(1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197
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(1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

III

Encore une fois, je ne veux point déprécier l’abbé Delille : tous ceux qui l’ont connu l’ont trop aimé, l’ont trop goûté et applaudi pour qu’il ne dût pas y avoir en lui bien des grâces et une magie de talent : il y a certainement dans le poème de L’Homme des champs, dans celui de L’Imagination (plus que dans Les Jardins), des morceaux qui méritaient tout leur succès quand ce gentil et vif esprit les soutenait de sa présence et de son débit, et quand il les récitait dans les cercles pour qui il les avait composés. Lus aujourd’hui, ils plaisent encore ; ils montrent surtout combien le goût public a changé, et comment on demande moins souvent qu’autrefois aux auteurs de ces vers qu’on appelait spirituels. Laissons les comparaisons inutiles ; je me contenterai de supposer qu’on a une idée générale et suffisante de la manière et de la veine de l’abbé Delille, et je choisirai rapidement, dans le poème de La Tâche, les endroits qui indiquent chez le poète anglais d’autres sources et d’autres inspirations.

Cowper aime tendrement la campagne, il l’aime pour y vivre, pour y habiter, pour ne s’en lasser à aucun âge ni à aucune saison. Dans son premier chant, après cette promenade avec Mme Unwin que j’ai citée, et cette description si parfaite du paysage, il ne s’en tient pas là : comme poète, son morceau est fait ; comme amant de la nature, que de choses il a à dire encore ! Aussi, le tableau terminé, il recommence aussitôt. Ce n’est plus en compagnie de son amie, c’est seul, à une saison moins belle et quand un pied de femme ne se tirerait pas aisément des mauvais pas, qu’il fait ses excursions et qu’il va à la découverte du pays. Il nous le décrit à la ronde, semant sa course plus libre de mille impressions qui tiennent soit aux accidents agrestes du terrain, soit aux sons qu’il entend et auxquels il est des plus sensibles, soit à la couleur variée des arbres qu’il distingue et spécifie par toutes leurs nuances ; la vie, l’intérêt, une passion tendre et profonde se fait sentir sous toutes ces descriptions desquelles on ne peut pas dire qu’il s’y amuse, mais bien plutôt qu’il en jouit. Dans le cours de ses longues excursions, après avoir gravi les hauteurs, descendu les pentes rapides, franchi les ruisseaux plus ou moins gonflés ou à sec selon les saisons, il arrive devant un parc seigneurial par où il peut abréger son chemin en le traversant ; il ne fait point comme Rousseau qui éviterait sans doute d’y passer, et qui aimerait mieux faire le grand tour sous le soleil que de rien devoir au riche et au puissant. Le seigneur de ce domaine fermé a permis à Cowper de le traverser librement, ce qui veut dire qu’il lui a donné une clef une fois pour toutes. Cowper, au sortir de la rase campagne, entre donc dans ces hautes avenues et y trouve la fraîcheur et l’ombre :

Où donc est maintenant le soleil dévorant ? Par une transition soudaine, nous avons échappé à son éclat éblouissant, et nous sommes entrés tout d’un coup dans un plus frais climat. Ô avenues tombées ! encore une fois je déplore votre chute imméritée ; encore une fois je me réjouis qu’il y ait un restant de votre race encore debout. Qu’elle est aérienne et légère cette voûte grâcieuse, et pourtant auguste et vénérable comme celle, de la nef consacrée qui retentit de pieux cantiques ; tandis qu’au-dessous la terre tachetée de lueurs changeantes semble mobile comme une onde ridée par le vent ! Si folâtre est le rayon lancé à travers les branches, qu’il danse lorsqu’elles dansent elles-mêmes ; ombre et lumière s’entremêlant dans un réseau rapide, et obscurcissant ou illuminant, au gré des feuilles qui se jouent, chaque point du sol, à chaque instant.

Et maintenant les nerfs rafraîchis et remontés, et les esprits réjouis, nous foulons le désert, dont les sentiers bien ménagés, se déroulant d’une courbe facile et douce et d’une ligne trompeuse, simulent un grand espace dans d’étroites limites. Plus loin, le bosquet nous reçoit ; à travers les troncs tout droits de ses grands ormes, nous pouvons distinguer le batteur en grange, à l’ouvrage. Coup sur coup résonne le fléau régulier qui semble se balancer incertain, et qui pourtant tombe en plein sur l’épi destiné. La paille menue vole au loin ; la tige broyée envoie dans l’air un fréquent brouillard d’atomes, qui étincelle dans le rayon de midi. Venez ici, vous qui pressez vos lits d’édredon et qui n’y dormez pas ; voyez-le, l’homme de peine, suant au-dessus de son pain avant de le manger. C’est la malédiction première, mais désormais adoucie en miséricorde, et devenue le gage clément de jours meilleurs et de nuits sans gémissements.

Ces hautes avenues, ces grands ormes, et l’atome de loin qui luit dans le soleil ! on a toute la variété et les contrastes du tableau : un ancien eût fini peut-être par ce dernier trait et par cet image, mais Cowper ne s’y est pas tenu ; il y a mêlé son idée de fils d’Adam sur le travail qui est une peine et un châtiment, mais qui est devenu un moyen ou un gage de rachat. Cowper est profondément chrétien ; l’austérité domine même trop chez lui, au point de vue de la mesure et du goût. Il a un côté presque hébraïque par la rigidité, par l’effroi, et de son bosquet et cabinet de verdure, en même temps qu’il aperçoit de loin les batteurs en grange à travers le feuillage, il lui arrive quelquefois d’avoir tout à coup une vue, une vision sur le Sinaï.

Cowper est de plus un patriote et un excellent Anglais, jusqu’aux préjugés et aux préventions inclusivement. Pour le lire comme il faut et pour bien entendre toutes ses cordes, et aussi pour se bien rendre compte du grand succès de son poème dès qu’il parut, il convient de se rappeler les événements de ces années, la guerre d’Amérique dont l’issue humiliait l’Angleterre, les débats passionnés du Parlement, les triomphes et les crimes dans l’Inde, les premiers efforts de Wilberforce pour l’affranchissement des noirs, les dilapidations et le désordre dans les plus hauts rangs et l’inconduite du jeune prince de Galles : Cowper, en ses moments lucides et tandis qu’il composait La Tâche, voyait tout cela de loin, en gros, mais avec bien de la curiosité et de l’ardeur : « Oh ! qu’il est doux, disait-il quelque part, dans la retraite (d’un soir d’hiver), à travers le trou de sa serrure, de guetter le monde tel qu’il est fait, de voir tout le remuement de cette Babel et de ne point sentir la foule. » Mais il avait trop de sensibilité, de patriotisme, de mouvements humains et chrétiens pour en restera cet état de spectateur amusé, et il s’échappait à tout instant en élancements et en effusions douloureuses qui peuvent sembler aujourd’hui toucher à la déclamation, mais qui, à les bien prendre et à les saisir dans leur jet, étaient surtout des à-propos éloquents. C’est ainsi que son premier chant, que nous avons vu commencer par ces gentillesses et presque ces mièvreries ingénieuses sur le sopha, se termine par cette tirade ou par ce couplet rural et patriotique tout ensemble :

Dieu fit la campagne, et l’homme a fait la ville. Faut-il dès lors s’étonner que la santé et la vertu, ces dons qui peuvent seuls adoucir l’amer breuvage que présente la vie à chacun de nous, se trouvent plus en abondance et soient moins menacées dans les champs et dans les bois ? Restez donc, vous qui, portés dans des chaises ou dans des chars, ne connaissez d’autre fatigue que celle de l’oisiveté et ne goûtez d’autres scènes que celles que l’art combine, restez toujours dans votre élément ; là seulement vous pouvez briller ; là seulement des esprits comme les vôtres peuvent ne pas nuire. Nos bois ont été plantés pour consoler à midi le promeneur pensif qui erre sous leurs ombres. Au soir, le rayon de la lune, glissant mollement entre les feuilles endormies, est toute la lumière qu’il désire ; le gazouillement des oiseaux est toute sa musique. Nous pouvons épargner la splendeur de vos lampes ; elles ne font qu’éclipser notre astre plus doux. Vos chansons troublent nos plus harmonieux concerts ; la grive s’envole effrayée, et le rossignol offensé se tait. Il y a un malheur public dans votre joie ; elle est un fléau pour votre pays ; une folie telle que la vôtre, parée d’une épée quand elle mériterait mieux un éventail, a fait, ce que jamais les ennemis n’eussent pu faire, que cette voûte de notre empire, inébranlée jusqu’à vous, n’est plus qu’un édifice mutilé qui menace ruine.

Qui ne sent ici la douleur du vieil Anglais au moment où se détache toute l’Amérique du nord, ce magnifique quartier de la patrie britannique ?

Le second chant du poème est tout entier consacré aux malheurs publics ou plutôt encore aux calamités physiques et naturelles qui éclatèrent alors (1781-1783) par d’affreux ouragans, par des tremblements de terre soit à la Jamaïque et dans les îles adjacentes, soit plus tard en Sicile et autres lieux. Cowper, avec son tour d’imagination frappée, y voyait non seulement des avertissements divins et des châtiments infligés au monde, mais encore des signes précurseurs de la fin des temps et du Jugement dernier. Ordinairement il intitule ses chants d’après le morceau de début ou le tableau principal qui les décore : ainsi un des chants s’intitule Le Jardin ; un autre Le Soir d’hiver, un autre Promenade d’un matin d’hiver, un autre Promenade d’hiver à midi ; mais le second chant a pour titre Le Cadran, quoiqu’il n’y soit point question d’une telle chose ; c’est un titre mystique et symbolique, comme qui dirait les signes des temps. On ne demande point au poète une exactitude de physicien ni le raisonnement méthodique d’un philosophe. Le début de ce chant est admirable de mouvement et d’affection ; le poète y a des accents de David et de Jérémie :

Oh ! que j’aie un coin où m’abriter dans quelque vaste désert, dans le voisinage de quelque forêt illimitée, là où la rumeur de l’oppression et de l’imposture, de la guerre heureuse ou malheureuse, ne puisse jamais plus m’atteindre ! Mon oreille est blessée, mon âme est malade de ce que j’apprends chaque jour des maux et des outrages dont la terre est remplie. Il n’est plus de chair qui palpite dans le cœur endurci de l’homme ; il ne sent plus rien pour l’homme : le lien naturel de la fraternité est tombé, comme le chanvre qui tombe brin à brin au toucher du feu. L’homme trouve son compagnon coupable, — coupable d’une peau autrement colorée que la sienne, etc…

Il continue d’énumérer toutes ses douleurs et ses blessures comme Anglais, comme chrétien, et comme homme. Tout ce livre, d’une teinte morale sombre, est comme une suite d’élancements mystiques, bibliques, patriotiques, humains et fraternels : il a l’inconvénient de ressembler plus d’une fois à de la prédication en vers ; mais, par son esprit et par son ardeur, il suffirait à montrer combien Cowper s’élève au-dessus de l’ordre des poètes descriptifs et pittoresques proprement dits.

Le chant troisième, intitulé Le Jardin, nous ramène à des scènes plus familières et plus douces. Dès les premières pages, on y lit une délicieuse invocation au bonheur domestique, dont Cowper ne jouissait qu’imparfaitement sans doute, mais qu’il appréciait avec une si pieuse et si chaste délicatesse :

Félicité domestique, toi la seule bénédiction du Paradis qui ait survécu à la chute ! quoiqu’il soit donné à bien peu maintenant de te goûter inaltérée et pure, ou, te goûtant, de jouir longtemps de tes dons, trop infirme ou trop imprudent qu’on est pour pouvoir préserver tes douceurs sans mélange de toutes gouttes amères que la négligence ou la brusquerie de nature laisse tomber dans ta coupe de cristal ; tu es la nourrice de la vertu ; c’est dans tes bras qu’elle sourit, paraissant, comme elle l’est en réalité, née dans les cieux et destinée à y remonter de nouveau. Tu n’es point connue là où le Plaisir est adoré, cette chancelante déesse à la ceinture dénouée et aux yeux errants, toujours appuyée sur le bras de la Nouveauté, son volage et fragile soutien ; car tu es tendrement patiente (meek) et constante, haïssant le changement, et trouvant dans le calme d’un amour éprouvé des joies que les orageux transports ne donnent jamais. En te délaissant, oh ! quel naufrage nous avons fait, naufrage d’honneur, de dignité et de bonne renommée !…

Ce chant, pour justifier son titre, traite des fleurs, des travaux du jardinage : « Qui aime un jardin aime aussi une serre. » Il y a des préceptes tout particuliers sur l’art d’élever les courges ; le poète y parle d’après sa propre expérience, et comme quelqu’un qui a mis la main à la bêche et à la terre. Un sentiment de bonheur circule dans ces descriptions aimables ou savantes, et montre Cowper sous son jour le plus riant : « Si j’avais le choix d’un bien terrestre, que pourrais-je souhaiter que je ne possède ici ? santé, loisir, tous les moyens d’en profiter ; amitié, paix, une rêverie errante et non relâchée et vagabonde, une occupation constante sans qu’il y ait souci. Ainsi béni du ciel, je fais le tableau de mon bonheur. »

Mais c’est dans le chant du Soir d’hiver qu’il achève de se peindre à nous en son cadre favori, aux moments les plus heureux, et dans tout le charme d’un raffinement social innocent et accompli. Le début de ce chant est célèbre : c’est l’arrivée du facteur ou messager qui apporte les lettres : « Écoutez ! c’est le son du cor là-bas sur le pont… » Cet insouciant messager apporte dans son sac, qu’il jette négligemment, la joie ou la douleur, la mort ou la naissance, la fortune ou la ruine…, et il repart en sifflant. Ces jolis tableaux achevés, et qui trouveraient chez Delille plus d’un pendant bien spirituel aussi, quoique d’une exécution moins sûre, ne sont pas ce que j’aime le mieux chez Cowper, et je le préfère lorsque ayant achevé l’énumération de tout ce qui s’agite de nouvelles publiques et privées entassées pêle-mêle dans le sac du facteur, il ajoute : « Maintenant attisez le feu et fermez bien les volets ; laissez tomber les rideaux, roulez et approchez le sopha ; et tandis que l’urne bouillonnante et sifflante fait monter sa colonne de vapeur, et que les coupes qui réjouissent, mais n’enivrent pas, sont là préparées pour chacun, donnons ainsi la bienvenue et l’accueil au soir paisible qui descend. » Dans l’emploi de la soirée qu’il va suivre en ses plus menus détails et dont il fait luire chaque instant à nos yeux, il se souvient d’Horace : « Ô soirées et soupers dignes des dieux ! O noctes caenaeque Deûm !… » Mais il y met son originalité et y ajoute sa flamme, un sentiment moral et religieux qui ne l’abandonne jamais, un éclair de saint Paul et des apôtres, avec l’appréciation toutefois d’un confort et d’un bien-être que les apôtres ne connurent jamais. Il est inépuisable dans le thème et le motif toujours renaissant de cette quiétude bénie du foyer, et il y joint une élégance toute moderne, tout anglaise, qui fait parfois que telle de ses demi-pages ressemble à une vignette de Westall dans tout son joli et son scintillant. Collins a une ode pleine d’imagination et de haute fantaisie adressée Au soir : Cowper, dans le passage suivant, rappelle Collins avec moins de lyrisme et quelque chose de plus arrangé, de plus familier, mais avec une touche d’imagination non moins vive :

Viens encore une fois, ô Soir, saison de paix, reviens, doux Soir et continue longtemps. Il me semble que je te vois vers l’Occident rayé, avec ton pas lent et grave comme celui de la mère de famille, tandis que la Nuit te suit de près et marche déjà sur ta robe traînante : d’une main, tu laisses tomber le rideau du sommeil sur les oiseaux et les animaux divers, et ton autre main est remplie pour l’homme du doux oubli des soins de la journée. Tu n’as point de somptueux atours ; tu n’as pas besoin, comme la Nuit, de relever des traits ordinaires par des grappes de diamants : une étoile ou deux luisant sur ton front te suffisent, sans compter que la lune t’appartient non moins qu’à elle, une lune modeste, non étalée d’en haut avec faste, mais attachée pourtant dans sa pleine rondeur à un pli de sa ceinture de pourpre. Viens donc, et tu trouveras ton pieux adorateur calme d’esprit et tranquille, ou tu me rendras tel aussitôt. L’apaisement est proprement ton bienfait ; et soit que je consacre tes légères heures à la lecture, à la musique, ou au travail du poète, ou à faire des filets pour préserver le fruit qui attire l’oiseau, ou que j’enroule le fil de soie autour de la bobine d’ivoire, selon que parfois l’ordonnent celles à qui l’homme est né pour complaire, je ne te dédaigne jamais, et je te salue le bienvenu toujours !

Il faut reconnaître les diverses familles d’esprits et de talents, et, pour ainsi dire, les différentes races. Cowper est le poète de la famille, quoiqu’il n’ait été ni époux, ni père ; il est le poète du chez soi, de l’intérieur régulier, pur, doucement animé, du bosquet qu’on voit au fond du jardin, ou du coin du feu. Les poètes orageux et hardis comme Byron, les natures mondaines et vives comme Thomas Moore ou Hazlitt devaient assez peu l’aimer. Byron, dans un moment d’humeur, a appelé Cowper un poète mitonné (coddled). Thomas Moore posait en principe que génie et bonheur domestique sont deux éléments antipathiques et qui s’excluent. Un jour qu’on demandait en présence de Wordsworth s’il en était nécessairement ainsi, le grave poète des lacs répondit : « Ce n’est point parce qu’ils ont du génie qu’ils font leur intérieur malheureux, mais parce qu’ils ne possèdent point assez de génie : un ordre plus élevé d’esprit et de sentiments les rendrait capables de voir et de sentir toute la beauté des liens domestiques23. »

J’ai le regret de rappeler que Montaigne n’était pas de cet avis et qu’il penchait du côté du déréglement : citant les sonnets de son ami Étienne de La Boétie, il estime que ceux qui ont été faits pour la maîtresse valent mieux que ceux qui furent faits pour la femme légitime, et qui sentent déjà je ne sais quelle froideur maritale : « Et moi, je suis de ceux, dit-il, qui tiennent que la poésie ne rit point ailleurs comme elle fait en un sujet folâtre et déréglé. » Nous nous sommes trop souvenus en France de cette parole de Montaigne, et nous nous sommes laissés aller à cette idée de folâtrerie.

Quelques-uns de ceux même qui ont eu l’idée d’introduire chez nous des images de la poésie familière et domestique, et qui y ont réussi à certain degré, n’en ont pas eu assez la vertu pratique et l’habitude dans la teneur de la vie ; ils en ont bientôt altéré le doux parfum en y mêlant des ingrédients étrangers et adultères, et l’on a trop mérité ce qu’un grand évêque (Bossuet) a dit : « On en voit qui passent leur vie à tourner un vers, à arrondir une période ; en un mot, à rendre agréables des choses non seulement inutiles, mais encore dangereuses, comme à chanter un amour feint ou véritable, et à remplir l’univers des folies de leur jeunesse égarée. »

Revenons à Cowper, sans nous dissimuler toutefois qu’il n’eût point peut-être réussi à exprimer si au vif la poésie des situations tranquilles que l’habitude rend insensibles à la plupart, s’il n’avait eu, lui aussi, ses orages intérieurs étranges et ses bouleversements profonds.  Le livre sixième de La Tâche débute par un morceau célèbre, et en effet délicieux :

Il y a dans les âmes une sympathie avec les sons, et, selon que l’esprit est monté à un certain ton, l’oreille est flattée par des airs tendres ou guerriers, vifs ou graves. Quelque corde à l’unisson avec ce que nous entendons, est touchée au-dedans de nous, et le cœur répond. Combien touchante est la musique de ces cloches de village qui, par intervalles, vient frapper l’oreille en douces cadences, tantôt mourant au loin, tantôt reprenant avec force et toujours plus haut, claire et sonore, selon que le vent arrive ! avec une force insinuante elle ouvre toutes les cellules où dormait la Mémoire. Quel que soit le lieu où j’aie entendu une mélodie pareille, la scène m’en revient à l’instant, et avec elle tous ses plaisirs et toutes ses peines. Si vaste et rapide est le coup d’œil de l’esprit, qu’en peu de moments je me retrace (comme sur une carte le voyageur, les pays parcourus) tous les détours de mon chemin à travers maintes années…

Il poursuit de la sorte, et, par une association insensible, il arrive à se retracer quelques circonstances émouvantes de son passé ; une allusion directe nous ramène à la perte de son père, dont il se reproche de n’avoir pas assez apprécié l’amitié sous sa forme un peu sévère : « Un ami est parti, peut-être le meilleur ami de son fils, un père dont l’autorité, même quand elle se montrait en apparence le plus sévère et qu’elle rassemblait toute sa force, n’était que la contenance plus grave de la tendresse… » Puis tout d’un coup, et sans autre transition, il se met à tracer cet exquis et mémorable tableau qui a donné son titre au sixième livre, La Promenade d’hiver à midi. C’est la dernière citation que je veuille faire de Cowper : ne perdons rien de cette peinture perlée et finie, et toutefois si vivante et si naturelle. Les Flamands ont trouvé leur égal en poésie :

La nuit, l’hiver s’était montré dans son humeur la plus rude ; le matin avait été piquant et clair : mais maintenant à midi, au sud des collines en pente, et où les bois font un abri contre le vent du nord, la saison sourit, oubliant toutes ses colères, et elle a la tiédeur de mai. La voûte, là-haut, est bleue, sans un nuage ; et au-dessous, blanche sans une tache est la splendeur éblouissante de la plaine. Voici qu’une harmonie (un son de cloche) revient passer sur le vallon, et à travers les arbres je vois la tour crénelée d’où m’arrive toute cette musique. De nouveau je ressens la calmante influence des mélodies qu’apporte la brise, et je m’oublie en douces rêveries tandis que je foule le sentier encore verdissant sous les chênes et les ormes dont les branches étendues font voûte au-dessus de la clairière. Le dôme, quoique mobile dans toute sa longueur quand le vent l’agite, a suffi pourtant jusqu’ici, et interceptant dans leur chute silencieuse les flocons pressés, a conservé un sentier pour moi. Nul bruit en ces lieux, aucun du moins qui empêche la pensée. Le rouge-gorge gazouille encore, mais il se contente de ses notes les plus ténues et plus qu’à demi supprimées. Satisfait de sa solitude et voltigeant léger de rameau en rameau, partout où il se pose il secoue de chaque petite branche les gouttes de glace suspendues qui tintent en tombant sur les feuilles séchées du chemin. Un calme accompagné de bruits si doux charme plus que le silence. Ici, la méditation réduit les heures à n’être que des moments. Ici le cœur peut donner une utile leçon à la tête, et la Science devenir plus sage sans ses livres. Savoir et Sagesse, loin de ne faire qu’un, n’ont souvent aucune parenté. Le Savoir habite les têtes remplies des pensées d’autrui ; la Sagesse, un esprit attentif aux siennes… Le Savoir est fier d’avoir tant appris ; la Sagesse est humble de sentir qu’elle n’en sait pas davantage. Il n’est pas rare que les livres soient un talisman et comme un grimoire magique à l’aide desquels d’habiles esprits, subtils enchanteurs, tiennent asservie une foule sans pensée. Les uns, fascinés par l’éclat d’un nom, livrent leur jugement un bandeau sur les yeux. Le style ensorcelle quelques autres, et, à travers les labyrinthes et les déserts de l’erreur, les mène s’extasiant pour une harmonie ; tandis que la paresse séduit la plupart, trop faibles pour soutenir l’insupportable fatigue de la pensée, et prêts à engloutir, sans réflexion et sans choix, le bon et le mauvais grain, le son et la fleur du froment. Mais les arbres et les ruisseaux dont le cours rapide défie la rigueur de l’hiver, les retraites des daims, les parcages des brebis tout peuplés d’agneaux bêlants, et les sentiers où la primevère, avant son heure, perce à travers la mousse qui revêt le pied de l’aubépine, ne trompent aucun de ceux qui les étudient. Là, la Sagesse et la Vérité, non effarouchées comme dans le monde, et non plus à conquérir par de lentes poursuites, se saisissent du premier coup de la pensée errante et la fixent uniquement24.

Cowper vécut encore quinze années après la publication de La Tâche ; il ne mourut que le 25 avril 1800. Mais, après ce poème excellent, il n’entreprit plus rien d’original qui fût de longue haleine. Frappé de bonne heure des beautés d’Homère et mécontent des infidélités de Pope, il s’appliqua (lady Austen encore, à l’origine, l’y poussant) à faire en vers blancs une traduction complète et fidèle de L’Iliade et de L’Odyssée, ce qui lui prit de bien longues années. Une édition de Milton, avec traduction en anglais des ouvrages latins, l’occupa ensuite ; il était peu propre à un tel rôle d’éditeur. Deux ans environ après la publication de La Tâche, il quitta sa résidence d’Olney, qui lui était devenue moins agréable. Une aimable cousine, une compagne d’enfance, qu’il avait retrouvée avec bonheur et dont la fortune était considérable, lady Hesketh, lui fit arranger dans les environs d’Olney, à Weston, l’un des plus jolis villages d’Angleterre, une maison commode pour lui et Mme Unwin, et elle-même y venait passer chaque année plusieurs mois. Un assaut de la même maladie qui ne faisait que sommeiller, en quelque sorte, aux heures riantes, le reprit en 1787 ; il en sortit encore ; mais l’abattement et la mélancolie devinrent son état habituel et constant depuis 1793. Le plus grand malheur qui put l’atteindre l’avait frappé : Mme Unwin, son ange domestique, attaquée de paralysie, se survivait à elle-même, et elle le précéda de quatre ans au tombeau. Cette fin de vie de Cowper est triste, humiliante pour l’esprit humain, et bien propre à faire rentrer en soi quiconque est tenté de s’enorgueillir. Il eut d’ailleurs jusqu’à la fin des amis, des parents affectueux qui se renouvelèrent autour de lui et se disputèrent l’honneur de soigner et d’abriter ses agonies et ses lentes souffrances.

L’éclair de la poésie et du génie ne cessait de briller de temps en temps à travers les éclipses et les ombres. Il répondait, quand on regrettait qu’il n’entreprit plus rien de son propre fonds : « L’esprit de l’homme n’est pas une fontaine, mais une citerne ; et le mien, Dieu le sait, est une citerne brisée. » Mais il trouvait encore des inspirations courtes et vives, et des jaillissements du cœur. Tout le monde connaît en Angleterre sa pièce à Mme Unwin, malade et infirme, intitulée À Marie, et quoique je vienne de dire que je ne citerai plus rien de Cowper, je ne puis m’empêcher de donner quelques strophes ou plutôt quelques versets de cette tendre et incomparable plainte, écrite avec des larmes. Cowper fait allusion dans les premiers vers à sa grande rechute de mélancolie en 1773, la première qu’il avait eue depuis qu’il demeurait avec Mme Unwin :

À Marie

La vingtième année est bien près d’être écoulée, depuis que pour la première fois notre ciel s’est obscurci ; ah ! puisse cette fois être la dernière, ma Marie !

Tes esprits ont un cours moins rapide ; je te vois chaque jour devenir plus faible ; c’est ma détresse qui t’a ainsi réduite si bas, ma Marie !

Tes aiguilles, toute une collection brillante, infatigables jusqu’à présent pour moi, maintenant se rouillent inutiles et ne brillent plus, ma Marie !

Tes paroles indistinctes semblent comme un langage murmuré dans un rêve ; pourtant elles me charment, quel qu’en soit le sens, ma Marie !

Tes boucles argentées, autrefois d’un châtain luisant, sont encore plus belles à mes yeux que les rayons dorés du soleil levant, ma Marie !

Partageant ton triste déclin, tes mains perdent leur peu de force ; cependant, doucement pressées, elles pressent doucement les miennes, ma Marie !

Telle est la faiblesse que tu éprouves dans tes membres, que maintenant, à chaque pas que tu fais, il faut être deux à te soutenir, et pourtant tu aimes toujours, ma Marie !

Et toujours aimer, bien qu’accablée de maux, dans l’hiver des ans ne sentir aucun froid de cœur, pour moi c’est être la plus aimable toujours, Ma Marie25 !…

La pièce la plus considérable qu’il ait composée dans les dernières années, et qui est d’une imagination aussi forte qu’élevée, a pour titre Le Chêne de Yardley ; elle lui avait été inspirée par un chêne antique qu’il avait vu dans ses promenades autour de Weston, et qui était réputé contemporain de la conquête des Normands. Cette pièce est empreinte de sa manière la plus vigoureuse, avec ses qualités et ses défauts ; elle a de l’inégalité de style, de la complication de pensée, mais de la grandeur, et elle décèle, dans ce poète qui ne passe que pour celui des régions moyennes, un disciple énergique de Milton.

La maladie morale de Cowper, dont j’ai parlé sans la définir, était d’une nature à part et d’une singularité extrême : il se croyait à jamais rejeté et réprouvé, et il le croyait avec une suite, une persistance et une opiniâtreté qui constituaient la manie. Sa maladie ne ressemble point à celle de Pascal : ce dernier, qui peut avoir eu à certains moments des visions et des hallucinations, dominait en général par l’intelligence son état nerveux. On a dit que, dans les dernières années, il croyait voir un abîme ouvert à ses côtés ; si cela est exact, c’était une pure sensation physique dont il n’était pas la dupe et qu’il repoussait. Quant à Cowper, il ne voyait pas l’abîme entrouvert, il se voyait lui-même et se sentait moralement tombé au fond de l’abîme, sans espérance, sans recours. Il lui semblait, au milieu de toutes ses méditations et de ses soliloques spirituels, entendre toujours une voix fondamentale et profonde, qui lui criait : « C’en est fait de toi, tu es perdu ! Actum est de te, periisti ! » Rien n’était capable de le consoler sur ce point, rien ne le détrompait. Dans ses bons moments et ses plus heureuses saisons, la voix s’éloignait ou parlait plus bas, mais il ne parvenait jamais à l’étouffer entièrement, et aux heures de crise elle redevenait menaçante et sans trêve. Il se figurait avoir commis un péché, je ne sais lequel, le seul irrémissible, et qui avait rendu son âme déserte du côté de Dieu. À toutes les observations qui lui étaient faites par M. Newton, et aux exemples qu’on lui alléguait de cas plus ou moins semblables au sien, et qui avaient été restaurés et guéris, il répliquait : « Ce n’est point là exactement mon mal, et je suis une exception. » Dans cette désespérance entière de lui-même, voyant son nom définitivement rayé du livre de vie, religieux et chrétien comme il était, on peut juger de son angoisse et de sa dépression mortelle. Ajoutez que, dans le fort de sa détresse et de son délaissement, il se jugeait incapable et indigne de prier. Il avait l’âme comme morte. C’est du sein de cette habitude intérieure désolée qu’il se portait si vivement, pour se fuir lui-même, à ces occupations littéraires et poétiques où il a trouvé le charme et où il nous a rendu de si vives images du bonheur. On n’a jamais lutté avec plus de constance et de suite qu’il ne l’a fait contre une folie aussi présente et persistante, « une des plus furieuses tempêtes, disait-il, qui ait été déchaînée sur une âme humaine, et qui ait jamais bouleversé la navigation d’un matelot chrétien. » Une de ses dernières pièces de vers, intitulée Le Rejeté, est la peinture d’un matelot tombé en pleine mer pendant le voyage de l’amiral Anson, et s’efforçant de suivre à la nage le vaisseau d’où ses compagnons lui tendent en vain des câbles, et qu’emporte la tempête : il y voyait une image lugubre de sa destinée.

C’est plutôt avec le coin de manie et de folie qui s’était logé avant dans l’esprit de Rousseau pendant les dernières années, qu’il y aurait lieu de comparer la maladie de Cowper, si compatible avec d’admirables preuves de talent. Il se croyait voué à une réprobation irrévocable, de même que Rousseau se voyait l’objet d’une conspiration universelle. Cowper d’ailleurs, qui a encore de commun avec lui de s’être développé si tard, a parlé de Rousseau plus d’une fois, et en connaissance de cause ; il l’avait lu, au moins dans ses premiers grands ouvrages, et, dès le temps où il était établi à Huntingdon auprès des Unwin, il écrivait à son ami Joseph Hill ; « Vous vous souvenez de la peinture que fait Rousseau d’une matinée anglaise ; telles sont celles que je passe ici avec ces braves gens. » Je ne sais de quelle matinée anglaise il s’agit, à moins que ce ne soit dans L’Émile le joli rêve de « la maison blanche avec des contrevents verts », et de la vie qu’on y mène ; Cowper et Hill, en le lisant d’abord ensemble, l’avaient peut-être qualifié ainsi26. Il y a un autre endroit où Cowper, sans le nommer, me paraît avoir évidemment pensé à Rousseau : c’est dans La Tâche, au chant cinquième, lorsqu’il s’agit de combattre les raisonnements de l’épicurien endurci qui s’abandonne ouvertement aux appétits naturels, aux liens de la chair, et qui jouit tout haut de son sommeil de mort :

Hâte toi maintenant, philosophe, et délivre-le, si tu le peux, de sa chaîne. Viens lui parler de devoir, de convenance, lui dire combien la vérité morale est aimable, combien le sens moral infaillible… Ne t’épargne pas sur ce sujet… Déploie toutes tes facultés de déclamation et d’emphase à la louange de la vertu… Pousse ta prose éloquente jusqu’à surpasser l’éclat de la poésie… Il y manque toujours une toute petite parole à voix basse, que Celui-là seul peut prononcer de qui le verbe atteint d’un coup son plein effet, et qui dit aux choses qui ne sont pas d’être, et elles sont à l’instant.

Il me semble qu’en cet endroit Cowper a pensé à la profession de fei du vicaire savoyard et qu’il en touche l’endroit faible et défectueux, qui est aussi celui de tous les éloquents continuateurs de Rousseau : il y manque la toute petite parole qui change les cœurs.

Rousseau est certainement l’écrivain qui, en France, au xviiie  siècle, a le premier senti et propagé avec passion cet amour de la campagne et de la nature que Cowper, de son côté, a si tendrement partagé : à cet égard, nous aurions peu à envier à nos voisins. Aussi, lorsque j’ai exprimé le regret que la France n’eût point, dès ce temps-là, une poésie pareille et comparable à celle des Anglais, je pensais moins encore à la peinture directe de la nature considérée en elle-même, peinture dont notre prose élevée présente de si belles et si magnifiques images, qu’à l’union de la poésie de la famille et du foyer avec celle de la nature. C’est cette union qui manque essentiellement chez Rousseau, et par toutes sortes de raisons qui font peine à ses admirateurs : ce peintre aux larges et puissantes couleurs vit et habite dans un intérieur souillé. Il a de plus une indélicatesse naturelle ou acquise qui viole souvent cette première vertu protectrice du foyer, la pudeur. On trouverait encore de profondes différences morales entre Rousseau et Cowper, en ce que l’un aspire à se passer d’autrui, affecte de s’isoler et de se mettre en guerre ou en divorce avec le genre humain, et que l’autre, au contraire, aime à devoir aux autres, à ceux qu’il aime, et à se sentir leur obligé. Tout en maudissant Londres comme l’autre Paris, et jusqu’à travers ses ardents anathèmes, il est sociable et a des doctrines sociables. Sauf quelques rares mouvements de misanthropie, il veut que sa demeure ne soit point trop à l’écart ni hors de portée des ressources et des bienfaits de la société. Une fois il a découvert dans ses courses autour d’Olney, sur une colline assez escarpée, une toute petite cabane cachée dans un bouquet d’arbres, et il l’a appelée le nid du paysan ; il rêve de s’y établir, d’y vivre en ermite, y jouissant de son imagination de poète et d’une paix sans mélange ; mais il ne tarde point à s’apercevoir que le site est incommode, qu’on y manque de tout, qu’il est dur d’être seul : tout bien considéré, il préférera son cabinet d’été et sa serre avec son simple et gracieux confort, et il dira à la hutte sauvage et pittoresque : « Continue d’être un agréable point de vue à mes yeux ; sois mon but de promenade toujours, mais mon habitation, jamais ! »

Bernardin de Saint-Pierre, chez nous, a fréquemment mêlé aux peintures naturelles de vives images de la vie et de la félicité domestique : mais la poésie en vers était restée en arrière, on ne sait pourquoi. De nos jours, des essais ont été tentés dans ce genre intime, familier, et pourtant relevé d’art, et qui a besoin d’un détail curieux et de fini. Ces essais, dont aucun n’a eu l’excellence ni la popularité de La Tâche, demanderaient un examen attentif et un chapitre développé. Je remarquerai seulement qu’en Angleterre, la vie privée est plus close, plus abritée, mieux encadrée dans son ensemble, plus conforme par son esprit aux mœurs générales de la race et de la nation ; ainsi ornée et préservée, ainsi à demi enveloppée de son mystère comme le cottage l’est dans ses roses ou comme un nid dans le buisson, elle prête davantage à cette douce et poétique ferveur qu’elle inspire et dont on vient de voir tant de purs exemples. C’est tout ce que j’ai voulu dire ici, sans nier qu’avec des différences dont le talent saurait se faire une originalité, nous puissions, par une application heureuse, y réussir à notre tour27.