Redonnel, Paul (1860-1935)
[Bibliographie]
Les Chansons éternelles (1895).
OPINIONS.
Louis-Xavier de Ricard
De poète plus moderne que Paul Redonnel il n’y en a certes pas, — et pourtant il est en même temps la survivance, en ses qualités intimes d’artiste, des troubadours de la grande époque — supposez Guiraut de Borneilh et Arnaut Daniel se rencontrant en Marcabru.
Han Ryner
Paul Redonnel est un des talents les plus personnels et les plus complets que je connaisse : personnel souvent jusqu’à l’étrangeté ; complet et complexe parfois jusqu’à la complication.
Je salue en deux sortes de poèmes une sincérité égale : dans les uns, le poète, ému de sa merveilleuse diversité, exprime avec fougue ou en souriant chacun de ses aspects, chacun de ses moments, se réjouissant surtout à ce qu’il y a d’extrême en lui. Dans les autres, conscient du centre de lui-même, il se dessine d’une ligne nette et simple. Malgré leur beauté de composition, c’est parmi les premières œuvres qu’on doit classer les Chansons éternelles.
Les Chansons éternelles forment une ligne parabolique dont les deux côtés vont se perdre dans l’infini. Paul Redonnel croit à la multiplicité des existences. Directement, il ne dit qu’un fragment d’une vie. Mais, aux premiers pas, quelques éclairs illuminent brusques les ombres antérieures, et bien des cris d’espoir ou d’effroi nous avertiront que le point d’arrêt de l’artiste n’est pas à l’homme un but final et que, pour lointain, l’horizon aperçu n’est encore qu’une limite illusoire.
Le livre se divise en trois parties que j’appellerais volontiers — les destinées sont des comètes — la sortie de l’ombre interstellaire, le passage dans la lumière, la rentrée dans l’ombre. Jadis, à première lecture, je préférai le centre du livre, tout de précision et de vie pleine. Aujourd’hui, mieux regardée et mieux comprise, c’est l’œuvre entière que j’aime en sa beauté diverse et savante, en la haute signification de son ensemble.
Étrange et admirable conception où s’expriment à la fois les besoins latins de clarté et les inquiétudes orientales ou hercyniennes d’infini ; ici, c’est d’en bas que vient la lumière. Le centre de l’œuvre est un abîme, l’abîme de la matière. Et les lueurs intenses, jolies par endroits, brutalement infernales ailleurs, grimpent étranges, clairs-obscurs et pénombres, songes et cauchemars, au tournant de deux escaliers ténébreux et qui n’ont point de sommet : celui par lequel on dévale à l’actuelle existence, celui qui en remonte.
Henry Davray
Dans les Chansons éternelles, M. Paul Redonnel donne l’ensemble de son œuvre ; et son œuvre résulte entièrement et exclusivement de sa vie, de son humanité ; c’est un livre souffert, livre d’art et de vie. Je ne parlerai donc pas autrement de cette œuvre, et ne veux en trancher aucun détail ni fragment, pas plus que je ne puis offrir un pouce de la stature, ni un seul jour de l’âge du poète. Vous ne feriez avec lui une suffisante accointance, ni avec son œuvre. Puis-je expliquer ce qui est inexplicable ? Dois-je m’aventurer imprudemment à la poursuite d’un motif fragmentaire des Chansons éternelles, alors qu’il me suffît d’ouvrir mes oreilles de bonne volonté pour saisir la symphonie entière, avec tout ce qu’elle a de grand et de puissant et tout ce qu’elle peut avoir d’incohérences et de heurts, nécessaires sans doute à l’élan qui entraîne l’homme et l’œuvre ?