Dorchain, Auguste (1857-1930)
[Bibliographie]
La Jeunesse pensive (1881). — Conte d’avril, comédie shakespearienne en quatre actes et six tableaux (1885). — Maître Ambos, drame en vers, en collaboration avec François Coppée (1886). — À Racine, à-propos en vers (1888). — Sans lendemain, poésie (1890). — La Jeunesse pensive, avec préface de Sully Prudhomme (1893). — Vers la lumière, poésies (1894). — Rose d’automne, comédie en un acte, en vers (1894). — Poésies d’Auguste Dorchain (1881-1894) [1895]. — Ode à Michelet (1898).
OPINIONS.
Jules Tellier
M. Dorchain n’a donné,
jusqu’ici (1888), qu’un recueil : La Jeunesse pensive. Tout le
long du livre, il se pose cette seule question : « S’il doit, ou non, perdre sa
candeur, et s’il peut se permettre de consommer l’œuvre de chair en dehors du
mariage ? » Le « Baiserai-je, papa ? »
du jeune Diafoirus, c’est à
lui-même que ce poète l’adresse, et il n’obtient pas sa propre autorisation. Les
propos enflammés de D’Arcy à l’abbesse de Jouarre, c’est à lui-même que ce rimeur
les tient, et il ne parvient point à se détourner du devoir. Ce n’est point qu’il
ne se donne de bonnes raisons : « Tu seras plus tranquille ensuite, tu
auras la tête moins lourde et tu travailleras mieux »
. Mais, tout de
suite après, il s’interrompt et se tance :
Ah ! sophiste éhonté, cœur fragile, âme lâche,Tu glisses, malheureux !
Ce cas de conscience a son intérêt, sûrement ; mais c’est beaucoup de l’agiter durant deux cents pages.
Adolphe Brisson
Un jour, il s’avise d’ouvrir les comédies de Shakespeare. Son imagination l’enflamme, l’emporte en un monde féerique, plein de songes, de musique, et jette sur le papier les premières scènes de Conte d’avril. L’heureux temps ! le fécond enthousiasme ! Dorchain a goûté là les plus douces joies qui soient données à l’artiste : vivre dans son œuvre ; ne s’occuper que d’elle, s’y enfoncer, en être pénétré et possédé… Conte d’avril était tout à fait digne de la Comédie-Française.
Gustave Larroumet
L’originalité de ce débutant qui se réclamait de MM. Sully Prudhomme et François Coppée, c’est qu’il n’aimait pas seulement pour leur mérite propre la rime ingénieuse, l’épithète rare et le rythme savant ; il les trouvait lui aussi, mais pour les subordonner à une pensée qui était l’objet de son principal effort. Cette pensée, il voulait la revêtir de grâce et de charme, sachant bien que le but de la poésie c’est, avant tout, de satisfaire le besoin de la beauté ; mais il pensait, sans le dire, que le travail de la forme pour elle, même, permis aux arts plastiques, risque de réduire la poésie au rôle de simple amusement… Vers la lumière respire le bonheur partagé, mérité et permis. Entre les notes si diverses que fait entendre la poésie du siècle, celle qui résonne dans ces vers est d’un charme pénétrant.
Gaston Deschamps
M. Auguste Dorchain n’écrit presque jamais en prose. Comme Brizeux, auquel il ressemble par la pudeur de son lyrisme voilé, il a aimé la Muse d’un amour exclusif, délicat et scrupuleux… Le poète de l’Âme vierge n’a pas attendu, pour nous dire sa chanson, que les annonciateurs de « formules » nouvelles aient prédit une révolution du goût. Insoucieux de la mode, étranger aux cénacles, respectueux des maîtres, il a regardé d’un œil craintif les femmes qui passaient sur sa route. Longuement il arrêta ses yeux sur l’une d’elles. Et l’éblouissement de ses yeux a fait parler son cœur… Il a aimé, il a chanté. C’est tout bonnement ce que font les poètes, grands ou petits. M. Dorchain est un poète… Il est idéaliste et ne craint pas de s’exposer, par sa naïveté sentimentale, aux risées de ceux qui confondent la vulgarité avec le bon sens. Il aura l’approbation, l’applaudissement et, ce qui vaut mieux, la sympathie de tous ceux qui croient qu’une société, même démocratique, ne peut pas vivre sans idéal.