(1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46
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(1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin.

Qui de l’un ou de l’autre est auteur des fameux couplets ? Voilà ce qu’on ignore encore. C’est une énigme de l’espèce de tant d’autres qu’on ne devinera jamais, comme la cause de l’exil d’Ovide & l’homme au masque de fer, détenu, d’une manière si mystérieuse, à la Bastille.

Ces couplets furent la suite du plaisir innocent que prenoient quelques personnes de s’assembler dans un caffé. La division vint troubler la douceur de ces rendez-vous littéraires & politiques. Bientôt on oublia les égards, les ménagemens, les devoirs les plus indispensables dans la société. On se critiqua durement. Des propos tenus & rendus, avec la plus grande inconsidération, excitèrent, chaque jour, de nouvelles tracasseries. De la discorde naquirent des animosités durables, & bientôt des crimes. On mit en vers toutes sortes d’atrocités & d’abominations. Tout ce que le talent, inspiré par la haine, par la vengeance & par la débauche, peut enfanter de monstrueux, se trouve réuni dans les Couplets. C’est une des horreurs les plus capables de faire honneur à l’esprit d’un poëte & de faire tort à son cœur. Ils furent composés en différens temps, & repandus aussi d’une manière différente. On en jetta d’abord sous les tables du caffé. Ensuite on en envoya de Versailles, par la poste, à la veuve Laurent. On en glissa chez plusieurs particuliers. On fournit ainsi, pendant dix ans, à la malignité du public. Tout ce qu’il y avoit alors en France d’écrivains de génie se trouva diffamé.

Une pareille licence étoit affreuse. Les intéressés se vengèrent, les uns en se contentant de crier à la calomnie, les autres avec les armes de la satyre & des représailles ; d’autres, par des voies de fait & des coups donnés. Tous les gens de lettres étoient en mouvement, en défiance. Les Couplets eurent des suites qu’on n’imaginoit pas. La sureté publique exigea qu’on fit revivre la sévérité des loix contre les libèles & tout ouvrage diffamatoire. Il falloit un exemple. Les tribunaux se mirent en devoir de sévir, & recherchèrent l’auteur des Couplets. Tout le monde nomma Rousseau.

Ce poëte, si fameux par ses talens & par ses malheurs, naquit à Paris en 1669. Le nom de Grand, qu’on lui donne, caractérise l’idée qu’on a de l’élévation de son génie. Nous n’avons point de poëte plus poëte que lui. S’il n’a point réussi dans ses comédies & dans ses opéra, en récompense il est unique pour l’ode. Les siennes sont le triomphe de la poësie & de la raison. C’est-là qu’il est véritablement grand, sublime, harmonieux, divin, fécond en pensées neuves, hardies & lumineuses, en tours heureux & pleins d’énergie. Il n’a presque point eu, jusqu’ici, d’imitateur pour la cantate & pour l’allégorie ; deux sortes de poëmes qu’il a pour ainsi dire créés. Dans la traduction des pseaumes, il est quelque fois égal à David. Il a fait passer dans notre langue cette poësie d’expression, ce stile pittoresque qui caractérise les prophêtes. Quelques-unes de ses épîtres, qui roulent sur des sujets utiles, prouvent son bon goût, un jugement sain, une littérature profonde. A l’égard de ses épigrammes, de celles même qui sont le plus licencieuses, elles portent l’empreinte de son génie. Pour quoi faut-il que la licence ait corrompu ses rares talens ? Il est à la fois le Pindare, l’Horace, le Martial & l’Anacréon de la France. Rarement trouve-t-on chez lui des négligences, de beaux morceaux précédés ou suivis de vers plats, inutiles. La seule partie qu’on lui ait contestée est celle du sentiment. Il est bien au-dessous de lui-même, lorsqu’il veut parler un langage tendre, affectueux. Voilà Rousseau comme poëte ; le voici comme homme.

Plusieurs personnes l’ont représenté comme naturellement inquiet, capricieux, téméraire, vindicatif, envieux, jaloux des talens, de la fortune & de la réputation des autres. Sa conversation n’intéressoit guères, à moins qu’elle ne tombât sur les belles-lettres ou sur la médisance, ou qu’il ne lût quelques vers épigrammatiques de sa façon. Il n’avoit aucune connoissance des affaires, ni presque des hommes. Peu de gens ont autant ressenti la haine. On lui attribue cet esprit de méchanceté & de tracasserie, fléau des sociétés. On a prétendu que ses parens*, ses amis, ses protecteurs eurent également à se plaindre de lui. D’après l’idée de ce caractère, fondée ou non, est-il étonnant qu’on ait été soulevé contre Rousseau ? que le cri public ait été contre lui, dans le temps des Couplets ?

On crut y reconnoître évidemment sa verve & ses fureurs. Tant d’ouvrages de sa composition, extrêmement licencieux, déposoient contre lui. Quelles conséquences n’étoit-on pas en droit de tirer de ses Épigrammes infames, qu’il appeloit les Gloria patri de ses pseaumes, de la Moïsade, dont on le faisoit auteur, quoiqu’elle appartienne à un nommé Lourdet qui n’a jamais donné que cette pièce exécrable, de ses comédies sans décence, de ses contes libres, de ses petits vers scandaleux ? On rapprocha les circonstances, tous les propos qu’on lui avoit oui tenir. On observa que les intéressés dans les Couplets étoient précisément les personnes avec lesquelles il étoit le plus brouillé, qu’il accusoit d’avoir causé la chûte de sa comédie du Capricieux, de lui avoir fait manquer une pension de la cour aussi-bien qu’une place à l’académie Françoise. On ne voyoit aucune autre plume d’où le fiel pût ainsi couler de source & annoncer autant de génie. D’ailleurs Rousseau avoit avoué que les cinq premiers couplets étoient de lui. Les suivans, matière du procès, sembloient ne pouvoir être sortis que de la même main. C’étoit le même ton de débauche & de rage, le même enthousiasme infernal, la même richesse de rimes.

Malgré ces préjugés & ces présomptions, il étoit impossible qu’on portât un jugement certain sur cette affaire. On n’avoit aucune conviction, aucune évidence. Rousseau n’eût jamais été condamné, s’il se fût restraint à se défendre seulement d’avoir fait les Couplets. Mais une trop grande confiance en lui-même, l’envie de braver la voix publique & de confondre ses ennemis, la protection déclarée de deux ministres, Pontchartrain & Voisin, lui firent risquer tout. Il voulut rendre Saurin la victime de cette trame odieuse, de cette longue suite de crimes dont la punition importoit si fort à la sécurité des citoyens. La vengeance l’aveugla. Il ne vit, dans Saurin, qu’un ennemi qu’il étoit nécessaire de perdre pour se sauver.

Il ne faut pas confondre Joseph Saurin avec Jacques Saurin, le meilleur prédicateur des églises réformées. La famille de l’un & de l’autre n’a rien de commun. Joseph Saurin quitta la France deux ans avant la révocation de l’édit de Nantes. Il fut pasteur en Suisse. Touché, à ce qu’il disoit, de la grace, & voulant rentrer dans le sein de la vraie église, il revint dans sa patrie & se mit entre les mains de l’illustre Bossuet. On douta toujours de la sincérité de sa conversion. L’histoire, que Saurin lui-même en a donnée, est une espèce de roman. Il trouva des protections & des secours en France. Il eut des pensions de la cour, & fut de l’académie des sciences. On n’a d’autres ouvrages de lui que des extraits du Journal des sçavans, quelques mémoires de mathématique, & l’excellent factum qu’il composa pour détruire l’accusation intentée contre lui.

Cette accusation fut poussée si vivement, la procédure fut si précipitée, qu’en moins de vingt-quatre heures le lieutenant criminel Le Comte le décréta, l’emprisonna, l’interrogea, le confronta, le recolla. Une telle procédure étoit inusitée. Le chancelier réprimanda le lieutenant criminel, qui n’avoit tenu cette étrange conduite que sur les ordres, en forme de sollicitation, des deux secrétaires d’état, protecteurs de Rousseau.

Guillaume Arnould, jeune savetier, esprit foible, fut, dit-on, l’instrument que Rousseau mit en œuvre pour accabler son ennemi. Ce Guillaume Arnould déposa contre Saurin. Il déclara avoir reçu du géomètre les vers en question, & les avoir donnés à un petit décroteur pour les faire passer en d’autres mains. Le procès alla du châtelet au parlement.

Tous les amis de Saurin tremblèrent pour lui : mais il parvint à sauver son honneur & sa fortune, graces au soin qu’il eut de gagner des personnes puissantes & qu’il sçavoit lui être contraires : de faire valoir le contraste de ses mœurs & de celles de son ennemi, de répéter qu’il n’avoit jamais fait qu’une chanson pour une de ses maîtresses. Il plaida sa cause avec une véhémence singulière & tout l’art possible. Rousseau ne soutint la sienne qu’avec esprit & sans chaleur. Le géomètre écrivit son factum en poëte, & le poëte composa le sien en géomètre. Enfin le coup dont Rousseau vouloit accabler son ennemi, retomba sur sa tête. Saurin l’attaqua comme suborneur de témoins, comme ayant abusé de la foiblesse de Guillaume Arnould & lui ayant donné de l’argent. Les preuves de cette subornation parurent évidentes : Rousseau fut condamné. Quelque temps avant que de l’être, il avoit fait une retraite au noviciat des jésuites, sous la direction du P.  Sanadon. Mais sa dévotion, en pareilles circonstances, fut mal interprétée. Le parlement le bannit à perpétuité du royaume. Cet arrêt définitif fut porté le 7 avril 1712, & transcrit dans un tableau planté en place de gréve. Guillaume Arnould ne subit d’autre punition que celle d’être également banni, mais seulement pour neuf ans.

Rousseau avoit peu de philosophie dans l’esprit. Son bannissement fit le tourment de sa vie. La ville de Bruxelles, dans quelque singulière considération qu’il y fût, ne put le dédommager du séjour de Paris. Il tenta tous les moyens imaginables pour revenir dans sa patrie. Il vit le moment où ses vœux alloient être remplis. Le duc d’Orléans régent lui fit écrire qu’il pouvoit reparoître en France en toute sureté. Mais ce poëte, retenu par un point d’honneur, demanda qu’on revît auparavant son procès. Il voulut être rappellé, non à titre de grace, mais par un jugement solemnel : sa demande fut rejettée. Il continua de vivre à Bruxelles dans le désespoir. Ses malheurs ne le corrigèrent point de l’habitude de faire des épigrammes. On l’accusa d’en avoir répandu contre ses anciens & ses nouveaux amis, & même contre ses protecteurs. Il encourut, dans la suite, la disgrace du prince Eugène ; disgrace que ses partisans & ses adversaires ont attribuée à des causes bien différentes*.

Cependant le public, sensible au sort des malheureux, commence à le plaindre. On ne voit, dans Rousseau, qu’un des premiers poëtes de la nation, un poëte victime peut-être de la jalousie. Lamotte, son rival, parut trop heureux. La réputation qu’il avoit, & qu’on croyoit usurpée, l’accueil qu’on lui faisoit, l’espèce d’empire qu’il s’étoit établi dans la littérature, révoltèrent tous les esprits, & les ramenèrent à un illustre banni dont le mérite ne causoit plus d’ombrage. Un homme de lettres, confiné à Bruxelles, leur sembla plus à plaindre que Lamotte, aveugle & malade, mais vivant à Paris.

Le comte du Luc & M. de Sénozan profitèrent de ces circonstances favorables à Rousseau. Ils le firent venir secrettement dans le sein de sa patrie : il y fit un séjour de trois mois. Le célèbre peintre, Aved, le logea chez lui : mais les choses allèrent autrement qu’on ne s’étoit flatté. Rousseau fut contraint, en 1740, de quitter une seconde fois Paris, les larmes aux yeux & le poignard dans le cœur. En partant, il laissa un écrit entre les mains de M. l’abbé d’Olivet. Rousseau s’y justifioit sur tous les articles. C’est dans les termes les plus forts qu’il y attestoit son innocence. M. l’abbé d’Olivet fit lecture de cet écrit dans une séance de l’académie Françoise.

Rousseau mourut un an après son retour à Bruxelles, dans la soixante-douzième année de son âge. En mourant, il marqua les plus grands sentimens de piété. Après avoir reçu le viatique, il renouvella ses protestations. Une chose bien extraordinaire, c’est que ceux qu’il charge d’avoir fait les couplets, ont toute leur vie protesté la même chose. Qui croire donc après cela ? Est-il probable que Rousseau en ait voulu imposer dans ces derniers momens où la vérité se fait jour ? Mais, peu de gens doutent à présent des véritables motifs de sa conversion.

La vieillesse de Rousseau fut surtout malheureuse. A cet âge, où les biens de la fortune sont le plus nécessaires, il ne subsistoit que des secours de quelques amis. Il perdit, dans le dépérissement de la compagnie d’Ostende, une somme de dix mille livres qu’il y avoit placée. Il avoit eu cette somme d’une édition de ces œuvres, faite à Londres. On doit dire, à la gloire du duc d’Aremberg, du comte de Lannoy & du prince de Latour-Taxis, qu’ils ne l’abandonnèrent point dans ses malheurs. M. Piron a fait son épitaphe :

    Ci gît l’illustre & malheureux Rousseau.
Le Brabant fut sa tombe, & Paris son berceau.
        Voici l’abrégé de sa vie,
        Qui fut trop longue de moitié.
        Il fut trente ans digne d’envie,
        Et trente ans digne de pitié.

Cette longue Histoire des couplets étoit presque ensevelie dans l’oubli, lorsqu’elle a tout à coup été réveillée en dernier lieu. On a cru trouver des lumières sûres dans un écrit laissé par le fameux Boindin, procureur du roi, des trésoriers de France, ce censeur en titre de toutes les nouveautés de Paris, si bien peint dans le Temple du goût, sous le nom de Bardou, homme sans religion*, mais de mœurs rigides.

Le mémoire, trouvé après sa mort, arrivée en 1752, est circonstancié singulièrement. Il prétend y révéler les auteurs d’un affreux mystère d’iniquité. Il y charge, après plus de quarante années, Lamotte Houdart, Joseph Saurin & le négociant Malafaire, d’avoir ourdi toute cette trame. Le Châtelet & le parlement y sont accusés d’avoir rendu consécutivement les jugemens les plus injustes*. Rien n’est plus grave que cette accusation faite comme une espèce de testament de mort & de dénonciation à la postérité. L’accusateur est un homme qui devoit être instruit de cette affaire, un homme qui étoit un des plus maltraités dans ces couplets, & que le remors semble aujourd’hui forcer à justifier un innocent, en faisant connoître les coupables.

Mais toutes ces considérations réunies ne sont pas, au jugement de M. de Voltaire, des raisons suffisantes pour blanchir Rousseau, & condamner les autres. L’auteur du Siècle de Louis XIV pense que Boindin ne les a chargés tous trois que par esprit de vengeance & de haine personnelle. Boindin, nous dit-on, étoit encore plus leur ennemi, qu’il n’étoit celui de Rousseau. Le premier étant d’un caractère fougueux & caustique n’avoit pu s’accommoder de celui de Saurin & de Malafaire, autres esprits altiers, inflexibles. Ils avoient eu souvent des scènes très-vives. A l’égard de Lamotte, il n’avoit jamais voulu solliciter, pour ce même Boindin, une place à l’académie Françoise, en lui disant toujours que la profession publique qu’il faisoit d’athéisme, lui donneroit l’exclusion. Comment trois hommes, ajoute-t-on, de profession & de goûts différens, trois hommes qu’on sçait avoir été brouillés depuis, & qui ne se sont jamais rien reproché l’un à l’autre qui fut relatif aux couplets, auroient-ils projetté, exécuté, conduit une manœuvre infâme, aussi difficile & aussi réfléchie. Il suit donc que le mémoire de Boindin, écrit plus de vingt années avant sa mort, est un libèle diffamatoire.

Il est des gens que tout cela ne persuade point, & qui s’obstinent à justifier Rousseau. Ils trouvent que l’écrit de Boindin porte le caractère de l’évidence. Il se peut, disent-ils, que Malafaire, Lamotte & Saurin ayent concerté entr’eux la perte de Rousseau qu’ils n’aimoient pas, & qu’ils ayent fait passer, sous son nom, des horreurs qui ne sont que d’eux. Seroit-ce la première fois que des hommes opposés d’état & de caractère, mais liés par un intérêt commun, auroient emporté, dans le tombeau, un secret abominable ? Saurin & Malafaire auront fourni les méchancetés, les anecdotes scandaleuses, les pensées fortes & licencieuses. Lamotte se sera chargé de la rime. L’imagination de ces trois espèces de conjurés, échauffée par la vengeance, a du se monter, à l’aide l’un de l’autre, sur le ton poëtique de Rousseau, imiter cet essor prodigieux, ce torrent de poësie dont sa bile étoit susceptible. On pourroit citer l’essai que fit en Angleterre le médecin Procope. Il étoit à Londres peu de temps après la querelle des couplets. Il avança qu’il en feroit d’aussi mordans, sans être aussi grand poëte que Rousseau, & tint parole. Procope s’exerça sur le dentiste Carmeline, son beau-père. Les couplets furent si sanglans, qu’on les auroit crus de Rousseau.

Les apologistes de ce grand poëte se moquent de la preuve qu’on tire du contraste de ses mœurs, avec celles de ses trois implacables ennemis. Ils les diffament l’un après l’autre. A les en croire, Lamotte n’avoit que l’apparence de la douceur. Ses manières polies & séduisantes n’en imposoient qu’à ceux qui ne le connoissoient pas. Quoi qu’il n’ait jamais répondu à ces invectives affreuses, répandues sous le nom de calotes, on se prévaut de ce qu’en d’autres occasions, il ne prit pas également sur lui-même. On vient ensuite à Malafaire, qu’on peint très-dur & très-impoli.

Saurin est le plus maltraité des trois. On le donne pour un malhonnête homme, & capable des dernières bassesses : on ajoute qu’il fut contraint de quitter la Suisse : on va même jusqu’à citer une prétendue lettre qu’il y écrivit de Paris, & dans laquelle il s’avoue coupable. Un ministre, mal intentionné pour la mémoire de Saurin, ou, peut-être mal instruit, vient tout récemment de soutenir & de publier que cette lettre avoit existé. D’autres ministres se sont joints à lui. On a rempli le Journal helvétique de la répétition des mêmes traits diffamans. Il a fallu qu’un écrivain, tel que M. de Voltaire, se soit inscrit en faux contre la lettre. Pour sçavoir si elle n’étoit pas supposée, il a consulté non seulement le seigneur de l’endroit où Saurin avoit été pasteur, mais les doyens des pasteurs de ce canton. Tous généralement se sont récriés sur une accusation aussi atroce.

Quel parti prendre entre Rousseau & ses trois accusateurs ? Celui qu’on voudra ; je ne décide rien ; je ne fais que rapporter les différens sentimens.