Avertissement.
On a les Traités de Pierrius Valerianus, & de Cornelius Tollius : De infelicitate Litteratorum. Je ne sçais si ces deux Ecrivains s’étoient rendus malheureux dans leur Profession, mais leurs Ouvrages ne sont rien moins que concluans. Parmi plus de quinze cent faits, à peine s’en trouve-t-il trois ou quatre qui offrent quelque chose digne de remarque. Il n’est point de revers particuliers attachés aux Gens de Lettres, & s’ils sont poursuivis par la haine, l’envie ou la tyrannie, c’est un malheur commun à toute espéce de Talent. Tous les hommes sont exposés aux mêmes infortunes, & pourquoi les Sçavans croiroient ils devoir être exempts des calamités qui affligent leurs semblables. Je vois beaucoup d’avantages liés à la Profession des Lettres ; je les sens encore mieux. N’est ce rien que de suivre son goût, & de se livrer tout entier au charme qui nous flatte ? J’ai donc peint ce que j’éprouvois, & je crois que plusieurs Ecrivains sentent comme moi. Mon but a été aussi de rendre hommage aux Gens de Lettres, & d’éclairer certains hommes sur leur injustice envers des hommes qui se sacrifient pour leur être utiles. La mode est venue de calomnier les Arts & les Gens de Lettres, & l’on se dispense ainsi de l’admiration & de la reconnoissance, deux fardeaux bien pesans pour le cœur ingrat de l’homme, & l’on seroit en droit avec ce faux mépris de rejetter leurs leçons. Je ne parle point pour ces ames insensibles & farouches, ou pour celles qui n’ont qu’un chagrin superbe, je parle pour ceux qui sçavent apprécier les vertus & les talens. On ne confondra peut-être pas parmi les Gens de Lettres qui méritent ce nom, ceux qui l’usurpent. On distinguera facilement ceux qui honorent leur siécle d’avec ceux qui se déshonorent eux-mêmes.