(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

COUTEL, [Antoine] né à Paris en 1622, mort à Blois, où il avoit passé la plus grande partie de sa vie ; Poëte oublié, dont le Recueil de Poésies a pour titre : Promenades de Messire Antoine Coutel. Il y a apparence que Madame Deshoulieres les avoit parcourues, car son Idylle des Moutons est tirée presque mot à mot de ce Recueil. La seule différence qui se trouve entre l’Ouvrage de Coutel & le sien, est que l’un est en grands Vers, rangés par quatrains, & l’autre en Vers libres : à cela près, les pensées, les expressions, les tours, les rimes sont absolument les mêmes. On a voulu justifier Madame Deshoulieres sur ce larcin, en accusant l’Auteur des Promenades d’être le vrai Plagiaire ; mais on oublioit que l’Edition des Poésies de Coutel a précédé de plusieurs années l’impression des premiers Ouvrages de Madame Deshoulieres. D’ailleurs il suffit d’être un peu connoisseur, pour juger que l’Idylle de Coutel a un caractere original. La voici, afin qu’on puisse la comparer avec celle de Madame Deshoulieres, dont les Œuvres sont entre les mains de tout le monde.

Hélas ! petits moutons, que vous êtes heureux ;
Vous paissez dans nos champs sans souci, sans alarmes ;
Si-tôt qu’êtes aimés, vous êtes amoureux ;
Vous ne savez que c’est de répandre des larmes,
Vous ne formez jamais d’inutiles désirs ;
Vous suivez doucement les loix de la Nature ;
Vous avez, sans douleur, tous ses plus grands plaisirs,
Exempts de passions qui causent la torture.
Nous sommes malheureux, les ayant parmi nous ;
Car, quoique nous ayons la raison en partage,
Cette même raison que n’avez point chez vous,
Nous réduit bien souvent dans un dur esclavage.
N’en soyez point jaloux, innocens animaux ;
Contre tant d’ennemis ce n’est point un remede ;
Elle fait, ou plutôt elle agrandit nos maux,
Lorsque, dans un besoin, nous implorons son aide.
Elle promet beaucoup, & fait beaucoup de bruit ;
Impuissante qu’elle est, elle est toujours sévere :
Un peu de vin la trouble, un enfant la séduit,
Et cependant par-tout on la craint & révere.
Elle s’oppose à tout, & ne surmonte rien :
Vous devez beaucoup moins redouter la colere
Des loups, estans dessous l’abboy de votre chien,
Que nous, nos sens gardés d’une telle chimere.
Ne vaut-il donc pas mieux, dans votre liberté,
Dans cette oisiveté, vivre comme vous faites ?
Et sans tant d’embarras, avec tranquillité,
Ne vaut-il pas bien mieux être comme vous êtes ?
A quoi bon les honneurs ? à quoi bon de l’esprit ?
Des biens de la Fortune & ceux de la naissance ?
Ces prétendus trésors, qui sont tant en crédit,
Ne valent pas le prix que vaut votre indolence.
Ils nous livrent sans cesse à des soins criminels ;
Par eux, plus d’un remords nous afflige & nous ronge ;
Nous voulons les garder & les rendre éternels,
Sans penser qu’eux & nous passeront comme un songe.
Il n’est rien d’assuré dans ce vaste Univers,
Tout y est inconstant, & rien qui soit solide ;
La Fortune, suivant ses caprices divers,
Fait, défait ici-bas, & tout elle décide.
Notre prudence est vaine au moindre de ses coups.
Petits moutons, paissez sans regle & sans science :
Vous êtes plus heureux & plus sages que nous,
Quoi qu’en puisse jaser la trompeuse apparence.

Les Promenades de Coutel offrent encore plusieurs Pieces qui ne sont pas indignes de figurer à côté de celle-là, témoin ce morceau tiré d’une de ses Elégies.

Croyez-vous tout de bon que ce Dieu des batailles,
Qui se fait des remparts de mille funérailles,
Qui donne des combats & seme des lauriers,
N’aime que le tonnerre & les travaux guerriers ?

COUTURE, [Jean-Baptiste] Professeur d’Eloquence au Collége Royal, de l’Académie des Inscriptions & Belles-Lettres, né dans le Diocese de Bayeux en 1651, mort en 1728.

Les Mémoires de l’Académie dont il étoit Membre, contiennent plusieurs de ses Dissertations sur divers sujets qui ont rapport à la vie privée des Romains. Elles sont pleines d’érudition & de raisonnemens très-solides. Une preuve certaine que nous dégénérons en tout, c’est qu’on remarque, en lisant les Mémoires de cette Académie, que plus on s’éloigne des temps de sa fondation, plus les Dissertations deviennent foibles, maigres, stériles ; cependant, en matiere d’érudition, le progrès du temps doit augmenter les richesses : tout dépend de savoir les recueillir, les digérer, & les mettre en œuvre.