5. Arnaud de Bacculard, [François-Thomas-Marie] d’] originaire du Comtat Venaissin, de plusieurs Académies, né à Paris en 17..
Celui-ci étoit fort jeune lorsqu’il débuta dans les Lettres par la Tragédie de Coligni, & par des Poésies légeres dont il prépare une édition plus digne du Public, que celle qui a paru en trois volumes, & qu’il désavoue. Parmi ses Ouvrages dramatiques, le Comte de Comminges, Euphémie, Fayel, lui assurent une réputation durable. A considérer ces Pieces du côté de la chaleur, du sentiment & du pathétique, elles sont au dessus de tout ce que nous ont donné en ce genre les Auteurs de nos jours les plus prônés, & seront toujours regardées comme des Drames écrits avec une sensibilité, une force & une énergie capables d’attendrir le Lecteur le plus froid. Qu’importe qu’elles soient peu d’accord avec les bienséances de notre Théatre, si resserré dans ses moyens ? elles n’en ont pas moins des rapports de ressemblance très-marqués avec ces Tragédies, dont les représentations firent couler autrefois les larmes de toute la Grece, & qu’on lit encore avec intérêt, en suppléant par l’imagination au défaut de l’illusion théatrale. Il est plus à propos, pour l’honneur de notre Poésie, que nous ayons des Pieces qu’on puisse lire, que d’être amusés pendant quelque temps par des représentations qui ne laissent après elles que le dépit d’avoir accordé son suffrage à des fantômes tragiques. Il est vrai qu’on reproche à celles de M. d’Arnaud, des teintes un peu lugubres, & une abondance d’accessoires dont le génie sut toujours se passer. Sa Collection dramatique n’en est pas moins une des plus intéressantes qu’on ait publiées de notre temps, où l’on a perdu totalement de vue les grands modeles qui regardoient le style, le dialogue & le naturel, comme les premieres parties de l’art théatral.
M. d’Arnaud a fait encore des Romans qu’il faut bien se garder de confondre avec la foule des Ouvrages qui portent ce nom. Presque tous les siens réunissent à la morale & au sentiment la chaleur & la correction du style. Sargines est un tableau animé des mœurs, de la bravoure & de cette loyauté qui rendent le caractere de nos aïeux si intéressant. Malheur aux François modernes que ces sortes de peintures ne toucheroient pas, & qui préféreroient l’art froid de raisonner à cette noble sensibilité, seule capable de former des Héros & des Sages ! En général, les Productions de cette espece, que nous devons à M. d’Arnaud, sont autant de Cours de Morale mise en action de la maniere la plus propre à faire impression, & qui peuvent être utiles à toutes les Nations policées. De tels Ecrivains doivent être regardés comme d’adroits Legislateurs, qui se servent des passions pour les combattre ou les diriger vers le bein public, qui, par le sentiment, menent à la vertu, & nous font aimer nos devoirs. Ce sont-là les vrais Philosophes dignes de l’estime des Citoyens ; & non ces esprits audacieux & inquiets, qui se font un jeu de détruire ce qu’il y a de plus respectable, & dont l’objet principal est de se faire remarquer par la singularité de leurs idées.
M. d’Arnaud ne sauroit donc recevoir trop de marques de reconnoissance & de considération de la part de cette classe d’hommes, que leur sagesse & leurs lumieres mettent seuls en état d’apprécier le talent & son véritable usage. On lui a reproché une touche quelquefois trop sombre ; mais ce coloris n’en est que plus conforme aux images qu’il nous trace, son but étant d’exciter la terreur & la pitié, & l’on ne peut, sans injustice, lui refuser le mérite d’y avoir réussi.
Nous sommes fâchés que cet Auteur ait eu recours, dans ses Romans, à un faste typographique dont ils peuvent assurément se passer. Il doit abandonner ces ressources aux esprits médiocres, qui ont besoin de ce genre de conquetterie pour attirer les regards du Public sur leurs Productions. Les siennes étant faites pour être dans les mains de tout le monde, la cherté des gravures met des obstacles à un débit qui ne sauroit être trop universel.