Le maréchal de Villars.
Le dernier mot sur la victoire de Denain36.
La littérature classique bien conçue n’a pas seulement à s’occuper des chefs-d’œuvre de
la langue, tragédies, épopées, odes, harangues et discours, elle ne néglige pas les
victoires : je veux dire les victoires illustres, celles qui font époque dans la vie des
nations. Sans parler même de ces journées à jamais mémorables contre les Perses et le
grand roi, je ne conçois pas un Grec instruit, sachant son Homère, applaudissant son
Sophocle, et qui n’aurait pas eu une idée précise de la bataille de Leuctres, cette
invention éclose du génie d’Épaminondas. Et qu’est-ce donc lorsqu’un Épaminondas est
raconté par un Xénophon ? De même le Français serait incomplet, qui applaudirait le Cid en son beau temps et qui ne suivrait pas dans son vol d’aigle et
dans ses soudains mouvements la victoire de Rocroy ; de même encore, un Prussien qui, se
reportant à l’époque de Frédéric, posséderait son Lessing et qui ignorerait la victoire de
Leuthen. Il y a de ces batailles classiques aussi, dont il faut avoir l’entière
intelligence comme on l’a de tout chef-d’œuvre. Le patriote ici et l’homme de goût se
confondent. Parmi ces noms fameux, il en est un qui, pour nous Français, l’est moins
encore par la grandeur de l’action que par l’à-propos et l’urgence, par l’imprévu de
l’événement et les conséquences promptes qui en jaillirent ; c’est Denain, qui fit tourner
la chance depuis si longtemps contraire et qui releva l’honneur de notre
drapeau tout à la fin de Louis XIV. Le règne si long de Louis XIV, à soixante-neuf ans
d’intervalle, est comme enfermé entre Rocroy et Denain, un début si brillant et si
glorieux, et un retour de fortune si tardif, si désiré et si nécessaire. Denain mérite
donc d’être connu, étudié comme Rocroy, d’autant plus que le récit de ce beau fait d’armes
offrait des points douteux et non éclaircis, des obscurités qui n’ont été levées que dans
ces derniers temps. En paraissant sortir ainsi quelquefois de ce qui est réputé le domaine
proprement littéraire, on n’a pas la prétention de devenir autre chose que ce qu’on est.
Un bouillant esprit, et qui exagérait tout37, a dit
avec emphase : « Comprendre, c’est égaler. »
C’est là, sous air d’axiome,
une pensée fausse. Pour comprendre un tableau et se bien représenter le genre de talent
qui l’a conçu et exécuté, on n’est pas un peintre ; pour comprendre l’idée et l’exécution
d’une action de guerre, on n’est pas un général : on reste un critique ; l’essentiel est
de l’être avec le plus d’ouverture autour de soi et le plus d’étendue qu’on le peut.
I.
Voltaire, au chant VII de la Henriade, introduisant le fantôme divin de saint Louis et lui faisant révéler en songe à Henri IV le cours des choses futures et les destinées de sa race, a dit :
Regardez dans Denain l’audacieux Villars,Disputant le tonnerre à l’aigle des Césars.
Quand on y regarde de près et en prose, Denain, avec les circonstances qui l’accompagnèrent, nous apparaît dans un éclair moins rapide et sous un jour un peu différent. Pour s’en rendre compte, il faut avant tout remonter en arrière et se former une juste idée de l’état de la France pendant les campagnes précédentes.
Le prince Eugène et Marlborough réunis nous faisaient la guerre en Flandre,
assiégeaient et reprenaient les villes autrefois conquises par Louis XIV, et menaçaient
nos frontières. Après avoir essayé sans succès des autres généraux et même de Vendôme,
on leur opposa Villars (1709). Celui-ci arrivait avec l’éclat de ses victoires en
Allemagne et sur le Rhin : il voulut s’opposer au siège de Mons, livra la bataille de
Malplaquet, y fut grièvement blessé et la perdit. Mais cette bataille perdue avait cela
de particulier, à la différence des précédentes, qu’on y avait combattu avec une valeur
acharnée, qu’on y avait fait plus de mal encore aux ennemis qu’ils n’étaient parvenus à
nous en faire, et que le moral des troupes était relevé. Villars de son lit de
souffrance, envoyant au roi des drapeaux pris sur l’ennemi, put écrire sans trop de
fanfaronnade : « Si Dieu nous fait la grâce de perdre encore une pareille
bataille, Votre Majesté peut compter que ses ennemis sont détruits. »
Ce qui
reste vrai et ce qui est reconnu pour exact par les historiens militaires et les gens du
métier les plus compétents, c’est que Villars, avec une armée inégale, recevant d’une
telle vigueur le choc de ces énormes forces combinées des généraux alliés, et leur
mettant plus de trente mille hommes hors de combat, garantit cette année-là nos
frontières et obligea la Coalition à de nouveaux efforts qui demandaient du temps.
Villars avait des ennemis ; il les méritait par son bonheur à la guerre, qui ne s’était démenti et ne devait se démentir que cette fois, et par cet air de jactance qui accusait des défauts en partie réels, et qui recouvrait des qualités dont les malveillants se gardaient bien de convenir ; mais il est certain qu’il valait infiniment mieux que n’affectaient de le montrer les mauvais propos des courtisans et des jaloux. Il fut très beau à Malplaquet et le lendemain. Qualités et défauts, Villars était bien en tout un type parfait de l’officier français tel qu’on l’a vu de tout temps et tel qu’il est encore. Il savait autant et mieux qu’aucun général comment il faut prendre le soldat et toucher en lui le ressort. C’est dans l’une de ces campagnes de Flandre où le pain manquait et où le prêt ne venait guère, où l’argent, cette étoile de gaîté, ne brillait que par son absence, que, pour dissiper une mutinerie commencée▶, il eut l’idée de faire battre la générale. Les séditieux, en entendant l’appel accoutumé, coururent aux armes d’un mouvement machinal comme pour combattre l’ennemi. Ce stratagème est l’inverse de celui de César qui apaisa une émeute militaire au Champ, de Mars en apostrophant les mutins du nom de Quintes, comme qui dirait Citoyens ou Messieurs. Ces vétérans des Gaules, surpris et humiliés de se voir traités de bourgeois, rentrèrent à l’instant en eux-mêmes. Villars, en faisant battre le tambour, criait au contraire aux siens Milites, Milites, et les refaisait deux fois soldats, sans qu’ils eussent même le temps d’y songer. Dans les deux cas, on avait su toucher la fibre du soldat romain ou français à l’endroit sensible et le piquer d’honneur.
Villars connaissait les hommes. On raconte l’histoire d’un officier, d’un lieutenant-colonel brave, irréprochable jusqu’alors, lequel, à Malplaquet, placé en un poste périlleux, s’enfuit et courut jusqu’à Calais, sa ville natale. Il en eut tant de honte qu’il se dénonça lui-même au général, offrant sa tête, en expiation, renvoyant sa croix de Saint-Louis et se condamnant à une humiliation publique pour le reste de ses jours. On a même donné la lettre de Villars en réponse à ce touchant aveu. Villars pensait peut-être à ce brave officier qui fut lâche un jour, quand il écrivait au ministre de la guerre, M. Voisin :
« … Connaître les hommes, j’avoue que ce n’est pas l’affaire d’un jour. Moi qui vous parle, quoique je les étudie assez, il y en a que je n’ai pas connus dans les premiers commerces que j’ai eus avec eux. D’ailleurs, les hommes changent, et tel qui a été fort bon devient médiocre et quelquefois misérable. »
Et encore, dans une autre lettre à ce même ministre, en parlant de la bravoure :
« C’est la première qualité que je demande à la guerre. On dit toujours que tout le monde est brave ; et vous ne sauriez imaginer, quand ce vient au fait et au prendre, le peu que l’on trouve de certains courages qui veulent bien marcher à la tète de tout. Autre chose est d’envoyer les troupes à l’ennemi, ou de les mener soi-même bien fièrement, et le premier. »
Un de ses talents comme chef était donc de connaître son monde, et, dans l’occasion, de l’électriser.
L’année qui suivit Malplaquet, dans la campagne de 1710, Villars, assez mal remis, de
sa blessure, eut d’abord pour adjoint le maréchal de Berwick, comme il avait eu l’année
précédente le maréchal de Boufflers. Mais Berwick, destiné à commander l’armée du
Dauphiné, n’était là que provisoirement et pour le cas où on livrerait une nouvelle
bataille. Villars parlait fort de la donner, et d’autant plus haut qu’il se doutait bien
que Berwick, général flegmatique et froid, était chargé de tempérer ce qu’on appelait sa
trop grande ardeur : « C’est pourquoi, dit-il, je n’hésitais pas à proposer les
projets les plus hardis, persuadé qu’on en rabattrait toujours assez. »
C’est
ainsi qu’il fit mine de se mettre en marche comme pour aller secourir Douai, dont il
croyait fort bien cependant ne pouvoir faire lever le siège. Ses collègues, les
maréchaux de Berwick et de Montesquiou, n’étaient pas d’avis de commettre l’armée
au-delà de la Scarpe. Lui il tint à marcher en plaine à l’ennemi par manière de défi et
pour rendre le cœur aux troupes ; mais, cette démonstration faite, il n’eut garde de se
risquer à attaquer. Il sentait bien, malgré tous ses airs d’audace, qu’une seconde
bataille comme celle de Malplaquet n’avancerait pas les affaires. Les suites étaient
faites, comme il le disait, pour étonner un bon Français et lui donner à réfléchir. Il
déclarait au roi ne pouvoir prendre sur lui plus de responsabilité, à moins qu’il ne
reçût un ordre positif ; et si l’ordre était venu, il eût été le premier sans doute à
proposer les objections. Durant toute cette campagne où l’ennemi s’empara de plusieurs
places, Douai, Béthune, Aire, Saint-Venant, Villars se borna à faire traîner les sièges
en longueur, à intercepter des convois, et à se rattraper sur de petites affaires de
détail où il avait le grappin sur l’ennemi. C’est par ce jeu prudent et serré, et par
l’habileté de ses manœuvres, qu’il parvint à couvrir Arras, cette capitale de l’Artois,
sur laquelle l’ennemi avait d’abord jeté ses vues et qui lui aurait ouvert l’entrée dans
l’intérieur du royaume. Aussi l’historien des Mémoires militaires,
rédigés sous Louis XVI et publiés seulement de nos jours, n’hésite-t-il pas à conclure
son récit de la campagne de 1710 en ces termes, si avantageux à Villars :
« Ce général sauva, pour la deuxième fois, la France ; peut-être aurait-il conservé quelque place de plus si, d’un côté, un reste d’espérance de paix, et, de l’autre, le danger de mettre le royaume au hasard d’un événement douteux, n’eût dicté les ordres du roi à son général, et si le général lui-même n’eût été retenu et par la crainte des risques auxquels un combat pouvait l’exposer, et par le mauvais état dans lequel étaient les troupes.
« Ces motifs, peut-être autant que l’habileté des généraux ennemis, contribuèrent à leurs succès. Ils furent grands, mais ils coûtèrent cher aux alliés, tant pour les dépenses exorbitantes que leur occasionnèrent les sièges, que par la perte, suivant leur propre aveu, de plus de quarante mille hommes, tués ou enlevés par les maladies qui désolèrent leur armée. »
L’audacieux Villars savait donc se comporter, quand il le fallait, comme un général très-prudent.
La campagne de 1711 ne fut encore qu’une campagne de tactique et de chicane. La mort de
l’empereur Joseph et des nuages qui s’élevaient en Angleterre sur la faveur de
Marlborough influèrent sans doute sur l’activité des alliés. Villars, en se montrant
toujours très-jaloux de livrer une bataille rangée, dont il crut même avoir trouvé
l’occasion dans les plaines de Lens, n’eut pas ordre de l’engager et n’en fut peut-être
pas très-fâché au fond : il prit sa revanche, selon sa coutume, en tentant de petites
actions. Forçé de se tenir sur la défensive, il la rendit aussi active et aussi nuisible
à l’ennemi que possible, soit qu’il attaquât des camps isolés, des partis de
fourrageurs, soit qu’il comblât des cours d’eau et coupât la navigation des rivières.
Son principal objet, et il l’atteignit, était de protéger Arras et Cambrai dont la
conquête était la visée de Marlborough. « Rompre les desseins des ennemis sans
commettre son armée »
, c’était l’ordre que le roi lui donna, et il s’acquitta
parfaitement de la mission. Il eut le déboire, il est vrai, de perdre Bouchain presque
sous ses yeux, sans pouvoir le secourir ; désagréable échec, et même assez grave en ce
qu’il livrait passage à l’ennemi entre l’Escaut et la Sambre, et lui permettait
désormais de porter la guerre sur une partie de la frontière moins susceptible de
défense. Villars, dans ses Mémoires, parle avec grand dédain et pitié de cette campagne
de 1711, si peu féconde en entreprises et en résultats, et où l’on se ruinait
misérablement en détail : l’historien des Mémoires militaires, qui a
suivi de près le général dans ses moindres mouvements et dans ses lettres au roi et au
ministre, lui rend plus de justice pour « la fermeté de ses vues, la justesse de
ses combinaisons et la précision de ses manœuvres »
, pour être parvenu aussi à
rétablir le bon esprit et la confiance dans l’officier et le soldat :
« En résumant, dit-il, les détails contenus dans ce Mémoire, et en se rappelant non seulement les progrès que les alliés avaient faits la campagne précédente sur les frontières du royaume, mais aussi les vastes projets que leurs généraux avaient formés pour celle-ci, il est difficile de refuser à M. le maréchal de Villars la gloire d’avoir, pour la troisième fois, sauvé la France. »
II.
Nous approchons de Denain, bien lentement, il est vrai, et il n’y a pas apparence jusqu’ici ni présage de coup de tonnerre. C’est avant de partir pour l’armée, à la campagne suivante de 1712, que Villars recueillit de la bouche de Louis XIV les magnanimes paroles qui ont été souvent répétées. Ces paroles de Louis XIV, qui exprimaient une si noble et royale résolution pour un cas extrême, avaient déjà été dites à Villars presque dans les mêmes termes à un précédent départ, et le roi les redit aussi, parlant au maréchal d’Harcourt : c’était le fond de sa pensée et de son âme, tant que pesèrent sur lui et sur son royaume ces conjonctures désastreuses.
L’entrée en jeu cependant n’était plus tout à fait la même pour la campagne de 1712 que pour les années d’auparavant ; un grave affaiblissement avait atteint les forces alliées : Marlborough était tombé en disgrâce. Le duc d’Ormond le remplaçait dans le commandement des troupes anglaises ; mais les négociations avec l’Angleterre avançant chaque jour, le moment approchait où il se séparerait du prince Eugène. Celui-ci, pressentant sourdement que les Anglais, comme on dit, branlaient au manche, devait désirer une action générale prochaine où il les aurait encore pour alliés et compagnons d’armes. Villars et le duc d’Ormond, prévenus chacun très secrètement de l’état et du progrès des négociations entre leurs Cours, devaient éviter de s’engager, et il ne fallait pas que Villars, par trop d’insistance guerrière et par quelque mouvement imprudent, plaçât le duc d’Ormond entre son devoir et son honneur. D’autre part, il importait aussi de ne point montrer de la timidité. Villars avait, de plus, pendant cette campagne, un adjoint et collègue qui était devenu très-influent, le maréchal de Montesquiou, lequel, ordinairement, commandait l’armée de Flandre durant la saison d’hiver, et qui avait grand appui en Cour. Villars devait se concerter avec lui, et enfin il ne faisait rien sans en avoir référé au roi et au ministre de la guerre, Voisin. Louis XIV, sur un échiquier aussi déterminé, aussi rapproché du centre, et où l’échec au roi était à tout coup si menaçant, avait un avis militaire personnel ; il passait des heures à étudier les cartes de Flandre, et il répondait ou faisait répondre à Villars sur ses moindres démarches en parfaite connaissance de cause.
Le maréchal de Montesquiou proposa, dès le commencement de la campagne, de tirer des
lignes depuis la tête de l’Escaut jusqu’à la Somme pour couvrir la Picardie, et de s’y
retrancher ; projet que Villars dut soumettre à la Cour, par déférence pour un confrère,
bien qu’il le désapprouvât en principe. La défense derrière des lignes n’est aucunement
dans l’humeur française. Aller en avant et à l’arme blanche est bien plutôt notre
affaire. D’autres projets de défense, conçus par des officiers généraux de l’armée de
Flandre, s’élaboraient autour du général en chef, et on les envoyait à Versailles,
souvent à son insu. On se plaignait de ce que Villars ne livrait point de bataille, et
quand on se croyait à la veille de la livrer, plusieurs murmuraient déjà qu’il n’était
pas sage de « mettre tous ses œufs dans un panier. »
Versailles et Paris
étaient trop voisins du camp : on espionnait, on critiquait ; les deux maréchaux avaient
chacun leur monde et leurs partisans ; il y avait longtemps qu’il ne s’était vu un
état-major si frondeur.
Cependant le prince Eugène, n’ayant pu déterminer le duc d’Ormond à un engagement général, se résolut à faire un siège ; il assiégea d’abord Le Quesnoi qui se rendit le 3 juillet après douze jours de tranchée ouverte et d’une défense jugée insuffisante ; puis il porta ses vues sur Landrecies qu’il investit avec le gros de ses forces, et dont la prise lui eût ouvert le Soissonnais : il se passait ainsi d’Arras et de Cambrai, et forçait par une autre clef le cœur de la France. Les Anglais, à dater de ce moment, cessèrent de prendre part aux opérations, et l’armistice entre eux et nous était publié le 17 juillet. Mais les Anglais seuls se retirèrent ; les troupes allemandes auxiliaires qui avaient été jusqu’alors à la solde de l’Angleterre se mirent incontinent au service de l’Empire.
On passait par bien des incertitudes et des péripéties. Tant que la suspension d’armes
du côté des Anglais resta indécise, Louis XIV désira que Villars « gardât le
milieu entre l’inaction et une bataille dans laquelle on eût risqué le
tout »
; et c’est à ce moment que l’idée d’une attaque sur Denain, d’une
diversion sur les derrières de l’ennemi, fut suggérée de Versailles par Louis XIV
lui-même. Le prince Eugène, en portant son armée entre l’Escaut et la Sambre, continuait
de tirer ses approvisionnements et ses vivres de la place de Marchiennes avec laquelle
il restait en communication, moyennant le camp retranché de Denain sur l’Escaut. Les
lignes de communication, de Marchiennes à Denain, s’appelaient insolemment « le
chemin de Paris. »
Louis XIV, il faut lui rendre cette justice, écrivait de Fontainebleau, le 17 juillet, au maréchal de Villars, cette lettre qui en suppose une autre antérieure sur le même sujet :
« Ma première pensée avait été, dans l’éloignement où se trouve Landrecies de toutes les autres places d’où les ennemis peuvent tirer leurs munitions et convois, d’interrompre leur communication en faisant attaquer les lignes de Marchiennes (ou de Denain), ce qui les mettrait dans l’impossibilité de continuer le siège ; mais, comme il m’a paru que vous ne jugez pas cette entreprise sur les lignes de Marchiennes praticable, je m’en remets à votre sentiment par la connaissance plus parfaite que vous avez étant sur les lieux… »
Le ministre de la guerre, M. Voisin, dans une lettre au comte de Broglie qui servait sous Villars et commandait les réserves de l’armée, écrivait à la même date :
« On prétend que le prince Eugène doit se déterminer ces jours-ci à faire un nouveau siège de Landrecies ou de Maubeuge. Je vous supplie de me mander si vous jugez qu’en faisant le siège de Landrecies, ils puissent toujours conserver leur communication à Douai par Marchiennes, pour en tirer leurs convois et munitions de guerre, ce qui est fort éloigné de Landrecies ; et il est néanmoins bien difficile qu’ils les puissent faire venir d’ailleurs… S’il était possible dans ce grand éloignement d’attaquer leurs lignes de Denain pour couper la communication> ce moyen paraîtrait le plus assuré et le moins hasardeux pour les obliger à lever le siège ; et vous feriez bien d’en écrire vous-même à M. le maréchal de Villars et de lui en envoyer un projet, lui marquant le nombre de troupes dont vous auriez besoin, de quelle manière et en quel temps il devrait les faire marcher, etc., etc.38»
Voilà donc l’idée d’une diversion sur Denain proposée aussi clairement que possible. Mais tout, à la guerre, dépend de l’occasion et du moment. Personne, dans les officiers généraux de l’armée, ne paraît avoir cru cette attaque praticable à ce premier moment antérieur à l’investissement de Landrecies. Le gros des forces du prince Eugène était alors trop rapproché des lignes de communication, et celles-ci eussent été soutenues aussitôt par toute la droite de son armée. Il fallait, pour que l’entreprise pût réussir, que le prince Eugène fût tout entier engagé et occupé autour de Landrecies, et l’originalité militaire de cette attaque sur Denain était de la faire non pas avec un détachement, mais avec le gros de l’armée française qui se déroberait de devant Eugène et lui masquerait sa marche pendant un temps suffisant. L’idée générale, suggérée très sensément par Louis XIV et sur laquelle il revient plus d’une fois, ne devint donc un trait de génie militaire et une heureuse pensée stratégique que moyennant transformation.
Louis XIV cependant voulait qu’on fît quelque chose : lui qui avait recommandé la prudence et d’éviter une affaire générale tant que la négociation se poursuivait avec l’Angleterre, il exigeait maintenant qu’on tentât plus qu’on ne le faisait, et qu’on jetât le dé plus hardiment :
« Mon intention, mandait-il à Villars le 21 juillet, n’est pas de vous engager à faire ce qui est impossible ; mais, pour tout ce qu’il est possible d’entreprendre pour secourir Landrecies et empêcher que les ennemis ne se rendent maîtres de cette place, vous devez le faire ; votre lettre n’explique point en quoi consiste le désavantage qui peut se trouver en attaquant les ennemis entre la Sambre et le ruisseau de Prisches39. Je suis persuadé que les ennemis ne manqueront pas de profiter du temps que vous leur donnez, et la chose demande une détermination plus prompte. »
Villars, en effet, d’ordinaire si porté à l’offensive, reculait devant une action générale engagée avec le prince Eugène dans ces conditions-là, c’est-à-dire dans un pays boisé où il aurait affaire à toute l’infanterie ennemie, appuyée à des lignes. En cet embarras et pour expédient, il en vint alors à cette idée d’une diversion sur Denain, que le roi avait ouverte et proposée le premier et que le maréchal de Montesquiou, qui l’avait eue de son côté ou qui s’en était pénétré de bonne heure, lui conseillait de toutes ses forces :
« Je compte faire demain (écrivait-il le 31 juillet au ministre) toutes les démarches qui pourront persuader l’ennemi que je veux passer la Sambre, et je tâcherai d’exécuter le projet de Denain qui serait d’une grande utilité : s’il ne réussit pas, nous irons par la Sambre. Je suis assez bon serviteur du roi pour garder la bataille entière pour le dernier. Elles sont, comme vous savez, dans la main de Dieu, et de celle-ci dépend le salut ou la perte de l’État, et je serais un mauvais Français et un mauvais serviteur du roi si je ne faisais les réflexions convenables. »
Nous lisons à nu dans les perplexités de l’âme de Villars. — Mais ce projet annoncé sur Denain s’évanouit presque aussitôt par suite d’un avis défavorable donné par le prince de Tingry, commandant à Valenciennes, qui devait y contribuer. Villars se détermina donc à passer la Sambre et à se disposer comme pour une bataille. Le roi fut mécontent de ces airs d’incertitude, et de tous ces revirements ; il le lui fit savoir, et le ministre de la guerre lui écrivait de Fontainebleau, à la date du 23 juillet :
« Toutes vos lettres sont pleines de réflexions sur le hasard d’une bataille ; mais peut-être n’en faites-vous pas assez sur les tristes conséquences de n’en point donner et de laisser pénétrer les ennemis jusque dans le royaume, en prenant toutes les places qu’ils veulent attaquer. Il me semble, à vous parler naturellement, qu’après les ordres réitérés de Sa Majesté, les plus fortes réflexions du général doivent être pour bien faire ses dispositions et profiter des moments. Je crois vous faire plaisir de vous parler avec cette liberté.
« Le roi, après avoir entendu la lecture de votre lettre et après avoir fait la réflexion que je viens de vous marquer, m’a dit qu’il attendait votre courrier : ce ne sera pas sans quelque espèce d’inquiétude. »
Il était impossible d’intimer plus nettement l’ordre de combattre, et de le faire sur l’heure. On était à bout de délais ; il fallait à tout prix tenter le sort, vaincre ou périr. C’est à ce moment extrême et décisif (ô fortune aléatoire de la guerre !) que tout à coup les affaires changèrent de face ; le projet de la Sambre fut abandonné ; on reprit celui de Denain pour l’exécuter, non pas avec un détachement, mais avec toute l’armée : ce qui était l’idée hardie et l’idée neuve. On n’a rien trouve dans les papiers de la Guerre qui fasse connaître positivement quel fut le motif d’un changement aussi subit ; mais, d’après tout ce qui se lit dans les lettres du roi et des maréchaux de Villars et de Montesquiou, il n’y a nul doute que ce fut celui-ci qui détermina le premier. Villars en est lui-même convenu dans ses Mémoires. Montesquiou revint à la charge auprès de son collègue sur cette idée, à laquelle il tenait, d’une attaque sur Denain, et tout se fit de concert avec lui.
En conséquence, rien ne fut négligé, dans la journée du 23 juillet, de ce qui pouvait
donner le change au prince Eugène pour lui faire croire à une bataille le lendemain
devant Landrecies ; on travaillait à jeter des ponts sur la Sambre comme si toute
l’armée devait y passer ; on fit un gros détachement comme pour reconnaître le terrain
où l’on devait combattre. Puis, le 23 au soir, l’armée fut mise en mouvement sans savoir
où on la conduisait ; le secret avait été gardé entre les deux maréchaux et le très
petit nombre d’officiers indispensables. Les troupes ne laissèrent pas de murmurer,
lorsqu’elles virent qu’on les menait à gauche comme pour tourner le dos à l’ennemi ; on
crut d’abord à un mouvement rétrograde. Bientôt l’éclaircissement se fit. Les nuits, à
cette époque de l’année, sont fort courtes. Il fallait se hâter. Le marquis de
Vieuxpont, qui commandait l’avant-garde, manda, à cinq heures du matin, qu’il ne
pourrait passer l’Escaut qu’à huit heures. Villars, à cette nouvelle, put craindre que
le prince Eugène éclairci sur notre marche n’y mît obstacle. Le maréchal de Montesquiou,
qui semblait avoir fait de cette opération sur Denain son affaire, insista pour
continuer ; on arriva à l’Escaut à l’heure dite, et tandis que Montesquiou faisait
construire en toute hâte des ponts, Villars diligenta l’armée et l’arrivée des troupes :
les deux maréchaux passèrent ensemble l’Escaut. Le prince Eugène cependant, averti vers
quatre heures du matin, accourut au galop de Landrecies à Denain avec quatre ou cinq
officiers seulement, et, les premières dispositions prises pour la défense, il retourna
pour ramener à temps, s’il se pouvait, son armée. Montesquiou, chargé d’attaquer les
retranchements, dut attendre, pour ◀commencer, que Villars, qui était retourné aux ponts
pour presser les troupes, l’eût rejoint. L’attaque se fit de concert « avec
beaucoup d’ordre et une magnifique disposition. »
Les bataillons s’avancèrent
sous le feu de l’ennemi, l’arme au bras, sans plier, sans tirer un coup de fusil. Le
poste fut emporté d’assaut ; on prit milord d’Albemarle qui commandait, avec quinze
officiers généraux et dix-sept bataillons. Il y eut beaucoup de tués et de noyés, un
pont qu’ils avaient sur l’Escaut s’étant rompu sous eux. Ce pont rompu qui coupait le
passage empêcha à la fois la retraite des fuyards et l’arrivée du secours d’Eugène,
devenu ainsi spectateur impuissant.
III.
Chose singulière ! on a de ce fait d’armes de Denain le récit de Montesquiou, tout à son avantage naturellement ; on n’a pas le bulletin officiel du général en chef. Villars envoya le jour même au roi le marquis de Nangis, qui fit un récit verbal, et l’on en est réduit, de son côté, à la narration succincte qui se lit dans ses Mémoires et qui n’a pas la valeur d’une relation détaillée.
Selon Montesquiou40 qui, non content de tirer tout de son côté, accuse Villars d’incertitude pendant l’opération même, ce maréchal aurait eu l’idée de s’arrêter lorsqu’il apprit de M. de Vieuxpont, à cinq heures du matin, qu’on ne pouvait être à l’Escaut avant huit heures :
« Comme il était grand jour, M. le maréchal de Villars crut que, le prince Eugène pouvant voir notre marche, c’était un obstacle invincible à notre entreprise ; en conséquence, il ordonna aux officiers du campement d’arrêter l’armée et de la faire camper où elle se trouvait ; ce qu’ayant appris, j’allai joindre M. le maréchal de Villars, à qui je dis que l’armée des ennemis ne pouvant marcher à Denain qu’à notre vue par la hauteur de Quérénaing, sur laquelle on ne voyait personne, je le priais de vouloir bien toujours marcher sur l’Escaut ; qu’y étant arrivés nous verrions si les ennemis marchaient à Denain ; que si on apercevait leur armée marcher et être à portée de secourir ce poste, nous serions toujours les maîtres de ne point passer l’Escaut et de camper, moyennant quoi il n’y avait nul risque à courir. Il se rendit à mes raisons, et nous continuâmes notre marche, après avoir perdu une heure de temps. »
Telle est la version de Montesquiou, désobligeante pour Villars. Ce dernier, dans ses Mémoires, dit au contraire :
« A la pointe du jour, comme j’étais à deux lieues de l’Escaut, le marquis de Vieuxpont me manda qu’il était découvert, et me pria de lui faire savoir ce qu’il fallait faire. Puységur proposa de marquer le camp dans l’endroit où l’on était. « A quoi diable songez-vous ? lui répondis-je ; avançons ! » Et en même temps j’envoyai des officiers au grand galop dire à Vieuxpont de jeter ses ponts, et moi-même je me mis dans ma chaise de poste pour aller plus vite. »
Selon Montesquiou encore, au moment où il se disposait à brusquer l’attaque du retranchement, avant que Villars, retenu près des ponts, eût pris le temps de le rejoindre, il fut retardé par un message de ce dernier :
« Dans le temps que j’étais en mouvement, M. le maréchal de Villars m’envoya MM. de Narigis et de Contades pour me dire de retarder, qu’on lui conseillait de se retrancher. Moi qui ne pouvais approuver ce retard, je voulus persister dans mon attaque, voyant que le temps pressait ; sur quoi M. de Contades me sollicita si vivement d’amitié de ne point attaquer sans parler à M. le maréchal de Villars, qui n’était pas éloigné, m’assurant que j’étais un homme perdu si l’attaque ne réussissait pas, que j’y consentis et fus le trouver à cinq cents pas. Il venait à moi, et en m’abordant me demanda si j’étais encore d’avis d’attaquer ; que les ennemis étaient préparés et qu’on lui conseillait de se retrancher. Je lui répétai tout ce qui devait l’en empêcher, après quoi il se rendit en me disant : « Puisque vous êtes d’avis d’attaquer, marchons. »
Que Villars ait voulu différer l’attaque jusqu’à ce qu’il fût arrivé et présent de sa
personne, c’est possible et c’est naturel ; mais il ne paraît pas qu’après les
précautions prises pour assurer son arrière-garde contre un retour du prince Eugène, il
ait hésité sur l’attaque du camp ; et comme le marquis d’Albergotti lui proposait de
faire des fascines pour combler les retranchements : « Croyez-vous, lui
répondit-il en lui montrant l’armée ennemie dont les têtes de colonnes s’apercevaient
déjà, que ces messieurs nous en donnent le temps ! Nos fascines seront les corps des
premiers de nos gens qui tomberont dans le fossé. »
Ces rivalités jalouses sur un si beau fait d’armes accompli de concert sont misérables. La version de Montesquiou, qui n’est pas d’un très bon camarade, courut Versailles et y trouva des échos. Saint-Simon qui s’en est emparé en l’exagérant, triomphe, et il poursuit de sa haine le victorieux jusqu’au sein de sa victoire. Il ne tient pas à lui que nous ne croyions, en vérité, qu’il a fallu mener Villars à Denain comme un chien qu’on fouette. La postérité, elle, de sa vue à distance, ne s’y est pas trompée : elle a été plus juste dans l’appréciation totale et un peu confuse. A y regarder de plus près, l’honneur de Montesquiou est, certes, d’avoir eu la visée sur Denain (qu’elle soit venue primitivement de Louis XIV ou de lui), de l’avoir proposée à Villars avec insistance sous la forme d’un plan militaire aussi hardi que praticable, et d’avoir été en première ligne dans l’exécution. L’honneur de Villars est d’avoir accueilli et adopté cette idée, de l’avoir préférée, somme toute, au péril d’une bataille rangée, d’y avoir présidé avec vigueur, tout en y apportant de temps en temps un coup d’œil de prudence en arrière. Mais il ne cessa point d’être le général en chef, et un général intrépide, celui qui entrait dans les retranchements de Denain à cheval à la tête de ses troupes, et qui recevait en personne la soumission du duc d’Albemarle et des sept ou huit lieutenants généraux de l’empereur ; il avait le droit d’écrire au ministre, du camp de Denain, le soir même (24 juillet) :
« Je n’ai pas le temps, Monsieur, de vous écrire une bien longue lettre ; je ne puis trop me louer des troupes. Je n’ai point donné de ces batailles générales qui mettent le royaume en peine ; mais j’espère, avec l’aide de Dieu, que le roi retirera de grands avantages de celle-ci. »
Et, en effet, si l’idée originale de Denain n’est pas de Villars, il se l’appropria tout à fait par la manière brillante et rapide dont il sut profiter de ce premier succès ; à la façon soudaine dont il en tira les conséquences, on aurait pu l’en croire le seul auteur et le père, et l’on peut dire que, par l’usage qu’il en fit, il éleva ce coup de main heureux à la hauteur d’une grande victoire. Non content d’avoir sauvé Landrecies, il reprit à l’instant l’offensive sur tous les points ; délogeant l’ennemi de tous ses postes sur la Scarpe, priant M. de Montesquiou de se charger de la prise de Marchiennes, réunissant lui-même ses garnisons comme n’ayant plus à craindre pour ses places, il se mit en devoir, malgré les alarmistes qui ne manquaient pas autour de lui, de reconquérir Douai, Le Quesnoi, Bouchain. Il avait retrouvé la veine ; il ne la laissa point refroidir, et toute la fin de cette campagne, qui influa sur la conclusion de la paix, fut marquée par des éclairs de fortune glorieux et des sourires consolateurs.
Il reste donc vrai de dire avec Napoléon dans son jugement résumé des campagnes du
prince Eugène : « En 1712, il prit Le Quesnoi et assiégea Landrecies. Le maréchal
de Villars sauva la France à Denain ! »
Ce mot restera celui de l’histoire. Le
nom de Denain, attaché à celui de Villars, ne fait que représenter et couronner les
services des trois campagnes précédentes, méritoires et sans éclat.
IV.
Toute part d’éloges accordée au mérite de M. de Montesquiou pour la spécialité de
l’opération, il n’est que juste (ce que ne fait pas assez, ce me semble, le rédacteur
des Mémoires militaires) de ne point effacer devant un trop jaloux
collègue le vainqueur de Denain. Non, dirai-je à mon tour en pensant à Saint-Simon et à
tous ceux qui ont dénigré Villars, non, dirai-je à la suite d’un bon guide41, ce n’était pas un soudard fanfaron, un pur miles gloriosus, que l’homme qui a gagné la bataille de Friedlingen, qui
a défendu en 1705 la vallée de la Moselle contre Marlborough, si plein d’estime pour un
tel adversaire ; qui a gagné la première bataille de Hochstett en 1703, et qui forma
alors ce grand projet de marcher sur Vienne par le Danube, pendant que Vendôme,
débouchant d’Italie à travers les Alpes du Tyrol, viendrait le rejoindre sur l’Inn,
projet que Bonaparte et Carnot reprirent en 1796-97, que Napoléon reprit en 1805 et
exécuta en 1809. Villars put être critiqué à bon droit par Napoléon pour sa campagne
d’Italie en 1733, et pour avoir méconnu alors le vrai point stratégique, la ligne
défensive de l’Italie qui est sur l’Adige ; mais (circonstance atténuante) il avait
alors quatre-vingts ans. Dans toute sa carrière active antérieure, il a montré
l’instinct et le sentiment de la grande guerre, de brillantes et solides parties, des
talents de plus d’un genre qui le classent comme capitaine à une belle place entre ceux
qui viennent après les plus grands. Denain, le salut de la France, les beaux sièges qui
suivent, tout cela est d’un homme heureux, trop heureux pour ne pas être digne des
faveurs de la fortune. Il semble que c’est à lui et pas à un autre que Montesquieu a
pensé lorsqu’il a dit : « Quand on veut abaisser un général, on dit qu’il est
heureux. Mais il est beau que sa fortune fasse la fortune publique. »
Et
songeant moi-même à Villars, à Masséna, à ces grands hommes de guerre qui ont eu des
vices, mais qui peuvent aussi montrer dans leur vie ces nobles pages, Rivoli, Essling et
Zurich, ou bien Friedlingen, Hochstett et Denain, je dirai qu’il convient de leur
appliquer les paroles de Périclès dans l’Éloge funèbre des guerriers morts pour
Athènes :
« A ceux qui ont de moins bonnes parties il est juste que la valeur déployée contre les ennemis de la patrie soit comptée en première ligne ; car le mal disparaît dans le bien, et ils ont été plus utiles en un seul jour par ce service public, qu’ils n’ont pu nuire dans toute leur vie parleurs inconvénients particuliers. »
C’est la conclusion qui me paraît la plus digne pour ce chapitre d’histoire.