Étienne Pasquier.
(L’Interprétation des Institutes de
Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies,
1849.)
Étienne Pasquier a été, dans ces dernières années, l’objet d’études nouvelles et approfondies. M. le chancelier Pasquier ayant recouvré un manuscrit inédit de son ancêtre, manuscrit qui contenait des explications et leçons données par Étienne Pasquier à ses petits-fils sur le droit romain envisagé dans ses rapports avec nos vieilles coutumes françaises, en voulut faire jouir le public, et il en confia la publication et l’édition à M. Giraud, qui est dès longtemps reconnu pour maître en ces matières. Un très beau travail biographique et historique de M. Giraud sur Étienne Pasquier, et quelques pages aussi élevées que judicieuses de M. le chancelier, accompagnèrent cette publication, qui offre un intérêt sérieux pour ceux même qui ne s’occupent point particulièrement du droit. Depuis lors un professeur distingué de l’Université, M. Léon Feugère, se chargea de faire pour MM. Didot une édition portative des Œuvres choisies de Pasquier, et il a fait passer dans deux élégants in-18 un excellent extrait des deux in-folio de son auteur. Il y a joint à son tour un travail biographique, littéraire et même grammatical, très soigné, qui permet de classer désormais le savant ami de Montaigne au nombre des auteurs que tout le monde peut aborder directement et suivre avec intelligence. Nous profiterons de ces travaux pour dire nous-même quelque chose du docte et digne personnage qui en a fourni le sujet.
Étienne Pasquier n’est point de ces écrivains originaux qui devancent les temps et qui font faire des miracles à leur langue maternelle. De tels écrivains en tout temps sont rares, et au xvie siècle je n’en vois que deux qu’on puisse raisonnablement saluer à ce titre éclatant, Rabelais et Montaigne. Car, pour l’aimable traducteur Amyot, ce n’est qu’avec un peu de complaisance qu’on s’est accoutumé à l’associer d’ordinaire à ces deux grands auteurs originaux ; et en ce qui est de Calvin, qui contribua certes à former la langue à la discussion, à serrer, à tremper et à raffermir dans le discours la chaîne exacte du raisonnement, ce mérite notable ne suffit pas à l’élever au-dessus des bons écrivains : il n’a point gagné sa place entre les grands. Mais, en dehors de ces génies tout individuels de Rabelais et de Montaigne, le xvie siècle nous montre une quantité d’excellents et vigoureux esprits, de graves et énergiques personnages, qui usèrent vaillamment ou sainement des ressources de la langue à cette époque de confusion et de lutte, et qui, en l’appliquant selon les besoins divers, y mirent encore moins l’empreinte de leur génie propre que celle du parti et de la classe auxquels ils appartenaient. Ces écrivains, militaires ou magistrats, en même temps qu’ils se représentent eux-mêmes, nous représentent aussi et nous figurent les hommes de leur bord, de leur robe ou de leur camp. En Montluc, par exemple, nous trouvons un capitaine héroïque, ardent, infatigable, fanatique pour son Dieu et son roi, un croisé du xvie siècle.
En d’Aubigné, nous trouvons un autre capitaine, intrépide, ardent, opiniâtre, non moins Gascon que l’autre, aussi attaché à son Dieu, mais malmenant un peu son roi ; fidèle, mais à condition, non plus royaliste quand même ; plus féodal, plus communal, et qui mourra républicain à Genève. À côté de ces figures rudes et mâles, une femme nous apparaîtrait, la reine Marguerite, sœur des Valois, qui nous laisse entrevoir dans ce qu’elle écrit un personnage élégant, fin, délicat, exquis, perfide, un type qui n’était point rare dans cette famille et dans ce cortège de Catherine de Médicis. D’Aubigné, calviniste opiniâtre ; Montluc, catholique cruel, nous peignent les deux camps ; la reine Marguerite nous peint la Cour. Mais, entre les trois, qui donc introduira le parti des honnêtes gens modérés, pacifiques, de la haute bourgeoisie instruite et saine, non fanatique et non corrompue ? qui nous rendra l’opinion régnante dans l’Ordre des avocats, alors si entier et comme investi de sa première intégrité, l’esprit général de la magistrature d’alors, si stable, si courageuse et parfois si héroïque ? Les L’Hôpital, les de Thou, les Pithou, voilà de grands noms assurément, et dont chacun en particulier pourrait servir d’exemple pour une démonstration ; mais en français, et eu égard aux lecteurs d’aujourd’hui, nul mieux qu’Étienne Pasquier ne les représente au vif dans ses écrits, ne les développe et ne les résume commodément et avec fidélité ; il offre une vie de xvie siècle au complet, et il a exprimé cette vie dans des ouvrages encore graves et à demi familiers, dans des lettres écrites non pas en latin, mais dans le français du temps, et avec une attention visible de renseigner la postérité. Voyons donc un peu ce qu’était un avocat et un magistrat au xvie siècle ; donnons-nous quelque idée d’une telle vie : cela réconforte et relève au milieu de tant de faiblesses qui affectent les études, les caractères et les mœurs de nos jours.
Étienne Pasquier, né à Paris en 1529, d’une famille honorablement établie, mais
qu’il devait le premier illustrer, se trouva, par la date de sa naissance, en
mesure de profiter de toute la science et de l’érudition qui sont propres au
xvie
siècle. Quand il naquit, le premier
défrichement était fait, et il ne s’agissait plus que de moissonner et de
recueillir. Il étudia le droit à Paris, sous Hotman et sous Balduin, en 1546,
et, en 1547, à Toulouse, sous le grand Cujas. Il assista aux débuts de ces
maîtres célèbres, et il goûta, s’il se peut dire, ce grave enseignement dans sa
nouveauté et sa fraîcheur. Il fit ensuite le voyage d’Italie, et alla entendre à
Pavie et à Bologne les professeurs de droit les plus en renom. Au retour, il
débuta comme avocat au barreau de Paris (1549), et en même temps, pour occuper
ses loisirs, il se livra à la poésie, à la composition littéraire, caractère qui
distingue sa génération d’avocats, et Pasquier entre tous les autres :
« Lorsque j’arrivai au Palais, dit-il, ne trouvant qui me mît en besogne, et
n’étant né pour être oiseux, je me mis à faire des livres, mais livres
conformes à mon âge et à l’honnête liberté que je portois sur le front : ce
furent des Dialogues de l’amour… »
Les dialogues galants et amoureux, les sonnets qu’Étienne Pasquier publia dans ces années de jeunesse, et auxquels il se reportait avec complaisance et sourire en vieillissant, ne prouvent rien autre chose que de l’esprit, de la facilité, de la subtilité ingénieuse, et on n’y trouve d’ailleurs aucun trait original qui puisse assigner rang à leur auteur parmi les vrais poètes. Mais ce qui est remarquable et ce qui constitue en quelque sorte la partie judicieuse de ces compositions badines, c’est cette pensée qui lui était commune avec les meilleurs et les plus vaillants esprits de cette seconde génération du xvie siècle, qu’il fallait, étant né Français, écrire en français. Lui, si instruit aux lettres grecques et latines, il n’est certes pas d’avis d’exterminer de nous ni le grec ni le latin, mais il veut qu’on s’aide de l’un et de l’autre, selon les occasions, sans s’y réduire et s’y confiner ; qu’on s’en serve seulement pour enrichir notre langue vulgaire, qui est déjà d’elle-même si en fonds. Le bon sens de Pasquier le préserva, dès le premier jour, de cet excès qui avait accompagné le triomphe de la Renaissance, et qui faisait que les doctes dédaignaient d’employer d’autre langage que celui des anciens Romains :
Les dignités de notre France, disait Pasquier, les instruments militaires, les termes de notre pratique, bref la moitié des choses dont nous usons aujourd’hui, sont changées et n’ont aucune communauté avec le langage de Rome. Et en cette mutation, vouloir exposer en latin ce qui ne fut jamais latin, c’est, en voulant faire le docte, n’être pas beaucoup avisé.
Aussi, pour son compte, il pourra payer son tribut de politesse et de courtoisie à la mode du temps par quelques épigrammes latines ; mais la plupart de ses poésies légères, aussi bien que ses ouvrages sérieux, il les composera en français ; il évitera ce travers de latinisme prolongé où l’on voit persévérer l’illustre de Thou, et qui infirmera, bien loin de l’augmenter, le succès de sa grande Histoire. Pasquier écrit en français ses doctes et utiles Recherches de la France ; il publie en français ses Lettres, premier recueil de ce genre qui ait paru dans notre langue, et qui sont tout un miroir des événements, des mœurs et des opinions de son temps comme de la vie de l’auteur lui-même.
Jusqu’à l’année 1564, où Pasquier, âgé de trente-cinq ans, se trouva soudainement
porté au pinacle de sa
profession comme avocat, par
le choix que fit de lui l’Université dans son grand procès contre les Jésuites ;
jusqu’à cette époque pour lui décisive, il vivait dans le travail et dans le
monde, dans celui de l’Université et du Palais, ayant beaucoup d’amis et les
cultivant, plaidant honorablement et avec un succès d’estime, marié depuis 1557
à une cliente reconnaissante à qui il avait fait gagner son procès. Ses Lettres, auxquelles je m’attacherai surtout ici, nous le
montrent au vrai dans la succession de ses âges, dans la variété de ses goûts et
la solidité diversifiée de ses études. Un caractère qui est essentiel chez lui
et qu’on ne tarde pas à découvrir comme faisant le fond de son mérite, c’est une
excellente judiciaire, ainsi qu’on disait autrefois, une
appréciation juste et moyenne des choses, de quelque côté qu’il se retourne et
qu’il dirige sa vue. S’agit-il de juger ses compagnons et ses amis les poètes,
Ronsard et les autres ? il est le premier à les avertir qu’ils font fausse
route, s’ils n’y prennent garde ; que ce qui a été d’abord un noble essor et une
entreprise généreuse de quelques-uns, devient une fureur d’imitation pour la
foule des écoliers ; que la race en pullule ; que tout devient vite une mode en
France, et que cette manie singeresse se donne surtout
carrière dans les choses qui concernent l’esprit. Il avertit Ronsard, dès
l’année 1555, de ne pas se prêter comme il fait à cette pente facile par où tout
périt, de ne pas courtiser et flatter ses disciples, de ne pas laisser dégénérer
enfin une œuvre élevée, en un tumulte et une ovation de coterie. Je traduis
légèrement Pasquier en ceci, mais je ne l’altère pas. S’agit-il du mariage ?
nous retrouvons le même excellent jugement dans la manière dont Pasquier en
parle avant de l’avoir contracté. Il est pour le mariage dès la jeunesse ; il en
traite un peu gaiement et d’un ton un peu cru parfois, mais avec
sagesse et chasteté au fond. Il n’est femme si belle, pense-t-il, qui ne soit
indifférente à l’homme au bout d’un an de possession, ni laideur modérée qui ne
se rende tolérable aussi avec le temps : l’essentiel, selon lui, est dans les
mœurs, dans leur pureté comme dans leur douceur. « Tout ainsi que les
artisans n’accouplent jamais deux métaux aigus
ensemble »
, de même ne veut-il pas que les deux caractères unis
soient trop de première trempe et trop entiers ; l’un des deux
doit céder à l’autre en quelque point. Pour lui, sans négliger les biens, il
veut, en se mariant, s’enquérir avant tout des mœurs. Ainsi, en toutes choses,
nous le voyons suivre une sorte de voie moyenne et sûre. C’est son instinct, et
il en fait sa règle expresse de conduite : « Je me résous, dit-il,
prendre un vol à toute la teneur de ma vie, qui ne soit ni trop
haut ni trop bas. »
Une de ses lettres (la 12e du livre II) nous paraît renfermer
toute sa théorie littéraire, l’idéal de la langue telle qu’il la désire, et il
s’y dirige d’après le même esprit de droite et moyenne raison. Pasquier,
avons-nous dit, pense, contrairement à plusieurs de ses contemporains, qu’il
faut écrire en français ; mais ce français, où faut-il aller
en puiser la naïveté et la pureté comme à sa source ? Quelques-uns estiment que
c’est à la cour des rois qu’on parle le mieux, et que c’est là que s’apprend le
vrai français : Pasquier le nie tout à plat. Il trouve que le
langage y est beaucoup trop amolli et trop efféminé. Est-ce donc à la cour du
Palais et au Parlement qu’il faut aller demander cette école de bonne langue ?
Pas davantage. Les avocats y parlent sans assez de choix, et celui qui
s’applique à mieux dire est taxé par les autres d’affectation et de recherche.
Où donc aller pour trouver la source pure ? « Je suis d’avis, nous dit
Pasquier, que cette pureté n’est restreinte en un
certain lieu ou pays, mais éparse par toute la
France. »
Il faut donc colliger en quelque sorte le bon
langage, il le faut composer et rassembler de plus d’un endroit, et il nous en
indique les moyens, sans négliger ce qu’on peut emprunter chemin faisant aux
langues anciennes. Il applique à ce travail mixte la comparaison si naturelle de
la digestion ; il insiste trop cependant sur certains détails de cette digestion
laborieuse. En un mot, dans tout ce qu’il dit à ce sujet, Pasquier a le bon
sens, mais il n’a pas encore le bon goût. Le goût sera la dernière chose qui
viendra en France ; mais, quand il viendra, il sera déjà tard, et le bon sens,
si propre à le fortifier et à le soutenir, se trouvera déjà affaibli. Le plein
bon sens et le vrai bon goût, chez nous, n’ont jamais existé ensemble qu’à un
très court moment de la littérature et de la langue.
Pasquier veut une langue qui soit bien française de fonds, mais très large et
très riche d’acquisitions et de dépendances. En ceci comme en tout, il suit sa
ligne et fait preuve d’un sens pratique étendu. Il conseille de recourir aux
vieux auteurs et de s’en nourrir pour enrichir la langue par art et science,
mais sans, pour cela, se rendre antiquaire ; c’est une
affectation « qu’il faut fuir, dit-il, comme un banc ou écueil en pleine
mer »
. Il pense qu’il y a profit à entendre les gens de divers
métiers, militaires, veneurs, financiers, et jusqu’aux simples petits artisans.
Chaque profession, en effet, nourrit à sa manière de bons esprits qui trouvent,
dans le sujet habituel qu’ils ont en main, des expressions heureuses, des termes hardis et naturels, dont un bon écrivain peut faire
ensuite son profit, mais dont seul il ne se serait pas avisé. Pasquier cite de
ces exemples de bonnes locutions qu’il a dues à des gens du peuple. L’un d’eux,
pour exprimer qu’il était « prompt et dru à
la
besogne »
, ajouta, en lui parlant, qu’il était franc au
trait : « métaphore, nous dit Pasquier, qui est tirée des bons
chevaux qui sont au harnois ; dont je ne me fusse jamais avisé, pour n’avoir
été charretier ; un pitault de village me
l’apprit »
. On voit que Pasquier ferait presque comme Malherbe,
qui renvoyait volontiers ceux qui le questionnaient sur la langue aux porteurs du Port au foin. Mais Pasquier ne renvoyait pas à eux
pour toute école ; et, en général, la langue telle qu’il la conçoit et qu’il la
dessine, est plus large et plus diverse que celle que fit ensuite prévaloir
Malherbe.
En conseillant d’imiter les anciens et de les traduire, Pasquier recommande qu’on ne les traduise pas servilement, mais qu’on trouve leur équivalent en français, qu’on fasse surgir s’il se peut, à leur propos, une parole qui vienne de notre propre fonds. Lui-même il a été, en général, fidèle à ces conseils en écrivant. Il a des défauts sans doute, quelques pointes et jeux de mots, des comparaisons trop recherchées, des ressouvenirs de César, de Pompée et de Scipion, qui reviennent trop souvent, des thèses de parti-pris qui rappellent les déclamations des anciens. Sa marche est souvent embarrassée et comme empêchée d’érudition ; il est moins vif et moins court-vêtu que Montaigne, et même il l’est moins que cet habile ignorant, Philippe de Commynes. Son style est de robe longue, même dans ses lettres où il ne vise point à être pompeux ; mais, à tout moment, il rachète ces défauts réels, ces longueurs de phrase, par des expressions heureuses qui honoreraient Montaigne ; il joint à sa gravité habituelle, à la justesse et à la prud’homie de ses pensées, un agrément qui sent le poète dans la prose. Ce reste de poète, insuffisant dans la pure poésie, revient à point pour égayer et comme pour fleurir ses pages sérieuses. Enfin, Pasquier, dans ses bons endroits, nous offre le plus bel ordinaire de la langue du xvie siècle, bans la chaîne de la tradition, il forme un terme moyen, un anneau solide entre les bons écrivains du xve siècle, tels qu’Alain Chartier, et les bons écrivains du xviie , tels que Patru ou Bourdaloue.
Et comme correctif à ce que je viens de dire sur les quelques défauts de l’estimable prosateur, quelle plus jolie lettre, quelle plus vive et plus légère d’allégresse, que celle que Pasquier adresse à l’un de ses amis, lors de la naissance de son fils ! Il est comme saisi et transporté de l’ivresse de sa nouvelle condition paternelle ; son style cette fois s’allège et bondit :
Puer nobis natus est, s’écrie-t-il, comme dans la messe de Noël, il me plaît de commencer cette lettre par un passage de l’Église, à l’imitation de nos anciens avocats en leurs plaidoiries d’importance… Je suis donc augmenté d’un enfant, et augmenté de la façon que souhaitait un ancien philosophe, c’est-à-dire d’un mâle et non d’une fille ; je dirois Parisien et non Barbare, n’étoit que ce nom sonne mal aux oreilles de tous…
Et il raconte comment, par jeu et par un reste de superstition
d’érudit, il a voulu chercher l’horoscope de ce fils, en ouvrant au hasard
quelque livre de sa bibliothèque. C’est Ovide qui lui est tombé sous la main, et
qu’il a lu en deux ou trois endroits ; et il interprète l’oracle gaiement,
concluant de l’un de ces passages qu’il ne faut suivre, en matière de vertu et
de maniement de fortune, ni la secte trop dissolue des épicuriens, ni celle,
trop rigide et trop nue, des stoïques ou des cyniques, mais se rapporter tant
qu’on peut, ici-bas, à la maxime du sage mondain Aristote, qui
est de jouir de la vertu en affluence de biens :
« Voilà comment, petit père, ajoute-t-il en parlant de lui-même, j’ai
commencé à dorloter mon enfant. »
Les Lettres de Pasquier, qu’il commença lui-même de publier en dix livres (1586), et qui ont été complétées après lui jusqu’au nombre de vingt-deux livres, sont d’une lecture très instructive, plus attachante à mesure qu’on s’y enfonce, et qui nous le rend tout entier avec son monde et son époque. Les premiers livres, pourtant, sont d’un intérêt moindre ; il s’amuse visiblement à imiter parmi nous Pline le Jeune ou Politien, qui ont laissé des recueils de ce genre ; il se propose des sujets, des thèmes, auxquels il se joue. Il insérera à dessein, à côté d’une lettre d’importance, un billet insignifiant, dont il a soigné la forme et le tour. Il est en ce point le devancier de Balzac, du chevalier de Méré, de cette école ingénieuse et compassée qui fit faire à la langue sa dernière année de rhétorique : la première année de cette rhétorique commence déjà sensiblement chez Pasquier. Mais bientôt, avec l’âge et le cours des événements, les sujets deviennent plus sérieux : à partir d’un certain moment, toute l’histoire et la politique de son temps y passent, et nous y assistons avec lui, c’est-à-dire par les yeux d’un témoin judicieux, éclairé, placé au meilleur point de vue, ni trop près ni trop loin de la Cour, qui ne se pique point de parler en homme d’État, mais qui apprécie et sent les choses de sa nation avec le cœur et l’intelligence de cette haute bourgeoisie, alors si intègre et si patriotique, et qui se pouvait dire le cœur même de la France. Ces lettres sont véritablement une pièce des plus essentielles à joindre aux mémoires du temps.
La partie politique commence avec le IVe livre des Lettres de Pasquier : on y peut suivre l’origine des troubles (1560), l’invasion, les progrès, les intermittences et redoublements successifs de cette fièvre religieuse et civile. Pasquier n’a point de parti pris à l’avance ; il est bon catholique, mais sans fanatisme ; il est contraire à l’introduction du culte public des réformés, mais il n’arrive à se prononcer contre eux avec énergie que lorsqu’il a vu la Réforme, enhardie par les édits de pacification et de tolérance, lever la tête et devenir envahissante à son tour. De tous ces princes et seigneurs qui ne parlent en sens divers que de la religion de Dieu, du service du roi, de l’amour de la patrie,
« je n’en vois pas un tout seul, dit-il, qui, sous ces beaux prétextes, ne ruine totalement le royaume de fond en comble… Il seroit impossible de vous dire quelles cruautés barbaresques sont commises d’une part et d’autre : où le Huguenot est le maître, il ruine toutes les images, démolit les sépulchres et tombeaux… En contr’échange de ce, le catholique tue, meurdrit, noie tous ceux qu’il connoît de cette secte ; et en regorgent les rivières… »
Quant aux chefs, bien qu’ils fassent contenance de n’approuver tels déportements, Pasquier remarque qu’ils les passent aux leurs par connivence et dissimulation. Établissant des degrés dans le mal et dans la calamité publique :
La paix vaut mieux que la guerre, dit-il ; la guerre qui est faite contre l’ennemi étranger est beaucoup plus tolérable que l’autre qui se fait de citoyen à citoyen : mais, entre les guerres civiles, il n’y en a point de si aiguë, et qui apporte tant de maux, que celle qui est entreprise pour la religion… Il y a deux grands camps par la France…
Il revient en maint endroit sur cette idée que, de toutes les
guerres, il n’en est de pire que celle qui se fait sous voile de religion.
Exposant les tentatives de conciliation du chancelier de L’Hôpital, il les juge
honorables, mais impuissantes et chimériques : « On ne parle plus que de
guerre ; chacun fourbit son harnois. M. le chancelier s’en contriste : tous
les autres y prennent plaisir (1561). »
Il gémit de ce vertige
presque universel ; il sent que le peuple et la classe moyenne
n’ont rien à gagner à ces querelles d’ambitieux qui se
servent des passions et des croyances de tous pour arriver à leurs propres fins
et se supplanter l’un l’autre : « S’il m’étoit permis de juger des coups,
écrit-il, je vous dirois que c’est le commencement d’une tragédie qui se
jouera au milieu de nous, à nos dépens ; et Dieu veuille qu’il n’y aille que
de nos bourses ! »
Il parle des principaux chefs et auteurs de ces
maux avec mesure pourtant, et en parfaite connaissance de cause : jamais les
Guise et Coligny n’ont été mieux jugés et mis en balance, vices et vertus, avec
une plus impartiale équité. Lorsque le danger s’accroît et qu’il faut que les
honnêtes gens se prononcent, Pasquier, malgré tout, n’hésite point ; il est à
son poste et conseille aux autres d’y être comme lui. Pibrac, avocat du roi,
éloigné de Paris en 1567, et abrité en lieu sûr, lui fait demander s’il doit
revenir à Paris et s’exposer aux hasards d’un voyage. Pasquier lui répond que si
l’on pouvait librement choisir, et que si l’on était à commencer sa carrière, il
faudrait appliquer ici le précepte des médecins sur la peste : Partir tôt, aller loin, et revenir tard : « Mais puisque chacun de nous a passé plus de la moitié
de son âge, même que vous, depuis dix-sept ou dix-huit ans en çà, avez été
appelé aux plus belles charges de notre robe, il me semble
qu’il nous faut résoudre de vivre et mourir comme bons citoyens avec
notre État. »
Le conseil qu’il donnait là à Pibrac, il le
pratiqua aussi pour lui-même : on le vit dans la seconde moitié de sa carrière,
lorsqu’il eut passé du barreau dans les rangs de la haute magistrature et qu’il
fut devenu avocat général en la Cour des comptes (1585), en remplir tous les
devoirs, y compris l’exil, et s’attacher invariablement à toutes les fortunes
qui ballottèrent, durant la Ligue, les débris du Parlement et des cours
souveraines de la France. Il fut
digne en tout
d’appartenir à cette magistrature dont M. Giraud a pu si bien dire que le xvie
siècle fut l’âge héroïque de
son histoire, et qui avait pour chef auguste le grand et courageux
Achille de Harlay.
La théorie politique de Pasquier ressort de sa vie même et de ses divers écrits ;
elle est purement et simplement celle des parlementaires. Pasquier n’était point
partisan des états généraux ; dès l’abord, il n’augure rien de bon de ceux
d’Orléans (1560) : « C’est une vieille folie qui court en l’esprit des
plus sages François, qu’il n’y a rien qui puisse tant soulager le peuple que
telles assemblées : au contraire, il n’y a rien qui lui procure plus de tort
pour une infinité de raisons. »
Et il ne se trompait pas trop alors,
eu égard aux conditions de gêne où se trouvait le tiers état dans ces
assemblées. Pasquier estimait que, quelques bonnes ordonnances qu’on y pût
faire, ce n’étaient que belles tapisseries qui servaient seulement
de parade a une postérité, mais que le fin du jeu était d’induire les
roturiers, en les flattant, à une promesse d’impôt qu’on exigeait ensuite d’eux
à toute rigueur. Les états généraux mis ainsi de côté, notre ancienne monarchie
se définissait plus sûrement, au gré de Pasquier, une monarchie qui s’était
tempérée elle-même par ce grand et perpétuel Conseil de la
France, qu’on appelait Parlement. Était-ce le monarque qui avait
expressément octroyé cette autorité première à son Parlement ? Étaient-ce les
anciens parlements mêmes qui, durant les minorités, avaient graduellement établi
cette autorité consentie depuis et ratifiée par le monarque ? Pasquier ne
pressait pas trop ces questions premières ; mais pour lui, dans sa splendeur et
sa plénitude actuelle, le Parlement représentait la majesté de la
couronne qui réside en Justice, et qui ne meurt pas. La royauté
française, en cela aimable et débonnaire entre
les
royautés, avait, de bon gré, voulu réduire sa puissance absolue sous la civilité de la Loi. Le Parlement empruntait des rois mêmes une
sorte de droit gracieux de les avertir et de leur résister.
Telle était en abrégé la théorie politique de Pasquier et celle des
parlementaires, théorie plus justifiable en fait qu’en logique, et qui eut sa
pratique vivante au xvie
siècle.
D’après cette théorie, la résistance du Parlement aux volontés des rois n’excluait pas la fidélité, et en était bien plutôt au contraire l’expression la plus haute, la plus dévouée. Pasquier s’est plu à en consigner dans ses écrits quelques exemples, où l’austérité et la soumission se concilient avec grandeur et d’une manière touchante. Un jour, Louis XI, qui n’aimait guère la contradiction, envoya à son Parlement certaine ordonnance à enregistrer, laquelle, n’étant point juste, y rencontra plusieurs refus. Le roi, dans sa colère, s’échappa à dire que si ces messieurs s’y refusaient une dernière fois, il les ferait tous mourir. Mais voilà que,
le roi étant au Louvre, tout le Parlement s’achemine en robes rouges par devers lui, lequel, infiniment ébahi de ce nouveau spectacle en temps et lieux indus, s’informe d’eux de ce qu’ils lui vouloient demander. — La mort, sire (répondit le seigneur de La Vacquerie, premier président, portant la parole pour toute la compagnie) ; la mort qu’il vous a plu nous ordonner, comme celle que nous sommes résolus de choisir plutôt que de passer votre édit contre nos consciences.
Pasquier, qui nous transmet cette noble tradition, ajoute : « Je crois que
cette histoire est très vraie, parce que je la souhaite
telle… et qu’elle soit empreinte au cœur de toute cour
souveraine. »
Tels étaient les grands exemples dont on se
nourrissait en ce temps-là au Palais, et qui étaient, a dit excellemment
M. Giraud, les « légendes chéries des gens de robe »
.
Pasquier, dans sa mesure, imita ces beaux exemples de
vertueuse et féale liberté. À peine investi par la confiance de Henri III de la
charge d’avocat général du roi en la Cour des comptes, il en usa pour s’opposer
à certain enregistrement d’édit qu’il croyait inique ; et, comme il arriva
qu’une grande princesse qu’il vit peu après lui fit part du mécontentement du
roi, si bien disposé pour lui auparavant, Pasquier répondit, en se ressouvenant
de son ancienne courtoisie galante et de sa poésie de jeunesse pour corriger la
sévérité de son procédé, que ce n’étaient là que brouilleries et querelles
d’amant et maîtresse ; que « l’issue de ceci serait telle que d’un amoureux, lequel, ayant été éconduit par sa dame, s’en va infiniment mal content, mais qui, revenant peu après
à soi, l’aime, respecte et honore davantage »
; et qu’ainsi le roi
l’en regarderait bientôt de meilleur œil que devant. — C’est dans ce haut esprit
de dévouement que Pasquier ne craignit pas de s’opposer à Henri IV lui-même pour
l’enregistrement d’un édit qui allait à démembrer la Cour des comptes, et cela
pendant le séjour du Parlement à Tours, c’est-à-dire pendant que les magistrats
loyaux partageaient les fortunes diverses du Béarnais et son exil de Paris.
N’admirez-vous pas cette résistance respectueuse jusqu’en pleine fidélité ? Le
même homme qui va écrire une lettre d’effusion et d’ivresse au sujet de la
victoire d’Ivry, une lettre qui est comme le bulletin de triomphe et le cri
populaire de la joie française, cet homme croit de son strict devoir d’avocat du
roi près d’une cour souveraine, d’avertir son maître, de l’arrêter résolument
dans une de ses volontés, au risque de lui déplaire. Théorie incomplète si l’on
veut, inconséquente, et qui ne saurait résister à l’exactitude du raisonnement,
mais qui se recouvre de grandeur et de religion dans
l’histoire, puisqu’elle a pour elle tant de beaux noms, depuis le premier
président de La Vacquerie jusqu’à M. de Malesherbes.
Le chef et le héros de cette haute magistrature au xvie
siècle, le premier président Achille de Harlay, dira au duc de
Guise qui le venait visiter au lendemain des Barricades, et qui le trouvait se
promenant tranquillement dans son jardin : « C’est grand pitié quand le
valet chasse le maître ; au reste, mon âme est à Dieu, mon cœur est à mon
roi, et mon corps est entre les mains des méchants : qu’on en fasse ce qu’on
voudra ! »
C’est ainsi que parlaient de la royauté, dans le péril et
en face de l’ennemi, ceux qui lui résistaient en face à elle-même. Mais c’est là
l’idéal, et l’idéal ici-bas ne se réalise tout au plus qu’un instant. Certes, si
quelque chose était capable en France de contrebalancer l’impétuosité et
l’impatience particulière à la nation, à la noblesse comme au peuple même, de
créer à temps ce respect de la loi qui est comme un sens
public qui nous manque et qui est aboli en nous, c’était ce corps intègre,
tenant un milieu magistral, ce corps de politiques encore
croyants, bons chrétiens et catholiques sans être ultramontains, royalistes
loyaux et fervents sans être courtisans ni serviles. Il y avait là-dedans un
principe organique qui semblait fait pour donner vie et consistance à une classe
moyenne, à cette classe que nous avons vue essayer mainte fois de se constituer
et de se reformer depuis sous divers noms, mais qui n’a plus su retrouver
solidité en elle, ni moralité élevée. Cette classe, qui eut son premier jour
d’avènement et de triomphe avec Henri IV, avait alors sa religion dans l’âme de
la magistrature française au xvie
siècle. Mais,
au xviie
, tout se gâta. On eut des minorités
turbulentes, suivies de régimes absolus et presque despotiques. La vertu, la
gravité, la fidélité du Parlement, firent surtout
naufrage dans la Fronde. Malgré le grand nom de Mathieu Molé, cette majesté
jusque-là inviolable s’éclipsa. Louis XIV asservit le Parlement, Louis XV le
craignit : « Vous ne savez pas ce qu’ils font et ce qu’ils pensent,
disait-il à ses intimes, c’est une assemblée de
républicains… »
À ce moment, la théorie en question, qui
avait besoin d’une condescendance, d’une confiance et d’une foi réciproque,
cette théorie où il entrait, on l’a vu, je ne sais quelle illusion platonique,
était totalement perdue ; il n’y eut plus après que de grands et beaux noms qui
jusqu’à la fin, et en présence de l’échafaud, attestèrent les races
généreuses.
Je n’ai pu que choisir, en courant, quelques points dans la carrière de Pasquier,
dans cette existence si remplie et qui prêterait pour l’étude à tant d’aspects
différents. Si l’on voulait raconter sa vie (ce que viennent de faire si bien
ses derniers biographes), il faudrait parler en détail de son plaidoyer pour
l’Université contre les Jésuites, et de la longue guerre où ce premier acte
l’engagea, lui et sa postérité. Si l’on voulait s’égayer, il faudrait rappeler
l’histoire de cette fameuse puce que, pendant la tenue des
Grands Jours de Poitiers (1579), Pasquier aperçut, un matin qu’il la visitait,
sur le sein de la belle Mlle Des Roches, et qui fournit
matière à tout un volume de vers plus ou moins anacréontiques, grecs, latins et
français, gentillesse et récréation des graves sénateurs. On n’oublierait pas
non plus ces fameuses ordonnances d’amour, qui n’ont pas dû
trouver place dans les Œuvres complètes de Pasquier, et qui
sont comme les saturnales extrêmes d’une gaillardise d’honnête homme au
xvie
siècle. Les longs travaux et les
années d’épreuves, quelques pertes même domestiques au sein de sa nombreuse
famille, n’avaient en
rien amorti l’esprit de
Pasquier ni chagriné son humeur. Après avoir été trente-six ans avocat plaidant,
et pendant dix-neuf autres années avocat du roi, il se démit de tout emploi
public et entra dans la retraite à l’âge de soixante-quinze ans (1604). Il s’y
retrouva vif, enjoué, ressaisi de l’amour des vers, des épigrammes latines ou
françaises, et s’en égayant, comme autrefois, au milieu des lectures sévères.
Une lettre admirable de lui, et qui le peint dans la sérénité de son
rajeunissement final, est celle qu’il adresse à Achille de Harlay, retiré
également des charges publiques, sur les douceurs de la retraite, sur les
charmes d’une étude paisible et variée, désormais toute confinée à l’intérieur
du cabinet, et dont on se dit qu’on ne sortira plus : « J’ai d’un côté
mes livres, ma plume et mes pensées ; d’un autre, un bon feu tel que pouvoit
souhaiter Martial quand, entre les félicités humaines, il y mettoit ces deux
mots : focus perennis. Ainsi me dorlotant de corps et
d’esprit…, etc. »
Et il continue cette description aimable et
souriante dans un style égayé qui tient à la fois de l’Amyot et du Montaigne.
Achille de Harlay lui envoyait en retour quelque sonnet, lequel ne vaut pas tout
à fait sa sublime parole au duc de Guise. Mais qui ne sourirait d’un sourire
d’attendrissement à voir les joies dernières et pures de ces grandes âmes
innocentes ?
C’est dans le calme de ces derniers jours que Pasquier, plus qu’octogénaire, dicta, à l’usage de deux de ses petits-fils, les leçons de droit que M. Giraud nous a mis à même d’apprécier. En prenant pour texte et pour point de départ les Institutes de Justinien, le savant vieillard se montre attentif à saisir toutes les analogies ou même les oppositions qui peuvent se rencontrer entre l’ancien droit romain et notre vieux droit coutumier ; il éclaire, il explique l’un par l’autre, à l’aide d’un rapprochement continuel qu’il orne et relève d’érudition, et qui ne manque pas, jusqu’à un certain point, d’agrément. Ici encore on le retrouve fidèle à son esprit de voie moyenne et de prudence pratique élevée. En droit comme en toute chose, Pasquier suit ce grand chemin de raison qui ne donne dans aucun extrême. Il est de la renaissance romaine avec force, mais avec mesure. En face de ceux qui veulent abuser de l’autorité étrangère en France, il maintient énergiquement tout ce qui est du vrai et naïf droit national ; de même qu’en face de ceux qui, par une autre superstition, abondent dans le sens de la coutume, il se plaît à relever les décisions de l’antique jurisprudence. En un mot, il tient le milieu entre les purs romanistes et l’école coutumière, subordonnant le tout au contrôle du sens commun, qui est en définitive la règle suprême. C’est assez en dire pour montrer qu’en droit comme en religion, comme en politique, comme en littérature et en grammaire même, Étienne Pasquier fut d’accord avec les instincts et les données de sa nature, et qu’il remplit toute sa vocation. S’il ne sortit pas des horizons de son temps, on peut observer à son honneur qu’il les embrassa tout entiers. Venu dans une forte époque, mais pleine de conflit et de confusion, il nous offre, à travers quelques défauts de forme et de goût, l’exemple de l’un des plus excellents, des plus solides et des plus ingénieux entre les esprits modérés.
Ce serait ne pas tout rendre à sa mémoire que de ne pas remarquer que cette qualité du judicieux, si essentielle en lui, et qu’il possédait avec tant de plénitude et d’étendue, est celle aussi qui a reparu comme un trait distinctif et comme une ressemblance de famille chez le dernier et le plus illustre de ses descendants. Un judicieux tempéré d’aimable, — M. le chancelier Pasquier, âgé de plus de quatre-vingts ans et dans la retraite, nous explique en quelque chose ces heureuses qualités de son ancêtre.