Trublet, [Nicolas-Charles-Joseph] de l’Académie Françoise & de celle de Berlin, Archidiacre & Chanoine de Saint-Malo, où il est né en 1697, & mort en 1770.
Il seroit injuste de le juger d’après les plaisanteries de M. de Voltaire, & la répétition qu’en a faite M. Palissot dans ses Mémoires littéraires. L’Abbé Trublet n’est point un de ces Littérateurs médiocres que la Satire soit en droit de décréditer. Pour connoître toute l’injustice de l’Auteur▶ du pauvre Diable & de celui* de la Dunciade, il ne faut que lire ses Ouvrages. Les Essais de Morale & de Littérature de cet ◀Auteur▶ sont remplis de réflexions vraies, solides, instructives, profondes, & toujours bien exprimées ; il en est un très-grand nombre de fines & de délicates qui annoncent un bon Littérateur, un Critique habile, & un ingénieux Interprete du cœur humain. Son style est correct, pur, attachant, quoiqu’il soit parfois monotone & trop maniéré. Le plus grand défaut qu’on puisse reprocher à l’Abbé Trublet, c’est d’appuyer trop long-temps sur une même pensée, de la retourner en trop de façons différentes ; défaut qui prouve au moins l’injustice des traits lancés contre sa stérilité & son peu d’imagination.
Si la réputation des Littérateurs estimables dépendoit du caprice & du ressentiment d’un esprit satirique, aucun mérite ne seroit à l’épreuve d’une Epigramme ingénieusement tournée, & les Railleurs deviendroient eux-mêmes la victime des armes qu’ils auroient aiguisées contre leurs ennemis ; mais le vrai talent triomphe toujours de ces injustes attaques.
On a reproché à l’Abbé Trublet d’avoir parlé trop souvent de Fontenelle, & d’avoir poussé l’enthousiasme trop loin à l’égard de ses Ouvrages. Il est vrai qu’il eût dû être plus modéré ; mais il faut distinguer les égaremens du goût, de ceux des sentimens : M. de Fontenelle fut toujours son ami, après avoir été son maître. Si un excès peut être pardonnable & même glorieux, c’est celui de la reconnoissance.