(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Mendès, Catulle (1841-1909)

[Bibliographie]

Le Roman d’une nuit (1863). — Philomela, livre lyrique (1864). — Histoires d’amour, nouvelles (1868). — Hespérus, poème, avec un dessin de G. Doré (1869). — Sternlose Næchte (Nuits sans étoiles), de E. Glaser (trad.) (1869). — Contes épiques, avec un dessin de Claudius Popelin (1870). — La Colère d’un franc-tireur, poème (1871). — Odelette guerrière (1871). — Les Soixante-treize Journées de la Commune (1871). — La Part du Roi, comédie en un acte et en vers (1872). — Les Frères d’armes, drame (1873). — Poésies, 1re série : Le Soleil de minuit, Soirs moroses, Contes épiques, Intermède, Hespérus, Philomela, Sonnets, Panteleïa, Pagode, Sérénades, avec portrait (1876). — Justice, drame en trois actes, en prose (1877). — Le Capitaine Fracasse, opéra-comique en trois actes et six tableaux, d’après le roman de Th. Gautier, musique de Pessard (1878). — La Vie et la mort d’un clown : la demoiselle en or, roman (1879). — La Vie et la mort d’un clown : la petite Impératrice, roman (1879). — Les Mères ennemies, roman (1880). — La Divine Aventure, en collaboration avec Richard Lesclide (1881). — Le Roi vierge, roman contemporain (1881). — Le Crime du vieux Blas, nouvelle (1882). — Monstres parisiens, 1re série (1882). — L’Amour qui pleure et l’Amour qui rit, nouvelles (1883). — Les Folies amoureuses, nouvelles, réédition (1883). — Le Roman d’une nuit, réédition (1883). — Les Boudoirs de verre, contes (1884). — Jeunes filles, nouvelles (1884). — Jupe courte, contes (1884). — La Légende du Parnasse contemporain (1884). — Les Mères ennemies, drame en trois parties (1883). — Les Contes du rouet (1885). — Le Fin du fin ou Conseils à un jeune homme qui se destine à l’amour (1885). — Les Îles d’amour (1885). — Lila et Colette, contes (1885). — Monstres parisiens, 2e série (1885). — Poésies, nouvelle édition en sept volumes, augmentée de soixante-douze poésies nouvelles (1885). — Le Rose et le Noir (1885). — Tous les baisers, 4e vol. (1884-1885). — Contes choisis (1886). — Gwendoline, opéra en deux actes et trois tableaux, musique d’Emmanuel Chabrier. — Lesbia, nouvelle (1886). — Un-miracle de Notre-Dame, conte de Noël (1886). — Pour les belles personnes, nouvelles (1886). — Richard Wagner (1886). — Toutes les amoureuses, nouvelles (1886). — Les Trois Chansons : La Chanson qui rit, la Chanson qui pleure, la Chanson qui rêve (1886). — Zo’har, roman contemporain (1886). — Le Châtiment, drame en une scène, en vers (1887). — L’Homme tout nu, roman (1887). — Pour lire au couvent, contes (1887). — La Première Maîtresse, roman contemporain (1887). — Robe montante, nouvelles (1887). — Le Roman rouge (1887). — Tendrement, nouvelles (1887). — L’Envers des feuilles, contes (1888). — Grande Maguet, roman contemporain (1888). — Les Oiseaux bleus, contes (1888). — Les Plus Jolies Chansons du pays de France, chansons tendres, choisies par Catulle Mendès, notées par Chabrier et Gouzien (1888). — Pour lire au bain, contes (1888). — Le Souper des pleureuses, contes (1888). — Les Belles du monde : Gitanas, Javanaises, Égyptiennes, Sénégalaises, avec R. Darzens (1889). — Le Bonheur des autres, nouvelles (1889). — Le Calendrier républicain, avec Richard Lesclide (1889-1890). — L’Infidèle, nouvelles (1889). — Isoline, conte des fées en dix tableaux, musique de Messager (1889). — Le Cruel Berceau, nouvelle (1889). — La Vie sérieuse, contes (1889). — Le Confessionnal, contes chuchotés (1890). — Méphistophéla., roman contemporain (1890). — Pierre le Véridique, roman (1890). — La Princesse nue, nouvelles (1890). — La Femme enfant, roman contemporain (1891). — Les Petites Fées en l’air, contes (1891). — Pour dire devant le monde, monologues et poésies (1891). — Jeunes filles, réédition (1892). — Les Poésies de Catulle Mendès, trois volumes (1892). — La Messe rose, contes (1892). — Lieds de France (1899). — Luscignole, roman (1892). — Les Joyeuses Commères de Paris, scènes de la vie moderne, avec G. Courteline (1899). — Les Meilleurs Contes (1892). — Isoline-Isolin, contes (1833). — Le Docteur Blanc, mimodrame fantastique (1893). — Le Soleil de Paris, nouvelles (1893). — Nouveaux contes de jadis (1893). — Poésies nouvelles (1893). — Ghéa, poème dramatique de Von Goldschmidt, mis en français par Catulle Mendès (1893). — L’Art d’aimer (1894). — La Maison de la Vieille, roman contemporain (1894). — Verger fleuri, roman (1894). — L’Enfant amoureux, nouvelles (1895). — La Grive des vignes, poésies (1895). — Le Chemin du cœur, contes (1895). — Rue des Filles-Dieu, 56, ou l’Heautonparatéroumène, nouvelle (1895). — L’Art au théâtre (1896). — Gog, roman contemporain (1896). — Chand d’habits, pantomime (1896). — Arc-en-ciel et Sourcil rouge, nouvelle (1897). — Contes choisis (1897). — L’Art au théâtre (1897). — Le Procès des roses, pantomime (1897). — Petits poèmes misses mis en vers français (1897). — L’Évangile de l’Enfance de N.-S. J.-C. (1897). — Le Chercheur de tares, roman contemporain (1898). — Les Idylles galantes, contes (1898). — Médée, drame antique, en trois actes (1898). — La Reine Fiammette, conte dramatique, en six actes, en vers (1898). — Le Cygne, ballet-pantomime (1899). — Briséis, drame musical, avec E. Mikhaël et Em. Chabrier (1899). — Farces (1899). — Les Braises du cendrier, poésies (1900). — L’Art au théâtre, troisième volume (1900).

OPINIONS4

Théodore de Banville

Philoméla ! un nom, un mot si doux, si triste à la fois, qu’il donne presque l’idée, en effet, de ce chant poignant et délicieux dont les nuits d’été s’enivrent, et dont le poète emprunte les notes enflammées pour faire parler l’ineffable et pour traduire la langue mystérieuse de l’amour :

Deux monts plus vastes que l’Hécla
Surplombent la pâle contrée
Où mon désespoir s’éveilla.

Solitude qu’un rêve crée !
Jamais l’aube n’étincela
Dans cette ombre démesurée.

La nuit ! la nuit ! rien au-delà !
Seule une voix monte, éplorée ;
Ô ténèbres, écoutez-la.

C’est ton chant qui emporte Borée,
Ton chant où mon cri se mêla,
Éternelle désespérée,
Philoméla ! Philoméla !

Tel est l’excellent et charmant morceau par lequel s’ouvre le livre lyrique de M. Catulle Mendès. N’y reconnaît-on pas tout de suite l’artiste savant et le poète de race ! Autre temps, autres chansons, dit Henri Heine ; et nous ne manquons pas de chansons en ce moment-ci, sans oublier les chansons de Mlle Theresa, célèbres au même titre que J’ai un pied qui r’mue, et que Ah ! zut alors, si Nadar est malade ; sous les décors bleus et autour des aquariums du moderne Parnasse, ce ne sont que gloussements et piaillements de toutes sortes ; mais le chant du rossignol est assurément devenu le plus rare de tous ; aussi l’hymne tendrement éploré de la nouvelle Philoméla a-t-il singulièrement stupéfié les premiers philistins qui l’ont entendu. On connaît la charmante anecdote de ce paysan disant avec fureur : « Je n’ai pas pu dormir ; il y avait là une canaille de rossignol qui n’a fait que gueuler toute la nuit ! » Peu s’en faut que le rossignol évoqué par le jeune et gracieux poète, M. Catulle Mendès, n’ait été injurié encore plus durement que celui-là.

[L’Artiste (1er février ).]

Nestor Roqueplan

La Philoméla de M. Catulle Mendès est un des livres les plus singuliers qu’il nous ait été donné de lire… La muse de M. Mendès cherche le beau et la lumière, et tombe dans le mal et dans la nuit, non involontairement et par imprudence, mais de propos délibéré. C’est un des aspects de son esthétique. De là, un effet crépusculaire et fantastique, effrayant et attrayant

[Le Constitutionnel (15 février ).]

Théodore de Banville

Avec son jeune visage apollonien, et son menton ombragé d’un léger duvet frissonnant que n’a jamais touché le rasoir, rien n’empêcherait ce jeune poète d’avoir été le prince Charmant d’un des contes de Mme d’Aulnoy, ou mieux encore d’avoir été dans la Sicile sacrée, à l’ombre des grêles cyprès et du lierre noir, Damoitas ou le bouvier Daphnis, jouant de la Syrinx et chantant une chanson bucolique alternée, si ses yeux perçants et calmes, et sa lèvre féminine, résolue, d’une grâce un peu dédaigneuse, n’indiquaient tous les appétits modernes d’un héros de Balzac. Son front droit, bien construit, que les sourcils coupent d’une ligne horizontale, est couronné d’une chevelure blonde démesurée, frisée naturellement, et longue comme une perruque à la Louis XIV. C’est sans doute d’une pareille chevelure dorée, ensoleillée et lumineuse qu’était coiffé le fils de la muse Calliope, quand cet excellent musicien déménageait les arbres tout venus par un procédé élégant et économique dont il n’a malheureusement pas légué le secret à nos jardiniers actuels.

[Camées parisiens ().]

Théophile Gautier

M. Catulle Mendès s’est lassé très vite de ces allures tapageuses et de cette gaminerie poétique… Il explique maintenant les mystères du Lotus, fait dialoguer Yami et Yama, célèbre l’enfant Krichdna et chante Kainadèva en vers d’une rare perfection de forme, malgré la difficulté d’enchâsser dans le rythme ces vastes noms indiens qui ressemblent aux joyaux énormes dont sont ornés les caparaçons d’éléphants.

[Rapport sur le progrès des lettres, par MM. Sylvestre de Sacy, Pant Féval, Th. Gautier et Ed. Thierry ().]

Francisque Sarcey

C’est une énigme (La Révolte, de Villiers de l’Isle-Adam), un rébus, un casse-tête qui vient de Chine, comme la poésie de M. Catulle Mendès.

[Le Temps ().]

Jules Barbey d’Aurevilly

Ce n’est pas tout à fait une « part de roi » que M. Catulle Mendès a prise hier soir dans la littérature dramatique du Théâtre-Français ; mais, ma foi, cela semblait presque celle d’un petit Dauphin… qui grandira et qui sera peut-être un jour, qui sait ? aimé comme un roi !…

[Le Figaro (23 juin ).]

Francisque Sarcey

La Comédie-Française donnait La Part du Roi, une saynète en vers de M. Catulle Mendès. M. Catulle Mendès est un des plus jeunes adeptes de la nouvelle école poétique. Il a un nom, et je crois que les Parnassiens le regardent comme un des saints les plus authentiques et les plus révérés de leur petite chapelle. Je crains qu’il n’en soit de la poésie des imitateurs de Hugo au théâtre comme de la musique des imitateurs de Wagner. L’Opéra-Comique nous convie à la représentation de Djamileh. Point de livret, une musique très distinguée et d’un tour parfaitement moderne. Mais sans mélodie, difficile à comprendre à d’autres qu’à des initiés ; pleine de détails curieux et fouillés ; mais ennuyeuse, oh ! mais ennuyeuse !… La Part du Roi est la Djamileh du Théâtre-Français. Du même au même.

[Le Temps (24 juin ).]

Guy de Maupassant

Les Poésies de Catulle Mendès : Il est si rare de rencontrer un livre qu’on aime parce qu’on y retrouve tout ce qui vous plaît, et la forme et la pensée, et toutes ces préoccupations d’artiste que beaucoup de poètes ne soupçonnent même pas.

[Lettres ().]

Paul Roche

Jamais nous n’avons vu, au théâtre, de drame aussi malsain et aussi dangereux (Justice). Jamais nous n’avons assisté à une représentation aussi lamentablement désolante… Que la censure, puisque cette institution existe, ait toléré la mise en scène d’un spectacle si bien fait pour énerver les âmes, pour leur donner l’admiration de ce crime qu’on a raison d’appeler le plus grand de tous, puisqu’il est le seul dont on ne puisse se repentir, — que la censure, disons-nous, se soit associée, en la laissant jouer, à cette sanctification du suicide, qu’elle ait donné son visa officiel à cette sorte d’hymne de la mort volontaire, et qu’elle ait permis qu’on la représentât comme une œuvre suprême d’honneur et même de religion, c’est là un acte sans excuse et contre lequel nous demandons une répression éclatante.

[Le Gaulois (mars ).]

Émile Zola

M. Catulle Mendès est une figure littéraire fort intéressante. Pendant les dernières années de l’Empire, il a été le centre du seul groupe poétique qui ait poussé après la grande floraison de 1830. Je ne lui donne pas le nom de maître ni celui de chef d’école. Il s’honore lui-même d’être le simple lieutenant des poètes ses aînés ; il s’incline en disciple fervent devant MM. Victor Hugo, Leconte de Lisle, Théodore de Banville, et s’est efforcé avant tout de maintenir la discipline parmi les jeunes poètes qu’il a su, depuis près de quinze ans, réunir autour de sa personne.

Rien de plus digne d’ailleurs. Le groupe auquel on a donné un moment le nom de « parnassien » représentait, en somme, toute la poésie jeune sous le second Empire. Tandis que les chroniqueurs pullulaient, que tous les nouveaux débarqués couraient à la publicité bruyante, il y avait, dans un coin de Paris, un salon littéraire, celui de M. Catulle Mendès, où l’on vivait dans l’amour des lettres. Je ne veux pas examiner si cet amour revêtait d’étranges formes d’idolâtrie. La petite chapelle était peut-être une cellule étroite où le génie français agonisait. Mais cet amour était quand même de l’amour, et rien n’est beau comme d’aimer les lettres, de se réfugier même sous terre pour les adorer, lorsque la grande foule les ignore et les dédaigne.

Depuis quinze ans, il n’est donc pus un poète qui soit arrivé à Paris sans entrer fatalement dans le cercle de M. Catulle Mendès. Je ne dis point que le groupé professât des idées communes. On s’entendait sur la supériorité de la forme poétique, on en arrivait à préférer M. Leconte de Lisle à M. Victor Hugo, parce que le vers du premier était plus impeccable que le vers du second. Mais chacun gardait, à part soi, son tempérament, et il y avait bien des schismes dans cette église. Je n’ai d’ailleurs pas à raconter ce mouvement poétique, qui a copié en petit et dans l’obscurité le large mouvement de 1830. Je veux simplement établir dans quel milieu M. Catulle Mendès a vécu.

Ses théories sont que l’idéal est le réel, que la légende l’emporte sur l’histoire, que le passé est le vrai domaine du poète et du romancier. Ce sont là des opinions aussi respectables que les opinions contraires. Seulement, lorsque M. Catulle Mendès aborde un sujet moderne et accepte ainsi notre milieu contemporain, il a certainement tort de le faire sans modifier ses croyances. Dans un sujet moderne, l’idéal n’est plus le réel, et cet idéal devient un singulier embarras. Pour obtenir du réel, il faut surtout avoir du réel plein les mains. Selon moi, Justice est l’œuvre d’un poète qui n’a pas songé à couper ses ailes, et que ses ailes font trébucher. Nous retrouvons là le chef de groupe, grandi dans un cénacle, avec le clou d’une idée fixe enfoncé dans le crâne… Le grand défaut de Justice est d’être une création en l’air, tout comme s’il s’agissait d’un poème… À quoi bon une thèse lorsque la vie suffit ? Comment M. Catulle Mendès, qui est avant tout un homme d’art, a-t-il pu vouloir descendre jusqu’à jouer le rôle d’un moraliste ?…

Voilà toute la vérité. Je la devais à M. Catulle Mendès, qui est un esprit distingué dont je fais le plus grand cas. Je la lui devais, d’autant plus que nous sommes dans deux camps opposés, et que toute complaisance de ma part aurait pu faire croire que je le traitais en adversaire peu sérieux.

[Le Bien public (mars ).]

Francisque Sarcey

Justice… Mais c’est là le contraire du théâtre !… M. Catulle Mendès appartient à une école qui prétend renouveler l’art dramatique, qui affiche le mépris des anciennes conventions et ne tient nul compte des critiques. Cela est plus commode que d’apprendre le métier, qui est difficile.

[Le Temps (mars ).]

Théodore de Banville

Quant à l’idée du drame Justice, elle a la gloire et aussi le tort, si je la comprends bien, d’être une idée purement abstraite, que l’auteur a traduite matériellement, cela va sans dire, sans quoi il n’eut pas fait une pièce de théâtre, mais qui, néanmoins, force le spectateur à lever les yeux un peu plus haut que le niveau ordinaire de la vie. Cette idée, voici comment, pour être clair, je la formulerais sous la forme d’un axiome : « La Justice absolue est, par sa nature même, essentiellement idéale et divine ; la Justice humaine ne peut et ne doit agir que d’une manière relative, et sans tenir compte de ce qui jetterait le trouble dans ses indispensables règles, car la société doit songer avant tout à sa conservation… » Telle est à peu près la situation de Valentin ; il a de toute façon et sous toutes les formes offensé les hommes et le devoir humain ; c’est Dieu seul qu’il a quelquefois essayé de satisfaire ; aussi est-ce seulement à Dieu qu’il peut demander la pitié, qui, dans l’ordre divin est la même chose que la justice. Et la plus tendre et consolante justice ne lui est pas refusée, car, chassé de la vie et forcé de se réfugier hors de la vie, il goûte la mort la plus délicieuse dans les bras de la vierge qu’il aime, et qui, non attendue, vient le surprendre et s’enfermer avec lui dans l’air de sa chambre close, qu’un subtil poison a rendu enivrant et meurtrier. Ah ! sans doute, Valentin veut persuader à Geneviève qu’elle doit fuir, le laisser expirer seul ; mais n’a-t-elle pas trop beau jeu à lui dire :

Toi !… tu n’as pas le cœur d’une épouse chrétienne,

Tu ne sais pas aimer comme aime une Silva.

… Cette longue scène, mouvementée, émouvante, pleine de surprises et de péripéties qui se passent dans la pensée et n’en sont que plus réelles (car rien de matériel n’est vrai), est une élégie tragique de la plus grande beauté, écrite d’un style précis dans l’idéal et dans le raffinement, et qui, à elle seule, accueillie comme elle l’a été par mille bravos enthousiastes, eût suffi à établir la réputation d’un écrivain. On en garde dans l’esprit quelque chose comme une de ces frémissantes apothéoses que M. Catulle Mendès lui-même a su rendre visibles, par la magie des mots, dans son beau poème d’Hespérus.

[Le National ().]

Alphonse Daudet

Ce qu’il faut surtout louer dans l’œuvre de M. Catulle Mendès (Justice), c’est la forme littéraire dont il a su la revêtir. À part quelques expressions qui conviennent plus au livre qu’au théâtre et sont trop raffinées pour dépasser la rampe, toute la pièce est écrite dans une très belle langue pleine de pensées et d’images. Nous avons entendu dire que ce n’était point là le style du théâtre ; mais tel n’est pas notre sentiment. Sous le prétexte de faire parler les gens à la scène comme ils parlent dans la vie, on nous a depuis longtemps habitués à toutes les trivialités, à tous les bégaiements de la phrase, et il faut savoir gré aux écrivains qui protestent contre cette tradition funeste à la littérature dramatique.

[Le Journal officiel (mars ).]

Julia A. Daudet

M. Catulle Mendès vient de publier un beau volume in-8º, contenant toutes ses œuvres, depuis les premiers vers du poète, au rythme élégant, à la vive allure, légèrement inspiré de Th. de Banville, jusqu’aux Poèmes épiques d’un si fier langage Jusqu’à Hespérus et au Soleil de minuit où l’auteur donne complètement sa note originale. M. Catulle Mendès est un artiste merveilleux ; il possède la science du mot élevé et juste et sait toujours maintenir son inspiration à la hauteur où il la place ; il a trouvé, surtout dans les Poèmes épiques, des vers superbes et qui s’imposent à la mémoire, de ces vers qui semblent écrits dans le texte en caractères plus gros, tellement l’œil s’arrête sur eux, attiré par la forme des mots, leur arrangement, tout ce qui fait le dessin d’un beau vers avant que la musique en soit intelligible.

[Impressions de nature et d’art ().]

Auguste Vitu

Les Mères ennemies : Cette situation émouvante et neuve est d’un irrésistible effet. Quelles que soient mes réserves sur ce qui va suivre, je me plais à dire qu’une pareille scène aussi largement conçue que hardiment exécutée atteste la présence, chez M. Catulle Mendès, de hautes facultés littéraires qui permettent de tout espérer de lui…… C’est un plaisir pour moi de constater le succès éclatant d’une œuvre incomplète mais de haute valeur, intéressante, élevée, pathétique, servie par un style magistral auquel on ne saurait reprocher que son excessive vérité de facture et l’abus de détails trop amoureusement caressés.

[Le Figaro (novembre ).]

Francisque Sarcey

Tel est le drame bizarre, incomplet (Les Mères ennemies), incohérent, où éclatent deux ou trois belles scènes d’opéra, à travers des inexpériences et des puérilités singulières. Le style est d’une facture très savante, mais il est laborieux et tendu. Sa simplicité même en est voulue, avec des affectations de profondeur ou de sublimité.

[Le Temps (20 novembre ).]

Stéphane Mallarmé

Vous êtes le seul à avoir fait le poème proprement dit (Hespérus), qui a plusieurs centaines de vers, le seul de nous autres ; et pas qu’une fois. Or, c’est la forme suprême, incontestablement ; et celle qui prouve son homme. Je vous félicite beaucoup. Tenir une heure durant quelqu’un sous le charme d’une histoire rare et magnifique dite en paroles rythmées, voilà ce qui ne vous est pas étranger, et à quoi vous avez droit été, cela, avec l’incroyable talent que vous mettez partout, vous fait des aujourd’hui une place à part ; et, Les Poésies de Catulle Mendès, ce titre signifie parfaitement ce qu’il dit.

[Lettres (8 décembre ).]

Stanislas de Guaita

Hespérus, ce poème rayonnant de toutes les splendeurs de l’illuminisme svedenborgien, est unique dans notre langue. Là, Catulle Mendès est grandiose dans le mysticisme ; ailleurs, il est beau de mâle énergie. Ses lieders sont d’un charme félin et d’une perverse innocence vraiment irrésistibles. — Que dire encore ? Il a parcouru toutes les notes du clavier, mais d’un clavier à lui, au timbre imprévu, puissant et mièvre.

[Rosa mystica, préface ().]

Octave Mirbeau

La psychologie littéraire de M. Catulle Mendès, malgré les apparentes complications que suppose la diversité de son œuvre, est aisée à fixer. Elle se résume en un mot et un fait, lesquels n’ont besoin d’être expliqués, parce qu’ils portent en eux une évidence et une certitude. M. Catulle Mendès est un poète. Depuis les Contes épiques aux larges envols ; depuis le mystérieux et métaphysique Hespérus ; depuis les boréales splendeurs et les saignantes neiges du Soleil de minuit ; depuis Pagode, évoquant l’immémoriale énigme des farouches divinités de l’Inde, accroupies parmi les flammes, au fond des temples et tout embrasées d’or, où les strophes ont des sonorités de gong et des rythmes inquiétants de danses sacrées ; depuis les rires ailés, les mélancoliques sourires et les grâces attendries de l’Intermède ; depuis les Soirs moroses, où sont pleurés, avec quelle magnifique et douloureuse tristesse, les lassitudes, les souffrances, les effrois de l’amour et du doute, jusqu’aux modernes paysages dans lesquels la Grande Maguet dresse sa terrible silhouette de sorcière sublime, M. Mendès a fait œuvre de poète. Poète en ses drames que gonfle un souffle énorme (l’épopée ; poète en ses études de critique, où il dit l’âme et le prodigieux génie de Wagner ; poète en ses fantaisies légères d’au jour le jour, harmonieuses et composées ainsi que des sonnets, en ses contes galants où, sous les fleurs de perversité et les voluptés féeriques et précieuses des boudoirs, percent parfois le piquant d’une ironie et l’amer d’un désenchantement ; poète en ses romans, surtout avec Zohar, aux baisers maudits ; même avec la Première maîtresse, et qui ne craint pas de descendre jusque dans le sombre enfer contemporain de nos avilissements d’amour, tout arrive à son cerveau en sensations, en visions de poète ; tout, sous sa plume ; se transforme en images de poète, exorbitées et glorieuses, la nature, l’homme, aussi bien que la légende et que le rêve.

[Le Figaro (29 juin ).]

Jules Tellier

Il y a des pièces, dans son œuvre, où il est lui, vraiment ; et elles sont délicieuses ; Je ne crois pas qu’il ait d’égaux dans le rondel, dans le sonnet, dans le madrigal, dans les chansons d’amour, dans ce qu’on nommait autrefois « les petits genres ». Il est admirable dans les bagatelles ; et s’il y a un « sublime » du joli, comme La Bruyère n’était pas loin de le penser, il est sûr qu’il l’a souvent atteint.

[Nos poètes ().]

Paul Hervieu

Il faut avoir dans les veines le plus pur-sang de littérature pour engendrer Zôhar ou Grande Maguet, ou la Femme enfant de l’admirable poète qu’est M. Catulle Mendès.

[Cité dans l’Enquête sur l’évolution littéraire ().]

Marcel Fouquier

M. Catulle Mendès est un poète toujours ; il n’est jamais plus poète que si, dans l’expression d’une délicate pensée ou d’un sentiment héroïque, il consent à être simple. Il n’y consent pas souvent. Mais tel qu’il est, avec sa multiple virtuosité, c’est un grand classique de la Décadence.

[Profils et portraits ().]

Anonyme

M. Catulle Mendès, soucieux de ne pas laisser les lecteurs de l’Écho de Paris privés de poésie, après leur avoir offert exceptionnellement G. Rodenbach et E. Haraucourt, éprouve le besoin de rimer, avec moins de génie et plus de chevilles, si c’est possible, que feu M. de Banville, des odelettes sur des traits d’actualité, ou des sujets voluptueux, mais d’une sûre vacuité.

[Entretiens politiques et littéraires (mai ).]

Albert Samain

Un charmeur ; une grâce légère, brillante, enlaçante, sensuelle, parfumée, quelque chose comme « du rosolio sucé dans une flûte mousseline », ainsi qu’il l’a écrit lui-même dans une adorable petite pièce. Cela simplement ? Non point. Une hautaine clameur d’épopée aussi, et de fulgurantes parades avec l’épée à deux mains héritée du Charlemagne du romantisme. C’est avec ce côté héroïque de la poésie du maître que les deux premiers volumes nous font refaire connaissance, et il faut proclamer qu’Hespérus, les Contes épiques, le Soleil de minuit, les Soirs moroses sont de très nobles poèmes, de perfection achevée ; d’imagination flambante et grandiose. Dans le troisième volume, Catulle Mendès paraît avoir abandonné un peu le mode épique pour se livrer à la confection des plus délicates orfèvreries. Tous ces rondels, villanelles, odelettes sont d’un pimpant, d’un scintillant, d’un chatoyant merveilleux. Impossible d’aller plus loin dans l’assemblement mélodieux des rimes, dans la virtuosité menue et fleurie du badinage. C’est l’enchantement du joli ; et le poète serait sans conteste le premier si la poésie n’avait d’autre mission que de briller comme un bijou. Mais quelque lassitude se mêle à cette ivresse quasi physique ; et après toute cette débauche de gentillesses fondantes, de strophes musquées, d’odelettes glacées à la framboise, on aspire violemment après le verre d’eau pure d’une simple émotion. L’émotion : voilà ce que Catulle Mendès semble avoir souci de fuir à tout prix.

[Mercure de France (novembre ).]

Anatole France

M. Catulle Mendès est un voluptueux ; mais il est aussi et surtout un mystique. S’il a parfois souillé à l’oreille de Ninon des secrets que Ninon elle-même ignorait et qui la firent rougir jusqu’au lobe délicat de ses oreilles, il a dit dans Hespérus la joie du renoncement et annoncé l’Évangile de l’enfance. S’il faut absolument chercher la figure de ce poète excellent dans l’iconographie chrétienne, j’arrangerai tout peut-être en choisissant cette figure des catacombes où l’on voit le Christ en Orphée charmant les animaux des sons de sa lyre. La lyre mystique et fée n’a livré tous ses secrets qu’à M. Catulle Mendès. Il est poète et toujours poète, et quand il écrit des romans, c’est Apollon chez Balzac.

[La Vie littéraire ().]

Paul Verlaine

J’ai reçu avant-hier les trois volumes de vos poésies complètes et je sors de les relire. Je connaissais la plupart de ces beaux vers, quelques-uns depuis presque mon enfance, car je vous suis depuis la Revue fantaisiste, mais quel plaisir sans pair que de faire connaissance à nouveau avec eux 1 Quant à ceux très rares, que je ne savais pas encore et qui datent des époques où j’étais absent de France et de toute littérature, je les ai dévorés et redévorés à belles et bonnes dents : aussi, ce régal !

J’aime Philoméla de jeunesse, si je puis ainsi parler, aussi les Sérénades, aussi les Soirs moroses. J’admire en toute ferveur néo-parnassienne la Pagode, qui fut jadis l’œuf d’un gros volume à finir, Mendès, à finir ! le Livre des Dieux, si ma mémoire est bonne. Hespérus est un mystérieux et si lumineux chef-d’œuvre et le Soleil de minuit votre note peut-être la plus forte avec les Contes épiques.

Vous avouerai-je maintenant que j’adore votre troisième volume, surtout les heureusement si nombreux poèmes d’amour et de joie ? Cette prédilection me vient-elle de ce que, moi aussi, j’éprouve, plus qu’au milieu d’une carrière si aventureuse et parfois douloureuse, comme un regain d’adolescence dans cet été comme de la Saint-Martin où j’entre quelque peu fourbu, mais si plein de bonne volonté !…

[Lettre (13 septembre ).]

Bernard Lazare

M. Catulle Mendès qui n’a certainement jamais voulu exprimer, soit dans ses vers, soit dans sa prose, la moindre idée.

[Entretiens politiques et littéraires (25 mars ).]

Guy de Maupassant

Le poète aux intentions mystérieuses, frère d’Edgar Poe et de Marivaux, compliqué comme personne et dont la plume, soit qu’il fasse des vers, soit qu’il écrive en prose, est souple et changeante à l’infini.

[Le Gil Blas ().]

Ad

Le poème de Gwendoline est dû à la plume de M. Catulle Mendès. C’est assez dire que nous n’avons pas affaire à l’habituel et plat livret si souvent subi. M. Catulle Mendès a écrit des vers chauds, colorés, d’un rythme très habilement varié, et il a offert au musicien des situations intéressantes, dramatiques, passionnées… M. Emmanuel Chabrier a tiré un admirable parti de ces situations si franches et si claires. Sa musique, joyeuse et passionnée tour à tour, s’adapte à tous les contours du poème. Elle le souligne, elle le soulève jusqu’à produire cette émotion intense et sincère que, seules, procurent les grandes œuvres. Rarement l’école française nous a donné un exemple plus complet de ce que peut l’inspiration unie à la science. Car il faut entendre et réentendre Gwendoline pour en connaître à fond les merveilles harmoniques.

[Le Temps (29 décembre ).]

Pierre Veber

À coup sûr les pantomimes de M. Catulle Mendès garderont leur charme précieux et spécieux de petits poèmes animés. Lorsque, de leur propre poids, les Mères ennemies seront tombées au fond de l’oubli, le Docteur Blanc surnagera.

[Revue blanche (15 avril ).]

Léon Daudet

Le principal élément de beauté dans la littérature c’est la puissance vitale. Balzac nous paraît dominateur par ces accumulations de faits soutenus par des pyramides d’idées qui donnent à chacun de ses romans une force égale aux drames de Shakespeare. Honneur à ceux dont l’œuvre nous accable, nous pétrit, laisse notre mémoire bouillonnante et même fatiguée !…

C’est une magie de cet ordre qui met hors de pair le nouveau livre de M. Catulle Mendès : La Maison de la Vieille.

… Le style de M. Mendès est d’une prodigieuse adresse. Il a toutes les audaces et tous les détours ; sa rapidité est frénétique. Ce sont des enfilades d’incidentes dont la série ne se perd et des abréviations d’une saveur aiguë. On y trouve avec joie des élans lyriques. Le lyrisme dispose d’effets sublimes dont notre époque s’est privée on ne sait pourquoi, par une vague crainte du ridicule qui a paralysé bien des écrivains.

M. Mendès ne craint pas de se mêler à la multitude qu’il a créée, insultant les uns, louant les autres, consolant, bravant et cravachant. Marcher dans le sens de la nature tout est là. Le reste n’est que contrefaçon. Un vigoureux talent, une observation perpétuelle, une ardeur alerte, voilà ce qu’on remarque dans la Maison de la Vieille, et qu’on ne croît pas que ce livre est décousu ; malgré son grouillement, il est systématique et construit de main d’ouvrier.

[La Nouvelle Revue (juillet ).]

Ferdinand Brunetière

C’était M. Mendès lui-même, avec la prestigieuse souplesse d’un talent qui a su se hausser jusqu’à la plus noble puissance épique dans son poème suedenborgien d’Hespérus, digne pendant poétique de la Séraphita de Balzac.

[Études et portraits ().]

Lucien Muhlfeld

Dans Rue des Filles-Dieu, 56, M. Mendès s’est exercé à une petite histoire de psychologie morbide. Il a excellé dans la finesse d’analyse comme dans le décor et le lyrisme. Le Poe de la Lettre volée, le Maupassant des derniers contes revivent ici, mais en désinvolture pittoresque. Et ce n’est pas un des moindres tours de force du prestidigitateur Catulle Mendès que d’avoir — amalgamant en adroit romantique le cocasse et le tragique — tenté et réussi un Cauchemar amusant.

[Revue blanche (juin ).]

Paul Verlaine

Philoméla me transportait par sa malice initiale et sa miraculeuse outrance dans l’ordonnance magistrale du rythme dur et sur et de la rime toujours correcte sans grimace inutile vers une richesse bête.

[Confession ().]

Edmond Rostand

Sur la Grive des vignes :

Ah ! poète, merci du livre
Qu’aujourd’hui le facteur me livre !
Vive ta Grive qui s’enivre !

Et merci, puisque tu m’as mis
Parmi ceux, qui, de tes amis,
N’auront pas reçu d’un commis

Aux noires manches de lustrine
Le volume à couleur citrine
Qui fut l’honneur de sa vitrine.

Donc, ta Grive, elle exorcisa,
Lorsque déjà je songeais à
Mourir de mon influenza,

Ces menus démons, les microbes !
Je renais ; mal, tu te dérobes ;
J’entends des murmures de robes ;

Je suis frôlé par des frisons ;
Les murs des chambres, mes prisons,
Se peignent d’heureux horizons ;

Les rires tintent, en clarines,
Je vois des lèvres purpurines,
Au diable les antipyrines !

Le jus qui ta Grive soûla
Et dont encore, au bec, elle a,
Vaut mieux que du vin de kola.

Crois donc à ma reconnaissance,
Car tes vers, élixir, essence,
Ont hâté ma convalescence.

Vive ta Grive dont la voix
A des refrains qu’un Genevois
Pourrait parfois trouver grivois !

Il suffira d’un jour pour qu’elle
Attire une longue séquelle
Chez Charpentier et chez Fasquelle.

Ces vers légers, qu’ils sont profonds !
Qu’ils sont tendres, ces vers bouffons !
Vraiment nous nous ébouriffons !

Cette folle Grive des vignes
À chaque page, par d’insignes
Délicatesses, tu la signes.

Et que tu dises Eleutho,
Ou quelque belle de Watteau,
Ou Jeanne, du dernier bateau ;

Que ton marteau d’or pur concasse
Du sucre sur quelque cocasse
Ou que, dans une dédicace,

Tu divinises la Sarah
Que Paris perdit, mais qu’il l’a,
La Seule qui toujours sera ;

(Car Elle fut, en sa cathèdre,
Gismonde, Izëyl sous son cèdre,
Et, sous son laurier-rose, Phèdre !)

Que tu décrives tout un kiss
Avec un tel Ne quid nimis
Que pourrait te lire une miss,

Ou qu’à Ponchon lorsqu’il balance
Son demi-sans-faux-col par l’anse,
Tu donnes le prix d’excellence ;

Que tu racontes, en tes Jeux,
Non lassé par cinq corps neigeux,
Le page six fois courageux,

Ou sertisses des confidences
En de fins rondels, et cadences
Des mots sur de vieux airs de danses ;

Que tu nous montres Pierrot, vif.
Sautant jusqu’à la lune, et… pif !
L’enfilant du bout de son pif.

Ou Peppa qui s’embobeline
Dans une pâle manteline ;
Que du jeune et cher Courteline

Tu nous chantes le juste fos,
Ou que tu piques jusqu’à l’os
Brunetière et Monsieur Buloz ;

Toujours ta grâce reste sûre ;
Tu jongles sans une blessure
À l’Art noble ; ton goût rassure ;

Tu fais toujours, divin pervers,
Loucher tous les poètes vers
La perfection de ton vers ;

Car il est le tissu qui : tulle
(Mot vraiment ailé), s’intitule,
Moins léger que ton vers, Catulle !

La taille même de Brandès,
Elle est, en sa souplesse d’S,
Moins souple que ton vers, Mendès !

Vive donc votre ivresse, et vive
Votre chant, Madame la Grive,
Par qui la guérison m’arrive !

Oui, selon les ordres dictés,
Par le poète à vos gaîtés,
Vous riez et vous culbutez ;

Nulle pudeur ne vous endeuille,
Et votre bec, aux vignes, cueille
Le grain toujours, jamais la feuille ;

Vous culbutez et vous riez
Dans les soirs de pourpre striés
Qui pour nous sont tous fériés…

Mais, clairs accords, gammes de lyres,
Zigzags de Sylphes en délires.
Quelles culbutes et quels rires !

Ah ! pour que vos rires soient tels,
Il faut qu’aux pampres immortels
Votre bec ait mis ses coutels !

Et c’est sur les célestes buttes,
Le nectar même que vous bûtes,
Grive, pour faire ces culbutes !
[Journal (23 février ).]

Paul Adam

Gog ne le cède point à l’Assommoir pour exprimer le tumulte et l’agitation des foules ; la Maison de la Vieille est bien supérieure à l’Œuvre, pour dire en quel terreau peut éclore la mentalité, et de quelles forces mises en faisceau par le hasard de la faim et de la sympathie se forme une phalange alerte pour gagner à l’assaut des esprits le verger de la bonne soif. Autant que la Faute de l’abbé Mouret ou la Joie de vivre, le Roi vierge fit saisir aux mains actives l’inanité charmante des chapeaux de rêve. Mais si Zola détruisit de loin sans offrir à ses milices la consolation du pillage, Mendès apprit aux jeunes hommes à savourer le plaisir sur les ruines de l’hypocrisie et derrière la déroute du mensonge. Il y a dans Gog moins de tristesse que de gaîté puissante, quasi rabelaisienne. Les hommes se ruent aux femmes, à l’argent, à la nourriture, au trône et à Dieu en se grisant de fanfares ou de voix d’orgues. Nous ne sentons pas le besoin de les plaindre. Leur vie est intense. Ils cueillent à toutes treilles.

Ils récoltent chacun selon son effort. Ils sont sur l’ennemi. Ils en vivent. Ils ne l’anéantissent pas seulement. À la tête de ses voluptueuses, de ses satyres, de ses bohèmes, de ses rois extatiques, de ses moines hallucinés, Mendès est lui-même le Christ de cet assaut qui crie aux troupes : « Frappez et on vous ouvrira ».

Son geste enthousiaste rejette en arrière sa chevelure d’archange dont les boucles se mêlent, dans l’élan, aux bouts battants de sa cravate lâche en soie blanche.

De ses épaules les habits volent, manteaux où s’engouffrerait le veut contraire à sa course victorieuse. Il entraîne. Il pleure de joie. Il excite. Il répand et il embrasse. Il brandit son épée. Il escalade l’échelle de soie. Il chante la mélodie de cent rimes. Il pourfend et il s’indigne. C’est un tourbillon chatoyant de vigueurs juvéniles, multiples et différentes, mirées aux yeux innombrables des amoureuses.

[Revue blanche (15 mai ).]

Rachilde

Gog : Enamourés tous les deux des choses du divin, ces deux esprits si opposés, Villiers et Catulle Mendès, en même temps amis intimes et adversaires l’un à l’autre également redoutables, liés normalement par la parité de leur merveilleuse puissance de travail, et non moins normalement séparés par leur différente compréhension du mystère, ces deux hommes terribles pouvaient seuls, au monde des lettres, concevoir la terrible idée d’une substitution de Dieu. Villiers est mort ; assez tôt pour demeurer, selon le jugement égoïste des jeunes générations, le génie pur par excellence. Mendès vit ; toujours battant l’enclume de diamant de la pensée romantique, il continue la belle tradition du poème-légende, et, peut-être, pour cela surtout que sa poigne implacablement vigoureuse fait jaillir encore l’étincelle divine, nombre de jeunes ont l’air de lui reprocher de rester… après l’Autre. Ce n’est pas logique. Gog contient une idée géniale. Il fallait donc écrire ce livre. Puisque Villiers est mort, pourquoi voudrait-on que Mendès ne l’eût pas écrit ?

[Mercure de France (mai ).]

Gustave Kahn

C’est parallèlement aux romans de MM. de Goncourt, Daudet et Zola qu’il faut étudier les romans de Catulle Mendès. Le roman romanesque où se plaît M. Anatole France est d’autre nature, et, s’il est bien distinct du roman naturaliste, il l’est au moins autant de la Maison de la Vieille, de la Première Maîtresse ou de Gog. Le roman de M. France est en général bien fait, fin, réticent, ironique, suggestif ; il n’a jamais la forte coulée, le brouhaha ordonné, l’harmonie complexe d’un roman de Mendès.

Dans les premières œuvres, mettons hors de pair Pierre le Véridique ; avec sa langue contournée, précieuse, sa surcharge presque d’expressions d’atmosphère et de mots chronologiques, il reste la meilleure évocation que nous ayons de l’ancienne civilisation de langue d’oc, avant l’invasion du Nord.

Les personnages en sont peut-être mièvres, mais vivants, gais ou douloureux, probables, en place plus sans doute que des personnages de tapisseries au geste lent parce que figé, d’un procédé trop immobile. Dans le Roi vierge, il faut choisir, pour lui rendre justice, le beau personnage de Gloriane et l’agile silhouette de Brascassou relevé de toute sa louche agilité, cette statue de chair vive, cette reine d’opéra. La première vision de Gloriane, dans la ville de Navarre où les cheveux d’or flambent dans le plus ensoleillé des décors, doit être retenue. Ce n’est point que des beautés ne se trouvent éparses dans les premiers romans de Mendès. Il y a, au travers des histoires du Clown Papiol, une belle symphonie de Paris ; de jolis contes dans les Folies amoureuses, des scènes héroïques dans les Mères ennemies ; mais ce sont promesses et prémices à côté des dernières réalisations : la Maison de la Vieille et Gog.

[Revue blanche (1er avril ).]

A.-Ferdinand Hérold

Chand d’habits est une œuvre puissante, aimable quelquefois, le plus souvent terrible, et, au dénouement, grandiose. Plusieurs scènes en sont vraiment belles : la scène, entre autres, où, à contempler le sabre qu’il a dérobé, par jeu, au Marchand d’habits, Pierrot conçoit l’idée du meurtre, et celle où, tandis qu’il tient enlacée Musidora, lui apparaît le spectre de l’homme assassiné. Tout le troisième tableau est d’un tragique terrible et majestueux. Comme pantomime, Chand d’habits nous semble un chef-d’œuvre.

[Mercure de France (juin ).]

Georges Courteline

Du temps que j’étais écolier, cancre invétéré de rhétorique en ce petit collège de Meaux que déjà le poète Jacques Madeleine émerveillait de ses sonnets, si on était venu me dire qu’un jour je présenterais au public un livre de Catulle Mendès, j’eusse haussé les épaules et répondu « vous me faites rire », sans l’ombre d’une hésitation. Je devais pourtant connaître cet honneur. C’est à l’humble auteur de Lidoire que l’auteur de Panteleïa , des Mères ennemies et de tant d’autres chefs-d’œuvre absolus en leur perfection a daigné confier la préface du très beau livre que voici, et si je m’étonne modérément, à ce témoignage nouveau d’une amitié capable de tout, je sens défaillir au fond de moi, de stupéfaction et d’orgueil, le rhétoricien de jadis.

Vu à travers la majesté de Imprécations d’Agar, à travers la splendeur de Pierre le Véridique, où les phrases sont pareilles à de frêles guirlandes tressées de pâquerettes, de boutons d’or, de myosotis et de toutes petites roses, Mendès m’apparaissait comme une espèce de dieu, tout en rayons, planant au-dessus de la foule. Je me l’imaginais claustré, ainsi qu’un simple Fils du Ciel, au fond d’un farouche lyrisme, où il vivait, muet solitaire, refusé aux regards des profanes ; — car je ne doutais pas qu’il se tînt à l’écart de la conversation des hommes, faite, selon moi, pour écœurer de nausées son absolutisme hautain de chantre éternellement visité par la Muse. Candeurs de la seizième année, ingénues et saugrenues !… C’est sous ces apparences dénuées de complications que je me représentais l’être exquis, de douceur et de simplicité, qui devait devenir non seulement le plus fidèle de mes amis, mais encore le plus délicieux et le plus jeune de mes camarades.

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J’écrivais ces lignes l’an dernier. En ajoutant comme je le faisais : « Il y a d’ailleurs tout à attendre du cerveau extraordinaire qui enfanta tant de merveilles », je savais ce que je disais, et, à la fois, je ne croyais pas si bien dire ; n’ayant pas lieu de supposer qu’à quelques semaines de là l’événement donnerait raison — avec quel retentissement ! — à ma perspicacité.

C’est en effet, au mois de mai 1895, que Mendès publia son premier compte rendu dramatique : un compte rendu qui fut un compte réglé à je ne sais plus quelle opérette dont la célébrité égalait la niaiserie, en vingt lignes qui riaient comme des folles, faisaient des blagues comme des rapins et montraient leurs derrières comme des femmes mariées. Trois jours plus tard, en trois épaisses colonnes accouchées entre messe et vêpres, d’un jet, sous l’impérieuse et furibonde poussée de N.-D. l’Inspiration, il déshabillait les Demi-Vierges d’une main accoutumée à ce genre d’exercice, et livrait, superbe d’audace, à l’effarement de l’aréopage, leur nudité délicate et scabreuse. L’article fit un beau tapage, tombé dans la mare aux grenouilles de la critique contemporaine, où quatre crétins, onze ratés, deux prophètes, huit philosophes, revenus des erreurs de ce monde, et soixante-quatorze bons garçons équitablement partagés entre la crainte de peiner un ami et le désir bien légitime de ne pas compromettre leurs titres à la réception d’un lever de rideau, disputaient à notre Bon Oncle l’honneur de rectifier le tir. Ces messieurs s’entreregardèrent, puis, à l’instar du marquis Ubilla au troisième acte de Ruy Blas :

Fils, dirent-ils, nous avons un maître.

C’était cent fois mon avis ; et tout Paris, déjà, le partageait avec moi, saluant en ce dernier venu le triomphe du premier arrivé.

Ainsi tient dans le creux de la main l’historique de cet Art au théâtre dont notre ami Eugène Fasquelle lance aujourd’hui la première édition, qui sera suivie de tant d’autres : livre extraordinairement nouveau, tout à fait beau, je le répète, débordant de bonne foi, ce qui est bien, et de foi, ce qui est encore mieux, et où alternent avec un égal bonheur les envolées et les culbutes, les coups d’aile et les coups de bâton. Cent fois digne du grand artiste qui l’emplit non seulement de sa verve charmante, mais encore de son radieux, de son lumineux bon sens, il m’apparaît comme une des expressions les plus définitives de son génie et de sa noblesse, car il n’en est pas une page, il n’en est pas une ligne, un mot, qui ne hurle, ne chante, ne proclame le triomphe et la gloire des Lettres !

[L’Art au théâtre, préface ().]

Charles-Henry Hirsch

Les traditions généreuses qui sont un legs du romantisme revivent par vous, Monsieur Mendès ! La voix qui inspirait les admirables critiques de Théophile Gautier dicte aujourd’hui vos articles. Vous y recherchez la vérité, vous y vivez pour le triomphe de l’idéal avec une passion que nos confrères ni leur « prince » n’ont connue ; avec une érudition qui humilie même les ignorants et avec ce vrai Bon Sens qui se défend d’être l’opinion moyenne, car il appartient aussi aux poètes !

Quand vous êtes né aux lettres, Hugo, radieux, était déjà le Maître vénéré, le Père accueillant. Il vous fallait un héros, comme à Byron : vous avez, l’un des premiers, reconnu le génie de Richard Wagner ; son apothéose éblouissante n’est pas le moindre de vos titres à la gratitude des artistes et à la gloire qu’elle vous donne !

[Discours prononcé à la soirée offerte à M. Catulle Mendès par les jeunes écrivains (22 avril ).]

Paul Ginisty

Votre enthousiasme est communicatif, vous faites jaillir la flamme partout… Vous avez vu avec quel entrain, quel zèle, je dirai aussi quelle joie, les artistes de l’Odéon se sont voués à l’œuvre qui était entreprise, en donnant plus que leur talent, leur âme, retrouvant cette ivresse sainte de la poésie que vous savez si noblement inspirer, car vous croyez avec raison qu’il y a un prestige magique dans la beauté du vers. C’est pourquoi, si simplement, sans nul artifice de mise en scène, sans qu’ils offrissent le moindre spectacle, nos samedis populaires de poésie ont si bien réussi.

[Discours prononcé à la soirée offerte par les jeunes écrivains (22 avril ).]

Fernand Weyl

Quand parut le premier poème de Catulle Mendès, Sainte-Beuve, un peu effrayé et très certainement séduit, résuma son jugement en cette exclamation : Miel et poison ! Nous ne sommes plus habitués à cette forme de critique ; mais Sainte-Beuve ne manquait pas de perspicacité. L’originalité de Catulle Mendès, c’est d’être un poète à la fois doux et brutal, tendre et cruel, naïf et pervers ; toute son œuvre, romans, vers, drames et comédies, atteste ce contraste : il aime les fleurs et les oiseaux, l’air pur, le ciel bleu, la nature claire des contes de fées, mais il se complaît aussi à la vue des Parisiennes en pantalon de dentelles et dont les jupons frissonnent de blancheur. Il évoqua amoureusement Jo, Lo et Zo et défendit contre tous l’œuvre de Wagner. Il aima à la fois la rudesse des temps barbares, la civilisation affinée de l’antique Grèce et la gracieuse décadence de Paris ; son intelligence et ses sens vibrèrent à toutes les beautés, et s’il nous est cher, c’est parce qu’il ne se confina pas en une manière, parce qu’il fut toujours un artiste sincère et bien vivant. Jamais il ne méprisa une tentative et un effort ; et toujours il jugea avec modération les nouveautés, même celles qu’il ne comprenait pas. N’ayant pas, comme tant d’autres, une foi absolue en l’infaillibilité de son esprit, il cherche patiemment à s’initier aux ouvrages qui lui sont mystérieux.

[La Revue d’art dramatique ().]

Henry Fouquier

Médée est l’œuvre noble d’un poète qui croit que l’étude des passions éternelles transportées dans le monde de la légende, s’exprimant en une belle langue, dramatique et lyrique à la fois, interprétée, et j’ajoute : mise en scène par une tragédienne et une artiste incomparables, peut encore plaire à un public très désorienté et le rallier à une pure œuvre d’art. Croire ceci, c’est déjà bien. Faire du rêve une réalité par le succès, c’est mieux encore ; et je ne cache pas la joie que j’éprouve à entendre applaudir un drame qui ne cherche pas à réussir en offrant à la foule incertaine et qu’il faut chercher à ramener vers les sommets, l’appât de quelque curiosité vulgaire.

[Le Figaro (29 octobre ).]

Francisque Sarcey

(Sur Médée.) Le drame de M. Catulle Mendès vaut moins par l’intérêt du poème, par l’étude psychologique des sentiments et des caractères que par un grand sens du pittoresque et en même temps par un emportement extraordinaire de passion physique. La langue en est somptueuse, éclatante, un peu précieuse et obscure par endroits ; le vers est toujours d’un maître ouvrier qui possède et manie avec une incomparable habileté tous les secrets du rythme…

[Le Temps (31 octobre ).]

Lucien Muhlfeld

… Ah ! que j’applaudis M. Mendès qu’il n’y ait point en sa Médée trop de « beaux vers », vous savez des alexandrins lapidaires (et si faciles !) qui rebondissent comme un aérolithe dans un champ de betteraves. Médée est d’une beauté poétique continue et harmonieuse. L’ouvrier de conscience et de savoir unique qui « instrumenta » ce poème, en modula les chants suivants la variété infinie des sentiments qu’il voulait exprimer. Selon le mouvement du drame, le vers jaillit violent tour à tour ou badin, ou sensuel, ou dramatique, ou cruel, ou familier, ou légendaire.

[L’Écho de Paris (octobre ).]

Robert Gangnat

Telle est la tragédie d’Euripide, telle est aussi la Médée de M. Mendès, qui a traduit les emportements et les désolations de l’enchanteresse légendaire en une langue poétique d’une réelle puissance et d’une richesse d’images infinie. Les vers ne sont peut-être pas toujours d’une clarté absolue, mais, même en ces quelques passages où la pensée du poète apparaît un peu confuse et parée de métaphores trop éclatantes, le rythme et l’harmonie y demeurent d’un charme si prenant, que nous subissons une impression sans songer à l’approfondir.

[Le Matin (octobre ).]

Émile Faguet

(Médée.) M. Mendès a suivi pas à pas Euripide, et pourtant il a trouvé une péripétie centrale qui change complètement la marche de l’action et qui donne à la tragédie comme un coup de barre et à la fois une direction nouvelle et une impulsion et qui ranime l’intérêt au moment où il commençait à languir. Oh ! ce n’est rien, c’est très simple, mais il fallait s’en aviser. C’est l’œuf célèbre… Il y a une autre manière d’être original, c’est d’écrire bien. La pièce de M. Catulle Mendès est souvent écrite en très beaux vers. Il y en a de vraiment tragiques, de ces vers condensés et forts qui frappent le public en plein contact et le font tressaillir.

[Les Débats (octobre ).]

Henry Fouquier

La Reine Fiammette : C’est œuvre d’artiste et de poète que l’œuvre dont je dois parler aujourd’hui, et je n’en cache pas ma joie… Non que le métier en soit absent, car le drame est bien établi. Mais il n’est que la charpente où s’étaye le discours du poète, qui est toujours charmant, souvent admirable.

[Le Figaro (7 décembre ).]

Francisque Sarcey

(Sur la Reine Fiammette.)

Mais voilà que pendant deux actes, deux interminables actes, Catulle Mendès accumule un tas de noires horreurs ! La politique, l’odieuse politique entre en cause, et l’Inquisition et le pape ! Niais laissez-moi tranquille. Il ne s’agit pas de tout ça ! Comment, sarpejeu ! je suis là, bien en train de me divertir ; je ris avec cette gentille petite reine, je m’amuse de tous ces complots d’Opéra-Comique, et puis voilà que tout à coup, sans me dire gare, vous affectez de prendre au tragique ces aimables fantaisies de poète amoureux d’amour et de gaîté ! Oh non, non, cent fois non ! Je vous quitte ; bien le bonsoir, mon cher Mendès, bien le bonsoir !

[Le Temps (19 décembre ).]

Lucien Muhlfeld

Je suis sûr que la Reine Fiammette est le chef-d’œuvre dramatique des Parnassiens. Aussi bien Fiammette n’est-il pas tout à fait un drame ; c’est un jeu, un « conte dramatique », mais ce jeu est « prenant », on s’y passionne mieux qu’aux mélos dûment machinés.

Il ne faut pas seulement reconnaître que Fiammette est le meilleur conte qu’un artiste ait porté à la scène, il faut dire que c’est le seul qu’on écoute avec un plaisir vrai et sans une minute d’effort. Fiammette, c’est l’Italie en sa Renaissance, rêvée par un poète. Ces tapisseries aux soies vives, c’est les scènes de Mendès ; cette musique ailée, c’est les vers de Mendès.

[L’Écho de Paris (décembre ).]

Saint-Georges de Bouhélier

M. Catulle Mendès me semble aussi adroit, aussi preste, aussi prestigieux, aussi riche et aussi prodigue que le Théodore de Banville des Odes funambulesques et de Dans la fournaise. Je ne vois pas par quel côté il peut lui être inférieur. La grandeur des dons, le nombre des notions, la finesse du rythme, la variété des sujets, la surabondance de l’esprit, la grâce alerte et piquante, la joie, la frénésie, l’éloquence, la gaîté, la bouffonnerie loquace, les profusions d’un style imagé ou sonore, et par-dessus tout la sûreté technique, font de M. Catulle Mendès l’égal du Banville des Odes et du Gautier des critiques, des romans et des poèmes.

[La Revue naturiste (février ).]