(1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304
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(1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

M. Charles d’Héricault

La Révolution de Thermidor.

I

Ceci — je crois — est le début de l’auteur dans l’histoire politique. Mais, quoi qu’il en puisse être, c’est un livre d’un talent très mâle et qui ne sent nullement son débutant. M. Charles d’Héricault n’en est pas un dans les lettres. Il a publié plusieurs ouvrages d’une érudition souvent raffinée et profonde. Ce n’est pas seulement un littérateur, c’est un savant ; mais c’est un savant dont l’esprit agile ne s’est point exclusivement cantonné dans les questions de critique ou d’histoire littéraire. Pour ma part, j’aime ces Centaures intellectuels, moitié savants, moitié artistes, et M. d’Héricault en est un… D’une main alerte et compétente, il a touché à une foule de sujets, même au roman. Trempé par une étude sévère et mûri par la vie, M. Charles d’Héricault a enfin abordé l’histoire politique, et ce livre atteste des facultés si sûres d’elles-mêmes, si gouvernées, si réfléchies, que le troublant et passionnant sujet d’histoire qu’il a choisi pour le traiter — La Révolution de Thermidor — ne l’a entraîné ni dominé une seule minute, et qu’il nous a donné l’exemple d’une fermeté d’esprit inconnue à tous les historiens, dans une mesure quelconque, de la Révolution française, — de cette Révolution dont la bouleversante influence ne s’arrête pas à ceux qui l’ont faite, mais va jusqu’à ceux qui l’écrivent…

Car elle va jusque-là. Ceux-là tous qui ont touché à ce baril de poudre de la Révolution française en ont ressenti l’explosion, dans leurs facultés. Ceux-là tous qui, pour une raison ou pour une autre, ont mis le bout de leur plume dans ce périlleux sujet d’histoire, en ont reçu à la tête un tel coup qu’ils en ont perdu l’équilibre, qu’ils en ont été plus ou moins terrassés. Aucun dont la raison ait résisté à cette histoire… Ç’a été, pour tous les cerveaux, comme une insolation terrible… L’anarchie de la Révolution est entrée dans les esprits qui l’ont racontée. On se croyait maître de son sujet ; on en était victime. Je ne parle pas de Thiers, le premier historien de la Révolution dans l’ordre des temps, trop sceptique pour n’être pas la toupie, très peu ronflante, du reste, de l’histoire qu’il écrivit à l’époque de sa jeunesse, ni de Michelet, cette Tricoteuse nymphomane, — mais le pur, le noble Lamartine, écrivit Les Girondins, et ce fut la démence de son génie. Carlyle, l’Anglais, du pays de Pitt, si bien placé pour juger la Révolution française, y alluma son mysticisme halluciné de puritain. Tous, et je passe les noms de ces marionnettes d’historiens, à qui l’Histoire a tiré le fil quand elle ne l’a pas cassé, furent pris ou d’une admiration ou d’une horreur qui n’étaient plus des sentiments, mais des vertiges… L’historien froid, l’historien que l’Histoire ne mène pas, et qui, même, ne mène pas l’Histoire, — car être mené par l’Histoire ou la mener, c’est tout un pour la vérité, et c’est ici que l’esclave vaut bien le despote, — l’historien impartial qui ne se soucie que de l’exactitude ou de la justesse de son observation, a manqué jusqu’alors. On s’incendiait au baril de poudre… Eh bien, voici un historien qui ne s’y allume pas. Voici un historien froid comme un officier d’artillerie faisant des études sur le salpêtre qui a failli faire sauter la France, et qui nous apprend de quels abominables éléments ce salpêtre de nouvelle espèce était composé.

C’est là l’originalité et le mérite du livre de M. d’Héricault. Quoiqu’il y ait du pathétique vengeur dans la révolution de Thermidor, l’historien a eu cette froideur et cette force d’esprit de préférer la recherche des causes, grandes ou petites, de cette révolution, au poignant éclat des effets. Sobre, contenu, acéré, méprisant et calme, il n’a point fait de poésie sur cette tragédie sanglante, qui joignit à beaucoup d’ignobilité très peu de grandeur. Il a mieux aimé faire de la science, et il a écrit une histoire plus profondément psychologique que toutes celles qui ont été publiées avant la sienne sur la Terreur et sur Robespierre, ces deux vaincus de Thermidor. Il a passé au microscope, comme deux insectes, ces deux monstres énormes, pour qu’on les vît mieux, — pour qu’on les discernât jusque dans leurs animalcules et leurs derniers atomes… Il n’a oublié ni une goutte de sang, ni une goutté de boue, analyseur patient, minutieux, implacable, d’un dégoût si haut qu’il en est impassible. Il aurait compté les poux de Sylla…

Encore une fois, la virilité de l’esprit, voilà la qualité dominante de ce livre, qui n’a aucune des nervosités et des tensions du temps présent. M. Charles d’Héricault est un robuste. Je l’ai connu, il n’y a pas déjà si longtemps. C’était alors un beau, aux cheveux noirs, tel qu’on se représente le fougueux pasteur de l’Oaristys d’André Chénier. Il semblait taillé pour l’action encore plus que pour la pensée. Ce savant, ce lettré, maniait le fusil du chasseur. Il avait ce qu’on appelle du muscle. Et ce muscle, il l’a gardé. Il l’a dans l’esprit comme il l’avait dans le biceps. Je ne sache pas de livre meilleur que le sien pour jeter la goutte d’eau glacée sur les fronts échauffés par le bonnet rouge, — pour rasseoir et paralyser l’enthousiasme imbécilement ou épileptiquement révolutionnaire… Peu de temps avant sa mort, est-ce que Victor Hugo — un égaré aussi par l’histoire de la Révolution française — n’écrivait pas cette phrase, chargée, croyait-il, d’une prophétie : « Le dix Août est à la Révolution ce qu’aujourd’hui est à demain… » ? Le livre de M. d’Héricault a répondu… Il suffisait bien pour faire rentrer dans le ventre de Hugo son épouvantable espérance.

II

Ce livre, excellent et d’une beauté simple, ne comprend qu’une année, et il n’avait pas besoin d’en embrasser davantage. La Révolution de Thermidor n’a guères été portée plus de neuf mois dans les flancs sanglants de cette Révolution française, qu’on peut bien appeler, sans lui manquer de respect, une prostituée, puisqu’elle a été violée successivement par tous les partis qui l’ont caressée. L’enfant né de ces horribles accointances, ce fut la Terreur, — la Terreur, plus laide que sa mère, et qui lui répercuta si violemment sa hideur agrandie, que la Révolution, affolée de ce qu’elle avait fait, mit les poings dans ses yeux pour ne pas la voir et lui cria… « Tu n’es pas ma fille ! » Elle l’était cependant. Il n’y a que les sots qui ne le voient pas ou les hypocrites qui le contestent. Les révolutions engendrent toujours plus horrible qu’elles. C’est le Péché qui engendre la Mort, dans l’Enfer de Milton, et la laideur de la Mort rachète les fausses beautés du Péché. L’historien de La Révolution de Thermidor a taillé son livre dans la mesure juste qu’il devait avoir. La Révolution française, la magna parens de toutes les autres, dit quelque part M. d’Héricault, existait avant Thermidor, et elle a continué d’exister après Thermidor. Mon Dieu ! l’affreuse octogénaire existe encore et ne paraît pas devoir mourir de sitôt… Tuer la fille n’a pas tué la mère, capable, comme la vieille Sarah du Patriarche, de refaire un autre enfant, pire peut-être que le premier. La Terreur a existé de sa propre vie et de sa propre force, — et c’est même la Révolution qui l’a tuée, ajoutant à ses autres crimes celui-là, qui n’en était un que pour elle ! Seulement, elle ne l’a pas tuée à elle seule. Elle s’est cherché des complices pour l’aider dans sa besogne infanticide. Elle y a mis d’autres mains que les siennes. Et M. d’Héricault, avec son regard aigu, a regardé dans le fond de ces mains-là… Elles n’étaient pas toutes tachées de sang, mais toutes, sans exception de fange ; car c’est une fange que la lâcheté… En ce vil temps, on était plus bas que sous Marat. Le couteau de Charlotte Corday n’était plus possible. Et cela est si vrai, que M. d’Héricault, qui sait tout, n’est pas plus sûr du coup de pistolet de Merda que de son nom !

Mais ce qu’on sait, c’est que ce fut la fin, — la fin de la Terreur et de Robespierre, tués tous deux de ce coup de pistolet anonyme, resté mystérieux. Ce fut la fin de la Terreur et de Robespierre, puisque la Terreur et Robespierre, que j’appelais, il n’y a qu’une minute, les deux vaincus de Thermidor, au fond, n’en faisaient qu’un, tant ils s’étaient incarnés l’un dans l’autre, étreints, confondus et fondus !! L’histoire de la Révolution de Thermidor, sous la plume décidée de M. d’Héricault, est surtout l’histoire de Robespierre, et il a si bien senti qu’elle l’était, et il a si bien voulu qu’elle le fût, qu’il a ajouté au titre de son livre La Révolution de Thermidor, un sous-titre, qui fixe la pensée : Robespierre ou le Comité du salut public. M. d’Héricault, cet esprit énergique et sensé, ne décapite pas l’Histoire. Ce n’est pas un de ces benêts de panthéisme qui l’impersonnalisent. Il laisse cela à cette folle de Michelet. Michelet, dans son Histoire de la Révolution, a eu l’extravagante pensée d’imputer l’action révolutionnaire au peuple seul, au peuple acéphale, et de nier l’ascendant des chefs… ce qui est tout simplement guillotiner l’Histoire et abattre sous le stupide niveau égalitaire tout ce qui s’y élève, même dans le mal. Conséquence très logique, du reste, des doctrines en honneur aujourd’hui. Quand on nie la personnalité de Dieu, on doit nier la personne humaine. Michelet a nié celle des chefs de la Révolution dans les choses de la Révolution qu’il admirait le plus. Il a effacé Robespierre dans son histoire. Mais M. d’Héricault l’a mis en saillie dans la sienne, parce qu’il était réellement en saillie dans l’histoire de l’an II ; M. d’Héricault a bien compris que la Terreur n’était plus qu’une chose sans visage, quand elle ne portait pas celui de Robespierre… On peut dire de l’historien de Thermidor qu’il ôte des mains de Michelet la tête de Robespierre, coupée, par cet innocent bourreau, en l’honneur et au profit de la canaille, qui n’en a pas, et qu’il l’a restituée à celui qui, devant Dieu et devant les hommes, a individualisé la Terreur.

III

Et, en effet, il l’a individualisée ! Et la France du temps de Robespierre, et la Convention, et même l’Europe, ne furent point de l’avis de Michelet dans sa fausse histoire. Elles ne s’y trompèrent point. Elles prirent bien Robespierre pour ce qu’il était, — c’est-à-dire pour la Terreur elle-même, pour la Terreur faite homme ; car il faut que toute force se fasse homme pour être davantage et pour avoir toute la puissance de ce qu’il y a de plus puissant au monde : — l’Unité. En action historique, les idées générales, les influences sociales ont besoin d’un homme… Quoique la France fût éperdue d’égalité, à cette heure maudite, et qu’elle eût commencé déjà le nivellement par l’échafaud, elle n’en reconnut pas moins la supériorité et la souveraineté de l’homme qui, à un jour donné, avait créé cette chose inouïe, universelle et compacte, qui s’étendit tout à coup sur la France entière comme une voûte qui ne permettait plus de respirer, et qu’on appela du même nom que le sentiment dont elle transissait les âmes : la Terreur ! M. d’Héricault donne même la date du jour où cette effroyable chose se produisit. Ce fut celle de la loi du 22 prairial, sortie, toute, de la tête de Robespierre. Ce jour-là, il fut le maître de la France par la Terreur qu’il créait. Cela ne dura pas ; cela ne pouvait pas durer. La nature répugne à ces épouvantables phénomènes. Mais le temps que cela dura, Robespierre, le petit avocat d’Arras, le petit bourgeois, la petite âme et le petit esprit, fut le dictateur de la France, comme, à Rome, l’avait été Sylla…

Il faut demander pardon à la mémoire de Sylla de citer son nom, même en passant, quand il s’agit de Robespierre ; mais comment se priver de l’éclair du contraste ?… Sylla, le proscripteur Sylla, fit aussi une Terreur, mais c’était pour le compte d’une chose grande ; c’était pour le compte de l’aristocratie romaine, qui avait fait la gloire et la force de Rome. Tandis que le petit bourgeois de Robespierre, devenu populacier, travaillait pour le compte de la populace et pour le sien. Sylla fit une Terreur, mais il la borna. Il coupa sa forêt d’ennemis, et, quand il l’eut coupée, il posa la hache à ses pieds avec une hauteur et un calme que l’Histoire, malgré son horreur, admire encore. Le monde romain stupéfié se tut devant Sylla, et il s’en alla mourir tranquille à sa maison de campagne, cet homme qui, malgré ses batailles et son génie de gouvernement, n’avait jamais été fier que d’une chose, qui ne lui appartenait pas, c’est d’avoir été toujours heureux… Robespierre, lui, l’autre proscripteur, ne s’arrêta pas. Il ne dit pas à sa mer de sang, qui lui eût désobéi, du reste : « Tu n’iras pas plus loin ! » Robespierre n’avait pas fait qu’une Terreur ; il était la Terreur elle-même, et, comme disait Fouquier-Tinville, « la force impulsive de la Terreur ». Mais, revanche des terrorisés ! il avait la terreur de sa Terreur. L’épouvante qu’il produisait revenait sur lui ; il tremblait en frappant et frappait encore, tant qu’enfin les lâches se révoltèrent et frappèrent à leur tour… Il ne finit point dans la majesté sans remords de Sylla. Il fut tué, on ne sait trop par qui, et mal tué ! On le trouva, à l’Hôtel de Ville, la mâchoire brisée, son habit violet déchiré, ses culottes nankin avalées, ses bas de coton sur ses talons, souillé, sanglant, vautré sur une table où il venait d’écrire, et après l’avoir un peu lavé, un peu pansé, tout en l’insultant, on le jeta, ce reste vivant d’homme, au bourreau, qui coupa comme il put cette tête fracassée, et telles furent, en mourant, la grâce et la décence de ce magnifique gladiateur de l’Égalité !

Or, cela, que je rappelle, et que M. Charles d’Héricault pouvait peindre à grands traits, avec les reliefs du style et de la langue et le frémissement d’un artiste, il l’a dit sans s’y arrêter, avec la sobriété voulue, réfléchie et maintenue résolument, tout le temps de son livre, et que je ne puis m’empêcher d’admirer. Il n’y a pas dans son histoire un grand portrait cohérent et d’ensemble de Robespierre. Tous les traits y sont ; l’historien n’en a omis aucun et il en a retrouvé quelques-uns qu’on ne connaissait pas ; par exemple, la jalousie qui dévorait ce pékin pour ce qui était militaire et gloire militaire. Ces traits discernés, notés, appuyés, sont dispersés dans le courant du livre, comme les membres, moulés un à un, d’une statue, qu’on n’a pas encore rassemblés… M. d’Héricault n’a voulu faire ni une peinture, ni une médaille de Robespierre. Il a le pinceau, pourtant, et le burin à sa portée. On sent l’un à certaines touches larges et rapides, qui font rehaut dans ce style nerveux et clair ; on sent l’autre à des mots qui sont des entailles, — des mots tacitiens. Mais les habitudes du savant, du chercheur, de l’observateur, l’ont emporté sur les puissances de l’artiste. M. d’Héricault s’est contenté de nous faire une grande anatomie morale. Il a pénétré sous la peau du monstre, et il nous a donné un écorché. Il lui a ouvert ce cœur, qui devait être pâle, si les Sauvages qui disent que le cœur des lâches n’est pas rouge ont raison, et il en a extrait, il en fait sortir tout le venin, tout le fiel, toutes les envies, toutes les bassesses, toutes les peurs, toutes les hypocrisies, entassées, figées et durcies dans ce misérable cœur ! Et le travail qu’il a fait sur le cœur, il l’a fait aussi sur la tête. Il l’a ouverte aussi, cette petite tête vaniteuse et vipérine, grosse et verdâtre comme un œuf de canard, et il a montré que cette tête n’avait qu’une pincée de cervelle, et qu’en fin de compte cet homme, colossalisé par ses crimes et par les partis, cet homme — la terreur de la France ! — n’était rien qu’un lâche et qu’un sot.

IV

Il n’était que cela, — et je m’en doutais bien un peu, mais je ne l’avais pas vu avec cette évidence que je dois à M. d’Héricault… On a beau se rappeler le mot d’Oxenstiern sur la médiocrité de ceux qui gouvernent les hommes pour s’expliquer la toute-puissance et la popularité de Robespierre et l’écrasement de tous ses rivaux de pouvoir, qui avaient des facultés d’esprit dix fois plus éclatantes que les siennes et des âmes vingt-cinq fois plus hautes, on a peine à croire que le monde ait été — ne fût-ce qu’une heure ! — plus sot et plus lâche que ce lâche et ce sot… Quelque mépris qu’on ait pour les hommes, on répugne à donner sa démission de l’humanité… L’imagination grandit les êtres qui ont été des fléaux, et voilà ce qui a grandi ce petit homme de Robespierre, même après sa chute… Comme son maître Rousseau, c’était une âme de laquais qui voulait devenir grand seigneur, et qui s’y prenait mal pour cela. Si sa popularité, disent les hommes de son temps, fut monstrueuse, elle l’est encore après sa mort, et il faudrait s’en étonner, si les hommes n’étaient pas toujours les mêmes : lâches devant la force brutale qu’ils prennent pour la force réelle, mais qui ne l’est pas ! Les plus belles, les plus nobles imaginations de ce siècle furent ébranlées et éblouies par le sang, — cette pourpre qui éblouit quand il s’agit de juger celui qui le verse, — et qui fut versé par ce lâche et ce sot. Nodier l’a rêvassé presque grand. Balzac l’a créé, — comme il a créé Marat, comme il a créé Catherine de Médicis, comme il créait tout, cet homme qui avait l’inconvénient du génie, et qui ne voyait les choses et les hommes que transfigurés par son prodigieux cerveau… Madame de Staël — elle aussi ! — l’a exagéré de contrecoup, quand elle appela notre sublime Empereur : « Robespierre à cheval ». C’était faux, dérisoire et petit comme la haine d’une femme, un pareil mot ! Napoléon n’était pas plus Robespierre à cheval, que Robespierre, sur la colonne Vendôme, n’aurait été Napoléon.

Mais, grâce à M. d’Héricault, on ne le mettra plus sur aucune colonne. Le voilà descendu ; il ne remontera pas. Les partis, qui lui ont fait un pavois de leurs dos courbés, oseront-ils continuer de porter cette vieille relique éventrée et déshonorée ?… Ils sont, je le sais bien, capables de tout, les partis, qui se crèvent les yeux comme Œdipe pour ne pas voir leurs crimes ou leurs criminels ! Mais, s’il y a un livre capable d’arracher du cœur et de l’esprit l’idolâtrie de Robespierre, de ce faux homme d’État, bête comme une guillotine qui aurait le mouvement perpétuel, c’est, à coup sûr, ce livre de M. d’Héricault, qui dit tout sans exagérer rien. Ce livre est d’une telle impartialité qu’il est impossible de voir à travers les pages l’opinion politique de l’auteur. Est-il bleu, rouge ou blanc ?… Je défie de le dire. Son histoire n’a point de cocarde. Elle n’est d’aucune couleur, si ce n’est de la couleur de la lumière.