2. CORNEILLE, [Thomas] Frere de Pierre, de l’Académie Françoise & de celle des Inscriptions, né à Rouen en 1625, mort à Andely en 1709.
Quand il n’auroit fait qu’Ariane & le
                                Comte d’Essex, le Baron d’Albicrack & le Festin de Pierre,
                            Pieces qu’on joue 
encore avec beaucoup de
                            succès, il seroit supérieur à presque tous les Tragiques & Comiques
                            de nos jours. On a dit que le nom de son frere étoit un honneur
                            dangereux pour lui : on doit en convenir ; mais, malgré cela,
                            son frere ne pouvoit être mieux remplacé à l’Académie Françoise.
                            D’ailleurs, il est tant d’Auteurs qui n’ont un nom que parce qu’ils
                            n’ont pas de frere, qu’il y auroit de l’injustice à lui refuser la
                            gloire qu’il mérite, parce qu’il en a eu un plus célebre que lui.
                                « La distance qui étoit entre leurs esprits, dit M. l’Abbé de Voisenon, n’en mit aucune dans leurs cœurs. Ils
                                étoient extrêmement unis, & logeoient ensemble. Thomas travailloit bien plus facilement que Pierre ; & quand celui-ci cherchoit une rime, il
                                levoit une trappe & la demandoit à Thomas, qui
                                la lui donnoit aussi-tôt. L’un étoit un Dictionnaire de rimes, &
                                l’autre un Dictionnaire d’idées & de raisonnemens. »
            
On ignore assez communément qu’on doit à Thomas Corneille d’excellentes Observations sur Vaugelas, un Dictionnaire des Arts, pour servir de supplément au Dictionnaire de l’Académie, & un Dictionnaire universel, géographique & historique, en trois vol. in-folio, le meilleur & le plus étendu de ceux qui l’avoient précédé. M. de la Martiniere, M. Claustre, les Continuateurs de Moreri, M. l’Abbé d’Expilly, y ont puisé une infinité d’articles qu’ils auroient cherchés vainement ailleurs.
Tant de titres pour figurer dans la République des Lettres, ne sont-ils pas propres à prouver que Thomas Corneille peut exister par lui-même, & ne rien perdre par la célébrité de son frere ? Une vanité mal éclairée a donc pu seule le porter à changer son nom en celui de Delisle, & Moliere a eu raison de tourner en ridicule cette foiblesse.