Mérat, Albert (1840-1909)
[Bibliographie]
Avril, mai, juin, en collaboration avec Léon Valade (1863). — Les Chimères (1866). — L’Intermezzo, poème imité de H. Heine, en collaboration avec Léon Valade (1868). — L’Idole (1869). — Les Souvenirs (1872). — L’Adieu (1873). — Les Villes de marbre (1874). — Printemps passé (1875). — Au fil de l’eau (1877). — Poèmes de Paris (1880). — Poésies d’Albert Mérat (1898).
OPINIONS.
Paul Stapfer
M. Albert Mérat excelle à produire, avec l’harmonie prestigieuse des mots, l’illusion des choses ; il semble à première vue qu’une idée habite des sonnets si élégamment construits.
Théodore de Banville
Sous ce titre : Poèmes de Paris, M. Albert Mérat vient de publier un nouveau volume de vers, fins, délicats, légers et, de plus, amusants ! ce qui n’est pas un mince mérite. M. Albert Mérat, parisien jusque dans la moelle des os, est ardemment épris de la modernité ; il connaît▶ sa ville jusque dans les moindres recoins, l’été, l’hiver, le matin, le soir, sous la pluie, sous le soleil. Il sait la voir et la peindre en artiste.
Depuis ses premiers recueils, il a marché à pas de géant ; maintenant son vers, précis et correct, a toujours le ton juste, le mot décisif qui ouvre un monde d’idées et de rêves, et la netteté d’expression qui est le signe et comme la marque du bon ouvrier. Ses poèmes, composés avec science et certitude, ont cela de très remarquable, qu’ils contiennent tout ce qui convient au sujet et pas une syllabe de plus. Le poète a su, et il n’y a pas de courage plus rare, se priver de tout ce qui serait développement superflu et ornement inutile ; mais chacune de ses strophes se termine par un trait vif et brillant comme une pointe de flèche, et indispensable quand on parle à des Français, pour qui tout doit être spirituel ! M. Albert Mérat sait par cœur le Paris vivant, élégant, gracieux, élégiaque, amoureux, pittoresque ; si j’avais à lui adresser un reproche à propos de Paris, ce serait de n’en avoir pas assez vu le côté inouï, prodigieux et grandiose.
Emmanuel Des Essarts
Par ce volume excellent (Au fil de l’eau) comme par l’ensemble de son œuvre, Albert Mérat a conquis sa place au premier rang des jeunes poètes. Ce n’est pas un narrateur tel que Coppée, un psychologue comme Sully Prudhomme, comme Silvestre, un alexandrin pénétré de « modernité » ; c’est, en poésie, un peintre de genre et de paysage, encadrant ses tableaux dans les quatrains de la stance ou du sonnet. Il a semé des chefs-d’œuvre dans tous ses recueils et déployé dans son art une certitude, une souplesse qu’aucun autre n’a dépassées.
Marcel Fouquier
M. Mérat a publié les Chimères, les Villes de marbre, que l’Académie française orna de son vert laurier, Au fil de l’eau et les Poèmes de Paris. Ce sont, à mon gré, deux livres tout à fait exquis, que le bon La Fontaine, parisien et flâneur s’il en fut, aurait à brûle-pourpoint proposés à l’admiration des « honnêtes gens » de sa connaissance, dans la rue.
M. Mérat aime Paris à la folie.
Comme il l’aime et comme il le ◀connaît ! En se promenant, sans autre compagne même que sa rêverie ou cette vague musique que les poètes écoutent en leur cœur, dans le bruit et le silence des choses, comme il regarde, comme il devine tout, comme tout l’intéresse, l’émeut des mille détails de la vie qui passe ! Une femme entre à l’église et prie en sa grâce de parisienne agenouillée : sait-elle, saura-t-elle jamais qu’un poète l’a vue ainsi et qu’il a pensé, en la voyant, à la divine douceur mystique de l’Évangile ? Elle monte les Champs-Élysées dans son coupé, à l’heure du lac : sait-elle que le poète l’a reconnue et, à cette minute, dans la lumière d’or du jour qui meurt, sincèrement et mélancoliquement aimée ? Une fleur aperçue dans un terrain vague ou sur le rebord d’une fenêtre, à un étage proche du ciel, un coin joyeux du faubourg, un pauvre intérieur étudié d’un coup d’œil qui en fait sentir la noire misère, un enterrement par la pluie, tout est bon aux rêves du poète. Sa journée est faite de ces riens insaisissables à d’autres, et sa vie. Ce qu’il a vu, il le peint avec une adorable vérité d’observation.