(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947)

[Bibliographie]

L’Annonciation (1894). — La Vie héroïque des aventuriers, des poètes, des rots et des artisans. (Théorie du pathétique pour servir d’introduction à, une tragédie ou à un roman) [1895]. — La Résurrection des Dieux (Théorie du paysage) [1895]. — Discours sur la mort de Narcisse ou l’impérieuse métamorphose (Théorie de l’amour) [1895]. — L’Hiver en méditation ou les Passe-Temps de Clarisse, suivi d’un opuscule sur Hugo, Richard Wagner, Zola et la Poésie nationale (1896). — Églé ou les Concerts champêtres, suivi d’un épithalame (1897). — La Route noire (1900). — La Tragédie du nouveau Christ (1901).

OPINIONS.

Maurice Le Blond

C’est précisément à cause de sa vision générale de l’univers, que M. de Bouhélier ne s’est pas limité à ce strict impressionnisme littéraire, où semblent se complaire les jeunes hommes actuels. Pour lui, l’art est inséparable de la religion, et il veut en faire rayonner l’éclat sacré. Il a su synthétiser ses impressions et aboutir à un art d’éternité.

[Essai sur le naturisme ().]

Joachim Gasquet

Goethe a dit : « L’homme est un entretien de la nature avec Dieu ». Si l’art est l’expression parfaite, l’écho religieux de cet entretien, M. Saint-Georges de Bouhélier est un artiste comme je les rêve. Il sait et a la pudeur d’ignorer ; il a cherché les lois, mais, pour être innocent comme le monde, il les oublie, et son âme ainsi est suave et forte, et mieux que le vent son chant coule dans la lumière les invisibles semences et conduit sur nos fronts les bienfaits de l’aurore.

[Les Mois dorés ().]

Pierre Quillard

M. de Bouhélier a le droit d’écrire, sans nous suggérer d’ironie, « Dieu et le brin de paille », parce que rien ne s’offre à lui que sous les espèces du pathétique ; il sait fort bien reconnaître dans le paysan qui jette le blé au sillon une manière de héros, et telles pages, Le Départ après les moissons, indiquent simplement et sûrement la très ancienne tragédie des adieux sans retour. Il serait temps, semble-t-il, que l’homme capable d’écrire cent lignes comme celles-là voulût bien surseoir à ses méditations éthiques et esthétiques et parfaire l’œuvre qu’il nous doit. Il est advenu que l’on s’offusquât des extraordinaires appréciations qu’il formule à l’égard des morts et des vivants. Il n’y faut point, je crois, attribuer de malignité ; mais cette critique de matamore sur un ton oublié depuis M. de Scudéry et Cyrano de Bergerac se fait pardonner son impertinence, parfois absurde, par une fougue juvénile et tumultueuse, trop rare pour ne point se conquérir les plus bienveillantes sympathies. C’est là l’innocente liesse d’un faune adolescent, un peu saoul de soi, si j’ose dire, et d’un soi qui n’est point vulgaire ; car M. de Bouhélier concilie sans peine l’admiration et l’injure envers le même écrivain, et on ne sait trop ce qui domine en lui à l’égard de Shakespeare, de Hugo ou de M. Zola. Mais son ivresse est d’un lettré farci de littérature — s’il était le strict « naturiste » qu’il dit, à quoi bon transposer en des livres son émotion — et il n’est pas sans charme de retrouver en lui, par les réminiscences qui s’y font jour, un culte tacite et éclectique pour les poètes et les penseurs les plus divers ; Denis Diderot, Michelet et Hugo lui enseignèrent à construire les phrases désordonnées seulement en apparence ; Emerson et Carlyle inspirèrent son louable amour pour les paysans et les héros ; il n’ignore ni le Barrès du Jardin de Bérénice, ni le Taine de la Littérature anglaise, et quand il écrit : « Des liserons sonnent et un coq luit » ou qu’il appelle les abeilles « les petites splendeurs des campagnes », je ne sais pas oublier les métaphores chères au magnifique Saint-Pol-Roux. Le meilleur hommage qu’un écrivain puisse adresser à ses aînés, n’est-ce point, en somme, de s’avouer leur hoir par d’aussi explicites emprunts au trésor qu’ils léguèrent ?

[Mercure de France (décembre ).]

Louis de Saint-Jacques

En effet, non seulement le rythme de M. de Bouhélier manque d’assurance, mais encore, parfois, il ne lui appartient pas. Magre, Viollis, Signoret et surtout Abadie ont énormément servi à l’auteur d’Églé . Il leur emprunte, à chacun, la qualité particulière de leur lyrisme, voire même des expressions qui leur sont propres, au point que, par exemple, lue isolément, la strophe que je signale serait attribuée au poète des Voix de la montagne . Ces imitations, pour être fortuites, n’en sont pas moins fâcheuses.

[La Plume ().]

Jean Viollis

Saint-Georges de Bouhélier nous donne son premier livre de vers. L’œuvre, a deux parties bien marquées : c’est d’abord une brusque et rythmique allégorie, où les forces naturelles concordent à représenter les moments, les saisons. Un adolescent s’intéresse avec anxiété à figurer l’attente de l’Amour dans un décor propice, par le frisson des vents, l’éclat grondant des cieux, des danses langoureuses, bondissantes, selon que son désir s’attendrit ou s’emporte ; cet adolescent s’exaspère de son attente ; d’où l’espèce d’abattement de certains chants où il l’exprime, et leur exagération lyrique parfois. Mais il va reposer cette fougue imprécise, cet héroïsme abondant et fané sur un unique objet qui réunit tous les charmes épars : l’Épithalame est donc d’une harmonie calme et proportionnée ; la fièvre d’amour qui l’anime contribue même à cette paix. La confuse tendresse qui troublait l’esprit d’un jeune homme n’a plus besoin, pour s’exprimer, d’emprunter une mythologie rustique, mais trouve sa raison comme son but dans la femme qu’il sut élire ; c’est une destinée qui se fixe et définitivement s’attache ; il est heureux qu’une aussi favorable aventure nous ait valu de beaux vers.

[L’Effort (décembre ).]

Émile Zola

Lettre à M. Maurice Le Blond , à propos du collège d’esthétique moderne. — Je n’ai jamais été pour un enseignement esthétique quelconque, et je suis convaincu que le génie pousse tout seul, pour l’unique besogne qu’il juge bonne. Mais j’entends bien que, loin de vouloir imposer une règle et des formules aux individualités, votre ambition est simplement de les susciter, de les éclaircir, de leur donner comme une atmosphère de sympathie et d’enthousiasme qui bat leur pleine floraison.

Et c’est pourquoi je suis avec vous, de toute ma fraternité littéraire. Ce qui me ravit dans votre tentative, c’est que j’y vois un règne nouveau de l’évolution qui transforme en ce moment notre petit monde des lettres et des arts. Tout un réveil met debout la jeunesse ; elle refuse de s’enfermer davantage dans la tour d’ivoire, où ses aînés se sont morfondus si longtemps, en attendant que sœur Anne, la vérité de demain, parût à l’horizon. Un souffle a passé, un besoin de bâter la justice, de vivre la vie vraie, pour réaliser le plus de bonheur possible. Et les voilà dans la plaine, résolus à l’action, les voilà en marche, sentant bien qu’il ne suffît plus d’attendre, mais qu’il faut avancer sans cesse, si l’on veut aller par-delà les horizons, jusqu’à l’infini.

[Revue naturiste (janvier ).]

Maurice Le Blond

Le Christ de Bouhélier est une création extraordinaire. Il fallait le don verbal et la sublimité de pensée propres à un pareil poète pour en réaliser aussi parfaitement la figure.

[Revue naturiste (mars ).]

Gustave Charpentier

Je salue le jeune prophète en qui s’affirment les espérances, toute l’âme généreuse et volontaire de la jeunesse présente.

[Toast au banquet Bouhélier (mai ).]