(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 472-473
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 472-473

1. Chapelain, [Jean] de l’Académie Françoise, né à Paris en 1595, mort dans la même ville en 1674 ; Poëte justement estimé, tant qu’il se borna au genre qui lui convenoit. Son Ode au Cardinal de Richelieu, louée par Boileau lui-même, laquelle a près de trois cents vers ; ses autres Pieces lyriques, ses Sonners, ses Madrigaux (petites Pieces préférables à beaucoup d’autres de la même espece, qui figurent dans nos Recueils), ne sont pas les Ouvrages qui l’ont rendu ridicule ; ils suffiroient, au contraire, pour établir la réputation d’un homme qui n’auroit pas fait la Pucelle. C’est cette Pucelle si magnifiquement annoncée, si longtemps attendue, si imprudemment mise au jour, qui a précipité Chapelain du haut du Trône poétique, où ses amis l’avoient placé, dans la derniere classe des mauvais Ecrivains. Jamais Ouvrage n’a plus prêté à la satire, parce que jamais Ouvrage n’a été plus étranger au génie d’un Auteur. L’Epopée exige de la fécondité dans l’invention, de l’élévation dans les sentimens, de l’agrément dans les détails, de la vivacité dans les images, de la chaleur, & sur-tout de l’harmonie dans le style. On chercheroit en vain dans le Poëme de Chapelain, le moindre germe de ces qualités. Un esprit froid, une ame symétrique, une imagination seche & stérile, un ton monotone, plein d’âpreté & de rudesse, sont des titres assurés pour être l’anathême des Muses épiques. Ce n’est pas que les vers de la Pucelle ne contiennent quelquefois des pensées justes, ne renferment des sentimens raisonnables ; mais tout y est mort, tout y annonce le pénible travail qui les a enfantés ; ils ont l’air d’avoir été arrachés par violence à la nature. Le moyen, après cela, de plaire & d’intéresser ? Boileau a donc eu raison de ridiculiser cet Ouvrage, en donnant de son style une imitation très-propre à la décrier.

Maudit soit l’Auteur dur dont l’âpre & rude verve,
Son cerveau tenaillant, rima malgré Minerve ;
Et de son lourd marteau martelant le bon sens,
A fait de méchans vers douze fois douze cents.

Mais ce Critique lui a-t-il rendu justice sur ses autres Productions ?