POLIGNAC, [Melchior de] Cardinal, de l’Académie Françoise, né au Puy-en-Velay en 1661, mort à Paris en 1741.
La Nature s’est plu à le favoriser de ses dons les plus précieux. Mémoire prodigieuse, imagination brillante & féconde, esprit vaste & flexible, également propre aux Affaires, aux Sciences, aux Belles-Lettres, tout s’est réuni pour en former un de ces hommes destinés à faire honneur à leur Siecle par leurs talens, & par l’heureux usage qu’ils en ont fait.
Toutes les Nations connoissent son Anti-Lucrece, Ouvrage où la saine raison est embellie de toutes les graces de la Poésie. Quoique ce Poëme ait été écrit en Latin presque sous nos yeux, la tournure & le génie de la Langue Latine y sont si bien conservés, qu’on seroit tenté de croire que l’Auteur▶ est né au Siecle de l’Adversaire qu’il combat. On ne peut, après cela, qu’attribuer à sa modestie, ce qu’il dit de ses Vers,
Eloquio victi, re vincimus ipsâ.
Non seulement ce Poëte, aussi élégant que lumineux, détruit, par des raisonnemens simples & convaincans, le systême du Partisan d’Epicure, en se servant de tout ce que la Physique, la Morale & la Métaphysique ont de plus positif & de moins contesté ; mais encore sa touche, également vive, pénétrante, ingénieuse, & fleurie, ajoute à ses raisons un charme secret, qui porte dans les ames raisonnables le plaisir avec la conviction.
De tels ◀Auteurs seront pour tous les temps de dignes objets d’admiration, ainsi que de vrais modeles. Leurs Ouvrages, sans aucune éclipse, iront déposer chez la Postérité la gloire des talens & celle des vertus. C’est s’aveugler & dégrader son Siecle, que de prétendre à l’immortalité par une autre route que celle qui nous a été frayée par les Grands Hommes. On pardonnera sans peine au Cardinal de Polignac de légers défauts dans le style, en faveur de la solidité de ses pensées & de la droiture de ses intentions : mais les Ecrivains téméraires de notre Siecle sont assurés de perdre le mérite de leurs expressions, par le mépris qu’on aura pour leurs pensées & leurs sentimens.