Bonnières, Robert de (1850-1905)
[Bibliographie]
Mémoires d’aujourd’hui (1885). — Le Baiser de Maïna (1886). — Jeanne Avril (1887). — Contes dorés (1887). — Contes à la Reine (1892). — Lord Hyland, histoire véritable (1895).
OPINIONS.
Eugène Ledrain
Deux romans plus récents, Le Baiser de Maïna, rapporté de Bénarès, et Jeanne Avril, qui nous semble le chef-d’œuvre de M. de Bonnières, témoignent d’un peu d’apaisement dans cet esprit hautain et tourmenté. Il y a de l’indulgence délicate et même des larmes dans Jeanne Avril. Mais il est à craindre que cet adoucissement ne soit que passager chez M. de Bonnières et que, bientôt, il ne revienne à ses véritables goûts. Lui-même ne considère-t-il pas un peu comme des distractions et des haltes légères les histoires d’amour où il s’est un instant complu et les jolis Contes dorés d’où nous tirons des vers d’une forme si précise et d’une fermeté d’acier.
Émile Faguet
M. Robert de Bonnières est assez connu du public comme romancier et comme essayiste, comme peintre mordant et aigu, de la société contemporaine. Il l’est moins comme poète. On a tort cependant, si l’on oublie ses contes en vers d’autrefois, qui étaient d’un tour si vif et si preste. Il a voulu qu’on s’en souvînt, et il vient de leur donner quelques petits frères. Ce sont les Contes à la Reine. M. de Bonnières, dans ce coquet volume, a tenté de ressusciter la jolie langue et la charmante allure de style des conteurs du xviiie siècle. C’est dans ce mode, sans une fausse note, à ce qu’il me semble, sans broncher une fois sur le fond, ni sur le ton, qu’il nous déduit les aventures des bonnes et des méchantes fées, du diable au moulin, des bons saints et des bonnes bêtes qui les aiment et qui les suivent jusqu’en paradis. Il est difficile de réussir un pastiche mieux que n’a fait M. de Bonnières. Il ne faudrait pas continuer longtemps, ni recommencer ; mais le volume est court, et la satiété est très loin d’avoir commencé quand on est au bout de ces deux cents petites pages. C’est un régal d’amateur que ce travail d’amateur ès lettres, si gentiment enlevé.
Voisenon ni Boufflers — et peut-être faudrait-il remonter plus haut — n’auraient pas fait mieux.
Lucien Muhlfeld
M. Robert de Bonnières dédie ses Contes « à la Reine ». Sage modestie de n’écrire que pour une, louable orgueil de haut choisir sa lectrice. En vers français, il présente de légendaires anecdotes de Fées, de Saints, de Rois,
Héros divers, que, sur un fond changeant,J’ai de mes mains vêtues d’or et d’argent,Et que ma voix, afin de mieux vous plaire,Ne fait parler qu’en une langue claire.
La reine destinataire des récits de M. de Bonnières se complaît évidemment trop à un vocabulaire vieillot, et son conteur flatte ses vénérables références. En prosodie, elle et lui sont demeurés La Fontaine, à La Fontaine, moins la liberté du vers, moins quelque aisance aussi, et, plus naturellement, le léger ridicule de toute respectable imitation. « Ridicule » et « imitation » sont d’ailleurs injustes. Le ridicule, c’est d’imiter les petits-maîtres du succès récent le plus communicatif. Remonter à la tradition du conte français en vers est, d’un contemporain de MM. Remacle et Quillard, bravoure et point servilité.
Les devinettes de M. de Bonnières sont très ingénieuses et fraîches dans leur forme jadis. Leur affectation archaïque n’est pas choquante. Voilà un livre vers qui peu d’artistes s’orienteront, mais qu’ils mettront volontiers sous les yeux des reines familières. M. Viennet l’eût classé dans la cinquième classe, celle de la poésie fugitive, on il excellait, et où M. de Bonnières n’est pas médiocre.
Aussi bien n’est-ce ici qu’un « passe-temps littéraire », sans doute.
Robert de Souza
Dans ses Contes à la Reine, M. Robert de Bonnières use plutôt de la forme narrative que de la lyrique. Il utilise les récits, les légendes dans un esprit très national de moraliste plutôt que de poète, mais avec un archaïsme un peu uni, une tenue classique trop sévère et, par cela même, trop éloignée des frustes abandons.