(1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »
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(1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien.

Après tant de noms obscurs d’écrivains faibles et presque inconnus à la postérité, on trouve enfin un nom célèbre, c’est celui de Julien. Tout prince qui écrit est presque sûr d’intéresser les hommes. Le peuple des lecteurs, par curiosité ou par faiblesse, veut tout connaître de ceux qu’un rang élevé expose à ses regards, Le philosophe observe comment on voit les objets sur le trône ; l’historien cherche dans les écrits d’un roi l’histoire de ses pensées ; le critique qui analyse, étudie le rapport secret qui est, d’un côté, entre le caractère, les principes, le gouvernement d’un prince, et de l’autre, son imagination, son style et la manière de peindre ses idées. Plus le prince a de réputation, plus cet intérêt augmente ; on aime à voir un homme admiré dans sa cour et sur les champs de bataille, écrire et penser dans son cabinet, et parler en philosophe aux peuples qu’il sait gouverner en roi.

Julien réunit ces deux genres de mérite ; mais remarquons que cet avantage, si rare aujourd’hui, l’était beaucoup moins chez les anciens. À Rome, un grand nombre d’empereurs avaient cultivé les lettres. On sait que César fut le rival de Cicéron sur la tribune, et voulut l’être de Sophocle au théâtre. Auguste, très bon écrivain en prose, fit de plus des tragédies et des poèmes. Caïus se piqua d’éloquence. Claude écrivait avec pureté, et composa l’histoire de son temps. L’imagination ardente et fougueuse de Néron se livra à la poésie comme à la musique. Adrien, poète, peintre, architecte et historien, passa encore pour le premier orateur de son siècle. Marc-Aurèle, philosophe comme Épictète, fut écrivain comme lui. Septime Sévère, orateur dans les deux langues, composa les mémoires de son règne. Alexandre Sévère chanta les vertus qu’il avait dans son cœur, et célébra en vers les empereurs les plus humains qui l’avaient précédé sur le trône. Les deux Gordiens furent magistrats, guerriers et hommes de lettres ; et l’un d’eux, avant de régner, avait publié un poème de trente chants, en l’honneur de Marc-Aurèle et d’Antonin. Balbin, élu par le sénat, et massacré par les troupes, réussit dans la poésie et l’éloquence. Gallien, qui fut à la fois voluptueux et brave, et qui se rendit célèbre par des victoires et des bons mots, avait le talent de bien écrire, et fit des vers pleins de volupté et de goût. L’empereur Tacite, maître du monde, se glorifiait de descendre de l’historien de ce nom, et ne passait pas une nuit sans lire ou composer. On érigea une statue à Numérien, comme orateur ; et un seul homme dans l’empire53 lui disputait le prix de la poésie. Constantin, enfin, unissant les usages de l’ancienne Rome à ceux de l’église, et les droits de l’autel à ceux du trône, devenu chrétien, fut tout à la fois empereur et orateur sacré. Il composa et prêcha plusieurs sermons : et l’on a encore aujourd’hui un de ses ouvrages, intitulé : Discours à l’assemblée des Saints ; sermon composé et prêché à Byzance, pour la fête de Pâques, par le successeur de César et d’Auguste.

Ainsi, avant Julien, seize empereurs avaient été au rang des écrivains de Rome. On voit que l’opinion qui a fait de l’ignorance, en Europe, un titre de noblesse, et a défendu aux hommes qui ont ou croient avoir un nom, de l’avilir par l’art de penser et d’écrire ; opinion introduite par les sauvages du nord qui ne savaient que détruire, consacrée par des seigneurs de châtellenies barbares, qui ne savaient qu’opprimer, combattre et chasser ; opinion bien digne en effet de ces deux époques, et qui, au bout de quatorze siècles, n’est pas encore éteinte, et subsiste même aujourd’hui beaucoup plus qu’on ne croit, n’était pas encore née sur la terre. Julien, dont nous n’examinons ici que les talents littéraires, fut en même temps philosophe, orateur, écrivain satirique et plaisant ; et il paraît tour à tour, dans ses ouvrages, l’élève de Platon, de Démosthène et de Lucien. Ses satires sont plus connues que ses éloges. Ceux-ci ne sont pas cependant sans mérite ; mais on est fâché d’en trouver deux consacrés à Constance, prince soupçonneux et lâche, timide et cruel, qui, mêlant la superstition à la fureur, d’un côté protégeait les Ariens et persécutait les catholiques, de l’autre massacrait ses généraux et fit égorger presque toute la famille impériale. Il y a apparence que ces deux panégyriques de Julien furent un tribut que la politique paya à la crainte. Jusqu’au moment où ce prince monta sur le trône, il fut presque toujours en danger ; et peut-être ne conserva-t-il sa vie, qu’en flattant son tyran. Les panégyriques, d’ailleurs, étaient l’esprit de ce temps-là, comme les satires et les chansons ont été en usage chez d’autres peuples. Enfin, ceux de Julien ont été beaucoup plus éloignés que les autres, du ton de la bassesse : souvent aux éloges il mêle des vérités utiles ; et telle est la malheureuse faiblesse de l’orgueil et du pouvoir, que pour instruire les hommes puissants, il faut les louer, et qu’on est presque toujours forcé d’étayer chaque vérité d’un mensonge.

Ces deux panégyriques offrent plusieurs endroits qui méritent d’être cités. Tel est, dans le premier, un morceau sur l’éducation des princes, où Julien parle de la nécessité de former leur corps avec leur âme. Il s’y plaint de cette éducation lâche, qui affaiblit à la fois l’un et l’autre ; détruit le ressort de l’âme, en énervant la volonté ; détruit les moyens des grandes actions, en énervant les forces ; prépare la crainte avant le danger, et la faiblesse dans le malheur.

Tel est un autre endroit sur l’utilité de mettre de bonne heure un jeune prince en action ; de familiariser et ses yeux et son âme avec les périls, les combats, les peuples et les armées ; de lui faire connaître par lui-même, dans son empire, la situation des lieux, l’étendue des pays, la puissance des nations, la population des villes, le caractère des peuples, leur force, leur pauvreté, leur richesse. C’est ainsi, dit-il, en parlant de Constance, qu’il apprenait à commander, mais en même temps il apprenait aussi à obéir ; et il obéissait à ce qu’il y a de plus saint sur la terre, la nature et la loi.

Il y a eu des pays où ceux qui devaient gouverner recevaient à peu près la même éducation que le reste des citoyens. Quoi de plus insensé, dit-il ! on exige, de ceux qui commandent, la plus haute vertu, et l’on ne prend aucun moyen pour qu’ils vaillent mieux que le reste des hommes ! Pour être prince, il faudrait commencer par mériter de l’être.

On peut encore citer un morceau sur ces tyrans de Rome, qui, cruels à force de faiblesse, et craignant tout parce qu’ils n’étaient rien, ne pardonnaient à leurs sujets ni la naissance, ni le mérite ; auprès de qui, dit-il, la vertu était un crime, comme le parricide et la révolte ; prompts à abattre tout ce qui s’élevait, et à détruire tout ce qui était grand.

Le second panégyrique a, dans le dessein, quelque chose de bizarre : Julien veut y prouver que son héros est égal aux plus fameux héros d’Homère ; à Achille, Diomède et Patrocle, pour la valeur ; à Ulysse, pour la politique ; à Nestor, pour l’éloquence. On s’étonnera moins de la bizarrerie de cette idée, quand on saura qu’Homère jouait un très grand rôle dans tous les discours de ce temps-là. Ce poète, que quelques hommes ont trouvé ridicule, et que des milliers d’hommes ont trouvé sublime ; qu’on a déchiré avec excès, parce qu’on l’admirait avec fanatisme ; et qui a fait des partis et des sectes, comme tout ce qui ébranle fortement les hommes, régnait alors sur la poésie et l’éloquence, comme Platon sur la philosophie. On ne pouvait être orateur sans citer l’Iliade. C’est une chose remarquable en philosophie, en éloquence, et dans tous les arts, qu’il ait toujours fallu aux hommes un objet de culte. Chaque siècle a le sien. Il semble que l’esprit humain soit importuné de sa raison, et fatigué d’être libre. Il a besoin qu’on le gouverne et l’asservisse. S’il ne trouve pas un homme, dans son siècle, digne de lui commander, il va demander un maître aux siècles passés : il lui dit, règne sur moi : et aussitôt se prosterne et se courbe aux pieds de sa statue. Bientôt il n’ose plus le regarder qu’avec un respect idolâtre. Ce maître devient le tyran de sa pensée et le législateur de son goût ; ce maître lui dicte ses opinions, et jusqu’aux mots dont il doit se servir. L’homme, dans cet état, ressemble à un enfant timide, qui n’ose faire un pas sans les lisières qui le soutiennent. Il pense, il sent, il respire dans un autre ; il est d’autant plus fier qu’il est plus asservi, jusqu’à ce qu’une nouvelle révolution amène un autre empire et d’autres esclaves. C’était alors le règne d’Homère. Il fallait, pour être grand, ressembler aux héros qu’Homère avait peints. Il fallait, pour avoir raison, approcher au moins de ce qu’Homère avait pensé. Ainsi, dans une grande partie de l’Europe et de l’Asie, on n’écrivait rien où Homère ne fût loué, commenté et cité. Julien paya, comme les autres, ce tribut au goût de son siècle, et dans ce panégyrique surtout. Cependant on y trouve un morceau d’un ton très différent, et où l’orateur, sans citations, sans idées étrangères, ne marche appuyé que sur lui-même, et il faut convenir que sa démarche n’en est pas moins ferme. Ce morceau, où la philosophie se joint à l’éloquence, est le tableau des qualités que doit avoir un prince, pour être digne de commander aux hommes. Je crois qu’on ne sera pas fâché de le connaître. Il a droit de nous intéresser, et comme roulant sur un objet utile, et comme un monument historique, qui peint également et l’esprit et l’âme de l’orateur54.

« La première qualité d’un prince, dit Julien, est le respect pour les dieux, et l’attention à maintenir leur culte dans son empire. Après les dieux, il honore les parents dont il tient la vie ; et quand ils ne sont plus, sa reconnaissance et son respect honorent encore leurs cendres. S’il a des frères, il les chérit ; et tous les liens formés par la nature lui sont sacrés. Accessible aux étrangers, sensible aux prières de ceux qui l’emploient, jaloux de plaire aux meilleurs citoyens, juste avec tous, il s’occupe également de tous les intérêts. Il dédaigne les richesses qui ne sont que de l’or ; les siennes sont des amis qui l’aiment sans feinte, et qui le servent sans le flatter.

« Né avec du courage, il hait la guerre ; mais si ou le hasard ou les vices des hommes la font naître, il sait combattre. Alors son activité égale sa valeur : il ne s’arrête que quand ses ennemis sont vaincus ; mais l’instant de la victoire est celui de la clémence. Il regarde comme un crime d’ôter la vie à qui ne résiste plus. Dans les combats, il veut la plus grande part aux périls et aux travaux ; après le succès, il partage entre tous le fruit de ses périls et de son sang. Il aime également et les citoyens et les soldats. Les citoyens sont pour lui le troupeau dont il est le pasteur, mais il regarde les soldats comme ces animaux fiers et dociles, dont la fonction est d’écarter le danger. Ils ne doivent donc pas eux-mêmes être les ravisseurs et les meurtriers du troupeau qu’ils défendent. Le prince, en exerçant leur courage, l’assujettit au frein. Il ne les laisse pas s’endormir dans un lâche repos ; alors, ceux qui sont chargés de défendre, auraient eux-mêmes besoin de défenseurs. Il ne les laisse pas non plus s’élever avec audace contre leurs chefs ; la discipline dans la guerre est pour lui le gage des succès. Il endurcit ses troupes aux fatigues, mais ce n’est ni par de vains discours, ni par des châtiments : sa loi est son exemple. C’est en bravant la mollesse, en s’abstenant des plaisirs, en dédaignant les trésors, en se livrant peu au sommeil, en fuyant l’inaction, qu’il prétend commander ; en effet, à quoi sert un prince dont la vie n’est qu’un sommeil ?

« Défenseur de l’État au-dehors, au-dedans il sait le rendre heureux. Il réprime les séditions, le luxe, l’intérêt avide, source des crimes ; ou il empêche tous ces maux de naître, ou il les étouffe dès leur berceau. Il saura qu’un citoyen a violé une loi, comme il sait, à la guerre, qu’un ennemi a forcé les retranchements.

« Le protecteur des lois est législateur, s’il a besoin de l’être. Il ne permettra pas plus qu’à des lois utiles et saintes, on joigne une mauvaise loi, qu’il ne permettrait qu’on mît un esclave au rang de ses enfants. En vain ses parents, ses amis et ses proches lui demanderaient d’immoler la loi à leurs intérêts ; l’État est sa première famille. Violer la loi serait pour lui un sacrilège, comme lorsqu’un ravisseur enlève un trésor sacré ; car la loi est un dépôt céleste ; elle est une émanation de Dieu.

« Toujours gouverné par l’équité, il récompense l’homme vertueux, il tâche de guérir le méchant. Parmi les coupables, il en est qui peuvent se réconcilier avec la vertu et les lois : le prince peut les juger. Il en est d’autres qui n’ont plus l’espérance de redevenir justes, et que la loi condamne, pour leur épargner de nouveaux crimes ; il évitera de les condamner lui-même ; jamais la bouche du souverain ne s’ouvrira pour prononcer une peine de mort. Que si les besoins de la patrie exigent qu’il fasse des lois pour la punition des crimes, il ne souffrira point que les peines aient un caractère atroce, ni rien d’humiliant pour la dignité de l’homme. Qu’il imite l’Être suprême dont il est le ministre : Dieu est le créateur du bien ; jamais cet être juste et bienfaisant n’a créé le mal.

« Ainsi que Dieu a des génies qui exécutent ses ordres dans l’univers, le prince a des hommes qui commandent sous lui dans ses États. Qu’il confie à chacun la place qui convient à son caractère ; les emplois militaires à l’âme forte et au courage mêlé de prudence ; les magistratures, à la justice tempérée par l’humanité ; les premières places de l’empire, à ceux dont le mérite, composé des deux autres, unit la vigueur du caractère aux vertus. Mais le choix est dangereux : la méchanceté adroite sait tromper ; et de tous les maux qu’elle fait, le plus funeste c’est qu’elle prend le masque des vertus, et abuse ainsi ou l’ignorance qui ne voit pas, ou la précipitation qui ne se donne pas le temps de voir. Le prince, dans le choix des hommes, doit échapper à tous ces pièges55

« Voilà pour ce qui concerne les magistrats et les lois ; ensuite les regards du prince se fixeront sur le commun des citoyens. Sons lui le peuple des villes, heureux sans insolence, s’accoutumera à vivre dans l’abondance sans orgueil ; le peuple des campagnes, en cultivant ses champs, fournira le nécessaire à ceux qui, le fer à la main, défendent ses moissons. Tous, à l’abri de l’ennemi domestique et étranger, vivront dans une paix profonde, adorant leur souverain, qui est pour eux l’auteur de tant de biens, remerciant les dieux, et invoquant sur lui les faveurs célestes. Les dieux écoutent les vœux des nations, parce qu’ils ne sont dictés ni par le mensonge, ni par la flatterie, mais par la vérité. Ils comblent le prince de tout ce qu’ils peuvent accorder à l’homme ; et quand sa carrière est finie, alors ils l’appellent pour habiter avec eux dans les palais célestes ; il monte, et sa gloire reste sur la terre. »

Il me semble qu’il y a peu de morceaux chez les anciens qui vaillent celui-là pour la raison, la justesse et la vérité. Julien, en traçant ce que devait être un prince, annonce ce qu’il voulait être lui-même. On voit qu’avant de monter sur le trône, il avait médité en philosophe les devoirs d’un homme d’état, et ce magnifique portrait des devoirs d’un souverain était en même temps une leçon pour le tyran qui l’écoutait, et un engagement que le nouveau César prenait avec l’empire.

Outre ces deux éloges, nous en avons encore de lui un troisième, qui est un monument de reconnaissance et de vertu ; il est consacré à l’impératrice Eusébie, sa bienfaitrice. Cette femme, une des plus belles de son siècle, aima les sciences, non par ostentation, mais par goût. Il paraît qu’à la philosophie de l’esprit, elle joignait celle de l’âme, et qu’elle fut à la fois sensible et grande. Ce fut elle qui tira Julien de son obscurité, et le fit nommer César. Mais plus près du trône, il n’en était que plus exposé au danger, dans une cour où la faiblesse barbare s’effrayait des talents, et où le meurtre était toujours près des soupçons. Eusébie, qui avait commencé l’ouvrage de sa grandeur, eut l’art de le maintenir : elle enchaîna les fureurs de Constance ; et malgré sa renommée, le nouveau César échappa aux assassins. Julien, à la tête de cet éloge, annonce le sentiment qui le lui inspire. « Les bienfaits, dit-il, pour une âme généreuse, sont une dette, et le premier devoir est de s’acquitter. L’ingratitude n’est pas seulement le vice de celui qui outrage son bienfaiteur : ceux même qui gardent le silence et qui oublient, sont coupables. Le premier crime est rare : mais on ne trouve que trop souvent des hommes dont le silence ingrat cache et dissimule les bienfaits. Ils se taisent, disent-ils, pour ne point paraître adulateurs ; ah ! c’est bien plutôt un secret orgueil qui les révolte. Faibles et lâches envers leurs bienfaiteurs, ces mêmes hommes sont fiers et ardents avec leurs ennemis ; leur reconnaissance est glacée, leur haine est implacable. »

Par le peu que j’ai cité, il est facile de connaître le ton et le mérite de Julien, dans ses éloges ; on doit les estimer par certaines vérités de détail, et des idées philosophiques qui sont de tous les pays et de tous les temps : mais il faut en convenir, le fond intéresse peu. Que nous font aujourd’hui Eusébie et Constance ? tant qu’un prince est vivant, tous les regards sont fixés sur lui ; son rang, les hommages qu’il reçoit, les espérances et les craintes d’un peuple, la pompe et l’appareil qui l’entourent, en font une espèce de colosse qui remplit tout : mais à sa mort, il reprend sa grandeur naturelle ; ensuite il disparaît à mesure qu’il se recule et qu’il s’enfonce dans les siècles. Il ne reste alors que ces traits distinctifs, que la renommée saisit quand il y en a ; quand il n’y en a point, il ne reste plus rien ; et que deviennent alors les panégyriques ? quand la statue est brisée, à quoi sert l’inscription ? Philosophe, orateur, qui que tu sois, veux-tu vivre ; traite des sujets, qui, à deux mille lieues de toi, et dans deux mille ans, intéressent encore ! n’écris pas pour un homme, mais pour les hommes : attache ta réputation aux intérêts éternels du genre humain : alors la postérité reconnaissante démêlera tes écrits dans les bibliothèques ; alors ton buste sera honoré et peut-être baigné de larmes chez des peuples qui ne t’auront jamais vu, et ton génie, toujours utile, selon la belle expression d’un de nos poètes, sera contemporain de tous les âges, et citoyen de tous les lieux.