LAUGIER, [Marc-Antoine] Abbé, ci-devant Jésuite, Associé des Académies d’Angers, de Marseille & de Lyon, né à Manosque, dans le Diocese de Sisteron, en 1713, mort à Paris en 1769.
Ce qu’il a écrit sur la Musique, la Peinture, l’Architecture, montre des connoissances & du talent pour saisir les principes & les finesses de ces trois Arts ; ses Essais sur l’Architecture sont sur-tout très-estimés.
L’Oraison funebre du Prince de Dombes
a des beautés d’éloquence qui font juger qu’il s’est mépris en
s’attachant à un autre genre. Ce genre est l’Histoire, dont il a
défiguré l’esprit & le style, en la
surchargeant de traits plus oratoires qu’historiques, d’une intempérance
de figures, d’un luxe d’expressions déplacées, d’une affectation de
grands mots qui ne produisent que des sons, lorsqu’on a droit d’attendre
des réflexions ou des faits. C’est ainsi qu’il a écrit son Histoire de Venise, où il compare en ces termes, cette
République à celle de Gênes : « C’étoient comme deux
tourbillons qui, gênés l’un par l’autre dans leur rencontre,
menaçoient incessamment de s’absorber l’un & l’autre par des
forces incompatibles de leur expansion ; dominant l’un &
l’autre sur deux mers opposées, l’endroit où elles se réunissent
étoit pour eux un centre de concurrence, où ils ne portoient qu’une
détermination décidée à se croiser. »
Ce galimatias n’est-il
pas du Diderot tout pur ? Un Ecrivain qui se
permet des comparaisons aussi amphigouriques, qui les répete en toute
occasion & même sans occasion, n’est-il pas aussi peu propre à
écrire l’Histoire, que l’Auteur
de l’Interprétation de la Nature à traiter la
Métaphysique ?