(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 188-189
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 188-189

Saint-Chamond, [Claire Mazarelli, Marquise de la Vieuville de] connue autrefois sous le nom de Mlle. Mazarelli, née en 1731.

Son Eloge du Duc de Sully est d’une lecture des plus intéressantes. S’il n’a pas eu le prix de l’Académie pour lequel il a concouru, il a obtenu celui de l’estime du Public, qui y a reconnu des talens aussi sages que distingués. Ce Discours est écrit avec une noble simplicité qui n’est rien moins qu’ennemie de l’élégance, & dont M. Thomas, son Rival couronné, est très-éloigné.

Le Roman de Camédris est une Production ingénieuse, assaisonnée de tout ce que la connoissance du monde & celle du cœur humain peuvent offrir d’instructif & de piquant. La morale en est d’autant plus facile à saisir, & son effet est d’autant plus assuré, qu’elle s’y trouve mise en action. On sent que l’Auteur sait penser & faire penser, mérite aussi rare qu’utile ; qu’il a du goût & de la raison, de l’imagination, & de la sensibilité.

Madame de Saint-Chamond a fait aussi un Eloge de Descartes, envoyé trop tard à l’Académie Francoise pour être admis au concours. Il l’emporte sur celui de Sully. Quiconque saura apprécier un style noble sans emphase, correct sans sécheresse, précis sans obscurité ; les richesses du savoir & l’art de les mettre en œuvre sans affectation ; le talent de l’analyse & celui du récit ; la profondeur & la justesse des idées, réunies à la vivacité de l'expression qui les anime & à la netteté qui les rend sensibles, admettra sans peine Madame de Saint-Chamond parmi les la Fayette, les Dacier, les Chatelet, & les autres femmes qui ont honoré leur sexe & notre Littérature par leur imagination ou par leur savoir. Le début de cet Eloge est sur-tout remarquable par la sagesse avec laquelle l’Auteur présente le double tableau de la véritable & de la fausse Philosophie. La premiere, selon lui, est celle qui éleve l’homme au Dieu qui l’a créé, le rend docile à sa voix, ferme dans le malheur, modeste dans la prospérité, sensible pour ses pareils, sévere à lui-même. La seconde n’est, à ses yeux, qu’un esprit d’incertitude, de vertige, de révolte, qui tremble à l’idée d'un Dieu vengeur, qui voudroit se soustraire à son existence pour briser ensuite tous les liens de la Societé, vivre dans l’indépendance de tout devoir, & ne respirer que pour soi dans l’Univers. Une femme qui commence ainsi l'éloge d'un Philosophe, n’obtiendra jamais ceux de nos prétendus Sages, mais n’en sera que plus digne de l’approbation des vrais Philosophes.