(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 18-19
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 18-19

LAFARE, [Charles-Auguste, Marquis de] Capitaine des Gardes de Monsieur, puis du Duc d’Orléans, Bégent, né dans le Vivarais en 1644, mort en 1712.

Il avoit près de soixante ans lorsqu’il commença à s’exercer dans la Poésie. La légéreté, les graces & l’enjouement de sa Muse, feroient croire que toute la vivacité d’une heureuse jeunesse a présidé à ses compositions. Ses premiers hommages furent consacrés à Madame de Caylus : ce sont aussi les plus jolis Vers * qu’il ait faits. Après ce début, l’amour, le vin & les plaisirs furent les objets de ses Chants, sur lesquels une imagination gaie, une touche fine & délicate, un génie agréable & facile, répandent un coloris que les regles austeres du Parnasse n’avoueront pas toujours, mais qui n’en paroît que plus original. L’Abbé de Chaulieu, son ami, lui inspira sans doute le goût des Poésies légeres, & avec lui, cette liberté épicurienne qui se plaît à afficher l’insouciance dans la plupart de ses Pieces. Les inclinations & les idées de ces deux Poëtes étoient les mêmes. L’inexactitude & l’incorrection ne paroissoient pas, à leurs yeux, des défauts capables de gêner leurs saillies. Il faut convenir que leur négligence étoit le plus souvent la mere des graces. Il y a seulement entre eux cette différence, que les Vers de M. de Lafare sont souvent trop négligés, & n’ont pas cette vivacité, cette aisance soutenue, cette variété de tours & d’expressions qui font de Chaulieu un Poëte inimitable.

Avant de s’égayer dans les jeux d’une Muse badine, M. de Lafare avoit manié les crayons de l’Histoire. On ne peut trop s’étonner qu’un homme dont les Poésies annoncent un caractere porté à l’indulgence, & qui en avoit lui-même besoin, se soit livré, avec si peu de réserve, au fiel qui domine dans ses Mémoires & Réflexions sur les principaux événemens du Regne de Louis XIV. Ces Mémoires ne sont, à proprement parler, qu’une satire d’un bout à l’autre. L’humeur qui y éclate en décrédite l’autorité, & inspire une juste défiance au Lecteur.