La Tour
La Tour est toujours le même. Si ses portraits frappent moins aujourd’hui, c’est qu’on attend de lui tout ce qu’il fait.
Il a peint le Prince Clément et la Princesse Christine de Saxe, le Dauphin et presque toute sa famille. Le portrait du célèbre sculpteur Le Moyne est surprenant pour la vie et la vérité qui y sont.
C’est un rare corps que ce La Tour. Il se mêle de poésie, de morale, de théologie, de métaphysique et de politique. C’est un homme franc et vrai. C’est un fait qu’en 1756 faisant le portrait du roi, Sa Majesté cherchait à s’entretenir avec lui sur son art, et que La Tour répondit à toutes les observations du monarque, Vous avez raison, Sire, mais nous n’avons point de marine. Cette liberté déplacée n’offensa point, et le portrait s’acheva. Il dit un jour à monseigneur le Dauphin qui lui paraissait mal instruit d’une affaire qu’il lui avait recommandée : Voilà comme vous vous laissez toujours tromper par des fripons, vous autres. Il prétend qu’il ne va à la cour que pour leur dire leurs vérités, et à Versailles il passe pour un fou dont les propos ne tirent point à conséquence ; ce qui lui conserve son franc-parler.
J’y étais, chez M. le baron d’Holbach, lorsqu’on lui montra deux pastels de Meings, aujourd’hui, je crois, premier peintre du roi d’Espagne. La Tour les regarda longtemps. C’était avant dîner. On sert. Il se met à table. Il mange sans parler ; puis tout à coup il se lève, va revoir les deux pastels, et ne reparaît plus.
Ces deux pastels représentent l’Innocence sous la figure d’une jeune fille qui caresse un agneau, et le Plaisir sous la figure d’un jeune garçon enlacé de soie, couronné de fleurs et la tête entourée de l’arc-en-ciel.
Il y a de ce Meings deux autres pastels à l’École militaire. L’un c’est une Courtisane athénienne ; c’est la séduction même et la perfidie. L’autre est un Philosophe stoïcien qui la regarde et qui sent son cœur s’émouvoir. Ces deux morceaux sont à vendre.