1. FÉNÉLON, [François de Salignac de la Motte] Archevêque de Cambrai, Précepteur des Enfans de France, de l’Académie Françoise, né en Quercy en 1651, mort en 1715 ; homme qui seul peut-être a eu le privilége de réunir les plus beaux & les plus heureux dons du génie, aux sentimens de l’ame la plus élevée, la plus sensible & la plus vertueuse.
N’eût-il fait que le Télémaque, les premiers rangs de la gloire lui seroient assurés dans la postérité. Il a ajouté à l’éclat des grands talens, le mérite des plus hautes vertus : c’est plus qu’il n’en faut pour consacrer son nom à l’amour & au respect, autant qu’à l’immortalité.
Avant lui, notre Nation étoit réduite à admirer chez les Anciens ou les Etrangers les beautés du Poëme épique : Fénélon parut, & nous lui dûmes la gloire de pouvoir offrir un chef-d’œuvre capable de surpasser peut-être, ou du moins de balancer la gloire de ceux qui l’avoient précédé.
Quelques-uns de nos Littérateurs modernes ont prétendu & soutiennent encore, que le Télémaque n’est point un Poëme. Cette assertion a trouvé bien des partisans : mais a-t-on cru aveugler les esprits, au point de leur faire oublier les principes & la vérité ? Pour nous, qui ne connoissons que ces deux intérêts en matiere de Littérature, nous ne craignons pas d’assurer que cet Ouvrage est non seulement un Poëme, mais encore un des plus beaux Poëmes épiques qui aient été faits.
Qu’est-ce en effet que l’Epopée ? Ce mot Grec n’a jamais signifié autre chose que récit, narration. Il est vrai que l’Epopée doit s’attacher au récit d’une action grande, merveilleuse, intéressante, propre à exciter l’admiration & à inspirer la vertu. Ces différens ressorts ne se trouvent-ils pas rassemblés dans le Télémaque ? En vain nous dira-t-on que la Fable ou l’action de l’Epopée doit être racontée par un Poëte ; il faut entendre d’abord l’idée qu’on attache à ce mot.
La Poésie n’a jamais été & ne sauroit être regardée que comme une imitation de la Nature, la peinture des objets & des passions : le but du Poëte doit donc être de peindre. Or, quel Peintre tout à la fois plus vigoureux, plus tendre, plus animé, plus fécond, plus varié, plus naturel & plus vrai que Fénélon ! L’Eloquence peint sans doute ; mais dira-t-on pour cela qu’un Orateur soit Poëte ? Ce qui distingue la Poésie de l’Eloquence, c’est la fiction, la vivacité des figures, la hardiesse de l’expression, la richesse & la multiplicité des images, l’enthousiasme, le feu, l’impétuosité, les divers essors du génie. L’Orateur peut employer quelquefois ces ressources ; mais dès qu’il les prodigue ou les excede, dès qu’il en fait la base de ses Discours, il cesse d’être Orateur, parce que tous les Arts ont leurs limites.
Si on ajoute que la versification a toujours été le caractere & le signe distinctif de la Poésie, il en faudroit donc conclure que tout ce qui est en vers est nécessairement Poésie, tandis que nous avons tant de Versificateurs & si peu de Poëtes. Il est bien plus naturel & plus juste de regarder la mesure & la rime comme des ornemens de convention, agréables, il est vrai, mais point essentiels. Il ne sont, tout au plus, que la bordure du tableau : cette bordure en releve l’éclat, & en fait quelquefois ressortir les figures, mais ne peut être comptée que parmi les ornemens accessoires. Le Rithme des Hébreux, celui des Grecs & des Latins, avoient entre eux une différence marquée. La même différence subsiste encore aujourd’hui chez les Modernes : les Chinois, les Russes, les Lapons ont des Poëtes, & n’ont point de versification déterminée. Les Poëtes Italiens & Anglois savent se dégager, quand ils veulent, du joug de la rime, sur-tout dans les grands Poëmes. Les regles sont des obstacles au génie, & le génie sait s’élever au dessus des regles, sans cesser d’être ce qu’il est.
Cette maxime, que nous ne prétendons pas étendre à tous les genres, mais
qui, bien approfondie, suffit seule pour conserver la couronne poétique
à Fénélon, se trouve développée dans les Ouvrages de
cet Ecrivain, par des raisons aussi lumineuses que solides.
« La Poésie, dit-il, perd
plus qu’elle ne gagne par les rimes. Elle perd beaucoup de variété,
de facilité & d’harmonie. Souvent la rime qu’un Poëte va
chercher bien loin, le réduit à alonger & à faire languir son
discours ; il lui faut deux ou trois vers postiches, pour en
amener un dont il a besoin. On est scrupuleux pour n’employer que
des rimes riches, & on ne l’est ni sur le fond des pensées &
des sentimens, ni sur la clarté des termes, ni sur les tours
naturels, ni sur la noblesse des expressions. La rime ne nous donne
que l’uniformité des finales, qui est ennuyeuse, & qu’on évite
dans la prose, tant elle est loin de frapper l’oreille. Cette
répétition de syllabe lasse même dans les vers héroïques, où deux
masculins sont toujours suivis de
deux féminins*, &c. »
.
Nous pourrions encore appuyer notre sentiment sur l’autorité d’Aristote **, de Denis d’Halicarnasse, & de Strabon, qui soutiennent que la versification n’est pas essentielle à l’Epopée. Parmi les Modernes, cette idée se trouve répétée dans mille endroits. Le don le plus utile que les Muses aient fait aux hommes, disoit l’Abbé Terrasson, c’est le Télémaque ; car si le bonheur du genre humain pouvoit naître d’un Poeme, il naîtroit de celui-là. On ne fit point un crime à la Motte-Houdart de s’être ainsi expliqué dans une Ode lue & applaudie par toute l’Académie Françoise, à qui elle étoit adressée :
Notre âge retrouve un HomereDans ce Poeme salutaire,Par la Vertu même inventé :Les Nymphes de la double cîmeNe l’affranchirent de la rime,Qu’en faveur de la vérité.
M. de Sacy ne fut contredit par personne, lorsqu’il dit que le Télémaque étoit un Poeme epique, qui mettoit notre Nation en état de n’avoir rien à envier de ce côté-là aux Grecs & aux Romains.
Ajoutons à ces témoignages celui de M. Marmontel, qui, en soutenant qu’il n’est pas de l’essence du Poëme héroïque d’être écrit en vers, & en appelant Télémaque un Poeme divin *, n’a certainement rien prouvé en faveur de son Bélisaire.
Qu’il nous soit permis, en respectant des noms consacrés par les suffrages unanimes de tous les siecles, de mettre dans la même balance l’Iliade & l’Enéide, avec l’immortel Ouvrage du Cygne de Cambrai. Et d’abord, le sujet de ces deux Poëmes est il aussi heureux que celui du Poëme François ? Le plan en est-il mieux entendu, l’unité d’action mieux observée, les épisodes amenés avec plus d’art, le nœud plus adroitement tissu, & le dénouement plus naturel ? Homere & Virgile ne le cedent-ils pas souvent à Fénélon du côté de l’intérêt général, des intérêts particuliers, de la vérité des caracteres, de la beauté des sentimens, de la sublimité de la morale ?
Un heureux sujet, comme une physionomie heureuse, prévient d’abord en sa faveur ; & Télémaque, annoncé dès le début, est déjà sûr de tous les cœurs. Les sujets de l’Iliade & de l’Odyssée, celui de l’Enéide, sont sans doute beaux aux yeux de l’imagination ; ils ne sont réellement intéressans que pour les Grecs & les Latins. Le sujet de Télémaque est d’un ressort universel ; il prend sa source dans la nature de l’homme : rien de plus touchant que la tendresse filiale ; rien de plus digne des vœux de tous les hommes, qu’un sage & heureux Gouvernement.
Achille est presque toujours bouillant & vindicatif ; Ulysse souvent faux & trompeur ; Enée foible & superstitieux. Télémaque est, sans interruption, d’accord avec lui-même, courageux sans férocité, politique sans artifice, tendre sans foiblesse, ferme sans opiniâtreté, sage sans ostentation, passionné sans excès. S’il paroît quelquefois faillir & s’égarer, ce n’est qu’une adresse de l’Auteur, pour le rendre plus intéressant & donner un nouveau lustre à ses vertus. Toutes les différentes circonstances où il se trouve, ne servent qu’à mieux développer son caractere, sans jamais le démentir, l’affoiblir ou l’excéder.
L’Iliade a pour but de montrer les suites funestes de la désunion parmi les Chefs d’une armée ; l’Odyssée, de faire sentir ce que peut la prudence soutenue par la valeur ; l’Enéide, de développer la piété jointe au courage & à la constance. La morale du Télémaque est mieux choisie, plus étendue, plus touchante, plus universellement utile. Tous les peuples & toutes les conditions y peuvent trouver des leçons qui leur sont propres. Elle tend à former un Prince guerrier, législateur, équitable, vertueux, & par lui, des Peuples dociles, laborieux, vaillans, fideles, & heureux. Elle enseigne l’art de gouverner des Nations différentes, les moyens de conserver la paix avec ses voisins, d’affermir un Royaume au dehors par des forces toujours prêtes, de lui donner de l’activité au dedans par des ressorts bien concertés, de l’enrichir par le commerce & l’agriculture, d’en écarter le luxe, d’en prévenir la corruption & l’indépendance par de sages loix. Elle apprend, en un mot, à respecter la Religion, à écouter la voix de la belle Nature, à aimer son pere, sa patrie, à être citoyen, ami, malheureux, esclave même, si le sort le veut.
Dans l’exposition des événemens, le Poëte a su accorder la politique la plus profonde avec les idées de la justice la plus sévere. Son grand principe, d’après la Religion chrétienne, est de rappeler tous les hommes à la concorde & à l’union, d’établir entre eux une correspondance de secours mutuels, d’émouvoir tous les cœurs en faveur de l’humanité, & de les intéresser au sort des malheureux, de quelque Nation qu’ils soient. Un tel dessein ne pouvoit naître que d’une ame sensible, & il falloit un génie supérieur pour le rendre aussi intéressant.
Admirons encore dans cet Ecrivain in comparable, l’idée sublime & neuve d’avoir caché Minerve sous la forme de Mentor. Par cette adresse heureuse, tout devient possible à son Héros ; le naturel & la vraisemblance se trouvent toujours d’accord avec le merveilleux. Tout se fait dans son Poëme par des secours divins, & tout paroît opéré par des forces humaines. En cachant au jeune Télémaque l’assistance d’une Divinité toujours présente, il a l’art de ne rien dérober à sa gloire ; la vertu du jeune Grec en est plus vigilante & plus ferme, ses triomphes en sont plus glorieux & plus solides, ses dangers plus intéressans, ses succès plus flatteurs.
Tels sont les excellens caracteres qui assureront au Télémaque des Lecteurs dans tous les temps & chez tous les peuples. C’est par ces heureux ressorts qu’il fera éprouver, dans la postérité, les mêmes impressions qu’il produisit dans son siecle.
Les Poëmes épiques écrits en vers perdent beaucoup dans la Traduction,
tandis que le Télémaque conserve ses beautés
originales dans les Langues où on l’a traduit. La Jérusalem délivrée, le
Parais perdu, la Henriade, fatiguent, dégoûtent même dans une longue
lecture par la monotonie de la versification. Le Télémaque se fait lire toujours avec le même
intérêt. L’esprit ne le quitte qu’avec le désir d’y
revenir, & tout Lecteur en sent les beautés, parce qu’elles sont
tout à la fois sublimes & naturelles. Qui pourroit, en effet,
résister aux charmes séducteurs d’une élocution qui pénetre l’ame, la
remue, l’échauffe, & lui fait éprouver sans fatigue les sensations
les plus douces & les plus variées ? « Quoique cet
Ouvrage, dit un des* Panégyristes de Fénélon, semble écrit pour la jeunesse, &
particuliérement pour un Prince, c’est pourtant le Livre de tous les
âges & de tous les esprits. Jamais on n’a fait un plus bel usage
des richesses de l’antiquité & des trésors de l’imagination.
Jamais la vertu n’emprunta, pour parler aux hommes, un langage plus
enchanteur, & n’eut plus de droit à notre amour. Là, se fait
sentir davantage ce genre d’éloquence
qui
est propre à Fénélon ; cette onction
pénétrante, cette élocution persuasive, cette abondance de sentiment
qui se répand de l’ame de l’Auteur, & qui passe dans la
nôtre ; cette aménité de style qui flatte
toujours l’oreille, & ne la fatigue
jamais ; ces tournures nombreuses où se développent
tous les secrets de l’harmonie périodique, & qui, pourtant, ne semblent être que les
mouvemens naturels de sa phrase & les
accens de sa pensée ; cette diction,
toujours élégante & pure, qui s’éleve sans effort, qui se passionne sans affectation & sans
recherche ; ces formes antiques qui sembleroient ne pas
appartenir à notre langue, & qui l’enrichissent sans la
dénaturer ; enfin cette facilité charmante, l’un des plus beaux
caracteres du génie, qui produit de grandes choses sans travail,
& qui s’épanche sans s’épuiser »
.
On souscrira toujours, avec M. de la Harpe, à la vérité de cet éloge, parce qu’il ne fait qu’énoncer ce que tout le monde avoit dans l’esprit & dans la bouche avant le Panégyriste ; mais on s’élevera toujours contre la témérité qui le porte à lui refuser le titre de Poëme. Nous voulons croire que ce sont des sentimens étrangers qui l’ont déterminé à faire cet outrage à un des plus glorieux monumens de notre Littérature. Il falloit peut-être se prêter aux idées du Tribunal qui devoit adjuger la couronne à son Discours ; il falloit rendre un hommage à l’Auteur de la Henriade, qui ne viendra cependant jamais à bout d’obtenir parmi nous les honneurs exclusifs de l’Epopée ; il falloit prendre le ton du siecle, parler au moins d’après le langage de convention établi dans certains départemens. Mais comment n’a-t-il pas senti que de fausses idées suggérées sont toujours froides & révoltantes, quelque effort qu’on fasse pour les donner comme siennes ? Un siecle où l’on n’a pas rougi de comparer un fade & ennuyeux Roman1 à un Poëme divin, est-il donc fait pour donner des loix, contre les décisions d’un siecle plein de lumieres & de goût, qui avoit déjà fixé la question ? Quand on est capable d’avancer1 que Boileau ne doit être regardé que comme un simple Versificateur ; que tous les Littérateurs du siecle dernier, à l’exception de Perrault, de Boindin, de Terrasson & de la Mothe, n’étoient pas en état de fournir à l’Encyclopédie une seule page qu’on daignât lire2 aujourd’hui ; que Racine n’a jamais su peindre que des Juifs3 ; que Corneille n’a fait que des Scenes, & pas une bonne Piece4 ; que la Fontaine n’a fait tout au plus que trente bonnes Fables1 ; que J. B. Rousseau n’est qu’un Poëte de sons & de beaux mots2 ; que Bossuet n’est qu’un déclamateur3 ; quand on ne craint pas de désigner mal-adroitement son siecle par les noms de Diderot, de d’Alembert, de Marmontel, de Delisle & de S. Lambert 4 : on ne peut aller que d’absurdité en absurdité, & qu’y mettre le comble par les derniers excès de l’injustice & de l’extravagance.
Avoir présenté Fénélon sous les traits qui lui assurent les honneurs de l’Epopée, c’est n’avoir fait connoître qu’une partie de ses talens. Que les ennemis de sa gloire apprennent que dans ses autres Ouvrages il a de nouveaux titres pour exciter leur jalousie, & les humilier par sa supériorité. Rien de plus éloquent que ses Discours, &, entre autres, celui qu’il prononça pour le Sacre de l’Electeur de Cologne. Ce Discours est un vrai modele à proposer aux Orateurs Chrétiens, soit pour l’art d’appliquer sans affectation l’Ecriture Sainte, soit pour celui de savoir disposer, embellir & animer les Productions de leur propre génie.
Ses Œuvres philosophiques auront toujours le mérite de réunir la précision & la netteté à la méthode & à l’élégance. Cet Ouvrage, composé pour l’instruction du Duc de Bourgogne, son Eleve, offrira à la Jeunesse un contre-poison victorieux contre les délires de notre espece de Philosophie.
Dans ses Réflexions sur la Grammaire, la Rhétorique, la Poétique & l’Histoire, on admire le Littérateur éclairé, l’Erudit sans étalage, l’homme de goût sans affectation. Quiconque les lira avec attention [& tout le monde devroit s’empresser de les lire], y apprendra à éviter les écueils, à respecter les regles, à préférer le naturel au bel-esprit, les beautés réelles & solides au feu brillant & aux pensées recherchées, l’éloquence de tous les temps à celle du moment.
Il a fait encore des Dialogues sur l’Eloquence pleins de réflexions lumineuses, qui, prouvant son génie, ne sauroient convenir qu’à des génies aussi heureux que le sien. Sans adopter son systême, qui donneroit peut-être plus de ressort à l’imagination & aux vrais talens, les Orateurs Chrétiens doivent au moins en suivre les préceptes, & se garantir des défauts qu’il condamne.
Nous ne parlons pas de ses Ouvrages ascétiques ; c’est à la piété à les juger. Il suffit de dire que la piété ne fut jamais accompagnée de plus de lumieres, de plus d’onction, de plus de douceur, de plus de persuasion, de plus de charmes, de plus de ressources enfin, pour se faire goûter. Fénélon étoit, dans les choses célestes, comme dans les choses humaines, toujours entraîné par la pente de son esprit à choisir dans tout ce qu’il y avoit de plus solide & de plus exquis. La piété étoit, pour ainsi dire, la seconde vie de son ame : pouvoit il ne la pas faire respirer dans ses Ecrits, qui portent continuellement l’empreinte de son caractere ?
Il semble qu’un tel homme n’eût jamais dû essuyer de contradictions. On sait pourtant que la sensibilité de son ame le conduisit trop loin dans une matiere où il seroit beau de s’égarer, si la Divinité ne rejetoit elle-même tout excès. Ses sentimens sur l’amour de Dieu exciterent des débats. Mais sans aigreur dans la dispute, sans entêtement dans ses idées, sans acharnement contre ses Adversaires, l’Archevêque de Cambrai se contenta d’exposer ses raisons, & les abandonna dès qu’il eut lieu de connoître qu’il défendoit une mauvaise cause. Son Livre des Maximes des Saints fut condamné par lui-même, aussi-tôt qu’il eut été condamné à Rome.
Ce genre de triomphe, si glorieux pour sa mémoire, prouve que, si l’esprit peut s’égarer parce qu’il est faillible, la droiture des sentimens, l’élévation de l’ame, la générosité du cœur, sont des ressources puissantes pour contenir l’amour-propre, & faire naître la véritable gloire du sein même de ce que les hommes vulgaires seroient tentés de regarder comme une humiliation. Il fit plus, il voulut éterniser lui-même sa soumission par un monument aussi respectable que magnifique. Le Soleil de la Cathédrale de Cambrai déposera toujours contre la folle opiniâtreté de toute espece de novateurs, & attestera la magnificence & la docilité du Pasteur qui en conçut l’idée & en fit le présent*.
Son désintéressement égaloit sa modestie.
Il vaut
mieux
, répondit-il à celui qui lui annonça l’incendie de sa
Bibliotheque,
il vaut mieux que le feu ait pris à mes
livres, qu’à la chaumiere d’un pauvre Laboureur
.
C’est à ces traits qu’il faut reconnoître sa véritable & sublime
philosophie, & non
dans un Couplet
absurde que M. de Voltaire lui impute, & qu’il n’a
jamais fait. Cette anecdote impertinente a été démentie sur des preuves
sans réplique ; & quand ces preuves nous auroient manqué, il
eût suffi de dire : « Philosophes, Fénélon
eût été votre plus grand adversaire, ne lui imputez pas votre
langage »
.