(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rimbaud, Arthur (1854-1891) »
/ 1531
(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rimbaud, Arthur (1854-1891) »

Rimbaud, Arthur (1854-1891)

[Bibliographie]

La Saison en enfer (1873). — Les Illuminations, avec préface de Paul Verlaine (1886). — Reliquaire, avec préface de Darzens (édition saisie) [1891]. — Poèmes : Les Illuminations, la Saison en enfer, notice par Paul Verlaine (1892). — Poésies complètes (1896). — Œuvres de Jean-Arthur Rimbaud (1898). — Lettres de Jean-Arthur Rimbaud (1899).

OPINIONS.

Paul Verlaine

La muse de M. Arthur Rimbaud prend tous les tons, pince toutes les cordes de la harpe, gratte toutes celles de la guitare et caresse le rebec d’un archet agile s’il en fût… Bien des exemples de grâce exquisément perverse ou chaste à vous ravir en extase nous tentent, mais les limites normales de ce second essai déjà long nous font une loi de passer outre à tant de délicats miracles, et nous entrerons sans plus de retard dans l’empire de la Force splendide où nous convie le magicien avec son Bateau ivre.

[Les Poètes maudits ().]

Ferdinand Brunetière

Un autre encore, qui fut un temps l’honneur de cette école, pour ne pas dire le phénomène, M. Rimbaud, je crois, a disparu un jour brusquement ; peut-être, après avoir étonné les Baudelairiens eux-mêmes par la splendeur de sa corruption et la profondeur de son incompréhensibilité, vend-il quelque part, aujourd’hui, en province ou par-delà les mers, de la flanelle ou du molleton. N’est-ce pas ainsi ou à peu près que Schaunard a fini ce mois-ci ?

[La Revue des deux mondes.]

Charles Morice

Un poète eut la prose et le vers : M. Arthur Rimbaud. Il a, comme dit admirablement M. Verlaine, à qui nous devons de le connaître, « l’empire de la force splendide ». Le Bateau ivre et les Premières Communions sont, dans des genres très différents, des miracles sans pairs.

[La Littérature de tout à l’heure ().]

Jules Lemaître

Si l’on vous disait que ce misérable Arthur Rimbaud a cru, par la plus lourde des erreurs, que la voyelle U était verte, vous n’auriez peut-être pas le courage de vous indigner ; car, il paraît également possible qu’elle soit verte, bleue, blanche, violette et même couleur de hanneton, de cuisse de nymphe émue ou de fraise écrasée.

[Nos contemporains.]

Adolphe Retté

Ces deux poèmes : Bateau ivre et les Premières Communions, donnent, avec quelques pages tirées du fatras des Illuminations et particulièrement avec une Saison en enfer, la dominante de la symphonie terrible que se joua Rimbaud. S’ils font vibrer en nous plusieurs des fibres les plus essentielles de l’âme, c’est parce que, pénétrant loin sous les sentiments émoussés dont nous revêtons d’habitude les plus humains de nos désirs, ils chantent l’hymne de la Nature raillant l’inconnaissable. Naturellement, un tel effort de rébellion, un tel coït entre l’orgueil et la sauvagerie intime de notre être, s’achève en tristesse. C’est la mélancolie terminale du Bateau ivre : « Voici, j’ai remué, parmi des cataractes d’éclairs et de parfums, un océan de passions ; et maintenant je ne veux plus que m’endormir au crépuscule, comme une nacelle disloquée sur un étang froid. »

Mais que lui importait à ce Rimbaud ? Il avait vécu ; il avait sucé de ses fortes lèvres rouges tous les fruits de l’Arbre fatidique ; il avait été un homme à l’âge où les autres hommes sortent de l’enfance ; il était vieux à l’âge où les autres hommes sont mûrs… Il relut Sagesse, sourit, se laissa oindre d’huiles consacrées, puis, ramenant le drap par-dessus sa tête, il s’en alla, rassasié de tout, dans la nuit sans étoiles.

[Aspects ().]

Stéphane Mallarmé

Le Bateau ivre… Ce chef-d’œuvre.

[Divagations ().]

Paterne Berrichon

Dans Charleville, un ou deux mois après son retour, il concevra et rimera ce Bateau ivre, visionnaire déjà et prophétique totalement ; chef-d’œuvre orageux, terrible aussi et doux et tout, qui forme comme le symbole de la vie même du poète.

[La Vie de Jean-Arthur Rimbaud ().]

Gustave Kahn

Sans doute, Rimbaud était au courant des phénomènes d’audition colorée ; peut-être connaissait-il par sa propre expérience ces phénomènes. Je ne suis pas assez sûr de la date exacte du Sonnet des voyelles pour avancer autrement qu’en hypothèse que Rimbaud a parfaitement pu écrire ce sonnet, non en province, mais à Paris ; que, s’il l’a écrit à Paris, un de ses premiers amis dans cette ville ayant été Charles Cros, très au fait de toutes ces questions, il a pu contrôler, avec la science, réelle et imaginative à la fois, de Charles Cros, certaines idées à lui, se clarifier certains rapprochements à lui personnels, noter un son et une couleur. Les vers du sonnet sont très beaux — tous font image. Rimbaud n’y attache pas d’autre importance, puisqu’on ne retrouve plus de notation selon cette théorie dans ses autres écrits. Ce sonnet est un amusant paradoxe détaillant une des correspondances possibles des choses, et, à ce titre, il est beau et curieux. Ce n’est pas la faute de Rimbaud si des esprits lourds, fâcheusement logiques, s’en sont fait une méthode plutôt divertissante ; c’est encore moins sa faute si on a attribué à ce sonnet, dans son œuvre et en n’importe quel sens, une importance exorbitante.

[Revue blanche (août ).]

Georges Rodenbach

Rimbaud, à qui Victor Hugo avait imposé les mains en proclamant : « Shakespeare enfant », possédait en réalité un prodigieux instinct de poète, qu’il dédaigna et perdit en des exodes et des trafics lointains. À peine avait-il jeté, dans l’exaltation étrange de ses vingt ans, quelques ébauches de génie sur le papier. On connaît les Illuminations, ses proses qui ont la fièvre, ses cantilènes impressionnables comme des lustres.

Rimbaud qui était un révolté, ayant la haine de la vieille Europe, de tout ce qui est rectiligne, et partant pour du « nouveau » dans son Bateau ivre, aurait été un révolté aussi contre les vieilles prosodies.

[L’Élite ().]

A. Van Bever

Rimbaud laisse un bagage poétique fort restreint, et qui date de sa prime jeunesse. Néanmoins, la grande originalité de ses poèmes, jointe à la maîtrise de son procédé, font de lui un des précurseurs de la poétique nouvelle. Les heures de son enfance furent troublées et permirent à la légende qui se forma autour de son nom de le représenter comme une sorte de personnage dégradé par une certaine perversion. Depuis peu, des biographes autorisés, entre autres M. Paterne Berrichon, — à qui nous devons la documentation serrée de ces lignes, — ont fait justice d’une telle calomnieuse invention. Nature violente, exprimant toutes les aspirations et — cyniquement — jusqu’aux pires faiblesses de la nature humaine, Arthur Rimbaud, s’il ne s’est point purifié par le verbe, s’est régénéré dans l’action.

[Poètes d’aujourd’hui ().]