Argens, [Jean-Baptiste de Boyer, Marquis d’] Chambellan du Roi de Prusse, de l’Académie de Berlin, né à Aix en 1704, mort en Provence en 1770.
Jamais l’abus de l’érudition ne s’est fait plus sentir que dans ses Ouvrages. Son imagination y paroît féconde, mais peu réglée ; son esprit aisé, mais minutieux & trop enclin à la satire ; son style naturel, mais diffus & très-négligé. Son ton est plus hardi que philosophique ; ses plaisanteries plus indécentes qu’agréables ; ses discussions plus pédantesques qu’instructives. Il a eu cependant de la réputation, dans le temps où la Philosophie commençoit à faire entendre le jargon de son extravagance ; il est même un des premiers qui ait osé lever le masque. C’est ce noble courage qui a enfanté la Philosophie du bon sens, les Lettres Juives, les Lettres Cabalistiques, les Lettres Chinoises, les Songes philosophiques. Aujourd’hui on est assez généralement dégoûté de toutes ces miseres ; les sots même commencent à s’appercevoir que ses Lettres Juives ne sont qu’un répertoire de scandales & de mensonges ; sa Philosophie du bon sens, une compilation d’absurdités & de contradictions ; ses Lettres Cabalistiques, un fatras de satires & de redites ; ses Lettres Chinoises, un recueil d’observations communes & de déclamations ennuyeuses ; ses Songes philosophiques, un amas de chimeres & de visions ; ses Romans, une source d’ennui & de dégoût. Sans ses Mémoires, qui sont assez bien écrits, M. le Marquis d’Argens n’auroit pas un seul Ouvrage véritablement digne d’être lu.