1. Boyer, [Claude] Abbé, de l’Académie Françoise, né à Alby en 1618, mort à Paris en 1698.
De vingt-deux Pieces de Théatre qu’il a composées, on ne se souvient plus que de Judith & de Jephté, deux Tragédies qui eurent du succès, mais qu’on ne joua plus dès que celles de Corneille & de Racine eurent paru. Ce Poëte n’étoit cependant pas sans talens ; mais il n’est que les talens perfectionnés par le goût, qui puissent garantir de l’oubli. On nous a conservé une anecdote sur son compte, qui prouve combien la prévention est capable d’égarer le jugement. L’Abbé Boyer, pour éprouver si la chute de ses Pieces ne devoit pas être imputée à la mauvaise humeur du Parterre, fit afficher la Tragédie de Judith sous le nom de Pader d’Affezan, jeune Gascon nouvellement arrivé à Paris. La Piece fut généralement applaudie ; Racine même, qui n’estimoit pas Boyer, se déclara en sa faveur. En voilà donc un qui réussit en dépit de M. Racine ! s’écria au fond du Parterre le véritable Auteur.
Cet exemple nous rappelle que plusieurs bonnes Pieces ont dû leur chute à la même cause, comme beaucoup de mauvaises lui ont dû leur succès passager.