Guizot
Vie de quatre grands chrétiens français.
I
Ceux qui aiment et respectent la mémoire de Guizot regretteront, en lisant les Vies de quatre grands chrétiens français, que sa vieillesse ne fût pas plus fatiguée quand il l’écrivit, et qu’il ne mît pas par-dessus son ancienne renommée, pour la conserver, le couvert, si aisé pourtant, du silence. Les Quatre grands chrétiens français n’ont pas certainement été écrits par un cinquième… Rien de plus médiocre, en effet, et que dis-je ? de plus vain, de plus inutile, de plus sans raison d’être, — voilà pour le fond ! — de plus vague, de moins appuyé, de moins personnel, quoique ce soit infiniment plat, — voilà pour la forme ! — que ces Quatre grands chrétiens français, recueillis sur des terrains différents, jouant, ou plutôt ne jouant pas aux quatre coins, mais les faisant dans le livre de Guizot, l’homme, comme Thiers, son ancien collègue, de la balançoire éternelle, du juste milieu, de l’équilibre ; n’ayant pas (tous les deux !) une idée qu’à l’instant même une autre idée ne surgisse au bout pour la contrepeser, pour l’empêcher de pencher à gauche ou à droite, — la grande affaire, la seule affaire, en dernière analyse, pour des gens qui n’ont pas la force de haïr vaillamment l’erreur ou d’aimer vaillamment la vérité !
Et tel Guizot, il faut bien le dire… Son idée première, dans ce livre qu’il aurait bien pu ne pas publier, est assurément Calvin et Duplessis-Mornay. Mais, dans son épouvante de l’absolu en toutes choses, il adressé, au bout et en face, saint Louis et saint Vincent de Paul, additionnant, pour faire quatre grands hommes chrétiens, natifs de France, saint Louis et saint Vincent de Paul, qui sont plus que de grands chrétiens, puisqu’ils sont des saints, et Calvin et Duplessis-Mornay, qui ne furent jamais des grands hommes. Résultat superbe ! sur les quatre, il n’y en a pas un, et punition de n’avoir pas le courage de sa pensée ! Guizot, qui ne dit pas son dernier mot dans ce livre, car il n’y a pas de dernier mot pour cette loquacité, tenace et vivace ; Guizot, qui ne tient pas moins, dans ce livre, à faire solennellement la cène protestante et à chanter, non pas son cantique de saint Siméon, mais de Marot, en l’honneur du protestantisme, devait laisser là saint Louis et saint Vincent de Paul, qui n’ont que faire et qui détonnent un peu dans des litanies protestantes, et, s’il n’y a pas quatre grands hommes pour lui dans les rangs du protestantisme, se contenter fièrement de deux !
Mais voilà ce que Guizot n’était pas capable de faire. Il voulait impérieusement ses quatre grands hommes chrétiens, comme il dit, et n’en voyant pas chez lui, pour la contredanse historique qu’il rêvait, il est venu les prendre chez nous, non pas de nuit, mais en plein jour d’histoire. Seulement, ne vous y trompez pas ! ce n’est pas simplement manque de franche hardiesse et besoin de saints qui lui ont fait, sans cérémonie, voler les nôtres pour les mettre dans la mauvaise compagnie des siens, ç’a été aussi l’aveuglement de l’erreur et la confusion de toutes les idées. Dans la préface même de son livre, Guizot dit gravement, avec cette glotte d’oracle et ce rengorgement professoral qu’on lui connaît : « Le Catholicisme et le Protestantisme sont LES deux grandes branches issues du tronc chrétien. Ces deux Églises se sont fait longtemps une guerre oppressive et sanglante. Elles ont triomphé ou succombé sur des théâtres divers. Mais là où le Catholicisme a triomphé, comme en France, le Protestantisme n’a point disparu ; là où le Protestantisme a vaincu, comme en Angleterre, le Catholicisme a survécu. Après s’être condamnées à tant d’épreuves et de souffrances mutuelles, ces deux Églises ont appris, par leur propre expérience, qu’elles ne peuvent se détruire l’une l’autre, et qu’il est dans leur destinée de vivre ensemble sur la face du globe… »
Ainsi, selon Guizot, le Christianisme est une chose, et le catholicisme et le protestantisme deux autres choses, sorties de celle-là ; il y a égalité de deux Églises. Mais l’histoire, ni nous, les catholiques, n’acceptons ce compte-là ! L’histoire et nous n’admettons qu’une Église. On est dedans ou l’on en est dehors, mais il n’y en a pas deux ! Bien loin que le protestantisme soit « une branche du tronc chrétien », il n’en est pas même une branche rompue. C’est la hache qui l’a frappé ! Le
protestantisme n’a jamais été qu’une révolte… pourquoi le nier ? Je ne le nierais pas, moi, si j’étais protestant ! Je n’effacerais pas de mon front le signe du révolté, qui serait mon titre de gloire. Comment ! on nous opprimait : nous nous sommes révoltés ; quoi de plus simple ? Et non seulement nous avons fait une révolte heureuse, durable et féconde, et la plus féconde qui ait jamais étendu le frai immortel de toutes révoltes sur l’univers, depuis la guerre des Paysans au xvie
siècle jusqu’à la guerre des Communards au xixe
, qui pourrait bien redevenir la guerre des Paysans encore. Oui ! j’aurais la fierté de ma révolte ; mais Guizot n’est pas Spartacus !
Guizot, qui a opposé l’ordre et la liberté dans une antithèse connue, digne de Victor Hugo, comme il oppose aujourd’hui saint Louis à Calvin, dans une autre antithèse, n’entend sous aucun prétexte être un révolté, si protestant qu’il puisse être, et il tripote dans l’histoire pour nous prouver que cela fait deux. Singulier arithméticien historique ! La filiation terrible que je vois entre les Jacqueries protestantes et les Jacqueries des temps futurs (et pas si futurs), Guizot ne l’a pas vue du traversin sur lequel dormait sa vieillesse fortunée, mais la logique des principes posés étrangle, un jour ou l’autre, les subtilités des sophistes, et l’invention des deux Églises ne le sauvera pas !
II
Au reste, cette invention des deux Églises, qui n’est pas neuve et qui n’est pas de lui, convient parfaitement à un homme qui a passé sa vie entre deux idées, comme on reste assis par terre entre deux selles. Fidèle aux habitudes de toute sa vie, Guizot prend encore cette forte et majestueuse position, mais il se contente de la prendre. Il ne discute pas une minute l’existence de ses deux Églises parallèles qui doivent, dit-il dans sa préface, former jusqu’à la fin du monde une asymptote, et il passe immédiatement à ses biographies parallèles. Nous n’avons pas encore la partie carrée des quatre grands hommes. Nous n’avons que les deux premiers et le premier volume de l’ouvrage, mais ce que nous avons fait pressentir ce que nous aurons par la suite. Guizot a méconnu la plus vulgaire règle de composition, qui exige que l’intérêt aille toujours croissant dans toute œuvre littéraire, et il a commencé son livre par ceux avec lesquels il devait le finir ; car, à moins que toutes les notions ne se trouvent brouillées dans sa tête, saint Louis et Calvin sont bien autrement intéressants en histoire que Duplessis-Mornay et même que saint Vincent de Paul !
Calvin surtout, Calvin, entre tous, doit être pour Guizot incomparable. Il l’appelle un réformateur, mais il le diminue… Allons ! pour Guizot, c’est bien mieux. C’est le fondateur de la seconde Église, dans laquelle Guizot est né. Ce n’est pas ma faute si je blasphème ! Calvin s’élance jusqu’à Jésus-Christ, puisqu’il le réforme, en réformant son Église, ou plutôt il le balance, en opposant à l’Église de Jésus-Christ la sienne, à lui, l’Église de Calvin ! Ce presque Dieu, et s’il n’est Dieu, cet homme divin, ne peut être mis en vis-à-vis ou en pendant de personne, et il y a légèreté pour un protestant à l’y placer. Quant à saint Louis, c’est le Roi sans péché du Moyen Âge, l’idéal de la royauté chrétienne dans sa pure beauté ; mais est-ce bien Guizot qui peut comprendre la grandeur surnaturelle d’un tel homme ?… Pour ma part, je ne le crois pas. Pour ma part, il est dans notre histoire de France deux grandeurs auxquelles je défends à toute plume qui n’est pas catholique de toucher, et c’est précisément ce saint Louis sur lequel Guizot vient de mettre sans façon sa main protestante, et Jeanne d’Arc !
Évidemment, toute plume catholique n’est pas digne, par cela seul qu’elle est catholique, de toucher à ces deux êtres surnaturels, mais toute plume qui ne sera pas catholique s’y brisera. L’historien de Jeanne d’Arc est encore à venir. Des plumes très catholiques se sont montrées très incapables, par le talent, de faire une auréole à cette tête d’archange, mais elles ne l’ont pas, du moins, profanée ; tandis que tous les historiens non catholiques de la Pucelle se sont traînés, plus ou moins, comme des limaces, sur sa mémoire. Prenez-les tous et regardez ! Il n’y a pas que ce sale Voltaire de coupable ! Shakespeare lui-même, devant lequel tout nom et tout génie s’abaissent, n’y a rien compris, et quand j’ai nommé celui-là, je n’ai pas besoin de nommer les autres. Saint Louis, bien moins surnaturel que Jeanne d’Arc, bien moins étonnant et bien moins incompréhensible pour notre sotte humanité, a été plus heureux. Il a eu, lui, son historien, comme Notre-Seigneur ses Évangélistes. Joinville a été l’Évangéliste de saint Louis, et son livre charmant est marqué du caractère le plus divin que puisse avoir le livre d’un homme sur un homme. Guizot en a copié beaucoup de passages. Il aurait dû les copier tous, et sa besogne eût été faite !
Malheureusement, non ! On aurait cru qu’il n’y avait qu’un cuistre qui pût mettre des rallonges à Joinville, et Guizot en a mis. Une de ces rallonges, et même la plus longue, est M. Félix Faure, qui, par parenthèse, est de bois de laurier académique, cette rallonge-là ! M. Félix Faure a écrit une Vie de saint Louis couronnée par l’Académie, et Guizot, qui emporte l’Académie dans sa poche comme Hercule les Pygmées dans un coin de sa peau de lion, se fait à lui-même politesse en caressant publiquement son petit. C’est maternel, la manière dont il lui passe la main sur le dos, à son lauréat, et comme il le cite ! Il le cite plus que n’importe qui, plus que le confesseur de la reine Marguerite, la Chronique de Saint-Denys, Mathieu Pâris, Le Nain de Tillemont, et tous les autres historiens dans lesquels il a ramassé sa biographie.
M. Félix Faure, que je n’ai lu que dans Guizot, est-il protestant ? Je l’ignore. Ou, comme tant de modernes, n’est-il que de cette philosophie qui est sortie du protestantisme ?… Je ne le sais pas non plus. Mais j’ai cela à louer dans M. Faure, qu’il prouve péremptoirement, dans une excellente page, malgré Bossuet, Daunou et Guizot, son protecteur, que la Pragmatique sanction, dans laquelle les philosophes et les gallicans avaient vu avec tant, de joie une opposition au Saint-Siège, n’est qu’un cancan et un préjugé historique, il est vrai que Guizot n’est point de cet avis ; il résiste à l’opinion justifiée de son lauréat. Mais comme il n’a pas une idée à lui, dans tout le courant de son ouvrage, il se bute, pour en avoir une, dans la vieille opinion philosophique et gallicane, et de là, de cette moelleuse main qu’on lui connaît, si habile aux nuances et aux délicieux coloris, il nous protestantise légèrement la catholique figure de saint Louis, pour arriver par une pente douce à la figure, tout à fait protestante, celle-là, de Calvin !
III
Eh bien, Calvin, le Calvin des Quatre grands chrétiens français, n’appartient pas plus à Guizot que ce saint Louis, fait de morceaux maladroitement recousus les uns au bout des autres ! J’ai donné plus haut la liste des historiens de saint Louis (qui du reste n’y sont pas tous) derrière lesquels Guizot a eu le soin de cacher sa tête vide. Pour Calvin, sa méthode va être la même ; c’est la méthode d’un homme qui sent son néant, et qui lui fait couverture avec des citations successives. Elles y sont si nombreuses et elles y prennent si pleinement tant de place, que le livre n’a plus que la valeur d’un plagiat dont le plagiaire n’a pas eu honte de se nommer. Toute la Suisse est là. Ce sont des partisans de Calvin et des pasteurs de Genève qui ont fait réellement le livre de Guizot. Cela s’appelle Bungener, Stahalin, Gaberel, Drelincourt, Coulin, quels noms étoilés ! Guizot se cite parmi eux. Il cite des passages de son petit benjamin de livre (les Méditations chrétiennes). Il se cite, comme Royer-Collard, au déclin, — ne pouvant plus se renouveler ! Voilà les raconteurs de la vie publique de Calvin, — de ce dur commissaire de police religieuse, dont je n’ai pas de mal à dire, car j’aime les commissaires de police, et qui tint Genève sous sa griffe pendant des années, mais dont l’action énergique, le croira-t-on jamais ? est énervée dans les récits de l’homme qui, par ses attitudes, a fait le plus croire qu’il avait en lui du Calvin ! L’énergie de Calvin n’est pas plus comprise par Guizot que l’orthodoxie de saint Louis. Pour le détail de la vie privée du réformateur protestant, on la chercherait en vain dans le livre de Guizot. Elle n’y est pas. Les pasteurs de l’Église réformée ne pouvaient pas l’écrire. Elle aurait trop déformé leur réformateur.
Ainsi, Guizot, qui a écrit à la tête de son livre le mot Vie, — Vies de Quatre grands chrétiens français, — n’avait pas, en réalité, le droit de l’écrire, puisqu’il ne nous donne qu’une biographie dédoublée. Cependant, la vie privée d’un homme historique appartient à la postérité. La vie privée s’adosse à, la vie publique, et il n’est pas permis à l’historien de les séparer. On ne scie pas un homme par la moitié sans crime, en histoire comme ailleurs. Guizot, qui, dans les citations dont est fait son saint Louis, avait oublié les Établissements de Beugnot, a oublié dans son Calvin un livre, catholique il est vrai, mais capital par la science, le renseignement, la sagacité, le talent : le livre d’Audin, auteur aussi d’une vie superbe de Luther. Guizot connaît-il ce livre ? Peut-être non. Tout peut se croire du pêle-mêle littéraire de ce temps, dans lequel roule ce livre encore trop ignoré, mais qui surgira du flot quand tant d’autres livres, portés par le flot, sombreront ! Audin, lui, pourrait se vanter d’avoir fait une Vie complète de Calvin, à laquelle tous les partisans de Calvin sont tenus maintenant de répondre. Et de fait, la vie privée des réformateurs importe à leur réforme. Puisqu’on nous a fait l’insolence des deux Églises parallèles, il faut qu’on puisse voir dans la vie des fondateurs de l’une comme de l’autre de ces Églises, et (que Dieu me pardonne d’unir forcément ces deux noms !) il faut, pour l’honneur du protestantisme, qu’on voie aussi clairement dans la vie de Calvin que dans celle de Notre-Seigneur Jésus-Christ !
Effrayante alternative pour Guizot, qui n’a même guères abordé que par la main des autres la vie publique de Calvin et son gouvernement spirituel, mais qui, pour le reste, pour cet abîme de la moralité d’un homme, qu’il faut pénétrer et sonder dans tout homme, quand on se charge de son histoire, a fait ce qu’on fit à la mort de Calvin, dont on s’empressa de clouer vite dans le cercueil le cadavre, qui aurait parlé, et de le jeter dans la tombe… Prudence terrible, qui dit même plus qu’on n’ose penser.
IV
Le quadrille est donc manqué, dès les premiers pas, et, l’aurait-on prévu jamais ? manqué par Calvin ; car la vie privée de saint Louis se trouve dans Joinville, et Guizot, qui n’avait pas de raisons pour ne pas la copier, l’a copiée. Hélas ! le temps a fait de Guizot, jadis historien, un copiste ; seulement on reconnaît toujours le protestant au choix de la copie, et malgré le faste de protestantisme qui s’étale dans son livre, on y reconnaît le philosophe, l’éclectique, le rationaliste, plus que le protestant encore. Dans le domaine de l’action comme dans celui de la pensée, Guizot est un esprit qui ne fut jamais sûr de rien. Sépulcre (au fond) de scepticisme, blanchi et recrépi de protestantisme à la surface, c’est le Guizot de toute sa vie que nous retrouvons dans ce livre, mais avec des changements profonds et des modifications singulières. C’est bien Guizot, l’ancien Guizot, mais tellement passé à la pierre ponce des années, tellement usé par la main de velours du temps qu’il s’en est velouté comme elle, tellement dulcifié qu’il en est devenu douceâtre, et ayant perdu si complètement tous ses angles, toutes ses âpretés et toutes ses sécheresses, qu’on se dit, sous le coup de cette étonnante métamorphose : Va-t-il lui pousser des contours ?…
Là sera l’étonnement pour ceux qui liront cette vie des Quatre grands chrétiens français. On y constatera, en plus, un déplorable progrès, — le progrès dans la faiblesse et l’effacement. Certes ! nous nous attendions▶ ici à une œuvre de protestantisme et de philosophie, dont nous n’aurions même pas discuté les principes dans une polémique inutile ; mais puisqu’il s’agissait du protestantisme et de Calvin, nous nous ◀attendions, cependant, à une œuvre, sinon forte, au moins substantielle de l’ancienne substance de Guizot. Rien de semblable ne s’est produit. Je l’ai dit déjà : excepté l’idée du quadrille historique, qui est une idée de maître à danser, il n’y a rien dans le livre de Guizot qui soit vraiment de Guizot, qui ait coûté une noble peine, un vigoureux effort à Guizot ! Il n’y a là ni aperçu frappant, ni pensée nouvelle. Tout ce qui est là-dedans, avant de le lire, on le savait ; et la manière de nous l’apprendre, on la savait aussi, mais moins, car elle s’est lamentablement affaiblie. De grisâtre qu’il était autrefois quand il éclatait le plus, le style de Guizot a passé au blanchâtre, et la dure austérité de la forme qui semblait impliquer l’austérité du fond, et qui était la prétention de Guizot, s’est fondue dans je ne sais quel ramollissement sentimental. Ce grand antipathique, qui a déplu au monde avec une persistance de soixante années et davantage, ne parle plus, ne se préoccupe plus que de sympathie. C’est la sympathie qui est le point commun de ses Quatre grands chrétiens. Il la trouve également dans saint Louis, où elle était réellement, et dans Calvin, où elle n’était pas. Qui sait ? Il la trouve peut-être en lui-même ! Toujours est-il que, maniaque de sympathie nouvellement éclose, il en répète le mot à chaque page, à chaque ligne, avec une fréquence qui ressemble au tic d’un appauvrissement. Un sympathique ennui — vous le comprenez ! — s’exhale de tout cela. Je parlais dernièrement de l’ennui dont nous accable Goethe ; si je faisais des quadrilles de grands ennuyeux et de grands ennuis, je mettrais en face celui dont nous comble Guizot.
J’avais envie de ne pas le dire. J’avais envie d’épargner cette critique au grand âge de Guizot ; mais, lui, nous a-t-il épargné d’écrire un livre que nous ne lui demandions pas ? J’ai été dupe une fois de plus de ce nom de Guizot, qui papillote encore à l’œil dans la lumière de ce temps, et qui en est, je crois bien, à son dernier papillotage. Désormais je le laisserai tranquille. L’historien de la Civilisation n’est plus qu’un grand-père dans l’histoire. Pour le lire, il faut être de sa famille, — et il n’y a plus que ses petits-enfants qui puissent en parler !