire pour son coup d’essai cette exécution de maître. Élisabeth de Parme se sentait trop un personnage de première force pour pouvoir exister à côté de Mme des Ursins sur la même scène.

C’est de cette même Élisabeth, née pour le trône, que le grand Frédéric a dit : « La fierté d’un Spartiate, l’opiniâtreté d’un Anglais, la finesse italienne, et la vivacité française formaient le caractère de cette femme singulière ; elle marchait audacieusement à l’accomplissement de ses desseins ; rien ne la surprenait, rien ne pouvait l’arrêter. » Étant de ce caractère, il n’y a rien d’étonnant qu’elle ait profité de la moindre ouverture pour faire place nette dès son arrivée.

Dans cette chute foudroyante, Mme des Ursins, après les premiers moments de surprise, retrouva toute sa force, tout son sang-froid, sa modération apparente ; on n’entendit de sa bouche ni une plainte ni un reproche inconvenant, ni une parole de faiblesse. Elle s’était rendu compte à l’avance de tout ce néant humain ; elle se dit, en sachant ses ennemis triomphants et ses amis consternés, qu’il n’y avait pas lieu à tant s’étonner ; que ce monde n’était qu’une comédie où il y avait souvent de bien mauvais acteurs ; qu’elle y avait joué son rôle mieux que beaucoup d’autres peut-être, et que ses ennemis ne devaient pas s’attendre à ce qu’elle fût humiliée de ne le plus représenter : « C’est devant Dieu que je dois être humiliée, disait-elle, et je le suis. »

Après avoir quitté la France, où Louis XIV mourait et où le duc d’Orléans, qu’elle avait pour ennemi déclaré, devenait le maître, elle alla habiter Rome, son ancienne patrie, la ville des grandeurs déchues et des disgrâces décentes. Par un reste d’habitude, elle se mit à y gouverner la maison du roi et de la reine d’Angleterre, pour y gouverner quelque chose. Elle y vit arriver, déchus à leur tour, plus d’un de ceux qui l’avaient renversée elle-même, et elle mourut en décembre 1722, à plus de quatre-vingts ans.

La publication des pièces officielles et des dépêches des ambassadeurs de France, pendant la durée de l’influence de Mme des Ursins à Madrid (si cette publication se fait un jour), pourra seule achever de déterminer avec précision toute l’importance et la qualité de son action politique ; nous en savons déjà assez pour porter sur elle une appréciation morale ; et quant à son mérite littéraire, nous osons dire qu’il ne manque à ce qu’on a de Mme des Ursins que des éditeurs moins négligents pour qu’elle devienne un de nos classiques épistolaires. Ses lettres sont remplies de pages vives, qui nous rendent non seulement les mœurs de la cour d’Espagne, mais celles de la société française vers cette fin de Louis XIV. On ne connaît bien la duchesse de Bourgogne, Mme de Caylus, et bien d’autres personnes d’aimable renom, que lorsqu’on les a vues revenir chaque jour dans cette correspondance. Malgré d’heureuses et rares exceptions, il est bien clair que le beau siècle se gâte ; les jeunes femmes de ce temps-là sont étranges de mœurs et de manières ; elles vont être les femmes de la Régence. Elles ne fument pas encore comme aujourd’hui, mais elles prisent : Mme de Caylus elle-même a son joli nez barbouillé de tabac. La duchesse de Bourgogne veille, soupe, et, aux recommandations qui reviennent sans cesse, on sent qu’elle fait tout ce qu’il faut pour se tuer. Mme des Ursins, qui trouve Mme de Maintenon trop sévère pour ses jeunes et aimables parentes, pour Mme de Noailles, pour Mme de Caylus surtout dont elle se fait l’avocate auprès d’elle, lui conseille sans cesse de s’entourer plus familièrement de ses nièces pour s’en égayer et s’en rajeunir. Sur quoi Mme de Maintenon, avec sa rigidité la plus piquante et sa rectitude la plus ornée, répond (et il est bien entendu que ce qui suit ne saurait s’appliquer ni à Mme de Caylus ni à Mme de Noailles) :

Vous me tyrannisez sur les étrangers et sur mes parents ; je vous avoue, madame, que les femmes de ce temps-ci me sont insupportables : leur habillement insensé et immodeste, leur tabac, leur vin, leur gourmandise, leur grossièreté, leur paresse, tout cela est si opposé à mon goût et, ce me semble, à la raison, que je ne puis le souffrir. J’aime les femmes modestes, sobres, gaies, capables de sérieux et de badinage, polies, railleuses d’une raillerie qui enferme une louange, dont le cœur soit bon et la conversation éveillée, et assez simples pour m’avouer qu’elles se sont reconnues à ce portrait que j’ai fait sans dessein, mais que je trouve très juste.

Ce dernier portrait, si ravissant et si accompli, qui est une perfection, s’adresse, on le sent, comme une flatterie, à Mme des Ursins, laquelle s’en défend et le renvoie à Mme de Maintenon à son tour. Mais c’est bien à Mme des Ursins qu’il me paraît ressembler en effet dans les bons moments, au moins par les principaux traits et notamment par celui d’une raillerie qui enferme une louange. C’est bien là le genre d’agrément le plus habituel de ce rare esprit, de même que son défaut serait dans un tour d’ironie trop fréquente et de raillerie trop prolongée.

J’avais eu l’idée, en abordant Mme des Ursins, de marquer quelques-uns des inconvénients des femmes politiques, dont elle est un type pour ce qu’elles peuvent avoir de distingué, et aussi d’incomplet, d’agité, de fastueux et de vain. Toute étude faite, je n’en ai pas le courage : elle rendit, en effet, de vrais services, et, en ce qui est de l’habileté dans les conjonctures difficiles, on est trop heureux de la prendre où elle se rencontre. Et cependant, en quittant ces deux personnages de haute représentation, Mme des Ursins et Mme de Maintenon, ces deux sujets habiles et du premier ordre, me sera-t-il permis de rappeler au fond, en arrière et au-dessous d’elles, d’une époque un peu plus ancienne, une simple spectatrice de cette belle comédie de la Cour, une personne qui n’a eu en rien le génie de l’intrigue et de l’action, mais d’un bon sens égal, doux et fin, d’un jugement calme et sûr, la sage, la sincère et l’honnête femme véritablement en ce lieu-là, Mme de Motteville ?