Charles Baudelaire 21
I
S’il n’y avait que du talent dans Les Fleurs du mal 22 de Charles Baudelaire, il y en aurait certainement assez pour fixer l’attention de la Critique et captiver les connaisseurs ; mais dans ce livre difficile à caractériser tout d’abord, et sur lequel notre devoir est d’empêcher toute confusion et toute méprise, il y a bien autre chose que du talent pour remuer les esprits et les passionner… Charles Baudelaire, le traducteur des œuvres complètes d’Edgar Poe, qui a déjà fait connaître à la France le bizarre conteur, et qui va incessamment lui faire connaître le puissant poète dont le conteur était doublé ; Baudelaire, qui, de génie, semble le frère puîné de son cher Edgar Poe, avait déjà éparpillé, çà et là, quelques-unes de ses poésies. On sait l’impression qu’elles produisirent alors. A la première apparition, à la première odeur de ces Fleurs du mal, comme il les nomme, de ces fleurs (il faut bien le dire, puisqu’elles sont les Fleurs du mal !) horribles de fauve éclat et de senteur, on cria de tous les côtés à l’asphyxie et que le bouquet était empoisonné ! Les moralités délicates disaient qu’il allait tuer comme les tubéreuses tuent les femmes en couche, et il tue, en effet, de la même manière. C’est un préjugé ! A une époque aussi dépravée par les livres que l’est la nôtre, Les Fleurs du mal n’en feront pas beaucoup, nous osons l’affirmer. Et elles n’en feront pas, non seulement parce que nous sommes les Mithridates des affreuses drogues que nous avons avalées depuis vingt-cinq ans, mais aussi par une raison beaucoup plus sûre, tirée de l’accent — de la profondeur d’accent — d’un livre qui, selon nous, doit produire l’effet absolument contraire à celui que l’on affecte de redouter. N’en croyez le titre qu’à moitié ! Ce ne sont pas Les Fleurs du mal que le livre de Baudelaire. C’est le plus violent extrait qu’on ait jamais fait de ces fleurs maudites. Or, la torture que doit produire un tel poison sauve des dangers de son ivresse !
Telle est la moralité, inattendue, involontaire peut-être, mais certaine, qui sortira de ce livre, cruel et osé, dont l’idée a saisi l’imagination d’un artiste. Révoltant comme la vérité, qui l’est souvent, hélas ! dans le monde de la Chute, ce livre sera moral à sa manière ; et ne souriez pas ! cette manière n’est rien moins que celle de la Toute-Puissante Providence elle-même, qui envoie le châtiment après le crime, la maladie après l’excès, le remords, la tristesse, l’ennui, toutes les hontes et toutes les douleurs qui nous dégradent et nous dévorent, pour avoir transgressé ses lois. Le poète des Fleurs du mal a exprimé, les uns après les autres, tous ces faits divinement vengeurs. Sa Muse est allée les chercher dans son propre cœur entr’ouvert, et elle les a tirés à la lumière d’une main aussi impitoyablement acharnée que celle du Romain qui tirait hors de lui ses entrailles. Certes ! l’auteur des Fleurs du mal n’est pas un Caton. Il n’est ni d’Utique ni de Rome. Il n’est ni le Stoïque, ni le Censeur. Mais quand il s’agit de déchirer l’âme humaine à travers la sienne, il est aussi résolu et aussi impassible que celui qui ne déchira que son corps, après une lecture de Platon. La Puissance qui punit la vie est encore plus impassible que lui ! Ses prêtres, il est vrai, prêchent pour elle. Mais elle-même ne s’atteste que par les coups dont elle nous frappe. Voilà ses voix ! comme dit Jeanne d’Arc, Dieu, c’est le talion infini. On a voulu le mal et le mal engendre.
On a trouvé bon le vénéneux nectar, et l’on en a pris à si hautes doses que la nature humaine en craque et qu’un jour elle s’en dissout tout à fait. On a semé la graine amère ; on recueille les fleurs funestes. Baudelaire, qui les a cueillies et recueillies, n’a pas dit que ces Fleurs du mal étaient belles, qu’elles sentaient bon, qu’il fallait en orner son front, en emplir ses mains, et que c’était là la sagesse. Au contraire, en les nommant, il les a flétries. Dans un temps où le sophisme raffermit la lâcheté et où chacun est le doctrinaire de ses vices, Baudelaire n’a rien dit en faveur de ceux qu’il a moulés si énergiquement dans ses vers. On ne l’accusera pas de les avoir rendus aimables. Ils y sont hideux, nus, tremblants, à moitié dévorés par eux-mêmes, comme on les conçoit dans l’enfer. C’est là, en effet, l’avancement d’hoirie infernale que tout coupable a de son vivant dans la poitrine. Le poète, terrible et terrifié, a voulu nous faire respirer l’abomination de cette épouvantable corbeille qu’il porte, pâle canéphore, sur sa tête, hérissée d’horreur. C’est là réellement un grand spectacle ! Depuis le coupable cousu dans un sac qui déferlait sous les ponts humides et noirs du Moyen Age, en criant qu’il fallait laisser passer une justice, on n’a rien vu de plus tragique que la tristesse de cette poésie coupable, qui porte le faix de ses vices sur son front livide. Laissons-la donc passer aussi ! On peut la prendre pour une justice, — la justice de Dieu !
II
Après avoir dit cela, ce n’est pas nous qui affirmerons que la poésie des Fleurs du mal est de la poésie personnelle. Sans doute, étant ce que nous sommes, nous portons tous (et même les plus forts) quelque lambeau saignant de notre cœur dans nos œuvres, et le poète des Fleurs du mal est soumis à cette loi comme chacun de nous. Ce que nous tenons seulement à constater, c’est que, contrairement au plus grand nombre des lyriques actuels, si préoccupés de leur égoïsme et de leurs pauvres petites impressions, la poésie de Baudelaire est moins l’épanchement d’un sentiment individuel qu’une ferme conception de son esprit. Quoique très lyrique d’expression et d’élan, le poète des Fleurs du mal est, au fond, un poète dramatique. Il en a l’avenir. Son livre est un drame anonyme dont il est l’auteur universel, et voilà pourquoi il ne chicane ni avec l’horreur, ni avec le dégoût, ni avec rien de ce que peut produire de plus hideux la nature humaine corrompue. Shakespeare et Molière n’ont pas chicané non plus avec le détail révoltant de l’expression quand ils ont peint, l’un, son Iago, l’autre, son Tartuffe. Toute la question pour eux était celle-ci : « Y a-t-il des hypocrites et des perfides ? » S’il y en avait, il fallait bien qu’ils s’exprimassent comme des hypocrites et des perfides. C’étaient des scélérats qui parlaient, les poètes étaient innocents ! Un jour même (l’anecdote est connue), Molière le rappela à la marge de son Tartuffe, en regard d’un vers par trop odieux, et Baudelaire a eu la faiblesse… ou la précaution de Molière.
Dans ce livre, où tout est en vers, jusqu’à la préface, on trouve une note en prose qui ne peut laisser aucun doute, non seulement sur la manière de procéder de l’auteur des Fleurs du mal, mais encore sur la notion qu’il s’est faite de l’Art et de la Poésie ; car Baudelaire est un artiste de volonté, de réflexion et de combinaison avant tout. « Fidèle — dit-il — à son douloureux programme, l’auteur des Fleurs du mal a dû, en parfait comédien, façonner son esprit à tous les sophismes comme à toutes les corruptions. » Ceci est positif. Il n’y a que ceux qui ne veulent pas comprendre qui ne comprendront pas. Donc, comme le vieux Gœthe qui se transforma en marchand de pastilles turc dans son Divan, et nous donna aussi un livre de poésie, — plus dramatique que lyrique aussi et qui est peut-être son chef-d’œuvre, — l’auteur des Fleurs du mal s’est fait scélérat, blasphémateur, impie par la pensée, absolument comme Gœthe s’est fait Turc. Il a joué une comédie ; mais c’est la comédie sanglante dont parle Pascal. Ce profond rêveur qui est au fond de tout grand poète s’est demandé, en Baudelaire, ce que deviendrait la poésie en passant par une tête organisée, par exemple, comme celle de Caligula ou d’Héliogabale, et Les Fleurs du mal — ces monstrueuses ! — se sont épanouies pour l’instruction et l’humiliation de nous tous ; car il n’est pas inutile, allez ! de savoir ce qui peut fleurir dans le fumier du cerveau humain, décomposé par nos vices. C’est une bonne leçon. Seulement, par une inconséquence qui nous touche et dont nous connaissons la cause, il se mêle à ces poésies, imparfaites par là au point de vue absolu de leur auteur, des cris d’âme chrétienne, malade d’infini, qui rompent l’unité de l’œuvre terrible, et que Caligula et Héliogabale n’auraient pas poussés. Le Christianisme nous a tellement pénétrés qu’il fausse jusqu’à nos conceptions d’art volontaire dans les esprits les plus énergiques et les plus préoccupés. S’appelât-on l’auteur des Fleurs du mal, — un grand poète qui ne se croit pas chrétien et qui, dans son livre, positivement ne veut pas l’être, — on n’a pas impunément dix-huit cents ans de Christianisme derrière soi. Cela est plus fort que nous ! On a beau être un artiste redoutable, au point de vue le plus arrêté, à la volonté la plus soutenue ; et s’être juré d’être athée comme Shelley, forcené comme Leopardi, impersonnel comme Shakespeare, indifférent à tout excepté à la beauté comme Gœthe, on va quelque temps ainsi, misérable et superbe, comédien à l’aise dans le masque réussi de ces traits grimés ; mais il arrive que tout à coup, au bas d’une de ses poésies le plus amèrement calmes ou le plus cruellement sauvages, on se retrouve chrétien dans une demi-teinte inattendue, dans un dernier mot qui détonne, — mais qui détonne pour nous délicieusement dans le cœur :
Ah ! Seigneur ! donnez-moi la force et le courageDe contempler mon cœur et mon corps sans dégoût !
Cependant, nous devons l’avouer, ces inconséquences, presque fatales, sont assez rares dans le livre de Baudelaire. L’artiste, vigilant et d’une persévérance inouïe dans la fixe contemplation de son idée, n’a pas été trop vaincu.
III
Cette idée, nous l’avons dit déjà par tout ce qui précède, c’est le pessimisme le plus achevé. La littérature satanique, qui date d’assez loin déjà, mais qui avait un côté romanesque et faux, n’a produit que des contes pour faire frémir ou des bégaiements d’enfançon, en comparaison de ces réalités effrayantes et de ces poésies nettement articulées où l’érudition du mal en toute chose se mêle à la science du mot et du rhythme. Car, pour Charles Baudelaire, appeler un art sa savante manière d’écrire en vers ne dirait point assez. C’est presque un artifice. Esprit d’une laborieuse recherche, l’auteur des Fleurs du mal est un retors en littérature, et son talent, qui est incontestable, travaillé, ouvragé, compliqué avec une patience de Chinois, est lui-même une fleur du mal venue dans les serres chaudes d’une Décadence. Par la langue et le faire, Baudelaire, qui salue à la tête de son recueil Théophile Gautier pour son maître, est de cette école qui croit que tout est perdu, et même l’honneur, à la première rime faible, dans la poésie la plus élancée et la plus vigoureuse. C’est un de ces matérialistes raffinés et ambitieux qui ne conçoivent guères qu’une perfection, — la perfection matérielle, — et qui savent parfois la réaliser ; mais, par l’inspiration, il est bien plus profond que son école, et il est descendu si avant dans la sensation, dont cette école ne sort jamais, qu’il a fini par s’y trouver seul, comme un lion d’originalité. Sensualiste, mais le plus profond des sensualistes, et enragé de n’être que cela, l’auteur des Fleurs du mal va, dans la sensation, jusqu’à l’extrême limite, jusqu’à cette mystérieuse porte de l’Infini à laquelle il se heurte, mais qu’il ne sait pas ouvrir, et de rage il se replie sur la langue et passe ses fureurs sur elle. Figurez-vous cette langue, plus plastique encore que poétique, maniée et taillée comme le bronze et la pierre, et où la phrase a des enroulements et des cannelures, figurez-vous quelque chose du gothique fleuri ou de l’architecture moresque appliqué à cette simple construction qui a un sujet, un régime et un verbe ; puis, dans ces enroulements et ces cannelures d’une phrase, qui prend les formes les plus variées comme les prendrait un cristal, supposez tous les piments, tous les alcools, tous les poisons, minéraux, végétaux, animaux ; et ceux-là, les plus riches et les plus abondants, si on pouvait les voir, qui se tirent du cœur de l’homme : et vous avez la poésie de Baudelaire, cette poésie sinistre et violente, déchirante et meurtrière, dont rien n’approche dans les plus noirs ouvrages de ce temps qui se sent mourir. Cela est, dans sa férocité intime, d’un ton inconnu en littérature. Si à quelques places, comme dans la pièce La Géante, ou dans Don Juan aux Enfers, — un groupe de marbre blanc et noir, une poésie de pierre (di sasso) comme le Commandeur, — Baudelaire rappelle la forme de Victor Hugo, mais condensée et surtout purifiée ; si, à quelques autres, comme La Charogne, la seule poésie spiritualiste du recueil, dans laquelle le poète se venge de la pourriture abhorrée par l’immortalité d’un cher souvenir :
Alors, ô ma beauté ! dites à la vermineQui vous mangera de baisers,Que j’ai gardé la forme et l’essence divineDe mes amours décomposés !
on se souvient d’Auguste Barbier… partout ailleurs l’auteur des Fleurs du mal est lui-même et tranche fièrement sur tous les talents de ce temps. Un critique le disait l’autre jour (Thierry, du Moniteur), dans une appréciation supérieure : pour trouver quelque parenté à cette poésie implacable, à ce vers brutal, condensé et sonore, ce vers d’airain qui sue du sang, il faut remonter jusqu’au Dante, Magnus Parens ! C’est l’honneur de Charles Baudelaire d’avoir pu évoquer, dans un esprit délicat et juste, un si grand souvenir !
Il y a du Dante, en effet, dans l’auteur des Fleurs du mal ; mais c’est du Dante d’une époque déchue, c’est du Dante athée et moderne, du Dante venu après Voltaire, dans un temps qui n’aura point de saint Thomas. Le poète de ces Fleurs, qui ulcèrent le sein Sur lequel elles reposent, n’a pas la grande mine de son majestueux devancier, et ce n’est pas sa faute. Il appartient▶ à une époque troublée, sceptique, railleuse, nerveuse, qui se tortille dans les ridicules espérances des transformations et des métempsycoses il n’a pas la foi du grand poète catholique, qui lui donnait le calme auguste de la sécurité dans toutes les douleurs de la vie. Le caractère de la poésie des Fleurs du mal, à l’exception de quelques rares morceaux que le désespoir a fini par glacer, c’est le trouble, c’est la furie, c’est le regard convulsé, et non pas le regard sombrement clair et limpide du Visionnaire de Florence. La Muse du Dante a rêveusement vu l’Enfer ; celle des Fleurs du mal le respire d’une narine crispée comme celle du cheval qui hume l’obus ! L’une vient de l’Enfer, l’autre y va. Si la première est plus auguste, l’autre est peut-être plus émouvante. Elle n’a pas le merveilleux épique qui enlève si haut l’imagination et calme ses terreurs dans la sérénité dont les génies tout à fait exceptionnels savent revêtir leurs œuvres les plus passionnées. Elle a, au contraire, d’horribles réalités que nous connaissons, et qui dégoûtent trop pour permettre même l’accablante sérénité du mépris. Baudelaire n’a pas voulu être dans son livre des Fleurs du mal un poète satirique, et il l’est pourtant, sinon de conclusion et d’enseignement, au moins de soulèvement d’âme, d’imprécations et de cris. Il est le misanthrope de la vie coupable, et souvent on s’imagine, en le lisant, que si Timon d’Athènes avait eu le génie d’Archiloque, il aurait pu écrire ainsi sur la nature humaine et l’insulter en la racontant !
IV
Nous ne pouvons ni ne voulons rien citer de ces poésies, et voici pourquoi : une pièce citée n’aurait que sa valeur individuelle, et, il ne faut pas s’y méprendre ! dans le livre chaque poésie a, de plus que la réussite des détails ou la fortune de la pensée, une valeur très importante d’ensemble et de situation, qu’il ne faut pas lui faire perdre en la détachant. Les artistes, qui voient les lignes sous le luxe ou l’efflorescence de la couleur, percevront très bien qu’il y a ici une architecture secrète, un plan calculé par le poète, méditatif et volontaire. Les Fleurs du mal ne sont pas à la suite les unes des autres comme tant de morceaux lyriques, dispersés par l’inspiration et ramassés dans un recueil sans d’autre raison que de les réunir. Elles sont moins des poésies qu’une œuvre poétique de la plus forte unité. Au point de vue de l’art et de la sensation esthétique, elles perdraient donc beaucoup à n’être pas lues dans l’ordre où le poète, qui sait bien ce qu’il fait, les a rangées. Mais elles perdraient bien davantage au point de vue de l’effet moral que nous avons signalé en commençant.
Cet effet, sur lequel il importe beaucoup de revenir, gardons-nous bien de l’énerver ! Ce qui empêchera le désastre de ce poison, servi dans cette coupe, c’est sa force ! L’esprit des hommes, qu’il bouleverserait en atomes, n’est pas capable de l’absorber dans de telles proportions sans le revomir, et une telle contraction donnée à l’esprit de ce temps, affadi et débilité, peut le sauver, en l’arrachant par l’horreur à sa lâche faiblesse. Les Solitaires ont auprès d’eux des têtes de mort, quand ils dorment, Voici un Rancé, sans la foi, qui a coupé la tête à l’idole matérielle de sa vie ; qui, comme Caligula, a cherché dedans ce qu’il aimait, et qui crie du néant de tout, en la regardant ! Croyez-vous donc que ce ne soit pas là quelque chose de pathétique et de salutaire ?… Quand un homme et une poésie en sont descendus jusque-là, — quand ils ont dévalé si bas dans la conscience de l’incurable malheur qui est au fond de toutes les voluptés de l’existence, poésie et homme ne peuvent plus que remonter. Charles Baudelaire n’est pas un de ces poètes qui n’ont qu’un livre dans le cerveau et qui vont le rabâchant toujours. Mais qu’il ait desséché sa veine poétique (ce que nous ne pensons pas !) parce qu’il a exprimé et tordu le cœur de l’homme lorsqu’il n’est plus qu’une éponge pourrie, ou qu’il l’ait, au contraire, survidée d’une première écume, il est tenu de se taire maintenant, — car il a des mots suprêmes sur le mal de la vie, — ou de parler un autre langage. Après Les Fleurs du mal, il n’y a plus que deux partis à prendre pour le poète qui les fit éclore : ou se brûler la cervelle… ou se faire chrétien !
V
On a beaucoup parlé déjà de ces Paradis artificiels
23. Si on ne s’occupe pas beaucoup
de l’autre, on s’occupe volontiers de ceux-ci. C’est plus aisé. On s’en tire avec
quelques sous de la drogue que voici et une cuiller à café. Le haschich et l’opium !
Diable ! (Et c’est bien diable qu’il faut dire !) L’opium et le haschich ! mais c’est
une friandise, cela ! On avait bien le café et le thé, des excitants dont a parlé Balzac
comme Balzac a parlé de tout, c’est-à-dire en grand maître, même quand il gausse, le
Rabelaisien dont Rabelais serait fier comme d’un fils, s’il vivait, et s’il n’en était
pas jaloux !… On avait le tabac, le tabac dont le docteur Clavel disait, il y a quatre
jours, que « seul il pourrait transformer le monde moderne en un vaste hôpital de
vieillards, d’incurables et d’aliénés »
. Mais cela ne suffisait pas. Est-ce
que rien suffît jamais à cette ambitieuse de Raison ?… Impuissante qui veut l’infini…
impossible !
L’opium et le haschich, — les préoccupations du moment, comme le magnétisme et le
somnambulisme ; car nous sommes aussi bêtes que les siècles de l’alchimie et de
l’astrologie judiciaire ! — quelle matière à curiosité et à dissertations pour tous les
genres de badauds, mais surtout pour les « badauds de l’ordre
intellectuel »
, comme les appelle Baudelaire. Et d’autant que Baudelaire, qui
va nous en conter… les merveilles, est un voyageur qui revient de ces Indes concentrées
qu’on appelle le haschich et l’opium, comme le pauvre grand Dante s’en revenait de
l’Enfer, disait-on, tout vert de terreur surmontée. Le haschich et l’opium, c’est
l’enfer de Charles Baudelaire. C’est l’enfer moderne de la sensation surexcitée et
épuisée, du nerf tari dans sa dernière goutte de fluide. Enfer vrai, et paradis…
artificiels !
Ah ! l’autre enfer était plus beau sans doute. Il avait plus de variété, plus de
grandeur et plus de spectacles que celui qu’on nomme aujourd’hui paradis, probablement
par antiphrase. Et quoi d’étonnant ? « L’opium et le haschich — dit très bien
Baudelaire — ne révèlent rien à l’individu que l’individu. »
Or, c’est bientôt
fini, l’individu. Pitoyable Narcisse, qui s’ennuie de sa contemplation même et qui se
fait pour s’amuser des grimaces dans la glace où il s’admire, le moi
en a bientôt assez du moi ! L’âme humaine, captive de la matière,
croit que ses passions sont une ressource, et que c’est se jeter par la fenêtre de sa
prison que de se jeter à elles, et elle s’y jette ; mais c’est dans l’ennui qu’elle
retombe, ennui plus creusé par sa chute, hélas ! plus profond et plus noir ! D’un autre
côté, L’Enfer du Dante, pour être plus beau, est aussi un poème, dans
toute la splendeur de cette difficulté immense et vaincue, écrit en tercets qui
ressemblent à des rayons tordus de foudre, de soleil et de lune, tandis que Les
Paradis artificiels de Baudelaire sont un livre de prose, de description et
d’analyse psycho-physiologique qu’il a faits sur souvenir, absolument comme un
naturaliste étudie à la loupe les fibrilles d’une feuille de mûrier.
Eh bien, c’est égal, malgré la science et malgré la prose, il y a du poème et du poète aussi dans cette analyse, qui se fait honneur d’être sèche, exacte, précise, rechercheuse d’infiniment petites choses, côtoyant ce qui va cesser d’être tout à l’heure : l’abîme du rien, — sur les bords duquel aiment à se promener messieurs les faiseurs d’analyse ! Oui ! heureusement, il y a là du poème et du poète ! Toute cette observation minutieuse d’états pathologiques misérables, dans lesquels l’homme a perdu l’équilibre et la possession de soi-même et n’a trouvé jamais que le bonheur sot de la sensation, est revêtu de l’expression qui ferait tout lire et presque tout pardonner.
Il est évident que l’auteur n’est pas dupe de cette drogue à laquelle il a goûté. Il est évident que le poète est au-dessus du poème (car par l’expression ce livre en est un), et que, contrairement à Dante, qui fut le poète de la foi candidate en harmonie avec des croyances-vérités, il est, lui, le poète de l’ironie retorse qui se moque de nous en voulant d’abord nous faire envie, pour, après, nous faire peur. Jeux de poète ! Baudelaire, je vous en avertis, est là tout entier. Donner le désir de toucher à cette pomme de délice et de perdition, puis la peur d’y avoir touché, et en définitive se moquer d’Ève, d’Adam et de la pomme, voilà ce qu’il a voulu, ce Satan… pour rire, dans ses Paradis artificiels, qui sont des Paradis perdus.
Assurément, on n’a pas vu cela encore dans les comptes rendus qu’on a faits de ce livre curieux. Les uns y ont vu une étude très soignée, très épinglée, très atomistique, où rien n’est oublié des sensations et des nuances de sensation par lesquelles on passe dans les états qu’il décrit… et j’aime mieux le croire que d’y aller voir. Et les autres, braves gens, — les meilleurs fils du monde, — ont pris Baudelaire pour un moraliste chrétien. Il aurait, de hasard, carambolé ! Certes ! Baudelaire a trop d’esprit pour être, quand il sera moraliste, d’une autre morale que de la morale chrétienne ; mais, quoique ses conclusions contre ces drogues, aliénatrices de la liberté et de l’intelligence humaines, mais dont il nous fait un peu trop poétiquement l’histoire, soient des conclusions que le Christianisme peut avouer, ce n’est pas, voyons ! le moraliste qui est au fond de ses Paradis artificiels… ou, plutôt, derrière. Il y a là une autre personne. Il y a le poète très railleur et presque mystificateur connu sous le nom de Charles Baudelaire, lequel regarde par-dessus le livre l’effet dudit livre sur le bon public.
Moi, je demanderai la permission d’écarter le livre, et d’aller à l’auteur, que j’aime ! Je sais bien qu’il se récriera. Je sais bien qu’il a une théorie toute prête à m’opposer (c’est son éventail, à cette femme !), et que cette théorie défend à la Critique honnête de pénétrer jusqu’à la pensée d’un auteur, de lui entrer dans la conscience. Mais si c’est vrai, la Critique est tuée et tuée d’un soufflet. Elle n’a plus besoin de logique ni de profondeur. Eh bien, nous ne voulons pas que la Critique soit tuée et qu’elle meure d’une mort si laide. Nous nous permettons bien les inductions de nous à Dieu ! Il me semble bien que nous pouvons nous permettre, par-dessus le marché, les inductions du livre de Baudelaire à Baudelaire, sans lui manquer d’aucune espèce de sympathie et de respect.
VI
J’ai dit que Baudelaire était poète. Qui ne le sait, qui n’a pas lu ces Fleurs du mal dont le vrai nom aurait dû être Les Fleurs maudites, poésies cruelles, envenimées, d’une volupté sinistre, qui auraient leur excuse dans le désespoir, si le désespoir n’était un mal de plus, et après lesquelles, si l’auteur avait eu la logique de ses sensations, il n’y avait plus que le coup de pistolet ou… le pied d’une croix !
Un jour nous reparlerons mieux, du reste, de ces Fleurs du mal, dont Baudelaire refait en ce moment le bouquet en y ajoutant des fleurs plus saines. Baudelaire peut-il en être innocenté ? Les poètes, ces Infirmes puissants, ne sont pas toujours responsables de leurs faiblesses. Ces singuliers caméléon s, qui renvoient des couleurs plus brillantes au prisme de leur temps que celles qu’ils en reçoivent, se teignent le plus souvent de quelque passion de leur époque, qu’ils n’auraient certainement pas eue s’ils étaient venus plus tôt ou plus tard… Milton, le chantre de la Révolte, est d’un temps où les mœurs étaient régicides. Au xixe siècle, que voulez-vous que fût un poète qui venait après le René de Chateaubriand et le matérialisme de Broussais, et qui, ramassant Musset tombé, l’étoile au front, qu’il avait éteinte dans le ruisseau, traduisait froidement, mais puissamment, avec bien des rayons de moins, mais une correction plus savante, ces ivresses dont Musset était mort sans avoir chanté l’horreur ? Il devait être, hélas ! l’auteur des Fleurs du mal, et ne pouvait peut-être guères plus être autre chose.
Mais ce n’est pas tout ; l’auteur si particulier des Fleurs du mal, ce poète froid, souple, gracieux et terrible à la manière des serpents, avait développé ses tendances… serpentines dans une accointance et une intimité de toute sa vie intellectuelle avec un bien autre… boa que lui, avec un génie plein de combinaison, d’ironie solennelle, de froideur profonde. Je veux parler de l’américain Edgar Poe, dont il nous a donné une traduction vraie comme la Passion et éloquente comme elle ; Edgar Poe, dont il a fait tellement peser sur lui l’influence, que je le défierais bien de maintenant l’effacer.
Or, cet Edgar Poe, il faut bien l’avouer, tout en convenant de son génie, n’est au fond qu’un puffiste sublime, qui méprise son public et le lui prouve, sans le lui dire, en lui construisant une littérature à le dompter, ce public américain qui aime les tours de force, et à le tenir les yeux dilatés dans la terreur des extraordinaires histoires qu’il lui raconte. Vamburgh, à la fin, de ce lion ! Assurément, Baudelaire, qui de nature a un penchant vers l’ironie que sa physionomie devait révéler tout enfant à sa mère, aurait dans son intimité avec Poe appris, quand il n’en eût pas eu le germe en lui, l’art amer et hypocrite de cette mystification implacable que Swift eut un jour, mais que, par l’outrance et l’effet qu’ils veulent produire, Poe et Baudelaire ont, tous les deux, bien dépassé.
Et ce qui ne pouvait manquer d’être arriva. C’est cette ironie naturelle et très cultivée qui fut la Muse du poète des Fleurs du mal. Peintre à froid d’horreurs à froid, mais peintre très habile, qui, dans ses Fleurs du mal, se fait poétiquement un Héliogabale artificiel, comme, dans ses Paradis artificiels, il se fait le Satan qui tente et épouvante et qui se moque après avoir tenté et épouvanté, Baudelaire, qui est de son temps, a trouvé gentil et drolatique de nous raconter une Histoire extraordinaire, digne de Poe et oubliée par lui, et de nous la raconter de manière à nous donner envie de prendre de l’opium, tout en nous disant de n’en rien faire, sous peine de destruction de soi, de déshonneur moral et d’indignité. Jamais plan n’a été mieux caché, mais n’est plus transparent, ce me semble. Voilà toute la morale de sa pièce, ou plutôt de son Histoire ! Nous suspendre entre la convoitise et le remords, entre la curiosité et la honte, puis rire de ce que nous aurons fait… ou de ce que nous ne ferons pas. Abstinents ou repentants ! Bonne, froide et profonde plaisanterie, accomplie solennellement, mais non avec le rire silencieux de Bas-de-Cuir ; car le rire silencieux de Bas-de-Cuir était encore un rire, et Baudelaire ne rit pas !
VII
Et la preuve de ce que je dis là est à toute page ici, — en ces Paradis
artificiels. L’auteur, qui est poète, entend admirablement les mises en scène
de son idée. Il a l’expression burinée toujours ; mais quelquefois son burin flambe !
C’est pour mieux faire flamber le désir. C’est comme dans le Petit Chaperon
rouge : « C’est pour mieux te manger, mon enfant ! », ou te faire mieux
manger du haschisch, mon enfant ! Malgré la chétivité de ces rêves produits par l’opium
ou le haschisch, et qui ne révèlent à l’homme que l’homme, c’est-à-dire ce qu’il sait
trop déjà, l’auteur des Paradis a des passages qui emporteront les
imaginations rêveuses, lesquelles chevauchent l’expression comme un hippogriffe !
« Vous savez — dit-il, et il en dit bien d’autres ! — que le haschisch invoque
toujours des magnificences de lumière, des splendeurs glorieuses, des cascades d’or
liquide ; toute lumière lui est bonne, celle qui ruisselle en nappes et celle qui
s’accroche comme du paillon aux pointes et aux aspérités, les candélabres des salons,
les cierges du mois de Marie, les avalanches de rose dans les couchers de soleil
(image neuve !). »
Et après ce coup de baguette magique, il ajoute, quelques
pages plus loin, avec un accent ineffable, que « vous êtes à peine debout qu’un
vieux reste d’ivresse (l’ivresse d’hier) vous suit et vous retarde, comme le boulet de
votre récente servitude »
.
Aimable homme ! Est-il content de l’avoir crocheté ! Satan tout en velours ! Satan
patelin, délicieux, plein de précautions et d’avertissement, moraliste enfin, puisque
c’est plus comique ainsi et qu’ils le croient, les bonnes gens ! Baudelaire me rappelle
souvent ce kief oriental dont il parle, cet état de visions splendides
et
doucement terrifiantes et en même temps plein de
consolations
. Joli état, excellentes et juteuses épithètes ! Seulement,
j’allais trop loin, je crois, tout à l’heure, en disant que Baudelaire ne riait jamais,
Bas-de-Cuir de l’opium, plus dur à la détente que le Bas-de-Cuir des grands bois. Eh
bien, par exception à son usage, il me semble que je vois ici un petit bout de rire
silencieux !
Ainsi, un poète comme toujours, mais non plus le poète des Fleurs du
mal, qui était tragique, mais un poète comique inattendu, voilà, de présent,
l’auteur des Paradis artificiels. Quoiqu’il soit sérieux d’apparence, à
travers ses notions nombreuses, scientifiquement très affermies, — une littérature sui generis sur les deux substances dont il s’occupe, — à travers enfin
les descriptions de l’ivresse, cet abîme qu’il descend marche par marche, s’arrêtant à
chaque marche pour la décrire, sous tous ses côtés, le comique sort (est-ce malgré
lui ?) de Baudelaire, de cet épicurien profond et sombre pourtant, qui dit :
« Voici la jouissance et voici son dégât ! vous êtes un dieu, mais vous avez
mal dîné, et bientôt même vous n’aurez plus d’estomac ! »
Et la chose (ce
comique) devient si forte, si forte et si visible, qu’on se demande si le haschisch se
moque encore de lui quand il nous en raconte les frasques dans la tête
humaine, ou si, lui, le narrateur, se moque de nous et prétend être notre haschisch ?
Question éternelle !
Prenez les diverses spécialités de sujets que Baudelaire admet à ses expériences, le
récit « du littérateur », où vous trouvez, par exemple, des caricatures et des
contorsions d’imagination comme celles-ci : « Vous vous sentirez vous évaporant,
et vous attribuerez à votre pipe (dans laquelle vous vous sentez accroupi et ramassé
comme le tabac), l’étrange faculté de vous fumer »
; prenez le récit de
La Dame un peu mûre, et dites si tout cela n’est pas d’un comique dont
le haschisch n’est que l’occasion, et d’un comique d’autant plus piquant qu’il est…
hypocrite. Il y a encore le récit du « monsieur » qui va chez le pharmacien pour se
dégriser, qui est un chef-d’œuvre que Swift aurait signé, mais n’aurait peut-être pas
écrit. Comptez-le donc aussi, et mettez-le avec tous les aphorismes, tranquillement
impudents, de ce sybarite plein de calme : « toute débauche parfaite a besoin
d’un parfait loisir »
, etc., et confessez qu’il y a là une somme de comique à
défrayer une pièce de théâtre, et souhaitons même que L’Ivrogne, qui sera
le prochain drame de Baudelaire, soit aussi gai, sous couleur noire, que ses
Paradis artificiels.
VIII
Ils sont divisés en deux livres. Je n’ai guères parlé jusqu’ici que de celui qui ◀appartient plus particulièrement à Baudelaire : le livre qui traite du haschisch ; l’autre, qui traite de l’opium et dont le paradis est bien inférieur au paradis du premier, a été traduit ou du moins très inspiré de Quincey, un vieux mangeur d’opium qui fut poète dans le temps en Angleterre, et qui n’avait pas assez de sa poésie, sans doute, pour s’enivrer et se sentir vivre. Tête de versificateur ! Comme tout est ironique en ces diaboliques histoires, Quincey vécut soixante-quinze ans de ce qui aurait dû le tuer soixante-quinze fois. Il aurait dû tomber dans l’idiotisme. Il pétilla d’esprit — ou du moins de l’esprit qu’il avait — jusqu’à sa dernière heure.
Tel fut Quincey. Plus heureux qu’Edgar Poe, qui mourut du delirium tremens causé par l’opium. Il est vrai qu’il y ajoutait des rations d’eau-de-vie à rouler par terre tout un régiment de postillons désarçonnés ! Quincey fut plus heureux que Poe, mais il fut un homme de moindre organisation, de moindre passion, de moindre intensité. Charles Baudelaire, qui nous a introduit Edgar Poe dans la littérature française (et c’est une bonne introduction), paraît vouloir y introduire cet autre esprit malade de son vice, qu’il nous donne pour plus qu’il ne vaut. Ce qu’il en cite ne vaut, certes ! pas ce qu’il en dit.
Je crois bien, pour mon compte, qu’il a fait de ce poète une poésie, une Fleur du mal nouvelle, dont il nous étale le calice en en forçant un peu les feuilles pour nous le faire mieux voir dans son mystère et dans sa bizarrerie souffrante ! Comme l’impayable amateur de prunes, dans les Caractères de La Bruyère, il ouvre cette prune malade et empoisonnée, la partage, la flaire, et dit : « Quelle chair ! quelle saveur ! goûtez cela ! » Nous l’avons goûtée et nous nous soucions peu de cette reine-claude à l’opium. Otez de ce livre de Quincey, que Baudelaire invente et vante, quelques fragments où le traducteur se sent par-dessus le traduit, par exemple : Les Trois NotreDames de tristesse, dont le développement allégorique est très beau et très poignant, et vous n’avez plus dans ce mangeur d’opium, — qui est plus intéressant quand il parle de lui sans opium que quand il s’en bourre des huit mille gouttes, — vous n’avez plus qu’un humouriste, hâve et déformé, du pays des humouristes noirs. Quincey, lui, n’a pas la force cachée et comique qui éclate à chaque moment chez Baudelaire quand il nous raconte l’effet du haschisch. Les effets se ressemblent beaucoup cependant, mais les hommes diffèrent… Monographe obstiné de l’ivresse, qui doit la peindre dramatiquement après l’avoir scientifiquement décrite, Baudelaire peut en devenir le Hogarth à sa manière ; mais un Hogarth littéraire, plus fort et plus fin que l’autre Hogarth. C’est une organisation d’artiste réfléchie qui sait plonger également dans la rêverie et la réalité à je ne sais combien de brasses, et nous en rapporter parfois des choses effrayantes ou charmantes, inconnues à la lumière des livres communs… Seulement, il n’a besoin de se mettre derrière personne : ni derrière Quincey, ni même derrière Poe. Qu’il soit lui-même ! Nous ne voulons pas plus maintenant de Baudelaire Poe que de Baudelaire Quincey. Nous voulons Baudelaire ! Aurait-il donc pudeur de son originalité ?… C’est cela qui serait original… et même trop !