(1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »
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(1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.)

Lettres et documents inédits des archives de Dresde publiés par M. le comte Vitzthum d’Eckstaedt

La demande solennelle de mariage, faite à Dresde le 7 janvier 1747 par les deux ambassadeurs extraordinaire et ordinaire, le duc de Richelieu et le marquis des Issarts, fut suivie du mariage par procuration le 10, et de fêtes, feux d’artifice, concerts et galas, dont le détail nous est donné dans ce volume. On a, par exemple, le menu du dîner de noces, un festin de Gargantua, les inscriptions mêlées aux illuminations des palais, les devises latines pédantesques et d’un goût équivoque, tout le programme des magnificences. Ces Annexes, que le présent biographe n’a pas dédaigné de joindre à son travail d’archives, sont curieuses ; je dirai presque qu’elles sont dignes de ce temps-ci où l’on n’oublie rien et où l’on attache une importance, parfois bien disproportionnée, à de pures vétilles, pourvu qu’elles commencent à vieillir. Au moins ici ces Annexes ne viennent qu’après les choses sérieuses. Il est tel historien, assurément, qui ne manquerait pas d’en tirer des conséquences outrageuses et extravagantes : chez le comte Vitzthum, elles ne sont qu’à l’état de vignettes historiques, et un peintre y prendrait deux ou trois traits pour un tableau exact de mœurs. Il semblerait ressortir au premier coup d’œil, rien qu’à voir cette table de cérémonie à triple service, le tout faisant 143 plats, que la capacité des estomacs du Nord dépasse et enfonce de beaucoup celle des estomacs de l’Ouest et du Midi. Mais ne nous hâtons pas de nous prononcer : les noces de Gamache sont copieuses en tout pays.

La dauphine se met en route le 14 janvier. Le voyage, marqué par des fêtes à chaque station, ne dura pas moins de trois semaines : le 7 février seulement on était à Corbeil. Dès avant son départ de Dresde, un tailleur envoyé de Paris exprès par la duchesse de Lauraguais avait eu audience de la dauphine et lui avait pris mesure ; on peut penser s’il avait été questionné au retour. Il rendit bon témoignage de sa taille et prôna fort sa figure, ses grâces. On peut suivre dans le Journal du duc de Luynes les renseignements successifs et de plus en plus précis sur la jeune princesse, à mesure qu’elle approche. Par le courrier arrivé de Strasbourg à Paris le 30 janvier, on sait déjà fort au juste à quoi s’en tenir ; et le duc de Luynes, qui représente le coin de la reine et qui n’a nul intérêt à surfaire la dauphine, insère dans son Journal un signalement sans flatterie :

« Elle y arriva (à Strasbourg) vêtue à la polonaise. Il paraît, par tout ce que l’on en dit, qu’elle est assez grande pour son âge, qu’elle a d’assez belles dents et une belle taille, un vilain nez, et, quoiqu’elle ne soit point belle, qu’elle a en tout une figure qui plaît. »

On lui fit quitter son costume polonais à Strasbourg. Elle fut coiffée à la française, on lui mit du rouge, comme si le rose de ses joues fraîches ne suffisait pas. Lorsqu’elle est à Corbeil, les rapports ne laissent plus rien à désirer :

« Tous les sentiments de ceux qui ont vu Mme la dauphine, écrit le duc de Luynes, paraissent s’accorder. On dit qu’elle n’est point grande, que son nez est fort mal, et que, quoiqu’elle entende fort bien le français, elle le parle mal et avec peine. D’ailleurs elle a de beaux yeux et est fort bien faite ; elle est blanche, a de beaux cheveux ; beaucoup de désir de plaire, remplie d’attentions ; de l’esprit, de la vivacité ; sentant parfaitement tout son bonheur ; souhaitant passionnément de réussir dans cette Cour-ci ; une très bonne santé, point délicate de corps ni d’esprit ; encore un peu enfant ; une extrême envie de bien apprendre le français ; demandant qu’on la reprenne sur les mauvais mots qu’elle pourra dire… »

Après l’avoir vue de ses yeux, il adoucit quelques traits et y ajoute en bien :

« Un beau teint, assez blanche, de beaux yeux bleu foncé, un assez vilain nez, des dents qui seront belles quand on y aura travaillé, la taille très jolie ; elle se tient un peu en avant en marchant ; un peu plus grande que Madame (Madame Henriette). Toutes les dames qui sont venues avec elle disent qu’elle est charmante, que tout ce qu’il y a à désirer est qu’elle ne se gâte point dans ce pays-ci… »

Et, à notre tour, nous aurions le moyen aussi de dire notre avis. Le Louvre possède un pastel de la dauphine par La Tour ; et quel pastel ! MM. de Goncourt le décrivent de manière à décourager après eux22. Mais le pastel, s’il livre toute la physionomie, déguise toujours un peu les contours ; le profil d’un buste est plus inexorable, et nous avons ce buste aussi pour la dauphine. Dans un charmant portrait, terre cuite, du sculpteur Le Moine, appartenant à notre excellent peintre Jadin, il m’est permis de voir, d’examiner en tous sens cet agréable et piquant visage : tout est riant, animé ; l’éclat du teint devait achever la grâce ; mais il y a ce nez dont il a déjà été plus d’une fois question, et qui inquiète ; on se demande comment il était : c’est un nez assez prononcé et qui, selon la remarque d’un fin physionomiste, promet déjà celui de Louis XVI.

Un mot heureux qu’elle dit tout d’abord fit fortune et la classa pour l’esprit : il n’en faut pas plus en pareil cas. La reine, quand elle alla à sa rencontre, était accompagnée de ses deux filles, Madame Henriette et Madame Adélaïde. On dit à la dauphine que la première, Madame Henriette, était assez sérieuse, et que Madame Adélaïde était fort gaie ; elle répondit : « Je prendrai donc conseil de Madame Henriette, et je me divertirai avec Madame Adélaïde. » Un tel mot, malgré les quelques incorrections de langage qui lui échappaient, la naturalisa Française du premier jour.

Plaire au dauphin, agréer à ce jeune veuf austère, n’était pas chose aussi facile qu’on le croirait, même pour une jeune princesse aussi aimable : elle eut à faire tous les frais. Avant même de le voir, étant encore à Nangis, il lui vint un avertissement inattendu. On était à souper : un courrier arrivé à Versailles apporte une lettre à l’adresse de la duchesse de Brancas ; cette dame d’atours, voyant l’écriture du prince et supposant que la lettre ne pouvait rien contenir que d’agréable, la présente aussitôt à la dauphine sans l’avoir lue elle-même. La lettre renfermait des regrets pour sa première femme et des promesses de ne jamais l’oublier. La nouvelle dauphine reçut un coup soudain et, se levant de table, ne put retenir ses larmes.

Le lendemain, lorsqu’elle vit pour la première fois le dauphin, venu avec le roi à sa rencontre entre Nangis et Corbeil, elle avait maîtrisé cette impression : elle fut gaie, naturelle, et Louis XV, dit-on, « s’amusa des agaceries qu’elle fit au dauphin pour l’obliger à desserrer les dents et à ne plus la regarder fixement comme il avait fait d’abord, sans prendre part à la conversation ».

Arrivée à Versailles, elle eut à subir toutes les cérémonies de l’étiquette. En en lisant le narré exact, on se demande où et comment était née cette longue et assommante torture morale et physique, à quelle époque elle s’était ainsi régularisée, réglementée avec un faste pédantesque, composée qu’elle était en partie d’anciens us et coutumes féodales et, en dernier lieu, d’idolâtrie asiatique, singulier mélange de magnificence, de luxe, de grossièreté et, pour tout dire, de barbarie. Laissons parler le maréchal de Saxe, qui va nous paraître délicat en la jugeant et en la décrivant dans toute sa crudité :

« Sire, écrivait-il au roi son frère le 12 février 1747, je n’aurai pas de peine à dire des vérités agréables à Votre Majesté sur le compte de Mme la dauphine, et la renommée me servira de garant. Cette princesse a réussi ici on ne peut mieux ; elle est adorée de tout le monde, et la reine l’aime comme son propre enfant ; le roi en est enchanté, et M. le dauphin l’aime avec passion. Elle s’est démêlée de tout ceci avec toute l’adresse imaginable ; je n’ai su que l’admirer. A quinze ans, il n’y a plus d’enfant dans ce monde-ci, à ce qu’on dit ; et en vérité elle m’a étonné. Votre Majesté ne saurait croire avec quelle noblesse, quelle présence d’esprit, Mme la dauphine s’est conduite ; et M. le dauphin paraissait un écolier auprès d’elle. Aucune faiblesse ni enfanterie n’a paru dans aucune de ses actions, mais une fermeté noble et tranquille a accompagné toutes ses actions : et certes il y a des moments où il faut toute l’assurance d’une personne formée pour soutenir avec dignité ce rôle. Il y en a un entre autres, qui est celui du lit, où l’on ouvre les rideaux lorsque l’époux et l’épouse ont été mis au lit nuptial, qui est terrible, car toute la Cour est dans la chambre ; et le roi me dit, pour rassurer Mme la dauphine, de me tenir auprès d’elle. Elle soutint cela avec une tranquillité qui m’étonna. M. le dauphin se mit la couverture sur le visage, mais ma princesse ne cessa de me parler avec une liberté d’esprit charmante, ne faisant non plus d’attention à ce peuple de Cour que s’il n’y avait eu personne dans la chambre. Je lui dis, en l’approchant, que le roi m’avait ordonné de m’approcher d’elle pour rassurer sa contenance et que cela ne durerait qu’un petit moment. Elle me dit que je lui faisais plaisir, et je ne l’ai quittée et ne lui ai souhaité la bonne nuit que lorsque ses femmes eurent refermé les rideaux et que la foule fut sortie. Tout le monde sortit avec une espèce de douleur, car cela avait l’air d’un sacrifice, et elle a trouvé le moyen d’intéresser tout le monde pour elle. Votre Majesté rira peut-être de ce que je lui dis là, mais la bénédiction du lit, les prêtres, les bougies, cette pompe brillante, la beauté, la jeunesse de cette princesse, enfin le désir que l’on a qu’elle soit heureuse, toutes ces choses ensemble inspirent plus de pensées que de rires. Il y avait dans la chambre tous les princes et princesses qui composent cette Cour, le roi, la reine, plus de cent femmes couvertes de pierreries et d’habits brillants. C’est un coup d’œil unique, et, je le répète, rien n’a plus l’air d’un sacrifice. »

Peut-on imaginer rien de mieux dit, de mieux senti et de mieux touché que ce récit ? Le maréchal de Saxe me rappelle, par quelques-uns des traits qu’on vient de lire, le sacrifice d’Amélie au pied des autels dans René. Mais aussi se peut-il rien de plus grossièrement fastueux que cette mise au lit, cette exposition solennelle ? Et comment, par quelle bizarrerie, par quelle superstition surannée, au nom de quel code mérovingien ou capétien, une cérémonie concevable dans une royauté primitive, à une époque patriarcale, se perpétuait-elle au sein d’une Cour aussi polie que dissolue ? C’est bien le cas de répéter avec La Bruyère : « Que manque-t-il à une telle coutume pour être entièrement bizarre et incompréhensible, que d’être lue dans quelque Relation de Mingrélie ? »

Je saute sur les lettres suivantes ou sur les post-scriptum qui rentrent dans les tons de plaisanterie et les gaietés autorisées, ordinaires à toutes les noces ; mais je ne ferai pas grâce d’un passage qui achèvera de fixer les notions sur les énormités de l’étiquette. La dauphine, depuis deux jours, ne mangeait pas :

« C’est la grande fatigue qui en est cause, écrit le maréchal, et j’ai dit au roi que, si on ne lui procurait pas du repos, elle tomberait malade. Effectivement, je ne sais comment elle a pu résister : j’en suis sur les dents de l’avoir suivie. Il fait une chaleur partout dans les appartements, qu’il y a de quoi en mourir par la grande quantité de monde et de bougies le soir. Avec cela, ses habits ont été d’un poids que je ne sais comment elle a pu les porter. Ce qu’il y a de plus fatigant encore, ce sont toutes ces présentations qui ne finissent pas ; et elle veut retenir tous les noms, ce qui est un travail d’esprit terrible ; sans cesse occupée d’ailleurs de plaire et d’attentions. Cela fait un labeur si considérable que je ne sais pas comment elle y résiste.

Le roi me fit prendre l’autre jour sa jupe qui était sur un canapé, pendant que Mme la dauphine était à sa toilette. Elle pesait bien soixante livres : il n’y a aucune de nos cuirasses qui en pèse autant. Je ne sais pas comment elle a pu se tenir huit ou neuf heures sur ses pieds avec ce poids énorme. »

Le maréchal de Saxe, qui à cet instant du règne a plus que personne l’oreille du roi, travaille de son côté auprès du ministre du roi son frère, et par le canal de la Saxe, à persuader aux Alliés (les alliés de l’Angleterre) de se montrer modérés dans leurs prétentions et de conclure sans retard la paix. C’est un moment, non seulement des plus glorieux, mais des plus honorables pour lui, par les sentiments qu’il témoigne et les vues qu’il propose. Il est véritablement au pinacle, et, quant au militaire, comme il le dit rondement : « Je ne puis monter plus haut, ou bien je me casserai le cou » (il disait ces derniers mots en allemand) ; et quant à la partie diplomatique qui s’entame, il a le bon esprit de sentir que ce serait le plus beau titre de sa maison aux yeux de la France, que sa nièce, en s’asseyant sur le degré le plus voisin du trône, devînt, dès le premier jour, un gage de paix.

Si la dauphine ne remplit pas toutes les espérances qu’on plaçait en elle et en sa venue, ce ne fut point tout à fait sa faute. Le maréchal rêva un instant pour elle le rôle d’une duchesse de Bourgogne auprès de Louis XV : les circonstances s’y prêtèrent encore moins que le caractère de la princesse. Le roi cependant aimait sa belle-fille ; il l’aimait « autant et plus peut-être que ses propres enfants » ; il l’appelait familièrement de son petit nom de Pépa ; à ses premières couches, il se montra le père le plus affectueux et le plus tendre : « Le roi lui a constamment tenu la main pendant le travail, et l’on peut dire qu’elle est accouchée entre ses bras ; aussi en suait-il à grosses gouttes. » Mais que de difficultés et d’intrigues dans cette Cour partagée et divisée : la reine, Mesdames, Mme de Pompadour, et alentour, et au-dessous, des tourbillons d’ambitions sans nombre, tous se jalousant, se haïssant, et cherchant à s’emparer de cette puissance nouvelle qui entrait en scène ! Le dauphin se concentrait dans son intérieur. La dauphine eut à triompher de son deuil, de sa froideur : elle y parvint. Elle se plia à son humeur, et le rendit aussi heureux qu’il pouvait l’être. Il faut qu’elle ait eu réellement du charme. Après sa première année de séjour, le maréchal de Saxe écrivait d’elle au roi Auguste :

« Cette princesse a grandi et embelli, elle est plus formée de tout point. Elle continue de plaire de plus en plus ; M. le dauphin l’aime un peu trop ; il a des bouderies et des colères même dont elle sait très bien profiter, et elle passe pour une personne habile, parmi les femmes : ce qui est un cours de philosophie qui leur est particulier et dont nous ne faisons que nous douter. Mme de Blancas l’aime à la folie. La reine m’a dit hier que plus elle la connaissait, et plus elle lui devenait chère et plus elle l’aimait ; et réellement elle est charmante. »

Et comme on était alors en France plus fou que jamais de la porcelaine de Saxe, je ne sais quel bel esprit de la Cour disait : « On ne doit plus prendre de femme qu’en Saxe, et, plutôt que de m’en passer, quand il n’y en aura plus, j’en ferai faire en porcelaine. »

Ce dauphin, auquel elle se consacrait, si renfermé et si méditatif, fut peu connu et mal connu : pieux, instruit, mélancolique, il se consuma d’ennui et mourut de la poitrine. Ce que j’ai lu le plus en sa faveur est son Portrait par Senac de Meilhan, observateur fin et non suspect de partialité envers les dévots. La dauphine s’absorba, on peut le dire, en lui. Elle lui donna douze enfants, dont cinq survécurent : les trois rois de France, Louis XVI, Louis XVIII et Charles X ; Madame Elisabeth et la reine de Sardaigne. Veuve à trente-quatre ans, elle ne pensa plus qu’à rejoindre celui qu’elle avait perdu. Le roi, habitué à la voir, avait pris insensiblement confiance en elle, et il aimait à l’entretenir en secret. Elle faisait mystère de son crédit qui eût augmenté si elle eût vécu ; mais elle se sentait tournée à mourir. De récents historiens ont dit sur elle d’étranges choses ; ils parlent de cette aimable princesse, même au physique, en des termes qu’on ne saurait répéter, bien qu’ils soient sans malveillance ; mais ils sont gratuitement déplaisants23. La duchesse de Brancas nous la montre en deux mots, telle qu’elle était après les premières fatigues de ses couches fréquentes : « Son visage est long et ne contient que des yeux. »

La dauphine écrivait à son frère, le prince Xavier de Saxe, neuf jours après la mort du dauphin :

« Ce 29 décembre 1765.

Le bon Dieu a voulu que je survive à celui pour lequel j’aurais donné mille vies ; j’espère qu’il me fera la grâce d’employer le reste de mon pèlerinage à me préparer, par une sincère pénitence, à rejoindre son âme dans le Ciel, où je ne doute pas qu’il demande la même grâce pour moi. »

Elle mourut quinze mois après son époux (12 mars 1767). Les historiens à l’imagination la plus inquiète et la plus contournée ont eu beau faire et beau s’ingénier, ils n’ont pu lui trouver que des vertus.

La mission secrète dont s’était doublée à Dresde la mission ostensible du duc de Richelieu, et qui consistait à prendre la Saxe pour médiatrice entre la France et l’Autriche, n’ayant point abouti ni même acheminé à une entente, la guerre continua de plus belle en Flandre, et le maréchal de Saxe dut se remettre résolument à la besogne dès le printemps de 1747. Il commença par se rendre maître de ce qu’on appelait la Flandre hollandaise, c’est-à-dire de toutes les places en deçà d’Anvers. Sept ou huit places ou forts tombèrent successivement en peu de mois : ce fut la première partie de la campagne ; et, pour la seconde, on s’attendait de nouveau à une affaire générale, mais elle dépendait des mouvements du duc de Cumberland. Le maréchal au centre, à Bruxelles, avait l’œil à tout et voyait venir. La position de notre armée était sûre, et, en attendant, on se serait plutôt cru à la Cour qu’à l’armée ; on ne voyait que spectacles, comédies et fêtes. Louis XV ne devait paraître de sa personne et se mettre à la tête des troupes que lorsqu’on lui aurait tout disposé pour une affaire royale, à laquelle il mettrait la main. Cette affaire fut le combat de Lawfeld (2 juillet 1747). Les victoires sont belles à considérer de loin et dans le raccourci de la perspective ; mais, à y regarder de près, elles sont pénibles et souvent achetées bien cher. C’est ce qui arriva à Lawfeld. Si on lit les pièces et relations dans le Recueil de Grimoard, on est frappé du résultat peu décisif de trois attaques meurtrières : on ne délogea l’ennemi qu’à la quatrième. Ce fut une des plus vives actions d’infanterie qu’on eût encore vues. Les Anglais, y compris les Hanovriens et Hessois, portèrent le poids de la journée et y firent preuve de leur opiniâtreté et solidité habituelles. Les Autrichiens, que ménageait leur général, le comte de Batthyany, ne donnèrent pas et firent retraite. L’armée victorieuse ne put qu’à peine écorner leur arrière-garde.

Louis XV écrivit, le soir même, une lettre au dauphin pour lui rendre compte de l’action ; il y avait un mot à l’adresse de la dauphine :

« Dites-lui que notre général n’a jamais été plus grand qu’en ce jour, mais de le gronder, en le complimentant, de s’être exposé comme un grenadier. »

Le quartier général du roi était à un château appelé la Commanderie : le duc de Cumberland y logeait la veille. Ce duc avait dit autrefois, le matin de la bataille de Fontenoy : « Je coucherai ce soir à Tournai, ou bien je mangerai mes bottes. » Louis XV, dans sa lettre du soir de Lawfeld faisait allusion à ce propos : « Le commandeur d’ici a changé d’hôtes : hier c’était le duc de Cumberland, aujourd’hui c’est moi. Je crois ce duc bien fâché ; je ne sais cette fois-ci ce qu’il mangera. »

On voit que Louis XV savait au besoin se donner des airs de soldat. Il est à présumer pourtant que sa présence avait nui bien plutôt qu’aidé aux démarches du général et contribué aux fautes commises.

Après cet avantage célébré comme une brillante victoire, on se demanda ce qu’on ferait : le siège de Maëstricht, qui était le but indiqué, n’était pas encore devenu possible, les alliés couvrant la place. Ce fut alors qu’on s’avisa du siège de Berg-op-Zoom, un terrible pis aller. Je dis on, car le maréchal de Saxe n’était pas de cet avis, et il est évident, et par ses aveux et par les sollicitations instantes qu’il essuya de la part du maréchal de Noailles et de la Cour, qu’il céda à la pression du dehors et à cette idée dominante qu’après une victoire, et pour prouver qu’on l’a bien remportée en effet, il faut faire quelque chose coûte que coûte, et pouvoir montrer à tous un gage signalé.

Et ici je rencontre un témoin brave, spirituel, galant et brillant, au propos bien français, mais un peu avantageux, ce me semble, le marquis de Valfons dont on a publié depuis quelques années les Souvenirs. Il veut bien, dans ses espèces de Journaux anecdotiques ou de Mémoires, accorder des éloges à son général, mais il les gâte d’un mot, qui de la part d’un aide de camp est perfide. Il indique fort nettement qu’il ne tenait qu’au maréchal de Saxe, ce jour-là, d’achever la défaite des Alliés : « Mais, ajoute-t-il, le maréchal, ne voulant pas finir la guerre, s’arrangeait pour ne gagner les batailles qu’à demi. » Nous retrouvons un écho de ces mêmes bruits dans les Mémoires de d’Argenson : c’était le thème des envieux du maréchal, du parti Conti, de tous les prétendus nationaux se faisant arme de tout contre un étranger.

Un des bons effets, une des conséquences satisfaisantes de l’ouvrage du comte Vitzthum est de convaincre, indépendamment de toutes les considérations stratégiques, que le maréchal de Saxe avait sincèrement travaillé à la paix pendant tout l’hiver de 1746-1747, et qu’il ne poussait pas à la continuation de la guerre. C’est une réfutation implicite du dire de Valfons.

Et de quel droit cet officier, homme d’esprit assurément, bon aide de camp, mais un peu imposé (si l’on y réfléchit), amant de la comtesse d’Argenson et ami du mari ministre de la guerre, fort ménagé du maréchal à tous ces titres par bon goût comme par politique, agréé aussi pour sa personne, je le veux bien, et avec une sorte d’affection, de quel droit vient-il interpréter d’une manière si grave un geste de son général, qui ne juge pas à propos de risquer une seconde affaire sur la fin d’une journée si disputée et si sanglante ? De quel droit jugeait-il l’illustre Saxon comme un simple condottiere dans des proportions plus grandes, et lui en prêtait-il les calculs et l’âme ? Il appartiendrait au comte Vitzthum, dans une seconde édition de son livre, de prendre cette accusation corps à corps, et de n’en rien laisser debout24.

Le marquis de Valfons nous représente bien cet esprit de dénigrement et de critique qui se glisse au sein même des États-Majors, et qui n’est pas incompatible avec un certain dévouement. Villars avant Denain, durant les difficiles et méritoires campagnes de Flandre, était perpétuellement dénoncé à Versailles par des officiers de son armée, et chaque courrier du quartier général apportait de leur part contre lui et contre ses opérations des critiques et des objections sans nombre qui appelaient la méfiance et semaient l’alarme. Le maréchal de Saxe victorieux n’échappait point à cet inconvénient : il l’a écrit et s’en est plaint au lendemain même de Lawfeld. C’était à qui substituerait ses plans et ses projets à ceux du général en chef :

« Les personnes d’esprit, écrivait-il à ce propos, et surtout les personnes éloquentes sont très dangereuses dans une armée, parce que leurs opinions font des prosélytes, et si le général n’est un personnage opiniâtre et entêté de son opinion, ce qui est un défaut, ils lui donnent des incertitudes capables de lui faire commettre de grandes fautes : c’est le cas où je me trouve…

La politique, nos pertes (à Lawfeld), et notre amour-propre peut-être, nous ont échauffés sur cette entreprise (de Berg-op-Zoom), au point que nous sommes prêts à y sacrifier l’armée, la gloire de nos armes et celle du roi. Les esprits s’échauffent, on blâme le général de sa lenteur ; il ne saurait partir trop tôt pour se précipiter dans un labyrinthe qu’il prévoit ; l’on parle, l’on écrit des mémoires, l’on se communique ses idées, comme si celui qui est chargé de la conduite de cette campagne n’en était pas occupé ; enfin, on veut le faire marcher ; on brigue, on cabale à cet effet. »

Je ne dis pas que Valfons y ait mis tant de malice. Il se donne comme admirateur du maréchal, et il l’était ; mais rien ne prouve plus la légèreté que d’être ce qu’on appelle un gentil garçon, de se dire dévoué à son général et de répéter de pareils propos en l’air, de telles suppositions, sans paraître se douter que c’est l’injure la plus grave.

Les lenteurs mêmes du maréchal après Lawfeld témoignent de sa prudence et de ce bon sens qui a doublement son prix chez un guerrier de génie et d’inspiration naturelle, comme il l’était. Il dut céder à l’exigence française ; sa bonne étoile ne lui fit pas défaut ; il fut heureux ; son lieutenant Lœwendal mena à bien cette entreprise réputée impossible et fort inutile de Berg-op-Zoom qui n’était que pour l’honneur et pour la montre : le succès de Lawfeld, dès cette campagne, put sembler couronné d’un résultat.

Je ne donne pas, cependant, Maurice de Saxe en tout comme un sage ; il avait aussi ses exigences à lui, ses appétits de cupidité, ses bouffées d’ambition. Il aurait voulu, à cette fin d’année, être nommé non-seulement commandant général, mais gouverneur général, mais lieutenant pour le roi dans les Pays-Bas25 : une prétention excessive et dont on n’osa pas même parler au roi qui venait de le combler. Vers ce même temps, il aurait voulu encore, sinon être reconnu par le roi comme duc de Courlande, du moins être traité sur le pied de prince de maison souveraine et en avoir les honneurs comme il en affectait l’allure. Mais, à cette heure, il paraît bien qu’il était réellement las et dégoûté de la guerre, tout l’indique ; il n’en désirait pas la durée, et il l’écrivait à son frère en termes expressifs et pour lesquels il recourait à un proverbe de son pays : « Dieu m’en préserve ! j’en suis rassasié de la guerre, comme si j’en avais mangé à petites cuillerées. » Ce qui est probable, c’est que s’il avait été le maître, il y aurait eu des jours où le démon de l’ambition lui aurait dit : « Poursuis et marche ! » et d’autres jours où la sagesse lui aurait soufflé à l’oreille : « Arrête-toi. »

Les petites choses, comme signe, ne sont pas à dédaigner : un grand acte d’indépendance qu’il fit vers la fin de cette année 1747 ! il avait secoué poudre et perruque ; il parut à la Cour dans cet état naturel ; ce que le duc de Luynes a eu soin de noter dans son journal : « Jeudi dernier (21 décembre) M. le maréchal de Saxe arriva ici (à Versailles) ; il porte présentement ses cheveux qui lui donnent l’air plus jeune. »

Revenu à Chambord à la paix et y passant le plus de temps qu’il pouvait pendant les deux dernières années, y menant un train de prince, il se livrait à la chasse, aux plaisirs, à tous les exercices violents. Plus d’une fois il fit des chutes de cheval à se rompre les os ; il se tuait littéralement, il avait comme hâte de dépenser sa vie.

Et ici encore une courte digression n’est pas inutile ; et, bien qu’il ne s’agisse que d’une anecdote, cette anecdote a pris de telles proportions sous la plume des écrivains de nos jours, qu’il devient presque impossible de la passer sous silence, dès qu’on s’entretient un peu longuement du héros saxon. Ce qui semble d’ailleurs au-dessous de l’histoire revient comme de droit à l’étude morale de l’homme.

Que le maréchal de Saxe ait aimé plus ou moins les plaisirs, cela ne regarderait que lui, s’il n’en avait trop usé pour abréger une existence glorieuse et utile au pays. Il est un épisode pourtant de sa carrière amoureuse qui est une vraie tache et qu’on voudrait effacer, mais il ne faut point non plus en exagérer la noirceur. Dans ses campagnes de Flandre, on sait qu’il était devenu très épris d’une très agréable actrice de la troupe comique à la suite du camp, Mlle de Chantilly ou Mme Favart. Il en raffolait véritablement ; elle avait « pensé (il le dit) lui faire tourner la cervelle. » C’est bien d’elle qu’il est question dans ses lettres à la princesse de Holstein, sa sœur, une singulière sœur et à qui il faisait de rudes confidences. Il lui en touchait un mot dès l’année 1746, puis encore dans ses lettres du 10 janvier et du 10 mars 1767, et il lui en parle en des termes qui ne sont point parfaitement d’accord avec ce que dit l’auteur de la Notice sur la Vie de Favart en tête des Mémoires de ce dernier. Un des plus consciencieux écrivains du maréchal, dans son estimable travail, s’en est trop remis de confiance à l’auteur de cette Notice, Dumolard, écho de la famille, et qui a fait de Mme Favart un modèle de vertu des plus touchants, dont le maréchal n’aurait eu raison qu’après des années. Ce moderne historien du maréchal (M. Saint-René Taillandier) nous montre en conséquence Mme Favart « se moquant des menaces aussi bien que des promesses, en butte à de lâches intrigues, poursuivie, jetée au fond d’un cachot, gardant purs et intacts la dignité de son art et l’honneur de son nom : rare leçon donnée par une comédienne à une société corrompue ! » Et dans la suite de son histoire, il ne retire qu’en partie ces éloges et continue d’exalter la résistance désespérée de la pauvre femme, « résistance faite au nom du devoir, au nom de l’honneur ! » La vérité est que les choses ne se passèrent point tout à fait ainsi, et le maréchal eut bien assez de torts dans cette intrigue, sans les faire plus grands qu’ils ne sont. La petite Chantilly (comme on l’appelait) ne fut point d’abord cette personne si rebelle qu’on prétend. Elle avait su si bien s’insinuer dans les bonnes grâces du maréchal à Bruxelles que rien ne s’obtenait que par son crédit : son mari allait y faire sa fortune, lorsque tout d’un coup elle se ravisa, et le maréchal fut brusquement quitté. Il n’était pas accoutumé à être planté là de la sorte ; il se crut joué, et il n’en prit nullement son parti. Après bien des perplexités, il recourut à l’un de ces odieux abus de pouvoir si usités alors. Que si l’on rapproche les lettres du maréchal à la princesse de Holstein du Manuscrit trouvé à la Bastille (1789), concernant deux lettres de cachet lâchées contre Mlle de Chantilly et M. Favart, par le maréchal de Saxe, on a la clef de toute sa conduite. Il ne peut certes y avoir qu’un sentiment pour le blâmer d’avoir eu recours à de si odieux, à de si détestables moyens, et on plaint l’époque où ils étaient en usage, à la disposition et sous la main des puissants ; mais ce n’était point précisément pour séduire qu’il les employait : la séduction (si tant est qu’il en ait eu besoin) était fort antérieure ; la liaison datait au moins de deux ans : il y avait sans cesse des brouilles ; la petite fée était un démon que le caprice de l’amour conjugal ressaisissait jusque dans ses infidélités ; et la faiblesse, en ceci, du grand capitaine était simplement de vouloir fixer ce qui s’échappait et reconquérir ce qu’il avait perdu. Oh ! que c’eût bien été le cas pour lui de se réciter les jolis vers qui couraient alors le monde, et où il était dit, entre autres vérités de morale indulgente :

Gêner un cœur, ce n’est pas ma façon !
Il est affreux d’aller persécuter
Un jeune cœur que l’on n’a pu dompter26.

L’oisiveté, on le comprend, était plus pesante et plus funeste au maréchal de Saxe que la guerre. Dans ce domaine royal de Chambord, son imagination qui était vaste avait de quoi s’espacer, mais pas assez encore. Il y eut toujours en Maurice du souverain déclassé. Il aurait voulu l’être en réalité, sur un si lointain théâtre que ce fût, pour donner carrière à sa forte et libre nature sans gêne aucune, sans assujettissement ni subordination à la volonté ou à la dignité d’autrui. Il avait l’imagination grande : on a taxé de chimères bien des idées de lui, qui n’eussent point paru telles peut-être, s’il lui avait été donné de les amener à un commencement d’exécution. Il était de ces natures qui se révèlent selon les rencontres et se trouvent à la hauteur de toutes les situations données. Faute de mieux, il était souverain et roi dans son Chambord. Ses chasses, ses haras, les manœuvres de son régiment de houlans qu’on lui avait donnés pour gardes, étaient ses jeux. En selle dès l’aurore, forçant les cerfs et les daims, tuant les sangliers comme son frère en Pologne tuait les ours, il buvait d’autant le soir ; et le reste à l’avenant. Il exerçait une hospitalité large et plénière. Il semblait être revenu par goût à l’existence du Nord, aux mœurs copieuses, aux habitudes et aux orgies paternelles. Il n’était pas seulement libertin, il était débauché. Avec lui, on ne doit pas craindre d’employer les termes ni marchander les mots ; il portait haut ses vices comme ses qualités ; il les menait à grandes guides, il ne les dissimulait pas.

Un voyage en Allemagne où il vit, dans une pointe à Berlin, le grand Frédéric, et où ils causèrent ensemble pendant plusieurs soirs bien avant dans la nuit, dut être une de ses fêtes, et la plus digne d’être remémorée. A l’âge de cinquante-quatre ans, il semblait jeune encore et nageait dans la plénitude des pensées et des sens. Il recevait à Chambord, en femmes, toute espèce de compagnie, même de la bonne. L’automne où il mourut, il venait d’avoir une visite d’une élite de femmes de la Cour, une princesse du sang, Mademoiselle de Sens, à leur tête. Il faut voir de quel ton gaillard il l’annonçait dans une lettre au roi de Pologne (5 septembre 1750) :

« Mademoiselle de Sens vient passer une partie de l’automne chez moi, à Chambord, avec une trôlée de femmes de la Cour. Je leur donnerai des chasses dans les toiles, la comédie et le bal tout le jour, et pour cet effet j’ai arrêté la troupe des comédiens qui est des voyages de la Cour à Compiègne, à qui je ferai manger force biches et sangliers. Je compte, que ces dames s’amuseront fort bien ; j’ai un corps d’officiers très bien choisi… »

A sa sœur, la princesse de Holstein, quinze jours après et pendant le séjour même de ces dames, il en parlait de plus en plus gaillardement, en vrai voisin de Rabelais, plaisantant toujours sur ses houlans, qu’il comparait à des moines reclus. Honni soit qui mal y pense27 !

Il en était là, en plein torrent de cette vie de bruit, de joie et d’opulence, lorsqu’il fut pris, le 12 ou 13 novembre (1750), d’une sorte de rhume qu’il brusqua. L’indisposition, quelques jours après, était devenue une maladie déclarée, une fluxion de poitrine. On le saigna coup sur coup ; la tête se prit : on appela de Paris le médecin Senac, trop tard. Le maréchal sentit que l’heure était venue, et près de mourir, dans un instant lucide, il dit à Senac ce mot souvent cité : « Mon ami, J’ai fait un beau songe ! » (30 novembre.)

Maurice de Saxe était un nom cher à la France, un nom populaire ; et on le vit bien, car un commencement de légende s’essaya aussitôt sur sa mort. Une fable naquit. Le prince de Conti, disait-on tout haut, le rival humilié, l’envieux et l’ennemi du héros, l’avait blessé mortellement en duel dans le parc même de Chambord, et le maréchal de Saxe était mort de cette blessure que, par générosité, il avait tout fait pour cacher. Ce fut la nouvelle de Paris, la version du jour et même du lendemain : tous les démentis n’y firent rien, le bruit persista. Des historiens, sans y croire, l’ont accueilli jusqu’à un certain point et l’ont prolongé en le discutant. Le comte Vitzthum s’applique à le détruire. Mais écrase-t-on un bruit ? On croit avoir mis le pied dessus, et il s’envole plus loin et il recommence !

Le dernier mot du maréchal de Saxe est le jugement le plus vrai : sa vie fut en effet un beau songe. Elle serait plus historique, je le répète, s’il avait vécu l’âge de Turenne, s’il avait eu sa guerre de Sept Ans. Il s’est tué d’intempérance et par les plaisirs. Il garde du héros de roman jusque dans le personnage de l’histoire. Les alternatives de la grande guerre et le vis-à-vis de Frédéric, le roi capitaine, lui ont manqué ; une telle partie finale jouée comme il l’aurait pu faire eût agrandi et consacré sa réputation ; elle l’eût placé au premier rang. Il est mort intact sans doute et victorieux, mais à la veille de choses plus grandes que celles qu’il a faites. C’est un inconvénient pour la perspective de la postérité28.