(1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »
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(1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge78

Monsieur, en vous associant à la recherche et à la publication des monuments inédits relatifs à l’Histoire de France, j’ai appelé d’abord votre attention sur ce qui concerne l’histoire politique et civile ; mais les monuments qui se rapportent aux divers développements de l’intelligence humaine dans notre patrie, sont nombreux aussi et dignes de notre intérêt ; c’est vers les monuments de ce genre, vers les travaux et les manuscrits relatifs aux sciences, à la philosophie, à la littérature et aux arts, que je viens aujourd’hui diriger particulièrement votre zèle. De telles recherches sont le complément naturel des premières ; elles importent essentiellement à la connaissance de notre histoire nationale…

Les instructions que j’aurai l’honneur de vous adresser à ce sujet s’appliqueront, les unes, aux travaux à faire pour la découverte et la publication des manuscrits enfouis dans les Bibliothèques, Archives et Collections ; les autres, à un grand ensemble de recherches et d’études d’une nature différente sur les monuments d’arts en France, monuments bâtis ou monuments meubles, monuments religieux, militaires, civils, etc. C’est uniquement des instructions de la première classe que j’ai le dessein de vous entretenir aujourd’hui, et je les diviserai selon les objets auxquels elles s’appliquent.

Sciences exactes et naturelles

Les sciences dites exactes sont à peu près nulles en France au moyen âge, c’est-à-dire jusqu’au onzième siècle. Il restait à peine quelque chose d’Euclide, que Boëce avait conservé. Il n’y avait un peu de science mathématique que dans les traités destinés à déterminer le jour de Pâques, et à donner une forme plus constante au Calendrier. Ce serait dans ces traités (de Computo, de Cyclo paschali) et dans ce qu’on pourrait retrouver d’inédit de Bède, d’Alcuin, d’Abbon, abbé de Fleury, de Gerbert, qu’il y aurait à rechercher quelques vestiges des connaissances mathématiques en cette première période.

Avec l’influence des Arabes, et à la suite des voyages de Gerbert, de Pierre le Vénérable, etc., la science s’introduit ; les mathématiques, la physique, sous le nom de météorologie, la médecine, sous le nom de physique, se propagent dans l’Occident : il serait précieux de découvrir quelques-unes des anciennes traductions faites par des chrétiens ou des juifs, qui allaient en Espagne ; on pourrait, parmi ces traductions de l’arabe, retrouver quelques ouvrages inédits que les Arabes eux-mêmes auraient traduits des Grecs.

Parmi les anciens poètes provençaux, plusieurs s’occupèrent de mathématiques ; mais leurs ouvrages ont été perdus. Ce furent les premiers essais de la science française. En tête des anciens romans bretons, dans les généalogies qui figurent au commencement de ces poèmes, on saisit la trace des systèmes astronomiques, de ceux qui sont venus du Nord en particulier.

On noterait dans les plus anciens manuscrits l’emploi des chiffres dits arabes, et l’on indiquerait leur forme.

Rencontrerait-on, avant Gui d’Arezzo et Jean de Murris, des traités ou des indications sur le système de musique moderne ?

Au xiiie  siècle, au siècle d’Albert le Grand, arrivent les grandes encyclopédies, où s’amassent et s’organisent tous les éléments de la science d’alors. Les mathématiques y tiennent moins de place que la physique, et surtout que la dialectique et la théologie. Ces encyclopédies sont presque toutes inédites. Il y en a beaucoup en français, et des étrangers même employaient à dessein cette langue. Brunetto Latini, maître du Dante, écrivait en français son Trésor, que Napoléon avait songé à faire imprimer avec des commentaires, et aux frais de l’État79.

Des passages intéressants sur l’état des sciences mathématiques, physiques, cosmographiques et naturelles se rencontrent dans des ouvrages en vers, qui étaient des espèces de répertoires et de compilations universelles. Ainsi, les bestiaires appartiennent à la fois à la science naturelle et à la poésie de ces temps ; ainsi, dans la Bible de Guyot de Provins, est le passage célèbre sur la boussole. On cite, d’un autre ouvrage en vers, un passage sur les antipodes. D’autres textes semblables peuvent, en se rencontrant, éclaircir l’origine de certaines inventions ou la date de certaines connaissances (verres à lunettes, poudre à canon, feu grégeois, etc.).

La date et l’origine de l’astrologie et de la magie, l’introduction et les progrès en France de l’alchimie et des sciences occultes qui se développèrent principalement au xive  siècle, sont des points intéressants encore à déterminer, indépendamment même de ce qu’il y a de vain dans ces sortes de sciences.

Tous traités spéciaux qui concerneraient l’art de la peinture sur verre, la fabrication ou l’emploi des couleurs, les teintures sur laine et sur soie, seraient encore d’une valeur inestimable pour la science et l’art modernes.

La médecine de ces siècles, même avant que l’anatomie et la physiologie l’aient éclairée, peut fournir quelques renseignements à la nôtre, tant sur les maladies particulières régnantes alors, et depuis disparues ou modifiées, que sur les divers remèdes empiriques en usage. On ne devrait pas négliger des manuels, des formulaires et compendium, servant aux élèves de ces anciennes écoles, s’il s’en rencontrait. On serait attentif aux premières marques de saine observation dans les sciences naturelles : ces siècles possédaient une zoologie, une botanique, qui se reproduisent en partie jusque dans leur architecture.

Les longues et continuelles querelles entre le collège des chirurgiens, fondé au xiiie  siècle, et la Faculté de médecine, ont enfanté un grand nombre d’écrits qui peuvent faire connaître l’état et les prétentions de l’art chirurgical depuis Lanfranc jusqu’à Ambroise Paré.

Existe-t-il, en français ou en latin, quelque ouvrage sur l’algèbre, antérieur au xvie  siècle ? Léonard Fibonacci, Italien, qui avait étudié sous les Arabes à Bougie, paraît être le premier introducteur de l’algèbre parmi les chrétiens. Ses ouvrages existaient encore manuscrits dans le siècle dernier ; ils ont disparu depuis quatre-vingts ans environ ; ne peut-on espérer de les retrouver ?

Les questions se multiplient en avançant vers le xvie  siècle, et je n’énumère pas tout ce qu’on pourrait demander d’utile et de nouveau à cette époque véritablement savante, où la connaissance directe de l’Antiquité et l’essor du génie moderne redoublent d’émulation. Mais on devra arriver, dans la voie des recherches que je sollicite, à fixer avec plus de précision les circonstances et l’origine des inventions mémorables en astronomie, en agriculture, en art militaire, qui ont changé la face de la science et de la société. — L’emploi de la vapeur dans les machines se voit au xvie  siècle : en sera-t-il fait mention quelque part auparavant ?

Y a-t-il d’anciens voyages inédits appartenant au xvie  siècle, et surtout aux siècles précédents ?

Dans les traductions sans nombre qui se firent alors des auteurs grecs en latin et en français, certaines traductions inédites pourraient être utiles, sinon à mettre au jour, du moins à examiner.

L’imprimerie n’a pas mis au jour, autant qu’il serait naturel de le croire, tous les écrits importants des savants du xvie  siècle et du xviie . Des correspondances, des manuscrits scientifiques inédits existent encore ou peuvent se retrouver, bien qu’on les ait supposés perdus. On avait déclaré perdue la correspondance de Peiresc, qui intéresse autant l’histoire de la littérature que celle des sciences ; elle a été recouvrée depuis. Les manuscrits de Fermat, qu’on a dit brûlés par son lits après sa mort, ne l’ont pas été, en effet, selon toute vraisemblance. On a publié, il y a quelques années, un ouvrage mathématique de Descartes, qu’on ne s’attendait pas à rencontrer : il peut en être ainsi, à plus forte raison, de ses savants prédécesseurs du xvie  siècle, de Viète, par exemple. On n’a pas tous les écrits mathématiques de Pascal, qui, soumis à l’examen de Leibnitz, ont été mentionnés dans la lettre de ce dernier. Il ne faudrait pas être détourné dans ces sortes de recherches par le caractère anonyme des manuscrits, car des indications intrinsèques ou indirectes peuvent conduire à déterminer sûrement l’auteur. Pascal, Fermat, Roberval, Stevin, etc., de tels noms sont bien propres à rehausser la découverte, possible encore, qu’on ferait de quelqu’un de leurs écrits.

Philosophie

En ce qui concerne la recherche des manuscrits, traitant de matières philosophiques, on n’aura pas à s’occuper beaucoup de ce qui peut s’être fait avant le xiie  siècle, 1º parce que les œuvres philosophiques antérieures à ce siècle, comme celles de Saint-Anselme, de Scot Érigène, etc., existent imprimées ; 2º parce que la scolastique, qui est la grande philosophie du moyen âge, n’était pas véritablement fondée ; 3º parce que les auteurs de ces œuvres, antérieures au xiie  siècle, appartiennent rarement à la France.

Ce n’est pas à dire pourtant qu’aucun manuscrit de ce genre, si l’on venait à en rencontrer, dût être négligé. Il ne serait pas impossible de retrouver de nouvelles lettres d’Alcuin.

Mais on s’attachera principalement au xiie  siècle : 1º parce que c’est l’ère véritable de la scolastique ; 2º parce que c’en est surtout le commencement en France ; 3º parce qu’il y a très peu d’écrits philosophiques de ce temps qui aient été publiés.

On recherchera donc s’il n’existe pas des manuscrits contenant quelque traité d’Abélard. Déjà on vient de retrouver son Sic et non et plusieurs traités de dialectique. Il est certain (et il le dit lui-même) qu’il avait fait des leçons sur toutes les parties de la philosophie : ce seraient ces leçons qu’il y aurait un grand intérêt à retrouver, ne fussent-elles rédigées que par quelqu’un de ses élèves. Il en est de même de Guillaume de Champeaux, ce maître si célèbre en son temps, et dont il n’a été imprimé qu’un très petit écrit, De origine animæ. Il doit se retrouver aussi quelque chose de Gilbert de la Porrée, un des élèves les plus distingués d’Abélard. Guillaume de Conches était aussi à cette époque un maître célèbre dont il n’a été publié que peu d’ouvrages.

Enfin, en lisant la description fidèle que Jean de Salisbury nous donne de l’état de l’enseignement à Paris au milieu du xiie  siècle, de la multitude des maîtres et de la diversité des opinions, il est impossible de ne pas espérer qu’avec des recherches patientes et bien dirigées, on arriverait à retrouver beaucoup de choses précieuses et nouvelles.

Dans les siècles suivants, les ordres religieux qui se sont successivement établis ont cultivé la renommée de chacun de leurs membres ; de là les éditions, au moins passables, des maîtres célèbres des xiiie , xive et xve  siècles. On a donc moins à espérer de retrouver beaucoup d’ouvrages inédits des maîtres de ces époques ; cependant, il y a lieu de rechercher si l’on ne découvrirait pas quelques fragments de professeurs célèbres, tels par exemple qu’Occam, qui a enseigné à Paris, et qui, ayant été mal avec l’autorité ecclésiastique, n’a pas eu le bonheur de la plupart des autres maîtres, dont leurs ordres ont recueilli avec soin les ouvrages.

Nous signalons Occam, bien qu’il n’appartienne pas à la France, mais comme ayant professé à Paris. Il faut dire la même chose de Roger Bacon, qui a étudié et professé longtemps à Paris. On sait qu’il y a deux grands ouvrages de Roger Bacon qui, réunis à l’Opus majus, composaient son œuvre générale. L’Opus majus a été publié ; les deux autres écrits, l’Opus minus et l’Opus tertium, ne l’ont pas été. Il serait possible qu’on retrouvât dans une Bibliothèque de France quelque copie qui se comparerait utilement avec les manuscrits conservés en Angleterre.

On demandera particulièrement au xive et au xve  siècles tout ce qui se rapporte à la grande querelle des nominalistes et des réalistes, par laquelle a commencé et par laquelle a fini la scolastique. Pour bien s’assurer de ce qui est réellement inédit, on devra consulter l’Histoire littéraire de France, où l’article concernant chaque auteur se termine par une énumération des ouvrages inédits et même des ouvrages réputés perdus. On tirera de là des indications et des directions précieuses. Pour les siècles où l’histoire littéraire des Bénédictins manque, il faudra consulter les divers catalogues, et les indications données par les historiens de la philosophie, par Brucker principalement.

Quand on croira avoir découvert quelque chose d’inédit, on tâchera de vérifier si le morceau ne se trouve pas imprimé déjà dans quelqu’une de ces vastes Collections où tant de pièces diverses sont rassemblées, dans le Spicilegium de d’Acheri, dans le Thesaurus anecdotorum de Bernard Pez, dans les Collections de Durand, de Martène, et les Analecta de Mabillon…

Même avant Descartes, il a pu y avoir des essais de philosophie en langue française, dans le genre des traductions et commentaires que Louis Leroy a donnés de plusieurs ouvrages de Platon et d’Aristote. On se garderait de les négliger, non plus que les écrits appartenant à cette philosophie morale moins systématique et plus libre, qui s’honore des noms de Montaigne et de Charron.

Le xviie  siècle lui-même nous offre, dans la Bibliothèque du roi, beaucoup de morceaux inédits du père Lami, de l’Oratoire, élève de Malebranche. Des correspondances de philosophes célèbres, discutant entre eux des points intéressants, peuvent se retrouver encore, et ajouter à cet héritage de la philosophie en France.

Littérature

En ce qui concerne la littérature, monsieur, j’appellerai d’abord particulièrement votre attention sur ce qui pourrait éclairer les origines de notre langue, et la culture qui s’est développée dans les divers genres de composition, à partir du xie  siècle jusqu’au xvie , durant cette période qui comprend la naissance, le premier emploi et le premier éclat de notre langue vulgaire, jusqu’à l’époque tout à fait moderne. Il importe, pour combler une grande lacune dans notre histoire littéraire, de connaître et de recueillir de plus en plus complètement les monuments de cette période, que les Bénédictins et leurs savants continuateurs n’ont fait qu’entamer.

Vous voudrez donc bien rechercher ce que vos collections manuscrites pourraient contenir en fait de longues compositions épiques et chevaleresques, chansons dites de geste, romans en vers ou en prose se rapportant aux cycles de Charlemagne, d’Arthus, d’Alexandre ou de la guerre de Troie, ou à toute autre variété de sujets. Vous en donneriez des indications et traits qui permissent d’en déterminer l’âge. Il serait précieux de retrouver des romans en prose antérieurs aux xive et xve  siècles. Vous noteriez, dans les romans en vers, si les vers sont rimés par tirades monorimes, s’ils sont de douze, de dix ou de huit syllabes. Vous verriez, surtout au commencement ou à la fin de ces romans, quelquefois aussi au milieu et dans l’intervalle d’un livre à l’autre, s’il est fait mention de l’auteur et de la date, et vous transcririez fidèlement ces endroits.

Les chroniques en vers, qu’il faut distinguer des romans, et dans le genre du Rou ou du Brut, vous offriraient une valeur historique étroitement unie à la curiosité littéraire.

Vous ne rechercherez pas avec moins d’intérêt ce qui se pourrait découvrir en fait de miracles, mystères, moralités, farces, soties, dialogues et débats, plets, etc., en un mot tout ce qui se rapporte aux compositions et représentations dramatiques de ces temps.

Vous mettrez une égale importance à tous manuscrits étendus en vers, quel qu’en soit le titre ; aux voyages, aux écrits satiriques désignés sous le nom de Bibles ; à ceux qui s’intitulent Bestiaires, Volucraires, Lapidaires, ou qui s’offriraient sous des titres latins ; aux espèces de compilations scientifiques, comme l’Image du monde ; aux grands ouvrages allégoriques du genre du Roman de la Rose ; aux grands apologues, aux branches nouvelles qu’on pourrait retrouver du célèbre Roman de Renart, par exemple. Vous remarquerez les traductions des Écritures, des Psautiers, et en général toute traduction des auteurs anciens ; vous attacheriez un prix tout particulier aux grammaires, glossaires, et traités sur la langue, composés dans ces siècles, si vous en découvriez.

Dans les genres de moindre étendue, et dont les pièces ne se trouvent souvent point dans les manuscrits à part, mais aux dernières pages seulement ou au milieu de manuscrits qui traitent de matières toutes différentes, vous remarqueriez les chansons, lais, complaintes, rotruenges ; les fabliaux, les fables attribuées aux divers Ysopets ; les estampies, rondeaux, sirvenlois ; les jeux-partis, les proverbes, dicts et sentences, dicts et contredicts ; les proses farcies, les caroles, noëls, sermons en vers, etc. Pour ces objets de peu d’étendue et qui vous paraîtraient de quelque prix, des copies entières remplaceraient convenablement les indications et descriptions que vous réserveriez aux plus longs ouvrages.

Des écrits, en apparence très étrangers à l’histoire littéraire, peuvent s’y rattacher par quelque point. Des traités en langue vulgaire sur les divers arts et métiers, sur diverses parties des sciences d’alors, des livres de compte même peuvent devenir précieux pour l’histoire des origines et des progrès de la langue, par leur date, par leur terminologie, La littérature de ces époques revendique très directement, et à titre même de poèmes didactiques, les traités en vers sur la chasse, sur l’équitation, sur les échecs, etc.

Des chroniques romanesques, sermons ou autres écrits en prose latine ne sont pas du tout étrangers à l’histoire de notre littérature française, et peuvent servir à l’éclaircissement de questions intéressantes relatives au fond ou à la forme de certaines compositions, à la langue dans laquelle elles parurent d’abord, etc. Les anciens livres d’offices en latin peuvent offrir la première forme, encore liturgique, des miracles et des mystères. On trouve des mots français intercalés dans des sermons latins dès le xiie  siècle, et sans doute auparavant. Presque toutes les liturgies relatives aux événements de la famille, au baptême, au mariage, etc., contiennent des mots ou même des portions de dialogue en langue vulgaire dont il faudrait faire le relevé.

On ne devra pas non plus omettre les poèmes latins de ces âges. En général, la recherche des écrits latins du moyen âge se lie de près, non seulement à la connaissance du fonds littéraire commun de ces temps, mais aussi à l’étude philologique de notre langue, beaucoup de mots français, d’expressions françaises, plus ou moins altérés de l’ancien latin, ayant contracté cette altération dans leur forme de basse latinité.

Les manuscrits de poèmes ou chroniques en langue romane provençale ne sont nullement exclus de votre recherche. Tout ce qu’on en pourra découvrir et recueillir sera porté à l’information des personnes savantes qui se sont occupées plus particulièrement de cette branche de notre littérature, et qui sont désormais maîtres reconnus en pareille matière.

Les ouvrages en langue trouvère qui ont été composés dans un dialecte provincial particulier, méritent attention ; on pourrait en éclairer l’étude par la connaissance du patois moderne correspondant.

Il s’est conservé, en quelques localités de la France, des fêtes, des représentations dramatiques populaires dont l’origine semble remonter à une haute antiquité. Il s’est conservé, en certaines contrées à part, surtout en Bretagne et vers les Pyrénées, d’anciennes traditions poétiques, des récits superstitieux, des chants même en langue du pays, altérés sans doute, mais évidemment transmis. Il ne sera pas indifférent d’examiner et de noter ces restes du passé avant que la civilisation moderne et l’usage de la langue générale les aient fait disparaître.

Mais votre recherche, monsieur, n’est pas du tout limitée à cette époque du moyen âge et aux siècles antérieurs au xvie , sur lesquels j’ai cru devoir fixer d’abord votre attention. D’intéressants résultats sont à espérer encore pour les époques suivantes, dans lesquelles l’imprimerie semble avoir tout épuisé. Des copies peut-être plus complètes de certains ouvrages célèbres, des correspondances jusqu’ici négligées, des ouvrages même que les circonstances ont empêché d’imprimer en leur temps, peuvent venir ajouter en quelque chose à tout ce que la France possède déjà de richesses littéraires accumulées durant ces trois derniers siècles…