M. Taine
L’Idéalisme anglais, étude sur Carlyle. — Le Positivisme anglais, étude sur Stuart Mill.
I
La littérature a des silences. Depuis quelque temps on n’a guère entendu sur les livres qui se publient que la vile réclame ou les quatre mots de l’amitié… Excepté le Shakespeare de M. Victor Hugo, qui nécessairement, avec le nom de son auteur, devait faire explosion, mais qui l’a faite comme un canon crevant par la culasse, la poudre du talent n’a pas parlé. Pour trouver un livre digne d’occuper la Critique et les conversations, il faut remonter jusqu’à cette Histoire de la littérature anglaise par Taine, dont la beauté d’exécution n’a cependant pu me faire oublier le vice du système sur lequel elle est appuyée… Eh bien ! c’est encore aujourd’hui M. Taine qui va troubler le silence momentané de la Critique et de la Littérature. Il a publié deux Études assez courtes, mais très substantielles, qu’il a dû détacher de son volume sur la littérature de l’Angleterre actuelle, et ces deux Études, dont l’une traite de l’Idéalisme et l’autre du Positivisme anglais contemporains, méritent vraiment de la Critique le coup d’œil à part, qu’à part elles sollicitent…
En effet, elles font connaître mieux que des tendances d’esprit générales, mais deux individualités fort curieuses et fort intéressantes, dont la renommée, qui n’est pas encore de la gloire, commence de s’importer chez nous… L’une de ces deux individualités intellectuelles n’est rien moins que Thomas Carlyle, l’intraduisible Carlyle, comme disent ces fats d’Anglais, lesquels croient leurs grands esprits inabordables comme leur île, mais à qui M. Taine peut renfoncer la fatuité dans le ventre en traduisant comme il sait traduire, et l’autre le philosophe Stuart Mill, dont Dupont White a, je crois, traduit la Liberté politique.
Pour nous, Carlyle, le plus connu relativement des deux écrivains en question, est celui-là qu’on voudrait le plus connaître davantage, car c’est une espèce de poète métaphysicien qui a par conséquent deux poésies l’une sur l’autre, la poésie de l’idée et la poésie de l’image, la poésie de l’abstraction profonde sous la poésie de la concrétion toute-puissante. Tandis que M. Stuart Mill est un philosophe comme on l’est en Angleterre quand on n’est que philosophe. — et encore un philosophe qui n’est pas un chef de file, une première tête, mais un homme de la file dans laquelle vient aussi se ranger, pour le dire en passant et à mon grand regret, son traducteur.
Car M. Taine qui est, avant tout, et sera, après tout, un écrivain, un homme littéraire, et qui, s’il entendait ses intérêts, resterait dans cette plantureuse voie de la littérature ; M. Taine, qui n’a pas écouté ses facultés et qui, se croyant ou ne se croyant pas philosophe, a débuté par cette jolie risette, son livre des Philosophes français, lequel impliquait le plus impertinent scepticisme sur le fond des choses et le doute le mieux justifié, d’ailleurs, sur le mérite et la consistance de ses maîtres qui n’avaient pas su lui bâtir dans l’âme une conviction sur quoi que ce soit ; M. Taine avait, à ce qu’il semblait, des facultés trop vives et trop indisciplinables pour qu’il put jamais emboîter le pas derrière personne.
Dans son livre des Philosophes français, il était apparu spirituel comme ce Scaramouche d’abbé Galiani, qui se disait philosophe et qui se moquait des philosophes, et comme Scaramouche, mi-parti de jaune et de noir, il s’était mi-parti de Hégel et de Condillac ; mais là-dessous il y avait une ironie à la Candide, l’ironie d’un Candide qui n’était plus l’élève d’un Pangloss optimiste, mais de l’École normale, un tas de Pangloss mécontents ! Malheureusement, M. Taine, si gentil en Scaramouche, a ajouté d’autres losanges à son costume et il les a coupés dans Montesquieu, dans Auguste Comte et dans Goethe… Or, comme la couleur mange quelquefois l’étoffe, l’esprit épigrammatique, le tour d’ironie ont disparu sous tout cela. L’abbé Galiani devenait un monsieur du dix-neuvième siècle, Candide était fini, et pour mon compte, je le regrettais.
Moi qui ne crois pas à l’aboutissement de la philosophie humaine, moi qui pense que hors la gymnastique qu’elle fait faire à l’esprit, exercice salubre ! cette valse sur le bord des abîmes qu’on appelle la métaphysique n’est que le danger plus ou moins crânement bravé d’une culbute, je trouvais très bon et très agréable d’avoir là sous la main, pour déshonorer de temps en temps la philosophie, un moqueur tout prêt qui régalerait de coups de sifflet les faiseurs d’embarras et de théories, et j’avais cru que je le tenais. Hélas ! la suite a trop prouvé que ce n’était là qu’une illusion produite par le début de M. Taine. L’indisciplinable s’est discipliné. Il s’est engagé pour de bon dans le régiment philosophique. Il a appris à marcher au pas. Il n’a plus été l’épigramme ou l’ironie libre, voltigeant sur les flancs de la lourde troupe dans laquelle il s’est enrôlé, et hallebardant, serre-file de la moquerie, contre les ridicules qu’il avait alors devant lui. Non ! il est entré dans le rang, et il trotte modestement avec les autres. Doué des facultés les plus personnelles, il fond son originalité dans des idées qui ne sont à lui que parce qu’il les accepte. Être le plus brillant des suivants d’Auguste Comte, ne voilà-t-il pas, pour un esprit comme M. Taine, un beau lopin !
Évidemment, M. Taine était fait pour mieux que cela, et j’aime à en trouver une preuve de plus dans ses Études d’aujourd’hui. La moquerie n’y est pas, la moquerie qui m’était si chère et que, dans ses Philosophes français, M. Taine m’avait fait aimer. La conception même de la Critique telle que M. Taine l’a reçue, comme une hostie, des mains de Goethe, lui interdit désormais toute moquerie. Cette jolie petite fleur de son esprit, il lui est à présent interdit de fleurir ! Mais si la moquerie n’est plus ici, il y a toujours, et plus avivé que jamais, le sentiment littéraire avec toutes ses sagacités et l’écrivain avec toutes ses fantaisies, l’écrivain qui couvre et parfois fait oublier le faux d’un système que je m’obstine à reprocher à M. Taine comme un parti pris de sa volonté, non comme une inspiration sincère et primesautière de son esprit.
De ces deux Études, la meilleure pour moi est celle qui porte le nom de Carlyle, et non seulement pour la raison que j’ai déjà signalée, c’est-à-dire les doubles facultés qui semblent s’exclure d’ordinaire et qui se réunissent dans Carlyle, cet esprit puissant et bizarre, et aussi parce que les préférences philosophiques qui me gâtent M. Taine y sont moins exprimées que dans l’étude sur Stuart Mill, mais surtout parce que, l’écrivain chauffant l’écrivain, M. Taine a parlé de Carlyle avec une passion qu’il n’a plus au même degré quand il parle de Mill et qu’il expose les idées froides (j’allais presque dire les humeurs froides) de ce matérialiste froid. Si l’artiste, comme j’en suis très sûr, ne dominait pas entièrement le philosophe en M. Taine, Stuart Mill, le positiviste, représentant tant aux yeux de M. Taine la vérité philosophique, devrait saisir et animer beaucoup plus sa pensée que l’idéaliste Carlyle, cet excentrique à moitié fou et à moitié sublime, et c’est justement le contraire qui est arrivé. Tour à tour éclatante et profonde, cette notice sur Carlyle serait véritablement un petit chef-d’œuvre, si l’auteur n’y posait pas abstraitement sa théorie de la critique pour, à trois pas de là, la renverser.
II
Chose de peu d’importance pour un autre, mais grave pour M. Taine, qui n’a pris que par la Critique position dans le monde au regard de beaucoup d’esprits. Jusqu’à l’Étude sur Stuart Mill, où il s’affirme davantage, l’auteur des Philosophes français, depuis qu’il avait renoncé au scepticisme et à la moquerie, n’avait guère, en philosophie absolue, montré nettement que des tendances. Au fond, pour les lynx, c’était un positiviste, mais sans avoir jamais consenti ou accusé le positivisme tout entier.
Il l’était éclectiquement, en en prenant ceci et en en laissant cela. Il Tétait discrètement, et dans l’entre-deux des lignes plus qu’expressément dans la page.
Mais critique, critique à théorie, il l’était hardiment. Il prenait par là possession de l’espace et du temps, et sa théorie, qu’il n’avait pas inventée, il la proclamait avec l’aplomb de la certitude, le dernier mot de l’avenir en littérature. Cette théorie, qui admet tout et ne rejette rien, parce qu’elle ne repose sur aucun principe et qu’elle n’est qu’une description plus ou moins exacte et curieuse, est développée aujourd’hui dans la Notice sur Thomas Carlyle. Il faut, y dit M. Taine, que le critique ajoute à son âme naturelle et nationale cinq à six âmes artificielles ou acquises, et que sa sympathie flexible… (rappelez-vous le fameux vers d’Auguste Barbier, qui ne le disait pas de la Critique) :
Ouvrant à tout venant et sa jambe et son cœur,
l’introduise en des sentiments éteints ou étrangers… « Le meilleur fruit de la Critique — dit encore l’auteur du Carlyle — est de nous déprendre de nous-mêmes, de nous contraindre à faire la part du milieu où nous sommes plongés, de nous enseigner à démêler les objets eux-mêmes à travers les apparences passagères dont notre caractère et notre siècle ne manquent jamais de les revêtir… »
Telles sont les propres paroles de M. Taine.
Certainement, la Critique est cela ; mais n’est-elle que cela ? Je le demande. Si elle n’est que cela, elle n’est qu’une sensation, elle n’est pas un jugement, et M. Taine l’entend si bien ainsi qu’il ajoute : « Chacun regarde avec des lunettes de portée et de couleurs diverses… Et
l’on s’est disputé et battu, l’un disant que les choses sont vertes, d’autres qu’elles sont jaunes, d’autres enfin qu’elles sont rouges… Mais voici que nous apprenons l’optique morale… que nous découvrons que la couleur n’est pas dans les objets, mais en nous-mêmes. »
Et que, par conséquent, tout le monde a raison ou tort ! C’est tout un. Voilà, en quelques mots, toute la théorie critique de M. Taine, qui est, en somme, la mort de toute critique, de toute esthétique et de toute hiérarchie dans les diverses conceptions réalisées de la beauté. Nulle théorie, du reste, plus faite que celle-là pour les lâchetés d’un temps comme le nôtre, où tous les genres de législation s’amollissent et où ce fameux mot de femme : « Tout comprendre, c’est tout pardonner », a été pourri par les hommes, qui en ont fait, jusque dans l’ordre littéraire : « Tout comprendre, c’est tout accepter ! »
Eh bien ! M. Taine, au moment où il l’a posée, a été infidèle à sa théorie. Il a été inconséquent avec elle. Le talent est plus fort que les idées fausses chez les hommes de talent. La théorie de M. Taine n’a pu gâter sa notice. Il nous a donné un Carlyle profondément creusé et éclairé vigoureusement dans toutes ses profondeurs. Carlyle est une espèce de Jean-Paul anglais, dont l’imagination, au lieu d’habiter dans les airs comme celle du Jean-Paul allemand, a les pieds sur le sol ferme de l’histoire. Comme Jean-Paul, dont il n’a pas d’ailleurs les suavités au milieu des extravagances, Carlyle est l’auteur de livres très singuliers comme le Sartor Resartus, Les Héros, un livre sur Cromwell, un autre sur la Révolution française, etc., etc., pleins de ténèbres et de clartés vives, d’un langage à lui comme le langage des solitaires… Intuitif et visionnaire tout à la fois, Carlyle est également mystique et grossier, ivre de ses idées comme on l’est de gin, mais voyant dans l’ivresse comme tous les ivrognes, qui ont dans l’ivresse détonnantes et d’inexplicables perceptions.
M. Taine, dans sa notice, a traduit des morceaux de Carlyle d’une grande beauté et d’une grande bizarrerie, et comme il a le génie de la traduction en toutes choses, il n’a pas traduit que la lettre de certains passages, il a traduit, pour ainsi parler, l’homme tout entier dans l’originalité de son esprit et des opérations de son esprit. Il a cherché et trouvé presque toujours les raisons déterminantes, intérieures ou extérieures de sa force et de sa faiblesse, et il nous l’a expliqué surtout par le puritanisme anglais dont Carlyle — nous apprend M. Taine — est un des derniers représentants, et M. Taine a trouvé bon, ayant des qualités, ce puritanisme, car la critique de M. Taine est de trouver tout bon, même ce qu’il n’aime pas ou ce qu’il déteste.
C’est ainsi qu’il a fait sortir des analyses les plus ingénieuses et les plus subtiles un Carlyle très complet et très contrasté, lequel, malgré tout ce qui aurait dû, dans ce vieux puritain halluciné, répugner à la raison philosophique de M. Taine, a prodigieusement inspiré l’imagination de l’écrivain ! Seulement, la compréhension critique de M. Taine n’a pas été aussi désintéressée qu’elle doit l’être, selon ses idées. La raison, revenant après la sympathie flexible, a durci M. Taine, qui a oublié sa théorie et a jugé, comme tous les juges, d’après des principes établis dans sa tête, qu’après tout Carlyle était au-dessous de lord Macaulay.
« Il y a peut-être moins de génie — dit-il — dans Macaulay que dans Carlyle, mais quand on s’est nourri pendant quelque temps de ce style exagéré et démoniaque, de cette philosophie extraordinaire et maladive, de cette histoire grimaçante et prophétique, de cette politique sinistre et forcenée, on revient volontiers à l’éloquence continue, à la raison vigoureuse, aux prévisions modérées, aux théories prouvées du généreux et solide esprit que l’Europe vient de perdre, qui honorait l’Angleterre et que personne ne remplacera. »
Certes, je n’accepte nullement, pour mon compte, ce jugement sur Macaulay, qui tient probablement à une idée préconçue que M. Taine, en finissant ainsi sa notice sur Carlyle, n’a pas exprimée ; mais un tel jugement sort entièrement la Critique, à ce qu’il me semble, de l’explication que M. Taine avait donnée de cette optique morale qui fait que la couleur est en nous-mêmes, car, si elle n’est que cela, pourquoi M. Taine, qui a d’autres lunettes que les miennes, aurait-il la prétention de m’imposer cette couleur sur Macaulay ou du moins de me la faire respecter ?…
III
Il n’y a pas que l’amour des pendentifs et de l’antithèse qui ait fait publier à M. Taine le Positivisme en regard de l’Idéalisme, et Stuart Mill en regard de Carlyle. J’ai dit qu’on pouvait lire dans l’entre-deux des lignes de M. Taine, de ce positiviste souterrain qui veut faire avancer une doctrine sans avoir, lui, l’air d’y toucher. Carlyle, en définitive, nous venons de le voir, malgré la sympathie et l’entraînement que le talent très réel de cet homme a causés à M. Taine électrisé, a été bombardé, en définitive, dans les dernières lignes de sa Notice. Et c’est l’idéalisme, c’est-à-dire le spiritualisme, c’est l’idée du devoir dans sa conception biblique et chrétienne, qui ont été bombardés dans la personne de Carlyle. Seulement, il fallait trouver une autre personnalité pour opposer à l’idéalisme dépassé, et ça été le posivitisme, qui n’est que la forme, maintenant à la mode, du matérialisme éternel. Stuart Mill, bien moins connu chez nous que Carlyle, a été cette personnalité dont il était besoin et que M. Taine s’est chargé de présenter à la France.
Poli comme un homme qui en présente un autre et qui le surfait toujours un peu en le présentant, M. Taine traite Stuart Mill de maître, de penseur, « comme on
n’en a pas vu — dit-il — depuis Hegel »
. Pour moi, c’est positivement exagéré. Je ne suis pas plus de l’avis de M. Taine sur M. Stuart Mill que sur Macaulay. Je l’ai déjà dit au commencement, de ce chapitre, Stuart Mill n’est pas une première tête en philosophie, un de ces hommes, comme on en trouve à certaines distances dans l’histoire de la pensée humaine, qui renversent l’échiquier et forcent ceux qui jouent à modifier les lois du jeu, jusqu’à ce qu’un autre, aussi puissant qu’eux, vienne les modifier à son tour.
Le philosophe en qui M. Taine a incarné le positivisme anglais (l’épithète ne fait rien à la chose), n’est rien de plus qu’un soldat de la compagnie du centre dans le régiment philosophique pour l’heure en marche, et quelque jour nous nous chargerons, ses livres en main, de le démontrer… C’est un esprit d’une certaine force d’observation et de déduction, on ne le nie pas, mais qui ne fait guère que mettre en langage moderne l’expérience de Bacon et la sensation de Locke, — ayant pour grands amis, comme dit M. Taine, Hegel et Comte. Or, on sait ce que veut dire le mot d’amis en philosophie. Ce sont des emprunteurs d’idées, lesquelles sont l’argent des philosophes.
Pour nous, qui ne sommes ni les amis d’Hegel ni les amis de Comte, un tel homme par lui-même est d’un intérêt assez mince, pour ne pas dire un mot plus dur… En exposant sa doctrine et en la vantant outre mesure, M. Taine faisait les affaires du positivisme français sous pavillon anglais. Mais cette exposition d’idées pures n’avait et ne pouvait avoir ni le relief, ni le piquant, ni le montant, ni la chaleur de la notice sur Carlyle, qui n’était pas, elle, seulement une exposition de système mais l’étreignement par la flamme d’un talent qu’elle allume, d’une passionnante individualité !
Et c’est là ce que j’ai voulu noter aujourd’hui, c’est cette différence entre l’intérêt de ces deux notices, dans lesquelles je me détourne du philosophe pour ne voir et n’exalter que l’écrivain. M. Taine a si bien senti, du reste le faible intérêt de sa notice sur M. Stuart Mill, qu’il a cherché pour cette notice une forme qui lui donnât ce qu’elle n’avait point, — de l’agrément et de la vie. Il a platonisé au profit du positivisme. Il a fait de la conversation contre l’Angleterre et sa philosophie officielle, et il a fini sa fusée d’abstractions, sans étincelles, dans un paysage étincelant.
Dans ces divers exercices autour d’idées que M. Taine n’aborde pas personnellement et directement pour son compte, le brillant interprète a prouvé une fois de plus sa force et les ressources de son style. Nous les connaissions… Mais, puisqu’il n’est plus le moqueur des Philosophes français et qu’il s’est fait compréhensif et grave, croyant à la philosophie dont il a commencé par douter, quand nous donnera-t-il un système qui ne soit pas la poussière du système des autres, tombée (sic) sur ses ailes… hélas ! sur ses ailes de papillon ?