(1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248
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(1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Florian.
(Fables illustrées.)

Nous serons encore à Sceaux cette fois : Florian y habitait volontiers ; il y est mort et il y repose. Nous ne craindrons pas de venir parler, après tant d’autres, d’un écrivain aimable, populaire, cher à l’adolescence et à l’enfance, et dont le nom ne s’offre plus guère ensuite à nous que pour faire sourire d’un sourire de demi-dédain notre maturité. Nous n’aurons pas ce dédain aujourd’hui ; nous tâcherons, sans mentir en rien et sans rien surfaire, d’apprécier à sa valeur ce talent qui ne fut ni très élevé, ni très énergique, ni très étendu, mais qui fut modeste, naturel, sincère, et qui se montra gai, vif, fertile, agréable et fin, lorsqu’il osa être tout entier lui-même, et qu’il ne sortit pas de ses justes emplois. L’anniversaire du jour de l’an est une fête de famille, et Florian en est de droit. Une autre année, à un autre anniversaire, si nous y sommes encore, nous parlerons de cet autre ami de la famille, de l’auteur des Contes de fées, je veux dire de Perrault. Tenons-nous-en au Florian des Fables pour aujourd’hui.

Florian a raconté ses impressions d’enfance et ses premières aventures, ses fredaines de jeunesse, dans des pages rapides, écrites d’un ton enjoué, parfois assez leste, et qui sent même la garnison. Dans ces demi-confessions intitulées Mémoires d’un jeune Espagnol, il a jugé à propos de travestir les noms de personnes et de lieux, ce qui laisse de l’incertitude sur quelques points, d’ailleurs peu importants. Son nom de famille était Claris ; il naquit en 1755 dans les basses Cévennes, non loin d’Anduze, au château de Florian qu’avait fait bâtir son grand-père. Ce grand-père s’était ruiné de toutes les manières, avec les femmes, avec les maçons, et finalement il se ruinait en procès. Quelques biographes ont fait, des promenades du jeune Florian avec son grand-père, un tableau sentimental, une idylle ; Florian, dans ses Mémoires, en parle beaucoup plus légèrement. Ce qui vaut mieux, c’est que plus tard, avec le prix de ses ouvrages si goûtés, il paya toutes les dettes qu’avait léguées cet aïeul dissipateur, et qui grevaient la succession paternelle. Le père de Florian avait été au service, dans la cavalerie ; un de ses oncles, qui avait servi également, grand amateur du beau sexe, épousa une nièce de Voltaire. Cet oncle passait un été à Ferney, et le petit Florian, âgé de dix ans, l’y alla voir, il a très bien raconté ce premier voyage (juillet 1765). Voltaire fut enchanté de sa gentillesse, de ses grands yeux spirituels, de ses reparties vives, de sa gaieté naturelle, et ce grand donneur de sobriquets le baptisa du premier jour Florianet, nom qui était tout un horoscope. Voltaire se montra si aimable pour lui, qu’il fut bientôt, de toutes les personnes de la maison, celle avec qui Florianet se plaisait le plus :

Souvent il me faisait placer auprès de lui à table ; et, tandis que beaucoup de personnages qui se croyaient importants, et qui venaient souper chez Lope de Vega pour soutenir cette importance, le regardaient et l’écoutaient, Lope (c’est le nom qu’il donne partout à Voltaire dans le léger déguisement de ses Mémoires) se plaisait à causer avec un enfant. La première question qu’il me fit fut si je savais beaucoup de choses. — « Oui, monsieur, lui dis-je, je sais l’Iliade et le blason. » — Lope se mit à rire, et me raconta la fable du marchand, du gentilhomme, du pâtre et du fils de roi ; cette fable et la manière charmante dont elle fut racontée me persuadèrent que le blason n’était pas la plus utile des sciences, et je résolus d’apprendre autre chose.

L’auteur futur des Fables dut se ressouvenir de cette impression première et de la forme dans laquelle elle lui venait. Je ne dirai rien des mille espiègleries qu’il raconte, des pavots coupés dans le jardin, et sur lesquels l’enfant, tout plein de son Iliade, s’exerçait en Ajax furieux ; il croyait moissonner, avec son sabre de bois, des héros troyens. J’allais oublier les thèmes que Voltaire l’aidait à faire sous main, et qu’ensuite le père Adam, son précepteur bénévole, trouvait excellents. Le père Adam les montrait comme un chef-d’œuvre à Voltaire, qui disait, en souriant, que ce n’était pas mal pour un enfant de cet âge. Mlle Clairon était alors à Ferney ; on lui ménagea une surprise pour sa fête, de galants couplets que vinrent lui chanter un petit berger et sa bergère. Ce petit berger n’était autre que Florianet : « J’étais vêtu de blanc, et mon habit, mon chapeau et ma houlette étaient garnis de ruban rose. Une jeune fille, vêtue de même, soutenait avec moi une grande corbeille pleine de fleurs. » Le petit Florian chanta ensuite avec sa bergère une chanson en dialogue, composée par Voltaire en l’honneur de Mlle Clairon :

Je suis à peine à mon printemps,
Et j’ai déjà des sentiments…

Mais ne voilà-t-il pas, dès l’entrée, toute une vie qui se dessine ? Il a commencé par entendre, de la bouche de Voltaire, une fable de La Fontaine : cette leçon fructifiera. Il joue à l’Iliade, il la traduit en fleurs de pavots, et la fait tenir dans un carré de parterre : cela promet Numa Pompilius. Il joue un berger blanc et rose avec sa bergère : c’est commencer déjà l’innocente pastorale d’Estelle et Némorin. Enfin, cette fête de nuit en l’honneur de Mlle Clairon se termine, dans le récit de Florian, par une très belle description de l’aurore, par un lever de soleil sur les cimes des Alpes, qui a frappé son imagination d’enfant : c’est le signal d’un sentiment tout nouveau, plein de fraîcheur, l’amour de la nature, qui va être la passion et presque l’engouement des générations naissantes. Même en étant là avec Florian chez Voltaire, on sent que Rousseau est venu.

Le petit Florian est emmené à Paris par sa tante ; il y est élevé un peu à la légère, et comme un petit monsieur. À douze ans, sa première velléité d’amourette est pour la cadette des nièces de Gresset. Florianet et les nièces de Vert-Vert ! il y a dans tout cela des accords secrets et des sympathies. Il entre comme page chez le duc de Penthièvre, dont il devient le favori. Il l’égaie par ses saillies, par ses vivacités de lutin espiègle et spirituel : « Il me donna le surnom de Pulcinella, que j’ai toujours porté depuis. » Florianet, petit Polichinelle, toujours des sobriquets et des diminutifs, pour exprimer la grâce, la gaieté, la gentillesse.

Le duc de Penthièvre, fils du comte de Toulouse et neveu du duc du Maine, était le dernier héritier des bâtards légitimés, fils de Louis XIV ; homme vertueux et bienfaisant, il corrigeait, par l’usage qu’il faisait de ses immenses richesses, l’impureté de leur source. Il eut une grande influence sur la destinée de Florian ; il arrêta à temps en lui ce que la seule influence de Voltaire et celle de tout le siècle auraient pu y produire d’un peu libertin. Les Mémoires de Florian indiquent, en effet, qu’il était assez disposé à être libertin. Il avait peu à faire pour devenir indiscret, léger, séducteur et inconstant, un peu fat en un mot ; mais sa bonne nature, aidée du patronage moral du duc de Penthièvre, contint et régla ses défauts, lors même qu’elle n’en triompha point. Capitaine de dragons et attaché en qualité de gentilhomme au duc de Penthièvre, ce dernier titre lui fut un frein et l’empêcha de devenir dragon jusqu’au bout.

Il débuta dans les lettres vers 1779, sous les plus riants auspices. Un jeune militaire, qu’on appelait par confusion et par ricochet un petit-neveu de Voltaire, ne pouvait que trouver faveur à sa suite et au lendemain de son apothéose. Le chevalier de Florian se distingua tout d’abord par d’aimables productions qui sont encore ce qu’il a fait peut-être de plus original et de plus vrai, par son Théâtre. Ce Théâtre de Florian est bien à lui, et il offre des nuances de gaieté, de fraîcheur et de sentiment, qui assurent à l’auteur une place à part, à la suite des Marivaux, des Sedaine. Florian ressuscita, au Théâtre italien, le genre des arlequinades, qui semblait passé de mode ; mais son Arlequin ne ressembla point aux autres. Arlequin était plutôt connu jusque-là par ses balourdises et ses facéties : Florian voulut y mettre plus d’esprit jusque dans la naïveté, plus de finesse dans la balourdise ; il lui insinua surtout du sentiment. Son Arlequin,

toujours simple et bon, toujours facile à tromper, croit ce qu’on lui dit, fait ce que l’on veut, et vient se mettre de moitié dans les pièges qu’on veut lui tendre : rien ne l’étonne, tout l’embarrasse ; il n’a point de raison, il n’a que de la sensibilité ; il se fâche, s’apaise, s’afflige, se console dans le même instant : sa joie et sa douleur sont également plaisantes. Ce n’est pourtant rien moins qu’un bouffon ; ce n’est pas non plus un personnage sérieux : c’est un grand enfant.

Voilà bien l’Arlequin, tel que l’a renouvelé et créé Florian dans Les Deux Billets, dans Le Bon Ménage, dans La Bonne Mère ; un Arlequin bon, doux, ingénu, aussi babillard qu’honnête homme, simple sans être bête, naïf sans être niais. Dans Michel et Christine de M. Scribe, avez-vous vu Perlet jouant Michel ? À ceux qui ne l’avaient pas vu, M. Scribe indiquait, pour donner idée de l’esprit véritable de ce rôle, l’Arlequin-Lubin de La Bonne Mère de Florian. Les Arlequins de Florian se confondent. à quelques égards avec les Lubins, tant ils ont de bonhomie et de sentiment. Le Bon Ménage, Les Jumeaux de Bergame, paraissaient à Grimm de très jolies miniatures, qui faisaient ressouvenir de Marivaux, mais où le naturel prévalait. Grimm reconnaissait et accueillait ce caractère nouveau que l’auteur avait su donner au rôle d’Arlequin : « On est tenté de lui dire quelquefois : Vous êtes Arlequin, seigneur, et vous pleurez ! Mais il pleure de si bonne grâce, qu’il y aurait de l’humeur à le trouver mauvais. »

Dans Le Bon Ménage, Arlequin, bon mari et toujours amoureux, se croit, à un certain moment, trompé par sa femme, qui a reçu un billet d’un M. Lélio : ce billet n’est pas pour sa femme, mais il le croit adressé à elle, tandis qu’elle n’en est que la messagère. Elle vient de rentrer au logis, et il l’apostrophe vivement dans sa colère :

Vous venez de chez M. Lélio, j’en suis sûr, je le sais, je l’ai vu, je vous ai suivie. Osez m’assurer que vous ne venez pas de chez M. Lélio !

argentine.

Je ne veux pas vous mentir ; il est vrai, je viens de parler à M. Lélio : mais…

arlequin, au désespoir.

Et pourquoi me le dire ? je n’en étais pas sûr.

Nous touchons là avec Florian au sublime de l’Arlequin passionné. On ne peut s’empêcher de se rappeler le fameux : « Qui te l’a dit ? » de Racine, dans les fureurs d’Hermione. Cette suite d’Arlequins pris à des moments et à des âges différents fait une série de jolies pièces, où les mots naturels, gais et fins, sont abondamment semés. L’auteur est bien dans son élément : plus tard, dans Numa, dans Gonzalve, il visera à je ne sais quel idéal, il se guindera ; mais ici c’est bien Florianet au complet, tel que l’a baptisé Voltaire et que l’a adopté le duc de Penthièvre, c’est lui dans tout le vrai et dans tout le vif de sa nature. On sourit de penser que cet Arlequin, ainsi transformé par Florian, tenait en quelque chose du duc de Penthièvre lui-même. Un jour qu’on devait jouer le Bon Père (c’est-à-dire Arlequin encore, mais Arlequin respectable, en habit de velours, veste de drap d’or, perruque à trois marteaux) pour la fête du prince, comme celui-ci par dévotion s’y opposait, Florian s’avança sous le masque d’Arlequin et dit avec regret à la compagnie, en parodiant en bonne part le mot de Molière : « Nous espérions vous donner aujourd’hui la comédie du Bon Père, mais M. le duc de Penthièvre ne veut pas qu’on le joue. » M. Lacretelle, l’un des hommes qui ont le mieux connu et le mieux peint Florian par tous ses aspects, nous raconte cette anecdote, avec beaucoup d’autres traits dont nous profitons.

L’Arlequin bon père de Florian est donc une sorte d’Arlequin-Penthièvre, un Arlequin un peu d’après Greuze. Cette sensibilité vertueuse et paterne, répandue volontiers sur toutes les figures, même sur les figures gaies, est le cachet de l’époque Louis XVI.

Une remarque singulière et qui caractérise bien le propre des vocations et des instincts, c’est que plus tard Florian traduira Don Quichotte et l’abrégera sous prétexte d’en affaiblir les taches ; mais ce sont souvent les beautés et les gaietés qu’il abrège :

C’est le génie qu’il supprime, a dit Marie-Joseph Chénier ; il attiédit la verve de Cervantes ; un comique large et franc devient partout mince et discret.

— Il a appliqué, dit M. Joubert, aux épanchements d’une veine abondante et riche, les sautillements et les murmures d’un ruisseau : petits bruits, petits mouvements, très agréables sans doute quand il s’agit d’un filet d’eau resserré qui roule sur des cailloux, mais allure insupportable et fausse quand on l’attribue à une eau large, qui coule à plein canal sur un sable très fin. 

On voit l’erreur, le crime de lèse-génie. Mais cette méprise était naturelle chez Florian, et elle découlait de son organisation même : celui qui ôte de sa gaieté et de sa large bonhomie à Sancho n’est pas autre que celui qui a prêté de la sensibilité à Arlequin. Il florianise tant soit peu toutes choses.

Florian aimait Cervantes, mais il ne l’admirait point par ses plus grands côtés, par ses parties incomparables et immortelles. Il l’aborda de préférence par le genre des pastorales et des nouvelles, et lui emprunta Galatée (1783), qu’il traita avec liberté d’ailleurs, et qu’il accommoda selon le goût du temps, en y donnant une teinte plus récente de Gessner : « J’ai tâché, écrivait-il à ce dernier, d’habiller la Galatée de Michel Cervantes comme vous habillez vos Chloés : je lui ai fait chanter les chansons que vous m’avez apprises, et j’ai orné son chapeau de fleurs volées à vos bergères. » Ce roman pastoral, mêlé de tendres romances, réussit beaucoup : toutes les jeunes femmes, tous les amoureux en raffolèrent ; les sévères critiques eux-mêmes furent fléchis : « C’est un jeune homme d’un esprit heureux et naturel, écrivait La Harpe parlant de l’auteur de Galatée, et qui aura toujours des succès s’il ne sort pas du genre où son talent l’appelle. » Il est vrai que, peu de temps auparavant, le chevalier de Florian avait adressé au même M. de La Harpe des vers d’enthousiasme, au sortir de la représentation de Philoctète :

Je ne sais pas le grec mais mon âme est sensible ;
Et, pour juger tes vers, il suffit de mon cœur !

Florian était à la fois sensible et assez rusé : c’était un berger, mais un peu normand comme l’ont été bien des bergers. Sa passion pour la pastorale ne l’empêcha à aucun moment de savoir comment on réussit et l’on fait son chemin dans la littérature et dans la société.

La pastorale d’Estelle vint ensuite (1787), peu de temps après Numa (1786). Il y eut jusqu’à trois personnes qui purent croire qu’Estelle était faite à leur image, qu’elles étaient à la fois la muse et le modèle qu’avait eu en vue la galanterie du peintre. La duchesse d’Orléans, fille du duc de Penthièvre, était un de ces types d’Estelle ; mais Florian avait pensé encore à une autre personne, à une jeune femme du monde, à laquelle il voulait dédier le roman sans la nommer. On a imprimé depuis cette dédicace dans les Œuvres posthumes, et il y eut même alors trois exemplaires tirés (je donne le fait pour certain aux bibliophiles), qui renfermaient cette dédicace au lieu de l’invocation aux « bergères de mon pays ». Pour vaincre la modestie de cette jeune femme, qui se refusait à l’honneur d’une dédicace, même anonyme, Florian lui écrivait : « Tous ceux qui vous connaissent, verront bien que c’est vous ; tous ceux qui ne vous connaissent pas croiront que c’est Mme la duchesse d’Orléans. Vous gagnerez toutes les deux à l’erreur. » On voit combien Florian était moins simple et plus à double fin que Némorin. Mais il y a mieux. Une charmante actrice du Théâtre italien et de Favart, que plus d’un de nos contemporains a pu voir vieille et encore excellente dans le rôle de Ma tante Aurore, Mme Gonthier, alors très aimée de Florian (et même parfois un peu battue, dit-on), se disait qu’elle avait tout droit sur Estelle. Il la lui lisait aussi en manuscrit, et il ne tenait qu’à elle de croire qu’elle était, à peu de chose près, l’original de l’innocente bergère. Il avait mis d’abord dans Estelle le récit de je ne sais quel combat : — « Ah ! Florian, que faites-vous ? s’écria-t-elle, vous m’ensanglantez mes roses ! » Il ôta le combat et le plaça ensuite dans Gonzalve. — Mais n’admirez-vous pas comme le chevalier de Florian avait des Estelles de rechange ?

On n’attend pas que j’entre dans de grands détails sur ce genre fade et faux auquel est attaché le nom de Florian. Il faut lire Estelle à quatorze ans et demi. À quinze ans, pour peu qu’on soit précoce, il est déjà trop tard. N’en médisons pas trop cependant ; ces pastorales de Florian ne sont pas seulement un livre, c’est un âge de notre vie :

Vous souvient-il d’Estelle ? écrit Louise à Charles dans Le Presbytère (ce roman si simple et si vraiment touchant de M. Töpffer). Vous souvient-il quand nous dévorions ces pages toutes pleines de faux pour les grandes personnes, toutes vivantes de vérité pour nos imaginations d’alors ? Avez-vous oublié cette ivresse avec laquelle nous parcourions ce monde pastoral ? Aimables bergères au teint si blanc, malgré le soleil ; à la robe si propre, malgré l’étable ; au langage si élégant, sans écoles, sans Lancastres ! Mais, dites, Charles, quel dommage qu’il n’y en ait plus ! Pourquoi le monde n’est-il pas fait ainsi !… Le livre m’est tombé sous la main l’autre jour ; vous le dirai-je ? je n’y prenais plus de plaisir ; il me rappelait nos lectures, voilà tout ; mais plus d’ivresse. J’en ai pleuré presque. Est-ce que tout ce qui nous charme doit ainsi disparaître ? Oh ! que je voudrais retenir ces illusions enchantées ; ressentir l’attrait si plein que nous goûtions à ces puériles histoires ! Non, Charles, je ne puis avec vous médire de l’enfance. Ces plaisirs étaient purs, vifs, aimables ; ils suffisaient à parer le présent des plus douces, des plus riantes couleurs. Perte réelle, immense !… Florian ne m’allant plus, j’ai repris Paul et Virginie.

C’est en effet Paul et Virginie qui succède naturellement dans notre jeune admiration à cette première esquisse trop fade de Florian, et qui mérite d’y rester comme la page idéale et durable. Ne croyons pas, au reste, avoir découvert de nos jours ce factice de Florian, et n’imputons pas à nos pères plus de faux goût qu’ils n’en eurent. Toutes les critiques à faire, et les meilleures sur ce sujet, furent faites alors, sachons-le bien ; et nous ne pouvons ici que les répéter. Même à Trianon, on trouvait que c’était là beaucoup trop de bergerie : « Quand je lis Numa, disait la reine Marie-Antoinette à M. de Besenval, il me semble que je mange de la soupe au lait. » M. de Thiard disait : « J’aime beaucoup les bergeries de M. de Florian, mais j’y voudrais un loup. » Mettant en épigramme le mot de M. de Thiard, le poète Le Brun disait :

À l’auteur d’une fade et ennuyeuse Pastorale.

Dans ton beau roman pastoral,
Avec tes moutons pêle-mêle,
Sur un ton bien doux, bien moral,
Berger, bergère, auteur, tout bêle.
Puis bergers, auteur, lecteur, chien,
S’endorment de moutonnerie.
Pour réveiller ta bergerie,
Oh ! qu’un petit loup viendrait bien !

Et enfin Rivarol, un jour qu’il rencontrait Florian avec un manuscrit anodin qui sortait à demi de sa poche : « Ah ! monsieur, lui disait-il, si l’on ne vous connaissait pas, on vous volerait. »

Vers ce temps-là, ce redoutable Rivarol avait écrit, à l’occasion de Numa Pompilius, un article si sanglant, que des amis de Florian le supplièrent de ne pas le publier. Il eut, malgré tout, la bonté d’y consentir, et l’article ne fut imprimé qu’après la mort de Florian, dans Le Spectateur du Nord, qui paraissait à Hambourg (mars 1797). Après une critique judicieuse du sujet, de la fable et de la composition, Rivarol y relevait la monotonie de la manière, le défaut absolu de mouvement et de variété : « On a dit que la pureté et l’élégance ne suffisaient pas dans un ouvrage de cette nature : il n’y a que les expressions créées qui portent un écrivain à la postérité. M. de Florian paraît avoir des lois somptuaires dans son style, et son sujet exigeait un peu de luxe. »

Cet article de Rivarol était écrit au moment où Florian allait entrer à l’Académie, et ses amis se jetèrent à la traverse pour arrêter le coup qui aurait pu nuire. Florian, à qui tout souriait, fut reçu à l’Académie en 1788, à l’âge de trente-trois ans, en concurrence avec Vicq d’Azyr. Tous les bonheurs lui arrivaient à la fois : « J’ai obtenu en trois semaines, écrivait-il à Boissy d’Anglas (31 mai 1788), le brevet de lieutenant-colonel, la croix de Saint-Louis, mon fauteuil académique, et une abbaye à six lieues de Paris pour une tante à moi, religieuse à Arles. » Le duc de Penthièvre et la duchesse d’Orléans, sa fille, assistèrent à la séance de réception. Florian fit un discours qui réussit. Les éloges y étaient prodigués : Buffon venait de mourir, et Florian dit que la vie de l’immortel écrivain serait comptée au nombre des époques de la nature, ce qui parut pourtant un peu excessif. Il se présenta lui-même comme porté jusque dans le sanctuaire académique par les amis de Voltaire : « Ainsi quelquefois de vaillants capitaines élèvent aux honneurs un jeune soldat, parce qu’ils l’ont vu servir enfant sous les tentes de leur général. » En même temps il rendait un public hommage à Gessner, mort depuis peu, et qu’il proclamait son maître et son ami. Gessner, le duc de Penthièvre et Voltaire, le nom de Florian trouvait moyen d’associer toutes ces nuances.

Je laisse de côté le reste des écrits en prose qu’il publia, ou qui parurent après lui, et dans aucun desquels il ne s’est surpassé. Le Précis historique sur les Maures, qui est en tête de Gonzalve de Cordoue, semble indiquer que, s’il avait pu s’affranchir d’un genre faux, il serait devenu capable d’études sérieuses. Mais c’est à ses Fables seulement que je veux m’attacher, car c’est par là uniquement, et par son Théâtre, que son nom mérite aujourd’hui de vivre.

Ses Fables parurent en 1792. Le talent de Florian s’y montre au complet, avec son naturel gracieux, sa diction facile et spirituelle, avec une morale aimable et bienveillante, mais qui n’exclut ni la raillerie, ni la malice. Il avait de cette malice en causant ; il excellait à railler et à contrefaire : ces deux facultés se tiennent, a remarqué M. Arnault, bon juge en fait d’apologue et aussi de causticité. Et il nous représente Florian, non pas du tout en doux Abel au teint blanc, avec des yeux bleus, mais au teint basané, avec une physionomie très peu sentimentale, animée par des yeux noirs et scintillants : « Ce n’étaient pas ceux du loup devenu berger, mais peut-être ceux du renard ; la malice y dominait… » Dans sa première jeunesse, Florian s’était livré à ce goût de contrefaire dans le rôle d’Arlequin, sa vraie création. Amoureux fou de l’actrice des Italiens, Mme Gonthier, il s’était déployé pour elle. Mais, depuis, il s’était un peu affadi dans le voisinage du duc de Penthièvre ; il s’était comme dédoublé. On ne retrouve rien dans ses écrits de cette vivacité de ton qui lui faisait dire, au sujet de la place de gentilhomme qu’on sollicitait pour lui : « Il y a trop longtemps que je suis, laquais (c’est-à-dire page) pour vouloir devenir valet de chambre. » Car le doux Florian s’exprimait ainsi en causant ; on ne s’en douterait point à le lire. Florian, pour réussir dans le monde et saisir la veine du moment, avait eu à choisir dans ses propres goûts ; il y avait en lui un coin de pastoureau et de troubadour langoureux, qu’il s’était plu à développer exclusivement, plume en main : sa réalité, plus mêlée et plus vive, valait mieux que cet idéal-là. En composant Estelle et Galatée, il était sincère encore et il obéissait sans doute à une inclination de sa nature languedocienne ; mais il en supprimait toute une moitié non moins essentielle, et il ne se montrait qu’à demi. M. Lacretelle l’a très bien fait observer en nous peignant ce Florian réel, qui avait le privilège d’inspirer partout la joie par ses bons mots, ses contes et ses chansons : « Il osait peu se livrer à sa gaieté naturelle en écrivant. C’est un don de l’expérience et même d’une profonde étude que d’être familier et de rire avec ses lecteurs. »

Plus jeune, il avait osé rire et pleurer à la fois dans ses arlequinades pour Mme Gonthier ; plus mûr, et un peu enhardi par les débuts de la Révolution, il osa être piquant, gai, malin, en même temps que moral encore et bienveillant, dans ses Fables.

La fable est un genre naturel, une forme d’invention inhérente à l’esprit de l’homme, et elle se retrouve en tous lieux et en tous pays. On l’a voulu faire venir de l’Orient, et voilà que le Moyen Âge nous la montre arrivant du Nord dans cet admirable Roman de Renart, qui est toute une épopée. La fable est partout, et on la réinventerait dans chaque siècle, si elle était oubliée. La Fontaine, chez nous, l’a tellement élevée, diversifiée et agrandie, qu’il semblait devoir décourager tous ceux qui seraient tentés d’être ses successeurs. Il n’en a rien été pourtant. Après lui, on a continué de faire des fables, et l’on en a fait de bonnes, de justes, d’agréables ; La Motte lui-même, le duc de Nivernais, l’abbé Aubert, M. Arnault ; et nous arrivons ainsi jusqu’à nos proches contemporains, M. de Stassart, M. Viennet, si goûté pour sa verve et si applaudi. Chez tous on trouverait des fables vives, ingénieuses, piquantes, qui remplissent toutes les conditions propres à ce petit poème. Pour La Fontaine, qui est comme le dieu ou l’Homère du genre, qu’il me soit permis de dire qu’il n’y est si grand et si admirable que parce qu’il le dépasse souvent et qu’il en sort. Dans une étude détaillée sur La Fontaine, cela se prouverait aisément : on le verrait, dans sa première manière, s’appliquer à la fable proprement dite, et en atteindre la perfection dès la fin de son premier livre, dans Le Chêne et le Roseau ; mais bientôt il est maître et il se joue ; il agrandit son cadre, il le laisse souvent, il l’oublie. La Motte a prétendu démontrer, par toutes sortes de bonnes raisons, que la fable des Deux Pigeons pèche contre l’unité, « qu’on ne sait trop ce qui domine dans cette image, ou des dangers du voyage, ou de l’inquiétude de l’amitié, ou du plaisir du retour après une longue absence. » Ces deux pigeons, d’ailleurs, qui ne sont d’abord que deux frères et deux amis, se trouvent être à la fin deux amants. Eh ! que m’importe ? le récit est charmant ; il m’attache, il m’enchante, et le moment où le poète en sort m’enchante encore plus et me fait tout oublier. Lisez Le Songe d’un habitant du Mogol ; ce sera de même : la fable n’y est rien ; elle se rattache par un fil des plus légers à la réflexion, à la rêverie finale où s’égare le poète. Il a prononcé le mot de solitude, et ce mot, en réveillant toute une suite de pensées, le ravit dans un doux enthousiasme qui nous gagne avec lui. Ajoutez chez La Fontaine à cette liberté et à cette fantaisie de composition une poésie perpétuelle de détail, et des aperçus d’élévation, de grandeur, toutes les fois qu’il y a lieu, et tout à côté des circonstances les plus simples. Ne demandons rien de tel à ses successeurs, pas plus à Florian qu’aux autres, bien que généralement on s’accorde à lui donner le second rang… Mais, entre ce second rang et le premier, il ne faut pas même essayer de mesurer la distance.

Les Fables de Florian sont bien composées, d’une combinaison ingénieuse et facile ; le sujet y est presque partout dans un parfait rapport, dans une proportion exacte avec la moralité. Et en même temps on n’y sent pas l’arrangement artificiel comme chez La Motte, ni ce genre d’esprit qui, ayant pour point de départ une idée abstraite, a besoin ensuite de s’avertir lui-même qu’il faut être figuré, riant, familier, et même naïf. Les qualités du fabuliste sont naturelles chez Florian : il a la fertilité de l’invention, et les images lui viennent sans effort. Il se plaît en réalité avec les animaux ; lui aussi, il vit avec eux à sa manière :

Vous connaissez ce quai nommé de la Ferraille,
Où l’on vend des oiseaux, des hommes et des fleurs :
À mes fables souvent c’est là que je travaille…

On nous le montre aussi logé à l’hôtel de Toulouse, ayant sa bibliothèque tout près d’une volière peuplée d’une multitude d’oiseaux, sujets vivants de ses Fables. Faut-il indiquer quelques-unes des meilleures, les excellentes : L’Aveugle et le Paralytique ; Le Grillon ; Le Hibou, le Chat, l’Oison et le Rat ; Le Pacha et le Dervis ; Le Singe qui montre la lanterne magique ; Le Lapin et la Sarcelle ? Dans cette dernière fable, où il s’est souvenu des Deux Pigeons, Florian a su trouver une double combinaison ingénieuse, par laquelle les deux amis, tour à tour en péril, et poursuivis du même chasseur, se secourent et se sauvent l’un l’autre. Il y a, au début, comme un souffle de fraîcheur et de poésie dans le paysage, ce qui est rare même chez Florian :

       Le terrier du lapin était sur la lisière
       D’un parc bordé d’une rivière.
       Soir et matin, nos bons amis,
       Profitant de ce voisinage.
Tantôt au bord de l’eau, tantôt sous le feuillage,
       L’un chez l’autre étaient réunis.

Mais pourtant, à la fin du vers, ne sentez-vous pas déjà le prosateur-rimeur qui recommence à paraître ? L’invention dernière, l’idée de la sarcelle remorquant à la nage le lapin assis sur un radeau qu’elle a construit exprès pour lui faire passer la rivière, est exprimée d’une manière tout à fait pittoresque et gracieuse :

       Ah ! si tu pouvais passer l’eau !
Pourquoi pas ? attends-moi… La sarcelle le quitte,
    Et revient traînant un vieux nid
Laissé par des canards ; elle l’emplit bien vite
De feuilles de roseau, les presse, les unit
Des pieds, du bec, en forme un batelet capable
       De supporter un lourd fardeau ;
       Puis elle attache à ce vaisseau
Un brin de jonc qui servira de câble.
    Cela fait, et le bâtiment
Mis à l’eau, le lapin entre tout doucement
Dans le léger esquif, s’assied sur son derrière,
Tandis que devant lui la sarcelle nageant
Tire le brin de jonc, et s’en va dirigeant
    Cette nef à son cœur si chère.

Dans Le Laboureur de Castille, qui est comme son Paysan du Danube, Florian a trouvé quelques accents énergiques et fermes pour peindre le costume et l’air de ce rustique et loyal sujet. On noterait encore ailleurs quelques-uns de ces traits, beaucoup trop rares chez Florian. C’est la haute poésie qui lui fait défaut, cette poésie qui n’est de trop nulle part, et dont les éclairs traversent et agrandissent si souvent les horizons de La Fontaine. Dans sa fable d’Hercule au ciel, Florian commence par ces lignes prosaïques :

Lorsque le fils d’Alcmène, après ses longs travaux,
Fut reçu dans le ciel, tous les dieux s’empressèrent
De venir au-devant de ce fameux héros

Certes, La Fontaine, ayant à peindre Hercule enlevé de son bûcher dans l’Olympe, et s’asseyant tout en feu entre les dieux, s’y serait pris autrement. Là où l’esprit et la grâce peuvent suppléer à la poésie, là où il suffit de bien conter et d’égayer le récit par un trait agréable, Florian s’en tire à merveille, comme lorsqu’il nous montre, dans la querelle entre le hibou, le chat et l’oison, ce rat arbitre,

Rat savant qui rongeait des thèmes dans sa hutte !

La Fontaine n’eût pas mieux dit.

On trouve aussi dans Florian un certain nombre de fables d’un genre net et plus ferme qu’on ne l’attendrait de lui : Le Perroquet ; Le Paon, les Deux Oisons et le Plongeon ; La Chenille, qu’on dit faite en vue de Mme de Genlis. Il y a telle fable de lui qui est vive et courte comme une épigramme.

En terminant ses Fables à une époque où déjà l’ancienne société française était bouleversée et en train de périr, Florian exprimait un vœu sincère, le désir vrai d’être oublié ; il souhaitait la paix secrète, la paix du cœur, un abri studieux,

Le travail qui sait éloigner
Tous les fléaux de notre vie ;
Assez de bien pour en donner,
Et pas assez pour faire envie.

Mais ces vœux modérés, que de tout temps a caressés le poète et le sage, étaient alors la plus ambitieuse des chimères. Cette existence, jusque-là si heureuse, de Florian, allait être profondément atteinte, et surtout terrifiée et consternée. M. Lacretelle, dans ses Dix années d’épreuves, nous a raconté plus d’un trait qui témoigne de l’effroi que commençait à ressentir Florian, et de l’altération qui en résultait dans sa nature, jusque-là si sociable et si expansive. Mais voici un détail plus aimable et plus touchant, et qui lui ressemble mieux. Florian allait volontiers, chaque été, passer quelques semaines d’un agrément toujours nouveau dans une habitation magnifique et délicieuse, qui appartenait à Mme de La Briche, belle-sœur de Mme d’Houdetot et belle-mère de M. le comte Molé, et que nous-même, dans son extrême vieillesse, nous avons eu l’honneur d’y voir encore. Il allait à ce beau et riant château du Marais qu’aucun de ceux qui l’ont visité ne saurait oublier, et là il présidait à la représentation de quelqu’une de ses pièces. À la fois auteur, acteur, metteur en scène, il était l’âme des divertissements de la société. Or, dans la première quinzaine de septembre 1793, le château privilégié réunissait encore, au sein de sa douce et fraîche vallée, une vingtaine de personnes de tout âge, hommes, femmes, tous plus ou moins menacés, et qui, au milieu de ces idées de ruine, de prison et de mort même, dont chacun était environné alors, tâchaient d’oublier l’orage et de jouir ensemble des derniers beaux jours. Le ciel n’avait jamais été d’une sérénité plus pure, plus inaltérable. C’était, m’a raconté un témoin fidèle, une sorte d’enivrement, de bonheur mêlé d’un charme attendri, une gaieté quelquefois forcée et pourtant toujours vive. Pas un moment n’était laissé aux souvenirs ; on ne se quittait point, de peur de se retrouver avec un nuage au front. Cependant, au milieu de ces plaisirs, Florian qui en était l’âme, et qui redoublait, pour en donner à chacun, les saillies de sa gaieté communicative, s’arrêtait quelquefois tout rêveur, en disant : « Croyez-moi, nous paierons bien cher ces jours heureux ! » Il ajoutait que, s’il mourait, il voulait être enterré dans ce beau jardin, et il désignait même la place. Une épitaphe fut faite alors pour lui en plaisantant ; un an après, elle était trop justifiée. Mis en arrestation à son tour, il mourut, comme on sait, peu après sa sortie de prison, en septembre 1794. Son organisation, délicate et faite pour le bonheur, n’avait pu résister à l’ébranlement de tant d’émotions. Il n’avait que trente-neuf ans.

Il avait terminé l’un des livres de ses Fables par ces vers, qui pourraient être plus forts d’expression, mais qui sont pleins de sentiment et de philosophie, et qu’il a intitulés Le Voyage :

Partir avant le jour, à tâtons, sans voir goutte,
Sans songer seulement à demander sa route,
Aller de chute en chute, et, se traînant ainsi,
Faire un tiers du chemin jusqu’à près de midi ;
Voir sur sa tête alors s’amasser les nuages,
Dans un sable mouvant précipiter ses pas,
Courir, en essuyant orages sur orages,
Vers un but incertain, où l’on n’arrive pas ;
Détrompé, vers le soir, chercher une retraite,
Arriver haletant, se coucher, s’endormir,
On appelle cela naître, vivre et mourir :
La volonté de Dieu soit faite !

C’est là la véritable épitaphe de Florian, de cet homme heureux, de ce talent facile et riant, que tout favorisa à souhait dès son entrée dans le monde et dans la vie, mais qui ne put empêcher un jour l’inévitable douleur, l’antique douleur de Job, qui se renouvelle sans cesse sur la terre, de se faire sentir à lui, et de lui noyer tout le cœur dans une seule goutte d’amertume.