Villette [Charles Marquis, de] Maréchal général des Logis de la Cavalerie, né à Paris en 1736.
Les relations qu’il a eues avec feu M. de Voltaire, lui ont donné une espece de célébrité dans la République des Lettres, qu’il n’a point acquise par ses Ecrits. Son Eloge historique de Charles V, & celui de Henri IV, ne l’élevent point en effet au dessus des Ecrivains médiocres, & ses Vers ne le distinguent en rien de la foule de nos Versificateurs. Mais s’il est peu connu par ses Ouvrages, il l’est beaucoup par ses actions. Tout le monde sait qu’après avoir épousé une protégée de M. de Voltaire, il a eu l’honneur de loger chez lui ce Patriarche des Beaux-Esprits, de le soigner dans sa derniere maladie, & de recueillir ses derniers soupirs ; ce qui a donné lieu au distique suivant :
Admirez d’Aroüet la bizarre planete :Il naquit chez Ninon, & mourut chez Villette.
Villiers. [Pierre de] Prieur de St. Taurin, né à Cognac, dans l’Angoumois sur la Charente, en 1649, mort à Paris en 1728.
Il a eu le sort de la plupart des Auteurs médiocres, c’est-à-dire quelques succès pendant sa vie, & le plus profond oubli après sa mort. Ce qui fait honneur au jugement de l’Abbé de Villiers, c’est qu’il s’étoit attendu à cette éclipse ; jamais personne n’attacha moins de mérite à ses Productions. Son indifférence, à cet égard, alloit si loin, que le savant Abbé Fraguier, son Censeur, lui fit des reproches dans l’Approbation qu’il donna au Recueil de ses Poésies. L’Abbé de Villiers étoit bien différent, en cela, de nos Auteurs modernes, qui esperent toujours effacer ceux qui les ont précédés, & croient écrire pour la postérité, sans s’appercevoir que leur Siecle commence déjà à rougir des suffrages qu’une premiere surprise lui avoit arrachés. Telle est l’illusion de la vanité littéraire : on oublie que le génie seul peut conduire à l’immortalité, & l’on se flatte que quelques légeres étincelles d’esprit pourront résister au souffle du temps, qui ne respecte que les vraies lumieres.
La plus connue de toutes les Pieces du Recueil de l’Abbé de Villiers, est un Poëme sur l’Art de prêcher. Ce Poëme renferme les principales regles de l’éloquence de la Chaire. Les préceptes n’en sont ni fins ni nouveaux ; tout ce qu’on peut dire, c’est que la versification en est facile & correcte, sans que ces deux qualités puissent faire oublier qu’elle manque de noblesse & d’élégance. En général, ce Poëte est diffus, languissant, prosaïque ; principe assez naturel d’une chute inévitable.
Sa Prose est assez communément dans le même goût ; mais si elle n’a pas le mérite des tours & de l’expression, elle a quelquefois celui des pensées. On trouve en effet d’excellentes vûes dans ses Entretiens sur les Tragédies, & des idées très-justes dans ses Réflexions sur les défauts d’autrui, témoin celle-ci, plus vraie qu’élégamment exprimée : le signe de la médiocrité, dans les Auteurs, est la révolte contre la critique. Il eût pu y joindre cette autre-ci, pour lui servir de suite : & la maniere dont un mauvais Auteur se défend contre la critique, ajoute souvent à la preuve de la médiocrité de son esprit, celle de la petitesse & de la perversité de son ame.