(1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314
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(1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

M. Antoine Campaux

François Villon.

I

Ce livre n’est pas, comme on pourrait le croire, une nouvelle édition des œuvres de François Villon, mais tout simplement un mélange de critique et de biographie, entrepris dans le dessein de tirer de l’obscurité, dont elle n’est jamais suffisamment sortie, la figure originale de cet ancien poète à qui pourtant la gloire n’a pas manqué, mais une gloire coupée d’oubli, à interruptions ou à ressauts. Né dans les ruisseaux de Paris, que Madame de Staël aimait seulement rue du Bac, François Villon (qu’on me permette ce mot moderne), le voyou du xve  siècle, l’escholier qui ne fut jamais maître, si ce n’est en poésie, est resté toujours un peu vautré dans la bouc noire de son origine et masqué comme un marmouset par cette fange, quoiqu’à plusieurs reprises un rayon d’or soit tombé sur lui.

Le premier de ces rayons, que du reste il ne vit pas luire, partit de l’œil bleu du plus beau et du plus intelligent des Valois, de ce François Ier qui un jour commanda à Marot une édition royale des poésies de l’échappé de Montfaucon. Et le dernier, de l’œil sévère, mais adouci cette fois, de ce Boileau qu’on a appelé, dans une langue que ne connaissait pas Villon, le législateur du Parnasse. Entre ces deux regards se rangèrent je ne sais combien d’éditions de Villon, plus ou moins accompagnées de vies qui n’étaient pas la sienne, ou qui, du moins, ne disaient que très peu de chose de la sienne. L’auteur du livre que voici compte vingt-deux de ces éditions dont les deux dernières furent celles de Prompsaut en 1832, et en 1854 celle du bibliophile Jacob, et, de toutes les vies, la vie qu’il consulte le plus est celle de Colletet, car Colletet a écrit une vie de Villon, Colletet qui, crotté jusqu’à l’échine,

Allait chercher son pain de cuisine en cuisine.

comme l’a dit férocement Boileau, qui savait où dîner ! De tous les hommes à quatre épingles, à pensions et à grandes perruques du xviie  siècle, Colletet était le seul qui dût penser à écrire une vie de ce Villon qui, lui, n’avait pas de cuisine où il pût faire de quotidiens pèlerinages. Le hasard, si ce n’est la pitié, cette bête de hasard qui a parfois de l’esprit comme un dieu, fit celle harmonie de la vie d’un meurt-de-faim écrite par un autre, et aussi cette dissonance, car, excepté au point de vue famélique, Colletet et Villon se ressemblaient bien peu !

L’un était un homme de génie que La Fontaine lisait et méditait, l’autre un cuistre dont il se moquait, car il se moquait très bien, le bon La Fontaine ! Il avait le génie acéré de l’épigramme comme Racine, Racine surnommé le doux ! Et même comme écornifleurs, avec l’identité de la même faim, creusant leurs pauvres ventres à tous les deux, il y avait encore une différence notable entre Colletet et Villon, L’un nettoyait modestement les assiettes, et l’autre les cassait, quand il ne les prenait pas ! L’un en lin était un parasite honnête, une fourchette suppliante, l’autre était un Mauvais Garçon, un Ribaud, et sa fourchette était le croc menaçant qui enlevait la fortune du pot, quand le pot avait une fortune ! C’était là toute la sienne, fortune traîtresse, à laquelle il se lia trop puisqu’elle ne lui rapporta jamais que misère, anxiété, angoisse, mépris public, infamie, je ne sais combien de mois de torture et deux condamnations à mort !

Mon Dieu, oui ! la torture et deux condamnations à mort. Excusez… rien que cela ! La société d’alors ne badinait pas. La philanthropie n’était pas inventée. Les mœurs étaient fortes et la législation sévère, et les bons tours, comme ils disaient, ces joyeux compaignons, trop joyeux, ne coûtaient rien moins… qu’un licou. Ces bons tours, que je n’excuserai point, car ce que je trouve au monde de plus odieux, c’est de diminuer l’immoralité des actes humains avec cette chose terrible qui peut ronger tout : la plaisanterie ! la plaisanterie qui, bientôt, si on la laissait faire, ferait une dentelle d’un mur. Ces bons tours, que j’appellerai mauvais, le xviie  siècle, le solennel xviie  siècle les continuait, en riant, quand Scapin volait cinq cents écus à Géronte et le bâtonnait dans son sac. Mais au xve  siècle, c’était différent, et, si vaurien qu’on fût, il fallait pour se les permettre au moins plus qu’une âme de valet…

Le Moyen Âge, qui a tout grandi, grandissait les petits coupables par l’atrocité du supplice. À ces indignités devant lesquelles on ne reculait pas, s’ajoutait du moins la dignité d’un grand danger… Ces condamnations à mort auxquelles je suis bien aise que Villon ait échappé, puisque cela nous a valu le Grand Testament et les meilleures de ses ballades, je ne suis point fâché qu’il en ait été frappé et qu’il ait eu à en courir les chances et les transes. Cela arrête un peu le mépris, qui, sans cela, coulerait jusque sur sa gloire.

Stendhal a dit quelque part que la seule chose qui maintenant distingue un homme, c’est une condamnation à mort. Il est vrai que Stendhal parlait dans une société égalitaire. Villon, qui ne connaissait pas ce genre de société, en a, pour sa part, empoché deux. Elles le distingueront toujours. C’est l’honneur, en effet, le seul honneur de la Bohème au xve  siècle, d’avoir à braver plus que Clichy et la police correctionnelle, et que pour tous les genres de billets à ordre et au collet d’un temps plus près de l’action et moins facile que le nôtre, il retournât de pendaison !

Villon fut de cette Bohème osée et exposée., de cette Bohème à tempérament dans une époque où le tempérament débordait. Il n’en fut point le prince, comme l’aurait dit Balzac, mais il en fut le poète, ce qui est une autre façon d’être un prince. Il la chanta, il la plaignit, la lit rire et pleurer, ensemble ou tour à tour, dans ses vers. Il la chanta, non par affectation ou forfanterie, comme les bohèmes de notre temps, qui n’ont pas même le naturel de leurs vices, mais parce que cette Bohème était sa vie et, qui sait ? peut-être son talent.

Le talent garde le mystère des impressions dont il est formé dans nos esprits ou dans nos âmes. Sans cette vie, sur laquelle la morale a bien le droit d’allonger ses moues, qui peut dire que le talent de Villon n’aurait pas péri ?… Supposez qu’il cesse d’être un bohème comme on l’était au xve  siècle, donnez-lui une place dans le classement d’un monde où chacun était classé, faites un moine, un soldat, un être quelconque de cette société féodale, qui lut un chef-d’œuvre de hiérarchie, de cet escholier indomptable qui a rompu son ban et qui est devenu un véritable outlaw en plein Paris, — autant, ma foi ! que Robin-Hood dans les forêts de l’Angleterre, — son génie primesautier va s’énerver dans la convention sociale et littéraire ! Il chantera plus ou moins connue Charles d’Orléans, qui était un prince de ce temps-là. Il n’aura plus toute la saveur de son génie, de ce génie si profondément gaulois qui allait commencer cette belle lignée où l’on trouve Rabelais par en haut, Marot plus bas, Régnier, qui remonte pour arriver à La Fontaine et à Molière ; Boileau de quelques degrés au-dessous ; puis Voltaire, puis Béranger, qui l’aplatit, ce génie, et qui l’embourgeoise, mais dans lequel, pourtant, on peut le reconnaître encore !

Villon, en effet, est le génie gaulois par excellence. Il en est l’aurore et l’excellence. Déjà l’aurore n’est-elle pas le jour ? C’est ce génie, plus épris de réalité que d’idéal, de nature humaine que de l’autre nature. C’est le génie de l’observation comique, mais aussi de la plus tragique sensibilité. Il a le double sel, le sel de la gaieté et le sel des larmes. Il est aussi capable de rire que de pleurer, non l’un après l’autre, comme tout le monde, non pour cacher l’un par l’autre, comme le stoïcisme, mais en même temps, ce qu’il a exprimé par un mot homérique, dit très bien M. Campaux, qui s’est rappelé Astyanax et qui a fait de ce mot de Villon l’épigraphe de son livre : Je ris en pleurs !

II

Car voilà l’originalité de Villon ! Voilà le duvet de sa fleur ! Poète personnel, il ne dit pas, comme lord Byron dans le plus personnel de ses poèmes (le Don Juan), il ne dit pas, avec le cant de l’orgueil anglais : « Quand je ris, c’est pour ne pas pleurer », mais, avec la grâce et la franchise de France : « Je ris en pleurs », et, par cette naïveté de génie, il a traduit tout son génie ! M. Antoine Campaux, qui sent très bien Villon, quoique parfois, comme nous le verrons plus loin, il l’exagère, M. Campaux a mis, avec beaucoup de tact, à part de tout, dans l’analyse qu’il fait du génie de son poète, cette fusion divinement humaine du rire et des larmes qui fait tomber des pleurs dans la coupe rose des lèvres souriantes, et passer à travers les épanouissements des rires le cruel fausset des sanglots. Et il a cité dans son livre, qui est presque une édition de Villon, tant les citations sont nombreuses, maint passage dont il faut nous priver, faute d’espace, où ce charme poignant de la simultanéité du rire et des pleurs est adorablement démontré par les citations qu’il a faites.

Eh bien, en ceci M. Campaux a prouvé, selon moi, qu’il avait le sens du critique. Bien des gens seraient allés d’abord aux choses plus grosses, plus matériellement en vue dans Villon. Les uns, par exemple, à la langue, que Villon a maniée en maître créateur, car il la créait en la maniant, cette langue qui n’était qu’à l’état de larve quand il écrivait ; les autres, à telle ou telle spéciale inspiration qui prend le cœur ou la pensée. M. Campaux y arrive aussi, mais plus tard. Mais ce n’est ni la langue, ni telle ou telle inspiration, qui tout d’abord le frappe. Non ! c’est le fin du poète, son parfum, la note vraie de sa mystérieuse puissance. Le reste, c’est-à-dire la beauté de la langue ou la spécialité de l’inspiration, ce n’est pas ce qui fait l’individualité, l’intime individualité de Villon.

Du temps de Villon et avant Villon, il y avait des poètes naïfs, comiques, pittoresques, sensibles. Depuis Villon, en fait de langue, à la place de ce rebec, nous avons entendu l’orgue immense que Rabelais a touché de ses vastes mains enchantées. Mais ce qu’on n’a pas retrouvé, ni avant ni depuis, dans cette sincérité, ce qui fait vraiment Villon et lui étoile le front de sa Muse, c’est le pathétique poignant et charmant des larmes dans le rire et du rire dans les larmes, qui est aussi le pathétique de la nature au mois d’avril, quand il pleut et qu’il fait soleil. Et Villon, du reste, n’est-il pas le mois d’avril de la Poésie française ? Il en ouvre le printemps, et il a de ces larmes de printemps dans lesquelles se mêlent les rayons d’un soleil frais comme une aurore. Opposition qui produit des arcs-en-ciel dans la nature, mais qui, dans l’ordre du sentiment et de la poésie, produit des choses encore plus charmantes que des arcs-en-ciel !

Et la suite de l’analyse qui commence ainsi, vaut le commencement.

Au milieu de tant d’autres critiques qui n’auraient vu dans François Villon que l’art des vers, — naturalistes, épingliers, babiolistes, — M. Campaux a eu des soins plus mâles, une virilité de vue plus profonde. Il est le premier, que je sache, qui se soit donné la peine de rechercher les sources morales de l’inspiration dans cet immoral, ce ribaud, ce braguard qui s’appelait Villon, et qui, comme tant d’autres, valait mieux au fond que ce qu’il paraissait être. Et, le croira-t-on ? il a trouvé dans la fange de ce bohème, qui dévala jusqu’au truand, quatre sources de poésie d’une pureté de ciel. Avec une main subtilement adroite, une main de luthier, M. Campaux a détordu les cordes du vieil instrument dont la sonorité nous fait tressaillir encore, et il a trouvé que ce qui les rendait si vibrantes, c’était, en fin de compte, les plus beaux sentiments que la poésie pût exprimer ! Villon a toujours gardé en lui l’amour de sa mère, cet amour qui nous embaume si mélancoliquement la vie quand notre mère n’est plus, la foi ardente du Moyen Âge au Dieu crucifié, le sentiment de l’honneur de la France, et la fidélité dans l’amour, — même dans l’amour coupable et trahi — l’immortelle fidélité des âmes fortes !

Certes, je ne puis que féliciter M. Campaux d’avoir creusé jusque-là dans les vers de Villon, et opposé ainsi les sentiments à la vie du poète. C’était la seule manière qu’il y eût de relever le poète de la dégradation que lui a fait subir le jugement sommaire de la Postérité, qui n’a vu, elle, sous son tabard usé par la misère, que le maillotin, le mauvais garçon, l’enfant terrible d’un Paris terrible, et qui s’en est trop détournée. M. Campaux la rattrape aujourd’hui, et la force à regarder l’âme de l’homme empreinte dans ses vers, pour faire pardonner à sa vie. Et vraiment, si l’imagination humaine est ainsi faite que, dans les poèmes de lord Byron, par exemple, elle pardonne même au crime en faveur d’un noble sentiment que l’âme a gardé dans sa pureté première, si la fidélité de Conrad le Corsaire est plus belle enchâssée dans cette vie de bandit, comme un diamant qui rayonnerait mieux dans une monture noire, cette fidélité dans l‘amour qu’il avait, lui aussi, profitera au pauvre Villon. Et si la morale reste sévère, au moins l’imagination pardonnera !

III

Ainsi, de la critique bien faite, de la critique qui se préoccupe avant tout de la moralité, — je ne dis pas de l’écrivain qu’elle examine, lequel n’en avait pas (il faut bien en convenir), mais de la moralité de son inspiration, plus importante que celle de sa vie, car un homme meurt et son scandale avec lui, mais son livre reste, scandale et danger éternels ! — tel est le livre de M. Campaux. Après la caractéristique du génie de Villon, si vite aperçue et mise en lumière, après les sources morales cherchées et découvertes à travers l’œuvre d’un porte qui a bu toutes les hontes, comme il le dit de lui-même, et qui a tant de parties grossières, mais où le talent brille encore tout en se déshonorant, vient la tâche plus facile de l’appréciation littéraire de l’œuvre entière de Villon, et M. Campaux ne s’en est pas moins bien acquitté.

Tout le monde sait que Villon est l’auteur d’un grand nombre de ballades, parmi lesquelles les deux fameuses : Les Dames du temps jadis et L’Honneur français, et de deux poèmes d’assez longue haleine : Le Petit Testament ou les Legs et Le Grand Testament, qui est vraiment une épopée personnelle. Chose naturelle ! cet homme, qui a passé toute une vie haletante et balancée entre deux condamnations à mort, comme le pendu, qu’il faillit bien être, au bout de sa corde dans les airs, est revenu deux fois à cette forme de testament fatale pour sa pensée, et antithèse que l’on comprend très bien de la part de ce hors-la-loi, de ce communiste du xve  siècle, mi-parti de mendiant un peu trop brusque et de voleur un peu trop gai. Il a tiré un effet amer et comique de cette idée, qui domine son poème, de donner ce qu’il n’avait pas ! Le pauvre diable sa faisait, par là, propriétaire. L’idéal, je l’ai dit souvent, est toujours l’impossible, et ce dut être son idéal.

M. Campaux a divisé son livre en trois parties, correspondant aux trois parties de l’œuvre de Villon, et il en a signalé les qualités avec un sentiment très vif. Villon a une poésie qui ressemble, selon moi, à la manière de peindre de Callot, qui n’a pas peint que des mendiants comiques, originaux et prodigieusement pittoresques : Callot a la grâce après la bouffonnerie joyeuse, extravagante ou terrible, et presque l’idéalité ! Villon, qui a vécu un peu comme Callot, le rappelle deux fois, — par son genre de talent et aussi par sa physionomie.

Regardez-le bien, dans les deux portraits qu’en retrace M. Campaux, qui, je ne sais comment, a oublié cette ressemblance. Jeune, fringant, avec son bicoquet à deux plumes sur l’oreille, sa courte tunique serrée à la taille, son branc d’acier battant ses mollets, c’est un des beaux fils de Callot et presque un de ses gentilshommes, — un gentilhomme du clair de lune ! comme dirait Shakespeare. — Vieux, fripé, le tabard en loques, le nez tuberculeux, c’est un de ces Pauvres sublimes, types immortels des misères méritées, que Callot campe sur des béquilles avec des tournures qu’il est impossible d’oublier !

M. Campaux le compare, lui, aux peintres flamands, mais aux peintres flamands qui n’ont pas fait de paysages, car, particularité de son génie, par ce côté frappé de sécheresse, Villon, le racleur des pavés de Paris, qui avait voyagé pourtant de l’une à l’autre frontière de cette France qui eût pu lui apprendre et lui faire aimer la nature, n’en remarqua jamais la magnifique plasticité. Il ne la vit jamais, même à travers ces grandes lunettes qu’il donna, dans son Testament, aux Quinze-Vingts, — sur ce point-là, Quinze-Vingt lui-même. Paris boucha tout à cet amant de la belle Héaulmière, qui avait tant cauponisé, comme dit Rabelais, ès tabernes méritoires de la Pomme-de-Pin .

Ce peintre des charniers des Saints-Innocents qu’il hantait le soir, Hamlet en guenilles, en rêvant peut-être à la tête d’Yorick qu’il y apporterait un jour en y apportant la sienne, ce dessinateur de potences à la manière noire de Goya, Villon avait le génie manchot. Il n’embrassait pas celle que Shakespeare appelle sa déesse (my goddess), et que tous les poètes ont étreinte. Il n’avait pas le sentiment de la nature. Cette corde manquait à ce poète de sac et de corde, qui avait toutes les autres qualités du grand poète, mais qui, par là, fut incomplet.

M. Campaux l’a bien compris, — mais il n’insiste pas assez sur ce hiatus dans les facultés de Villon, tant il craint de froisser rudement l’admiration qu’il lui porte. Je l’ai dit déjà : trop de sensibilité dans l’admiration, voilà le faible du livre très délicat de M. Campaux. Grand poète, malgré le calus qu’il a à l’esprit et qui l’empêche de sentir la nature que le génie gaulois sent dans tous ses poètes, lui seul excepté, — étonnant de n’avoir pas galvaudé et perdu des facultés qu’il a traînées dans tous les désordres de la vie, Villon n’a pas besoin qu’on l’exagère pour qu’on reconnaisse sa réelle supériorité.

M. Campaux en a fait trop le père de tout le monde, l’ab Jove·principium de tout ce qui a suivi. Il dit, en citant un vers de Villon : « Voilà tout le Lutrin de Boileau » ; en en citant deux autres : « Voilà toute la satire de Régnier. » Il lit vraiment trop dans les germes, cet anatomiste enthousiaste ! — Tenez ! dit-il, voilà juste la molécule qui a produit tel grand homme qu’il vous nomme sans peur. Villon lui rappelle Orcagna, Cimabuë, Giotto, Van Ostade, Shakespeare, Lucrèce (le poète, bien entendu, il ne pouvait pas rappeler l’autre), Régnier, Pascal, Boileau. Ce que c’est que d’être lettré ! Il suffisait de dire que c’était Villon, et c’était assez.