Paris, 8 janvier 1886.
Hommage à Wagnercg
I
HOMMAGE
Le silence déjà funèbre d’une moireDispose plus qu’un pli seul sur le mobilierQue doit un tassement du principal pilierPrécipiter avec le manque de mémoire.
Notre si vieil ébat triomphal du grimoire,Hiéroglyphes dont s’exalte le millierÀ propager de l’aile un frisson familier !Enfouissez-le moi plutôt dans une armoire.
Du souriant fracas originel haïEntre elles de clartés maîtresses a jailliJusque vers un parvis né pour leur simulacre,
Trompettes tout haut d’or pâmé sur les vélins,Le dieu Richard Wagner irradiant un sacreMal tû par l’encre même en sanglots sibyllins.
Stéphane Mallarmé.
II
PARSIFAL
Dedit et tristibus sanguinis poculum.(Saint-Thomas d’Aquin)Sir PercivaleWhom Arthur and his Knighthood call’d the Pure(Tennyson)Parsifal a vaincu les Filles, leur gentilBabil et la luxure amusante, et sa penteVers la Chair de garçon vierge que cela tenteD’aimer des seins légers et ce gentil babil ;
Il a vaincu la Femme belle au cœur subtil,Étalant ses bras frais et sa gorge excitante ;Il a vaincu l’Enfer et rentre sous la tenteAvec un lourd trophée à son bras puéril,
Avec la lance qui perça le Flanc suprême !Il a guéri le roi, le voici roi lui-même,Et prêtre du très saint Trésor essentiel.
En robes d’or il adore, gloire et symbole,Le vase pur où resplendit le Sang Réel.— Et, ô ces voix d’enfants chantant dans la coupole !Paul Verlaine.
III
HYMEN
La Musique :
« Tu parleras, mourant, quand mon soir nuptialT’étonnera de Toi, ne parle pas : mon gesteN’est pas d’amour et, vois, ô Drame ! que protesteL’assentiment de mon vouloir impartial.
Mon grand Rêve à mi-voix montait en l’air astralVoilé par le midi de ma déserte sieste,Quand il vint, ce Wagner ! qui ne veut pas que resteAu vide isolement mon souhait théatral.
Hélas ! et ma verdeur Te doit rendre, ô vieux Drame !Ta virilité sûre un soir d’épithalame :Lui, c’est l’homme, sois tout le Combat ! et pourtant,
Souviens-Toi que mes seins sont de vierge égoïste,Ô Sacre ! et qu’en les Yeux du Mage inquiétantJe ne sais quel vœu vague et mortuaire existe. »René Ghil.
IV
À l’Instant auroral, Hymne vague d’éveilOù les flûtes de Tout modulent leurs murmures,L’âme des violons sourdant sous les ramures.Humainement soupire et monte du sommeil.
Soudain, étourdissant le prélude vermeilUn cor de guerre ulule, et sous les forêts mûresLa horde des Héros dardant l’or des armuresDéferle en cavalcade en le los du soleil :
Lohengrin, Tannhaeuser, et Parsifal le Chaste,Dont les pennons de pourpre ondulent avec faste,Chevauchent aux clameurs des cymbales d’airain !
Ils vont : et, quand s’endort la splendeur de leurs glaivesUn chœur de harpes sur le seul rhythme sereinRemémore l’horreur de l’Idéal des rêves.Stuart Merrill.
V
Aurore au bord de mes ténèbres… C’est la joie.C’est la Vie. Ô vibrant hosanna de l’éveil !Cours belliqueux de chars enivrés de soleil !Peuple de pourpre et d’or qui festoie et guerroie !
— Toi, mystique chasseresse d’une autre proie,Ouvre tes yeux, ma Nuit, à ce Matin vermeilEt loue avec orgueil l’héroïque appareilQu’au loin des jours Wagner, roi des clartés, déploie.
Pour donner à la vie un mirage de ciel,Il la plonge et l’empourpre au sang torrentielDe la joie exultant en un divin tumulte.
Le torrent somptueux coule aux rives du temps,Et voici qu’à jamais le juste honneur d’un culteS’essore de ses flots éclatants et chantants.Charles Morice.
VI
Un séculaire lys offre son âme amieSans se lasser de trépasser ; plus blême encor,Le vol des songes, où se complaît l’EndormieMeut un sempiternel et fantomal décor.
La nuit complice et sa fictive symphonieFeignent de concerter instamment des attraitsPlus lointains. Et nulle torpeur n’est infinieAu gré de la Dame éprise de leurs vains rêts.
C’est l’advenu ! c’est l’héroïque et ridiculePrince ! c’est l’ingénu, c’est le prévu vainqueurDes maléfices ! c’est Charmant, mais qui recule
Devant l’ombre d’un geste oublieux et moqueur…Les hochets promis à la Belle stagnent, frustesPièges éventés, dans les ténèbres augustes.Charles Vignier.
VII
SIEGFRIED-IDYLL
Programme
Endormez-vous ! l’éveil des rêves embaumésVous secoue au lointain oreiller de folie,Apparences d’un Monde vain, peine abolie :Dormez ! c’est l’éveil bleu des Visions : dormez !
Voici qu’au seuil profond de la Vague, apaisée,Avec Elle, — ô le feu de sa lèvre baisée ! —Je vais sous le long voile indolent d’un Minuit.
Et voici qu’étonnante et sonnante, m’enivre,— Mais c’est un chant d’Oiseau qui me salue, et fuit, —La Gloire m’enivrant aux lourds fracas de cuivre.
Endormez-vous, les mauvais rêves, abimésDans l’éveil évoquant la Vision jolie :L’Oiseau chante, la Gloire enivre, l’Ame oublie ;Et le Joyeux Orgueil s’épand aux bleus sommets !Teodor de Wysewa.
VIII
Ainsi le morne Dieu connaissant la Fin proche,Entrevoyant la fin des grands Ors superflus,S’acheminait vers les achèvements voulus ;— Ainsi Tristan criait au Jour son long reproche,
Et son désir au Jour mauvais plus ne s’accroche,Aspiration à des hymens absolus ;— Ainsi le Pur, en qui les Mondes ne sont plus,Planait, extatique Colombe, sur la Roche…
Ô mépriseur, nieur serein, ô attestéBlasphémateur de l’Ordinaire, en l’UnitéVivant, ô découvreur des réels récifs, Mage,
— À nous, ainsi, l’esprit hautain et le perversGénie, ainsi le rêve et la non-vaine imageEt l’idée où se meut l’autre et l’autre univers !Edouard Dujardin.
Notes sur Lohengrin
Mes succès comme « compositeur d’opéra » reposent, en grande partie, sur un malentendu qui rend directement impossible le vrai succès, le seul que je souhaitais.
(Richard Wagner : Oeuvres complètes, VIII, 248).
Lohengrin est, sans contredit, l’œuvre la plus populaire de Wagner.
Plusieurs auteurs emploient volontiers l’expression de « drame musical » en parlant de Tannhæuser et de Lohengrin ; cela est regrettable, car une confusion d’idées en résulte. Wagner lui-même a toujours qualifié Lohengrin d’opéra ; en 1851 pour la première fois, et à propos de l’Anneau du Nibelung, il a dit : « Je n’écris plus d’opéras : ne voulant pas inventer un nom arbitraire pour mes travaux, je les appelle des drames. » (IV, 417) (Plus tard, Wagner a protesté énergiquement contre la dénomination de « drame musical », qu’il trouve absurde, IX, 365.)
Depuis vingt-cinq ans, tous les théâtres d’Allemagne donnent Lohengrin, et toujours il attire foule ; à Londres, depuis 1875, il en est de même ; on ne l’a pas moins applaudi en Italie, en Espagne, en Portugal, en Bohême, en Hongrie, en Russie, en Suède, en Danemark, en Amérique, en Australie (Kastner, Wagner-Kalender), en un mot partout, excepté à Paris où jusqu’ici on n’a pas eu l’occasion de l’entendre. Et il a été chanté en italien, en anglais, en français, sans que son succès en ait paru diminué. Même les personnes les plus hostiles à l’ensemble de vues artistiques qu’on comprend sous le nom de Wagnérisme, ou les plus ignorantes de ce système, même celles-là admettent Lohengrin.
Il sera intéressant de rechercher quelles peuvent être les causes, de cette universelle popularité. Pourquoi le même public qui ne s’enthousiasme que peu à peu pour Tannhaeuser, point du tout pour le Hollandais Volant, et qui reste hébété, consterné, après l’audition d’un des drames de la maturité du Maître, pourquoi se délasse-t-il si délicieusement à l’audition de Lohengrin ? Il est évident qu’il doit y avoir quelque chose de très spécial dans cette œuvre, quelque ensemble de modalités qui la distingue des autres d’une manière fort marquée et point superficielle. Nous trouverons, en effet, en allant droit à la source, en examinant la genèse de Lohengrin, que cet ouvrage a été conçu et exécuté sous des conditions très particulières, uniques dans la vie du Maître.
Après plusieurs cruelles années, années de faim et de désillusionnement, et juste au moment où, dans le Hollandais Volant, Wagner reprochait au ciel de ne le laisser ni mourir, ni trouver l’amour qui le sauvât (I, 21-24), à ce moment, une transformation subite, presque fantastique, avait tout changé ; Wagner avait été appelé à Dresde, son opéra Rienzi avait eu un grand succès ; une mort inopinée avait permis de le nommer chef d’orchestre ; après la plus noire misère, il était débarrassé de tous soucis, dans une position assurée, et, ce qui pour l’artiste était bien plus, avec le plus beau théâtre de l’Allemagne à ses ordres pour réaliser toutes ses inspirations (IV, 338). C’est dans ces conditions que Tannhaeuser fut écrit. Pendant les deux années qu’il y consacra, Wagner se trouva dans un état de surexcitation extraordinaire. Après les privations, il était maintenant « avide de jouissances » ; les sensations, les aspirations, l’ambition, « l’ardent désir d’amour », emplissaient son cœur ; il était dans un état d’excitation voluptueuse et dévorante, qui mettait sang et nerfs dans des transports fiévreux » ; son « être entier s’était consumé dans cette création », à tel point, que « l’idée qu’une mort subite le surprendrait » et l’empêcherait de terminer cette œuvre « puisée dans son cœur même », s’empara de lui et le fit poursuivre son achèvement avec une ardeur redoublée (IV, 342-348 ; et Glasenapp, Biogr. : I, 194). Ce qui caractérise Tannhaeuser, c’est que cette œuvre, quoi qu’écrite « avec son propre sang », était destinée par Wagner de très bonne foi au théâtre, qu’il en espérait même un grand succès (IV, 339) ; il ne soupçonnait guère que c’était « son propre arrêt de mort » (IV, 344) qu’il signait ; bientôt il le sut. — Un état d’épuisement physique et moral, de prostration, devait nécessairement suivre ; aussi, la dernière note écrite, se hâta-t-il de prendre un congé. Il était malade, car il consultait un médecin (IV, 352) ; il sentait la nécessité d’un repos intellectuel, car il écrit à un ami, qu’il a l’intention de « faire le paresseux » pendant un an, et il ajoute qu’il est convaincu, que pour qu’une œuvre dramatique soit vraiment forte et originale, il faut « qu’elle soit le résultat d’un pas en avant dans la vie, d’une nouvelle période dans le développement de l’artiste », et que « ceci ne peut être le cas tous les six mois ». (Tappert, Biogr. 27).
Cette promesse, qu’il s’était faite, fut vite oubliée. Lohengrin, cette figure qui lui était déjà apparue à Paris en même temps que celle de Tannhaeuser, mais qui ne lui avait laissé qu’une « impression presque désagréable » (IV, 353), s’empara de nouveau de sa fantaisie. L’esquisse du drame fut tracée quelques semaines après l’achèvement de Tannhaeuser ; nous venons de voir sous quelles conditions spéciales. Le travail ne put être repris qu’un an plus tard, et la partition exigea une année et demie environ (Glasenapp, Tappert). D’été 1845 en été 1848, trois bien tristes années ! Plus tristes, peut-être, que les trois années à Paris. Tannhaeuser fut représenté la première fois en automne 1845 ; le théâtre s’était mis en grands frais, les décorations avaient en partie été commandées à Paris, les principaux rôles étaient tenus par les meilleurs chanteurs de l’Allemagne. L’attente était grande ; on était accouru même d’autres villes ; la déception fut complète ; « le public quitta la salle consterné et mécontent ». (IV, 357). Très peu soupçonnèrent la portée de l’œuvre et le génie de celui qui l’avait faite. — Ce fut pour Wagner un coup terrible, presque mortel. Il se sentit « dans un état de complet isolement », — pour lui « ces jours continrent le poids d’une vie entière » (IV, 357). « L’illusion », comme il nous le dit, était détruite de fond en comble. Les écailles lui tombèrent des yeux et, soudainement, il s’aperçut qu’il avait vécu jusqu’à ce jour dans un rêve, qu’il était seul, qu’aucun lien n’existait entre le public pour lequel il écrivait et lui, entre ce théâtre dont le dégoût couvait dans son cœur depuis le premier jour de son entrée et le poète, le musicien, qui avait rêvé autre chose qu’un « établissement pour l’exploitation de l’art » ; même les « serrements de mains de ses amis » le laissaient sans consolation.
Mais ce qui compliquait la situation, c’est que sa position matérielle était gravement compromise. Sa foi en son succès avait été si glorieusement certaine (IV, 339), qu’il s’était lancé dans de folles dépenses, qu’il avait, par exemple, fait graver ses partitions à ses propres frais. À la misère venaient donc s’ajouter les difficultés pécuniaires, la dure nécessité de se plier à toutes les exigences de ce monde qu’il méprisait, — les mille démarches à faire, humblement, auprès de tous les théâtres allemands, pour faire recevoir l’un ou l’autre de ses opéras, souvent pour n’obtenir qu’un refus, ou qu’une proposition humiliante (IV, 360). C’est à cette époque, Wagner nous le dit, que « tout ce que, dans la vie moderne, nous qualifions d’art, cessa pour lui d’exister ». (IV, 360). Depuis dix ans déjà, son idéal de l’œuvre d’art se formait en lui, se dessinait de plus en plus clairement ; L’échec de Tannhaeuser n’y était pour rien : mais jusqu’à ce jour, il avait pensé pouvoir y arriver directement ; il croyait trouver dans notre théâtre l’instrument voulu pour la réalisation de ce qu’il devait créer, et dans le public un large noyau de ce qu’il appela plus tard « le peuple d’idéalistes ». Ces illusions s’effondrèrent. La conséquence naturelle fut un retour sur lui-même ; repoussé, méconnu, humilié, il se retira dans la solitude de sa propre âme. Mais le temps des grandes résolutions n’était pas encore ; c’était l’heure de la lutte suprême. Pour la première et la seule fois, Richard Wagner nous apparaît vacillant, se contredisant ; placé entre la nécessité de subvenir à la vie quotidienne et la pratique d’un métier qu’il abhorre, entre la possibilité de la renommée et le rêve d’une gloire inimaginable, il hésite. C’est que cette nécessité, cette fatalité qui force les génies à marcher, presque malgré eux, dans une voie déterminée, se faisait sentir, mais elle ne dominait pas encore, l’homme faible n’était pas encore terrassé. Souvent, il « interpellait les cieux » et « doutait de sa vocation » ; il sentait, « que dans la vie bourgeoise et artistique son existence était sans raison d’être » ; un moment après, il ouvrait la partition de la neuvième symphonie et « des sanglots de joie l’étouffaient », il ne doutait plus de sa mission (II, 69, écrit en 1846). Son désespoir était souvent tel, que « de nouveau il tournait les yeux vers Paris » (Tappert, Biogr. : 48) ; ou bien il allait à Berlin, faire répéter Rienzi, qu’il aurait préféré qu’on ne donnât pas, et la seule fois de sa vie, il essaya par le mensonge, la flatterie, l’hypocrisie, d’obtenir les bonnes grâces des personnes influentes, ce qui eut peu de succès, puisqu’il ne savait pas assez bien mentir (1847, — IV, 370). Son irritabilité, à cette époque, était excessive (Glasenapp, I, 247).
Tel était l’état d’âme de Wagner pendant qu’il écrivait Lohengrin. Cette œuvre en porte l’empreinte ; elle est le fruit d’une lutte de principes qui se contredisent. C’est en « se détournant du monde qui l’entourait » que Wagner conçut Lohengrin, — en travaillant à la partition, « il se sentait comme dans un oasis au milieu du désert », — notre « théâtre moderne n’existait plus pour lui » (IV, 366 et 379), — l’idée de Bayreuth prenait forme (Tappert, Biogr. ; 83, lettre du 31 août 1847) ; et, cependant, Lohengrin était destiné au théâtre moderne, et son succès était souhaité (IV, 370). En 1847, Wagner écrit à un ami : « je doute de mes forces, bien plus que je ne me les exagère, et mes travaux actuels ne sont à mes yeux que des essais pour voir si l’opéra est possible » (Glasenapp, I, 232). Voilà un langage qu’on ne trouve chez Wagner ni avant ni après cette période. « Lohengrin, dès le début (comme Tannhaeuser), était destiné à être représenté sur nos théâtres ordinaires ». (Wagner : The Work and Mission of my Life, 40). Et pourquoi transigeait-il ? — C’étaient les nécessités matérielles de la vie qui l’y contraignaient. Il était forcé de gagner de l’argent avec ses ouvrages et de « faire son possible pour assurer un succès extérieur, quoiqu’intérieurement il y fût complètement indifférent » (IV, 370). Il en résulte que Lohengrin est une œuvre, — la seule de Wagner— qui ne soit pas entièrement sincère. Il l’a conçue pour lui-même, ses inspirations lui sont venues dans des moments de désespoir, de détournement du monde, — et il l’a exécuté pour le théâtre qu’il haïssait, et pour des applaudissements qu’il méprisait.
Souvent, Wagner a ressenti le besoin▶ de s’expliquer à lui-même cet ouvrage ; ses explications, les contradictions qu’elles renferment, l’étude approfondie de l’œuvre telle que nous la possédons sur le théâtre, tout concourt pour nous démontrer que — du point de vue qui nous occupe actuellement, celui de l’état d’âme du Maître pendant cette période de la genèse de Lohengrin — c’est le doute qui caractérisa sa pensée. Il doutait de tout, lui dont le trait essentiel fut la foi, lui qui jamais ne dévia, qui ne se laissa détourner de sa voie toute d’affirmation et de divin espoir, ni par la critique, ni par la misère, — ni par le succès ; et il nous dit à propos de Lohengrîn : « Moi aussi, je me sentis invinciblement poussé à demander, d’où viens-tu, et pourquoi ? et pendant longtemps le charme de mon art disparut devant ces questions. » (VII, 163). — En 1850, Wagner « avait déjà presque complètement oublié l’existence de son Lohengrin » ; il découvrit la partition par hasard (IV, 414).
Nous ne pouvons entrer dans une analyse détaillée de l’œuvre, que nous devons supposer connue. Nous ne voulons appeler l’attention que sur quelques points essentiels. Presque toujours, dans ses commentaires, Wagner nomme le chevalier de Saint Graal le centre du poëme ; c’est lui qui est poussé par un désir invincible, par le désir inexprimable d’être aimé, à quitter la région éthérée de pureté absolue, dans laquelle il vit, pour venir se mêler aux hommes, et pour trouver un cœur de femme qui se donne à lui, tout entier et sans question (IV, 353-366). Quel chanteur d’opéra pouvait exprimer cela ? quel public l’aurait compris ? Aussi Wagner nous montre-t-il sur le théâtre tout autre chose que ce qu’il voyait dans son rêve. C’est Elsa, dont la vie et l’honneur sont menacés, qui implore Dieu de lui accorder sa protection, et Lohengrin est envoyé par le Graal pour la défendre. Wagner a plus tard lui-même avoué que « tout l’intérêt de ce drame réside dans ce qui se passe dans le cœur d’Elsa » (VII, 163). En effet, l’action dramatique tout entière se concentre autour de sa personne, et en dehors d’elle il n’y a qu’Ortrud, sa rivale, qui soit vivante ; Lohengrin n’est guère qu’un spectateur. Au premier acte il arrive, il déclare son amour ; au troisième, Elsa lui pose la question défendue, et il part, tuant par ce fait celle qu’il avait été envoyé pour défendre. Le vrai drame, l’évolution qui mène de la foi au doute, se passe en dehors de lui. Nulle part Wagner ne nous permet de jeter un regard dans l’âme de Lohengrin, lui dont le prodigieux art était de mettre à nu le cœur de l’homme et de dévoiler ses motifs à lui-même inconnus. Il a écrit de belles pages sur ce Lohengrin ; à plusieurs reprises, et toujours plus profondément, il a entrepris l’analyse psychologique de son héros ; mais il faut bien admettre que dans le drame il n’y a rien de tout cela ; nous savons maintenant pourquoi. Donc, contradiction entre ce que le Maître sentait, ce qui l’inspirait pendant la création du drame, et ce qu’il écrivait, ce qu’il a mis sur la scène.
Il en est de même pour la musique, Wagner a lui-même exposé quels progrès dans l’art de la composition il avait faits de Tannhaeuser à Lohengrin(IV, 394-399) ; mais nous ne pouvons admettre qu’avec de nombreuses réserves, ce qui est devenu un dogme pour beaucoup de personnes, que « dans Lohengrin un grand progrès est accompli, qui se fait sentir, à la fois dans l’ordonnance des scènes, dans le langage poétique et dans la musique » (Noufflard : R. Wagner, I, 219). Oui, il y a progrès dans Lohengrin, mais c’est, en partie, le progrès de la vague descendante. La musique est moins inégale que dans les deux opéras précédents ; elle est aussi moins originalement puissante que certaines parties de ceux-ci, elle n’a pas ces soudaines échappées sur le drame que montrent le Hollandais et Tannhaeuser. On trouvera difficilement dans Lohengrin quelque chose qui, comme vérité et caractérisation dramatiques, puisse être comparée aux doubles chœurs du troisième acte du Hollandais, ou au commencement de la scène entre le Hollandais et Senta au deuxième acte ; le motif même du Hollandais est dans le style de la troisième période, — le récit de Tannhaeuser en approche singulièrement. Dans l’ordonnance de certaines scènes de Lohengrin surtout dans les nombreux chœurs, il y a un retour vers l’opéra aux dépens du drame. Il y a une lutte manifeste entre l’idéal, l’intention du Maître et la nécessité de se plier à des conditions imposées. L’invention mélodique dans Lohengrin est, en grande partie, celle de la mélodie absolue (III, 311 ; IV, 212), se rapprochant de la mélodie italienne et contraire au principe du motif musical dramatique ; ces formes peuvent se produire comme épisodes, — tels le chant d’amour de Siegmund, les adieux de Wotan, — elles ne sauraient servir de charpente à une construction symphonique, Wagner l’a démontré. Le second acte fait, en partie, exception ; les thèmes énoncés dans l’ouverture forment la trame ; ceux exprimant les motifs d’action d’Ortrud sont si puissamment « Beethovéniens », que, divisés, intervertis, subdivisés (même réduits à deux notes), ils se prêtent aux plus subtiles nuances, et impriment au tout le sceau de l’unité. C’est aussi l’acte le moins apprécié et qui sur les meilleurs théâtres n’est servi qu’en lambeaux. Il est à noter que cet acte a été composé le dernier ; Wagner fit d’abord le troisième tout entier, ensuite le premier, en dernier lieu le second (Glasenapp ; Kastner) ; ceci était contraire à toutes ses habitudes (Pohl : Musik. Woch., 1883, 337), et contraire à la logique du développement des motifs. Ceux-ci, sauf l’exception mentionnée, ne sont, essentiellement, que des « motifs de réminiscence », (voir l’étude détaillée de van Santen Kolff, Musik. Woch., 1884). La musique contient donc aussi des contradictions, même nombreuses ; si le charme incomparable des mélodies peut les faire oublier, elles n’en existent pas moins. — Ainsi l’on trouve dans l’ensemble de l’œuvre, poème et musique, ce que l’étude des conditions sous lesquelles elle a été composée laissait prévoir : un conflit de tendances. C’est bien l’œuvre de l’homme qui doutait.
C’est dans ce doute, nous semble-t-il, que réside l’explication de la popularité de Lohengrin. Tous les drames de Wagner, et ses autres opéras, sans exception, sont des œuvres de foi ; il écrivit sans réserves, sans concessions ce qu’il voulait ; ce qu’il voulait était l’entière réalisation d’une idée ; la formule de cette idée est toujours une affirmation. La signification de Lohengrin est vague ; ce qui s’en dégage nettement est une négation. Mais cette négation ne revêt pas le caractère affirmatif d’une profonde conviction ; elle est ce que Wagner nommait le « pessimisme absolu », (X, 326), celui « qui se contente de constater la nullité du monde ». On abuse aujourd’hui du mot de pessimisme, qui, pour beaucoup de personnes, est un terme d’opprobre sans signification précise, que d’autres appliquent indifféremment à une théorie philosophique et à un état moral ; dans ce dernier sens, on peut qualifier Lohengrin d’œuvre pessimiste, par excellence. — Or, la foi, l’affirmation, exigent un effort ; affirmer est toujours créer ; le doute n’exige que l’abstention d’une faculté. La majorité des hommes comprendra donc toujours plus facilement le doute que la foi ; il est à la portée de presque toutes les intelligences. Peu de gens se représentent clairement ce qui les a charmés dans Lohengrin ; mais c’est ce doute, cette confession de faiblesse, cette « constatation de la nullité du monde », sans réaction, sans recherche, sans déploiement d’énergie, qui, caractérisant l’âme de celui qui écrivait et formant l’essence même de l’œuvre, la pénètre de toutes parts, et fait que, instinctivement, chacun se sent dans un milieu habituel, familier. Qui comprend Senta, Élisabeth, Brünnehilde, Kundry ? Qui peut ne pas comprendre Elsa ? Ici, point de grandes passions, tout est à un diapason modéré, et tout, très naturellement, vient se grouper autour de la femme, c’est la créature faible qui, quoiqu’énigmatique, se ressemble toujours, et que tous connaissent. Et Richard Wagner, le génie mâle, a, dans cette œuvre féminine, exprimé ces sentiments si universels, — et son propre désespoir, et son « doute de lui-même », qui faisaient qu’à ce moment il approchait du niveau commun de l’humanité, — dans une musique si humaine, si mélodieuse ! Pas de combats avec les éléments, comme dans le Hollandais Volant, ni de grands cris de passion, comme dans Tannhaeuser ; sur le tout et à travers toutes les situations plane une douce et rêveuse mélancolie. Qu’on se souvienne de l’affirmation virile de la foi dans Parsifal, et du triomphe de l’amour dans la Gœtterdaemmerung !
Si Wagner avait achevé son drame de négation, — négation absolue, mais mâle et affirmative, — Jésus de Nazareth (IV, 404), qu’il avait commencé immédiatement après Lohengrin, cette œuvre, certes, n’aurait pas été populaire ! Lohengrin, œuvre d’un moment de faiblesse, de découragement, de doute, — et dans laquelle ces sentiments très réels, très universellement humains, ont trouvé l’expression musicale parfaitement adéquate, — est, par cela même, plus accessible à tous.
Houston Stewart Chamberlain
Le système harmonique de Richard Wagner63
Si l’on ouvre pour la première fois l’une ou l’autre de ces volumineuses partitions qui s’appellent Tristan, les Maîtres chanteurs, l’Anneau du Nibelung ou Parsifal, on considère d’abord avec étonnement, avec effroi même, ces pages noires de notes, ces portées où grimace la silhouette inédite de traits compliqués et bizarres, ce fouillis où s’entassent dièses, bémols, points, syncopes, tous les signes enfin propres à traduire sur le papier la pensée du compositeur, signes d’autant plus nombreux que la pensée est plus raffinée. La musique écrite a, si l’on peut dire, son côté matériel, sa physionomie propre. Une page de Mozart avec ses contours fins et délicats, son dessin pur, élégant, sa large ordonnance, qui donne comme l’illusion de l’air et de la lumière, ressemble aussi peu que possible à une page de Wagner, où la rencontre des lignes, la singularité des profils, la disposition tourmentée, semblent plus faites pour traduire le chaos et la nuit. Il faut une certaine préparation pour goûter le charme de ces accords étranges composés d’après des formules que ne donnent pas les livres, de ces enchaînements imprévus et curieux qui sont le fond de l’harmonie Wagnérienne.
L’étude approfondie de telles matières suffirait à remplir un volume tout entier ; néanmoins quelques remarques peuvent être présentées à titre d’indications.
Si l’harmonie est une science fermée, c’est-à-dire une science où les règles, posées une fois pour toutes, ont la valeur d’axiomes et ne sauraient être transgressées, Wagner doit être regardé comme un pitoyable harmoniste ; si, au contraire, elle a le droit d’étendre son domaine, et, sans gâter pour cela le plaisir exigé par l’oreille, de s’enrichir de conquêtes nouvelles, Wagner offre en ses travaux une matière digne d’intérêt. On pourrait montrer comment les modifications à apporter au rôle du récitatif devaient avoir marqué le point de départ de sa réforme dramatique ; on montrerait de même que les modifications à apporter au rôle de la basse pourraient bien avoir marqué le point de départ de sa réforme harmonique ; il est certain, en effet, que l’histoire de la basse est, par un côté, l’histoire de la musique, et qu’à chaque période de transformation pour l’une correspond une période de transformation pour l’autre.
Au temps de Palestrina la basse constitue le chant ; c’est au registre le plus grave qu’est confié l’intérêt principal, le mouvement de direction ; dans les célèbres motets du Maître, écrits le plus souvent pour cinq voix, quatre parties servent d’accompagnement à la cinquième, qui est… la basse. Jusqu’à Bach, l’usage se conserve ainsi de ces morceaux dont l’auteur n’écrivait que la basse chiffrée, laissant à l’interprète le soin de la réaliser. Déjà les partitions de Lulli et des compositeurs contemporains témoignent du déplacement du chant ; la mélodie a passé aux violons et aux flûtes, on prend donc la peine de la transcrire ; les parties intermédiaires continuent à être négligées, et la basse chiffrée, acceptant la seconde place, prend le caractère déterminé d’un accompagnement. L’évolution se poursuit en ce sens, et, un siècle plus tard, les rôles sont distribués d’une façon précise qui ne souffre plus d’interversion ; le chant se range décidément à l’aigu et l’accompagnement au grave. Il suffit de lire la partie de violoncelle dans les trios de Haydn pour se rendre compte de sa nullité au point de vue mélodique. Avec Mozart, avec Beethoven, avec tous les maîtres de ce siècle, la basse conserve ses fonctions utilitaires ; placée à la base de l’édifice harmonique, elle le soutient. Consultez tel ou tel morceau symphonique, la partie de contrebasse vous précisera nettement les tonalités, vous aidera à deviner la série des modulations, et souvent même les déterminera. Jusqu’ici le choix de la note qu’il convient de mettre à la basse, en tant que note de basse, c’est-à-dire indépendamment des autres notes qui entrent dans l’accord, avait une importance qui constituait une difficulté. C’est ce joug que Wagner semble avoir délibérément secoué. Comme dans la mélodie italienne, il a reconnu là « cette forme indigente et presque enfantine de l’art, dont les étroites limites condamnent le compositeur de génie lui-même, qui embrasse cet art, à une immobilité absolue ». De même qu’il veut que le récitatif ait « une signification rythmique et mélodique et se relie d’une façon insensible à l’édifice plus vaste de la mélodie proprement dite », de même qu’il entend que la musique dramatique forme « un tout vaste et continu, empreint d’un style égal et pur », de même il s’efforce de ne point distinguer entre le chant et l’accompagnement, de ne pas avoir des formules spéciales pour l’un et des formules spéciales pour l’autre, et de les fondre ensemble de telle sorte que l’orchestre soit relevé « de la position subalterne » où il était réduit à jouer le rôle d’« une monstrueuse guitare ». L’intérêt ne réside plus seulement dans la partie la plus élevée ou dans la plus basse ; à chacune est dévolu, autant que possible, un rôle d’égale importance.
Il en résulte, au point de vue harmonique, un trouble apporté à nos habitudes d’oreille ; de là aussi cette impression de vague, d’indéfini, qu’on ressent généralement à la première audition d’une œuvre wagnérienne. Par exemple, le plus simple de tous les accords, l’accord parfait, est le plus sévèrement, le plus systématiquement écarté. Sa simplicité lui donne un sens très précis, et cette précision même, qui en fait l’accord obligé de toute cadence finale, devient un obstacle à son emploi. La cadence parfaite joue le rôle du point au bout d’une phrase. Or, la phrase de Wagner commence avec l’acte et ne finit qu’avec lui, à bien peu d’exceptions près. Sans doute le personnage en scène peut avoir à conclure un long discours ; dans ce cas, il aura recours à la formule précitée ; mais, tandis qu’il fera avec la voix ce saut caractéristique de la dominante à la tonique, l’orchestre, lui, qui selon la définition de Wagner, « entretient le cours interrompu de la mélodie », l’orchestre ne portera pas trace de cette cadence parfaite, et poursuivra sa route en modulant par une cadence rompue, ou par l’introduction d’un accident quelconque, propre à modifier le sens harmonique.
La haine des accords trop élémentaires conduit naturellement à l’amour des accords plus riches et plus vagues. De là, la fréquence des prolongations, des retards, de tous les artifices qui produisent les dissonances ; de là, l’altération continuelle des notes, et en particulier de la dominante dans l’accord parfait, c’est-à-dire une prédilection marquée pour les intervalles augmentés ou diminués ; de là, l’emploi presque immodéré des accords de septièmes sur tonique et des pédales, moyens ingénieux pour fondre ensemble les sons en apparence les plus discordants ; de là, la pratique de l’enharmonie, et une facilité telle à se mouvoir entre divers tons, que parfois, renonçant lui-même à définir la tonalité, il supprime à la clef tous les accidents… tout en continuant à ne pas écrire en ut.
Si les compositeurs ont montré jusqu’ici dans l’usage de tels procédés plus de mesure et plus de réserve, si leur musique garde en définitive une physionomie fort différente de celle-ci, c’est qu’ils se soumettaient d’avance à des règles imposées par l’école, Wagner, plus hardi, a essayé de s’y soustraire. Non seulement dans les parties instrumentales, mais encore dans les parties vocales où la sévérité, comme il convient, est plus de mise, il faut renoncer à relever les quintes de suite, les fausses relations, les doublures de notes à résolution obligée, les mouvements fantaisistes qui forcent à monter les notes qui doivent descendre et à descendre celles qui doivent monter, etc., tous péchés qui déchaînaient jadis la colère des puristes comme Cherubini. La musique n’est pas le langage de l’éternelle et absolue vérité ; plus qu’aucun autre art, elle est fatalement soumise à l’instabilité du caprice, aux variations de la mode. On se passionne pour un contour mélodique, comme on s’habitue à une formule harmonique ; puis, avec le temps on se lasse de l’une et de l’autre ; le changement s’impose comme un ◀besoin, et chaque conquête nouvelle est marquée par le bris de quelque entrave.
Au seizième, au dix-septième siècle, le gros effort de la science musicale se portant sur des compositions presque exclusivement vocales, la rigueur est extrême. Peu à peu la polyphonie instrumentale desserre les liens. Le dix-huitième siècle, tout en maintenant la pureté classique, tend vers la fin à s’émanciper. Depuis, le mouvement ne s’est pas ralenti. Par l’enchevêtrement des parties, par la complication des dessins, par la variété surprenante des timbres, l’oreille est sollicitée de telle sorte qu’elle reçoit désormais une impression d’ensemble, une résultante de tous les bruits, et goûte d’autant moins la pureté des principes qu’elle est moins à même de les discerner. Au dix-neuvième siècle, la liberté sera donc devenue complète. Toute la question se borne à savoir si « ces triples dissonances », qui choquaient si fort Berlioz, nous affectent désagréablement ou non ; or l’étude des œuvres de Wagner nous révèle tout au contraire que sa sensibilité était assez délicate pour offenser rarement la nôtre, et qu’en définitive il aura réussi à charmer notre oreille et non à la blesser.
Albert Soubies et Charles Malherbe.
Bibliographie
Petit calendrier de Bayreuth pour 1886 (1 vol, in-16, franco 2 frs).
L’Association Wagnérienne Universelle vient de publier (en allemand) son Bayreuther Taschen-Kalender fur 1886, sous la direction du comte Ferdinand de Sporck et d’Oskar Merz ; ainsi que le calendrier de l’année dernière (1885, Ière année), c’est un petit volume de poche in-16, contenant des renseignements et des études Wagnériennes : on y a joint cette fois un plan de la salle du théâtre de Bayreuth, avec les numéros des places.
Les matières du calendrier de 1886 sont :
Une préface de Hans von Wolzogen (3 pages) ;
Puis, 1° un article sur le centenaire de Weber, par L. Schemann (3 pages) ;
2° calendrier, éphémérides, agenda pour 1886, avec un éclaircissement (4 pages) sur les noms germaniques par W. G. ;
3° étude de C. Glasenapp : Richard Wagner, — l’homme (24 pages) ;
4° les Représentations de Fête de 1886 à Bayreuth : — histoire du Théâtre de Fête à Bayreuth (3 pages) ; étude sur le théâtre national allemand, par Hans von Wolzogen (21 pages) ; sur Tristan et Isolde, par Wolfgang Golther (32 pages) ; sur Parsifal, par Arthur Seidl (36 pages) ; essai de programme au prélude de Parsifal, par A. G. (4 pages) ;
5° les bourses de voyage aux Représentations de Fête, par F. Sch. (1 page) ;
6° l’Association Wagnérienne Universelle : comité central ; complément à la liste de 1885 ; leçons ; table générale de la Revue de Bayreuth (Bayreuther Blaetter) ;
7° la Fondation Richard Wagner pour le maintien des Représentations de Fête : statuts et éclaircissements ;
8° bibliographie ;
9° table des matières de la première année du calendrier ; agenda, insertions.
Revue Moderniste (numéro du 30 octobre).
Un intéressant article, signé Hip, sur « la condition des jeunes musiciens ».
La Valkyrie, version française de Victor Wilder (partition piano et chant, in-8° à 20 francs ; livret in-16 à 2 francs ; chez Schott, éditeur).
C’est la seconde traduction que publie M. Victor Wilder ; la troisième, très prochaine, sera celle de Tristan. Nous avons en cette revue (numéro du 8 octobre, page 257) expliqué le système de traduction suivi par M. Wilder, et dit combien utile et admirable était cette œuvre de vulgarisation. La Valkyrie est particulièrement réussie, elle est, certes, supérieure aux Maîtres Chanteurs ; nous en citerons un des meilleurs passages :
(Acte III, scène dernière, « nicht straf ich dich erst… »)
Quel châtiment, cœur indompté,A mérité ta désobéissance ?…Tu n’existais que par ma volonté ;Ta volonté contre moi se rebelle !Pour porter mes décrets, sur toi j’avais compté,De mes décrets ton caprice en appelle !Fille de mon désir,Contre moi ton désir s’obstine !Faite pour me servir,Contre moi ton cœur se mutine !À ton choix j’ai remis le destin des combats,Contre moi ton choix en dispose !À ta voix les guerriers devaient armer leurs bras,Tu les armes contre ma cause !
Et un exemple des moins bons passages, où se voit le défaut (si fatalement nécessaire, — et si excusable !) de cette traduction :
(Même scène : « Wollt ihr mich hœhnen ?… »)
Qui vous inspire un dessein téméraire !Je sais que vous cachez la perfide à mes yeux !
L’idéalisation du théâtre, par Hans de Wolzogen(I volume de 113 pages, en allemand).
Œuvre publiée par les Bayreuther Blaetter, et dont la Revue Wagnérienne donne l’analyse.
Mois wagnerien d’octobre
ANVERS
- 4 Octobre Concert (dir. Emil Giani) : Concert Wagnérien.
BADEN-BADEN
- 3 Octobre Concert : Huldigungs-Marsch ; adieux de Lohengrin (Vogl)
BERLIN
- 1, 25, Octobre Opéra : Lohengrin (200e et 201e représ).
- 6 Octobre Opéra : Tannhaeuser.
- 10,19 Octobre Opéra : la Walküre.
BERNBOURG
- 26 Octobre Opéra : Tannhaeuser.
BREME
- 2 Octobre Opéra Tannhaeuser.
- 11 Octobre Opéra Lohengrin.
BRISTOL
- 20 Octobre Festival (Dir. Halle) : Prél. de Parsifal : Romance des Maitres (Lloyd).
- 21 Octobre Festival Introd. au 3e acte de Lohengrin.
- 22 Octobre Festival Rom. de l’Etoile (Santley) ; Ouv. de Tannhaeuser.
BRUNN
- 4 Octobre Opéra : Tannhaeuser.
- 29 Octobre Opéra : Lohengrin.
BRUNSWICK
- 19 Octobre Opéra : Les Maitres Chanteurs
CARLSRUHE
- 21 Octobre Opéra : Tristan et isolde.
CASSEL
- 3 Octobre Opéra : Lohengrin.
- 23 Octobre Concert : Duo de la Walküre : Traeume (Mlle Wittich, M. Vogl).
COLOGNE
- 8, 11 Octobre Opéra : les Maîtres chanteurs.
- 22 Octobre Opéra : Lohengrin.
DANZIG
- 12 Octobre Concert : Prél. de Parsifal ; Agape des apôtres.
DARMSTADT
- 22 Octobre Opéra : Les Maitres Chanteurs.
DRESDE
- 10 Octobre Opéra : la Walküre.
- 31 Octobre Opéra : Siegfried (pour la 1ere fois).
FRANCFORT
- 3 Octobre Opéra : Tannhaeuser.
- 11 Octobre Opéra : Lohengrin.
DESSAU
- 2, 233 Octobre Opéra : Les Maitres Chanteurs.
- 16, 27 Octobre Opéra : Tannhaeuser.
DÜSSELDORF
- 9 oct Opéra : Lohengrin.
GRAZ
- 30 oct Opéra : Lohengrin.
HAMBOURG
- 2 oct Opéra : Tannhaeuser.
- 8 oct Opéra : Lohengrin.
- 11 oct Opéra : Tristan et isolde.
- 14 oct Opéra : la Walkure.
- 19, 22, 28 oct Opéra : Les Maitres Chanteurs.
- 29 oct Opéra : Le Hollandais Volant.
HANOVRE
- 8 oct Opéra : Lohengrin.
- 26 oct Opéra : Tannhaeuser.
KŒNIGSBERG
- 14 oct Opéra : Lohengrin.
- 25 oct Opéra : Tannhaeuser.
LEIPZIG
- 12 oct Opéra : Le Hollandais Volant.
- 15 oct Concert du Gewandhaus : Finale de Tristan (Mlle L. Lehmann).
- 25 oct Concert Bonorand : Faust-Ouverture.
- 25 oct Opéra : Lohengrin.
- 38 oct Opéra : Tannhaeuser.
LINZ
- 7 oct Opéra : Le Hollandais Volant.
- 29,31 oct Opéra : Les Maitres Chanteurs.
LIVERPOOL
- Concert Halle : Rom. des Maitres Chanteurs (Lloyd).
LONDRES
- 17 oct Palais de Cristal (Dir. Manns) : Quintette et introduction 3 e acte des Maitres Chanteurs.
- 24 oct Concert Richter : Intr. et fin. de Tristan.
- 24 oct Steinway Hall : Traeume (Mlle L. Lehman).
MAGDEBOURG
- 16, 29 oct Opéra : Le Hollandais Volant.
- 18 oct Opéra : Lohengrin.
MANNHEIN
- 10 oct Opéra : Le Rheingold.
- 11 oct Opéra : la Walküre.
- 18 oct Opéra : Siegfried.
- 25 oct Opéra : Goetterdaemmerung.
METZ
- 18,22 oct Opéra : Lohengrin.
MUNICH
- 2 oct Opéra : Les Maitres Chanteurs.
- 6 oct Opéra : Tannhaeuser.
PRAGUE
- 25 oct Opéra : Les Maitres Chanteurs (pour la 1re fois).
REVAL
- 21, 27 oct Opéra : Lohengrin.
ROTTERDAM
- 2, 10 oct Opéra : Lohengrin.
SALZBOURG
- 1er oct Opéra : Lohengrin.
STRASBOURG
- 18 oct Opéra : Le Hollandais Volant.
STUTTGART
- 11 oct Opéra : Tannhaeuser.
- 15 oct Opéra : Le Hollandais Volant.
TRIESTE
- 18 oct Opéra : Lohengrin.
VIENNE
- 2 oct Opéra : le hollandais Volant.
- 10 oct Opéra : Lohengrin.
- 18 oct Opéra : Rienzi.
- 25 oct Opéra : Tannhaeuser.
WEIMAR
- 4, 20 oct Opéra : le hollandais Volant.
- 25 oct Opéra : rîenzi.
YEOVIL
- 26 oct Concert (Dir. Bullock) : Sextuor de Tannhaeuser.
Mois wagnérien de novembre
PARIS
- 1er novembre : Concert Colonne : chevauchée des Walküres.
- 8, 15 novembre : Concert Lamoureux : Prél. et Intr. au 3e acte de Lohengrin.
- 8, 15 novembre : Concert Colonne : Chevauchée ; sc. fin. de la Walküre.
- 22 novembre : Concert Lamoureux : adieux de Lohengrin (M. Van Dyck) ; Ouv. de Tannhaeuser.
- 29 novembre : Concert Lamoureux : Siegfried Idyll ; adieux de Lohengrin (M. Van Dyck) ; Ouv. de Tannhaeuser.
ALTENBURG
- 8 novembre Opéra : Lohengrin.
BALE
- 29 novembre 4e concert : PréIude de Lohengrin.
BARMEN
- 23 novembre Opéra : Tannhaeuser.
BERLIN
- 12 novembre Opéra : Le Hollandais Volant.
- 14, 22 novembre Opéra : lohengrin.
BRÊME
- 1er novembre Opéra : Lohengrin.
- 1er novembre Opéra : Tannhaeuser.
- 1er novembre Opéra : Le Hollandais Volant.
BRUNN
- Novembre Opéra : Lohengrin.
CASSEL
- 11 novembre Opéra : Le Hollandais Volant.
CHEMNITZ
- 13, 22 novembre Opéra : Lohengrin.
DANZIG
- 5 novembre Opéra : Tannhaeuser.
DARMSTADT
- 1er novembre Opéra : Lohengrin.
DRESDE
- 3 novembre Concert Wagner (dir. Zimmermann) : Programme Wagnérien.
- 8, 11 novembre Opéra : Siegfried.
- 18 novembre Opéra : Tannhaeuser.
- 24 novembre Opéra : Lohengrin.
GENÈVE
- 14 novembre Ier concert class. (dir. Bergalonne) : Faust-Ouverture.
- 25 novembre Concert de l’Harm. naut. (dir. Bonade) : marche fun. de Goetterdaemmerung.
- 16, 30 novembre Concert de bienfaisance de la comtesse de Wimpffen : Prière
- d’Elisabeth.
HAMBOURG
- 21 novembre Opéra : Tannhaeuser.
- 24 novembre Opéra : Tristan et Isolde.
HANOVRE
- 21 novembre Opéra : la Walküre (pour la 1ere fois.)
- 5, 14, 25 novembre Opéra : la Walküre.
- 13, 25 novembre Opéra : Le Rheingold.
KŒNIGSBERG
- 23 novembre Opéra : Tannhaeuser.
LINZ
- 16 novembre Opéra : Tannhaeuser.
LONDRES
- 3 novembre Concert St-James’s Hall (Hans Richter) : Duo de la Walküre (Mad. Valleria et M. Lloyd).
- 11 novembre Monologue de Sachs (Walken Mills), sc. fin. du Rheingold.
- 7 novembre Crystal Palace : Sc. fin. de Tristan.
- 28 novembre Crystal Palace : Ouv. de Tannhaeuser.
MUNICH
- 5 novembre Opéra : Le Hollandais Volant.
- 18 novembre Opéra : Lohengrin.
NUREMBERG
- 8 novembre Opéra : Lohengrin.
PRAGUE
- 1er novembre Opéra : Lohengrin.
- 7 novembre Opéra : Les maîtres Chanteurs.
- 9 novembre Opéra : Le Hollandais Volant.
REICHENBERG
- 26 novembre Opéra : Lohengrin.
REVAL
- 1er novembre Opéra : Lohengrin.
ROTTERDAM
- 7, 10 novembre Opéra : Tannhaeuser.
- 8, 16 novembre Opéra : Lohengrin.
SCHWERIN
- 22 novembre Opéra : Tannhaeuser.
STETTIN
- 2 novembre Opéra : Tannhaeuser.
- 10 novembre Opéra : Lohengrin.
TREVISE
- Novembre Opéra : Lohengrin.
TRIESTE
- 28 novembre Opéra : Lohengrin.
VIENNE
- 16 novembre Opéra : Tannhaeuser.
- 25 novembre Opéra : Lohengrin.
WEIMAR
- 8 novembre Opéra : Lohengrin.
WURZBOURG
- 10 novembre Opéra : Lohengrin.
ZURICH
- 6 novembre Opéra : Le Hollandais Volant.
Correspondances
LOHENGRIN À PARIS. — Au milieu des nouvelles contradictoires qui se succèdent chaque jour, nous renonçons à tenir nos lecteurs au courant de la question des représentations de Lohengrin à l’Opéra-Comique ; jusqu’au jour où sera prise une décision absolument officielle, aucune présomption sérieuse ne peut être donnée… le plus probable est que Lohengrin ne sera pas représenté.
ANGLETERRE. — C’est vraiment désespérant ! Voilà déjà trois mois que je n’ai pu rien vous communiquer. Nous avons une foule de petits concerts bons, mauvais, et médiocres mais on ne veut entendre vers Noël presque rien que le Messie ou les nouvelles cantates produites à Birmingham. M. Franz Hueffer, rédacteur musical du « Times » est en train de faire une tournée de conférences en province sur Wagner, Liszt et Berlioz. Mais c’est non seulement l’ignorance qu’il aura à combattre ; mais aussi l’indifférence, ce qui est bien plus difficile. Que nous importent Wagner, Liszt et Berlioz et tous ces autres maîtres dont nous ne saurions prononcer les noms quand nous avons nos compositeurs à nous, bien à nous, qui nous fournissent une musique que nous comprenons la première fois que nous l’entendons ?
Louis N. Parker.
BERLIN. — La première représentation de Siegfried a été donnée le 8 décembre, Siegfried n’ayant jamais été joué à Berlin qu’avec les autres parties de la Tétralogie, par des troupes de passage. Le rôle de Mime seul a été très bien tenu ; exécution médiocre ; succès restreint.
DRESDE. — À l’époque des Fêtes de Bayreuth, le 4 août prochain, commencera au théâtre de Dresde une représentation intégrale de l’Anneau du nibelung, sous la direction du capellmeister Schuch.
LEIPZIG. — La maison native de Richard Wagner devant être démolie, le propriétaire a promis de conserver la chambre où le Maître est né.
MANNHEIM. — On annonce la mort de M. Émil Heckel, qui fut l’un des premiers, des plus dévoués et des plus influents Wagnéristes.
MUNICH. — L’Anneau du nibelung a de nouveau été joué par des artistes du théâtre. Cette fois encore des Parisiens étaient là ; on remarquait, venue exprès, une des plus enthousiastes et des plus dévouées Wagnéristes de Paris.
PRAGUE. — La première représentation des Maîtres chanteurs a été donnée avec le plus grand succès au théâtre allemand. L’impressario Angelo Neumann organise des représentations Wagnériennes, pour lesquelles sont établis des trains spéciaux en Bohême.
NEW-YORK. — Les représentations Wagnériennes ont commencé le 23 au Métropolitain par Lohengrin, sous la direction du capellmeister Anton Seidl, avec Mesdames Seidl et Brandt et M. Stritt : quinze jours après la Walkure.
VIENNE. — L’Anneau du nîbelung doit être joué prochainement, — mais sans le Rheingold !…
ZURICH. — En janvier, Siegfried va être représenté pour la première fois.
À nos lecteursch
Avec ces pages se termine la première série annuelle de la Revue Wagnérienne. Nous voudrions dire brièvement les raisons de ce que nous avons fait et de ce que nous voulons faire.
Lorsque nous avons commencé la Revue Wagnérienne en février nous avons voulu réaliser une double tâche : expliquer au public l’œuvre lyrique de Richard Wagner, et à ceux qui déjà connaissaient et aimaient cette œuvre expliquer le génie entier du Maître.
Mais nous avons pensé qu’il fallait insister d’abord sur cette seconde partie de notre tâche : avant d’entreprendre une propagande Wagnérienne efficace, nous devions à ceux qui déjà étaient des Wagnéristes présenter d’une façon très spéciale les conceptions littéraires, philosophiques, religieuses, et esthétiques de Wagner.
Nous avons la confiance d’avoir réussi : les Wagnéristes français ont eu la curiosité de ces œuvres prodigieuses ; ils savent que Wagner ne fut pas seulement un musicien extraordinaire, mais qu’il fut encore et surtout le réformateur de l’art, le glorieux initiateur, fondant ses théories artistiques sur les plus profondes notions philosophiques.
Et maintenant nous pouvons plus aisément poursuivre l’œuvre de propagande que nous avons entreprise. Notre revue s’adressera à tous ceux qui, épris de l’art et débarrassés des grossiers préjugés traditionnels, doivent devenir des Wagnéristes.
Pour cette propagande, nous avons demandé la collaboration de ceux de nos écrivains que le public connaît, aime et admire comme défenseurs de la cause Wagnérienne.
Nous publierons des études sur la vie, les drames, le système musical et dramatique de Wagner.
L’œuvre du Maître s’est depuis longtemps imposée à l’admiration des peuples voisins : notre Revue donnera une série de travaux sur le Wagnérisme en Allemagne, en Angleterre, en Belgique, en Russie, en Italie, aux États-Unis.
Et nous tâcherons à ce que, faite dans une langue de lecture aisée, cette œuvre de propagande Wagnérienne place enfin le Maître dans notre pays au juste rang qui lui convient, à côté des maîtres classiques, Bach, Gluck, Beethoven.
Donc, pour nous aider dans notre tâche, nous faisons appel à l’aide de tous ceux qui, Wagnéristes, ont à cœur la gloire et la propagation de l’œuvre Wagnérienne.