(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moreau, Hégésippe (1810-1838) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moreau, Hégésippe (1810-1838) »

Moreau, Hégésippe (1810-1838)

[Bibliographie]

Le Myosotis (1838).

OPINIONS.

Sainte-Beuve

Si l’on considère aujourd’hui le talent et les poésies d’Hégésippe Moreau de sang-froid et sans autre préoccupation que celle de l’art et de la vérité, voici ce qu’on trouvera, ce me semble : Moreau est un poète ; il l’est par le cœur, par l’imagination, par le style, mais, chez lui, rien de tout cela, lorsqu’il mourut, n’était tout à fait achevé et accompli. Ces trois parties essentielles du poète n’étaient pas arrivées à une pleine et entière fusion. Il allait, selon toutes probabilités, s’il avait vécu, devenir un maître, mais il ne l’était pas encore. Trois imitations chez lui sont visibles et se font sentir tour à tour : celle d’André Chénier dans les ïambes, celle surtout de Barthélemy dans la satire et celle de Béranger dans la chanson.

[La Revue des deux mondes ().]

Félix Pyat

Il chanta sans profit, sans salaire la misère seule avait entendu, la misère seule répondit ; la misère le marqua pour être abattu. Il devait être de la multitude des poètes qu’elle emporte pour un ou deux qu’elle laisse vivre ; il ne pouvait, en effet, comme les deux seuls hommes qui de nos jours ont bénéficié de leurs vers, attendre le bon plaisir de la renommée et la forcer à la longue de coter ses rimes au marché.

[Étude ().]

Charles Baudelaire

Un poncif romantique, collé, non pas amalgamé à un poncif dramatique. Tout en lui n’est que poncifs réunis et voiturés ensemble. Tout cela ne fait pas une société, c’est-à-dire un tout, mais quelque chose comme une cargaison d’omnibus. Victor Hugo, Alfred de Musset, Barbier et Barthélemy lui fournissent tour à tour son contingent. Il emprunte à Boileau sa forme symétrique, sèche, dure, mais éclatante. Il nous ramène l’antique périphrase de Delille, vieille prétentieuse inutile qui se pavane fort singulièrement au milieu des images dévergondées et crues de l’école de 1830. De temps en temps il s’égaye et s’enivre classiquement, selon la méthode usitée au Caveau, ou bien découpe les sentiments lyriques en couplets, à la manière de Béranger et de Désaugiers ; il réussit presque aussi bien qu’eux l’ode à compartiments.

[L’Art romantique ().]

Théodore de Banville

Il fut un élégiaque inspiré à la grande source de Théocrite. Aussi est-il de ceux dont le nom se ravive et la fête revient au temps où fleurit l’aubépine. L’oubli ne lui prendra que sa politique et ses regains de Béranger.

[Mes souvenirs ().]

Arsène Houssaye

Hégésippe, c’était Diogène qui avait bu le vin de son tonneau avant de s’y loger et qui le roulait de la maison de Périclès au réduit de Laïs ; mais ce Diogène allait reposer son cynisme au pays de ses rêves ; il mangeait le pain de la fermière ; il se penchait sur le miroir enchanté de la Voulzie, et cueillait sur la rive ce myosotis qui est son âme et qui sera son souvenir.

[Confessions ().]

Charles Grandmougin

Comme l’a remarqué fort bien Sainte-Beuve, Hégésippe Moreau rappelle André Chénier dans les ïambes, Barthélemy dans la satire et Béranger dans la chanson. Ce qui n’enlève rien à sa personnalité où la fraîcheur et la grâce se mêlent aux fortes inspirations. La célèbre pièce sur la Voulzie respire une mélancolie, un désenchantement et un sentiment de la nature qui n’ont pas vieilli et qui contrastent avec l’âpreté de ses satires politiques de haut style et, richement ornées à la rime de ces fameuses « consonnes d’appui » que Banville a tant réclamées plus tard.

[La Grande Encyclopédie ().]